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83- 26/03/1985 - 2

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Gilles Deleuze - cinéma / pensée cours 83 du 26/03/1985 - 2 Transcription : Mélanie Pétrémont

Si vous considérez, dernier point : si vous considérez l’unité linguistique dans une de ses positions, dans une de ses positions, vous direz : c’est son signifié défait. Donc, le signe linguistique selon Guillaume, est constitué par le signe et son signifié défait, mais voilà que le signe linguistique renvoie à une condition prélinguistique, qui en même temps est un corrélat de la langue, qui n’existe pas en dehors de la langue. Mais qui n’est pas formé linguistiquement, c’est ça qui est important. C’est le corrélat non linguistique du langage.

D’où je dis pour la linguistique, trois conséquences fondamentales, pour cette linguistique, c’est autours de ça que tout va se jouer. Et là aussi si on reprend l’épreuve que ( ?), il me semble que c’est autours des trois questions suivantes que vous devez décider : si vous êtes éventuellement des disciples de Guillaume, ou si vous refusez (...).

Je dis, le premier point important dans cette linguistique, c’est l’affirmation donc, d’une matière préalable, prélinguistique. Et préalable est très mauvais comme terme. Encore une fois ce n’est pas préalable du point de vue de l’existence. Il ne s’agit pas de dire : il y a une matière prélinguistique avant la langue. C’est une préexistence de droit, si bien que c’est un corrélat de la langue. Mais c’est un corrélat, quand le dis c’est un corrélat ça veut dire : en tant que corrélat il n’est pas linguistiquement formé. La langue renvoie à un corrélat qui n’existe pas en dehors d’elle, et qui pourtant par lui-même, en lui-même n’est pas linguistiquement formé. C’est ce qu’on appellera « matière », je dis bien peut-être en soulignant trois fois peut-être (...) est-ce quelque chose comme cela que Hjelmslev veut dire quand il parle de matière. En tous cas c’est ça que veut dire Guillaume lorsqu’il parle de signifié de puissance. Et vous comprenez pourquoi tous les linguistes vont s’opposer à ce point de vue, puisque ce point de vue met gravement en cause la suffisance de la langue et la possibilité de traiter la langue comme un système abstraitement clos. Or la possibilité de traiter la langue comme un système abstraitement clos - ils savent, je veux dire, les linguistes savent très bien que ça n’est pas un système clos concrètement - mais ils réclament les droits de la scientificité, à savoir : traiter son objet comme un système clos, eh bien, tous les linguistes évidemment s’opposeront à ce point de vue, pour y dénoncer le maintien chez Guillaume d’une vieille métaphysique. D’un vieux point de vue métaphysique. Bon, est-ce que ce vieux point de vue métaphysique est simplement un vieux point de vue métaphysique ou une exigence pour une nouvelle linguistique ?

Deuxième point essentiel : tous les linguistes depuis Saussure nous disent : la langue est un système de différence. Vous le savez, je suppose, et c’est même en ce sens qu’elle est un système. On l’a vu, c’est un système de différence au niveau phonématique. Un phonème n’existe quand dans sa différence avec d’autres phonèmes. Pour reprendre mon exemple, B n’existe qu’en rapport avec P dans certaines conditions déterminables. C’est même par là qu’un phonème n’est pas une lettre. De même, système d’opposition du système de différence, au niveau, on l’a vu, de la paradigmatique. Si bien que je cite une phrase célèbre de Saussure : « la plus exacte caractéristique des signes - la plus exacte caractéristique des signes - est d’être ce que les autres ne sont pas ». C’est-à-dire, il ne faut attribuer à un signe que les éléments phoniques ou les éléments sémantiques par lesquels ils se distinguent d’un autre. Bien. Je dis que toute la linguistique à partir de Saussure et chez des linguistes très différents de Saussure, par exemple chez Jakobson, même chez Hjelmslev, il me semble - ça serait plus, c’est peut-être plus compliqué Hjelmslev c’est tellement heu- mais enfin, chez les distributionalistes (...) le thème essentiel c’est que la langue se présente comme un système d’oppositions distinctives, exclusives les unes des autres. Où les termes s’excluent. Un système d’oppositions distinctives et exclusives. Tantôt binaire : pensez aux efforts de Jakobson pour faire des oppositions binaires au niveau des phonèmes. Tantôt multipolaires, peu importe. Mais l’idée que la langue soit un système de différence ça s’interprète le plus souvent chez les linguistes par l’appel aux oppositions distinctives-exclusives. Tout ce que j’ai dit me permet d’aller très vite ; Guillaume à ma connaissance fait là un véritable changement. Bien sûr il y a chez lui des oppositions, bien sûr, bien sûr, bien sûr, mais ça n’est pas ça l’essentiel de la langue. La langue pour lui ça serai quoi ? Si je résume, ce serait un système d’oppositions différentielles-inclusives. Aux oppositions distinctives-exclusives ils substitue des positions différentielles-inclusives. Je reprends mon exemple le plus simple. Prenez l’article indéfini : le mouvement, le signifié de puissance, mouvement de particularisation, l’article indéfini aura toute une série de positions différentielles qui seront les points de vue sur les coupes du mouvement de particularisation, et elles sont inclusives parce que chacune conserve quelque chose des précédentes et préparent quelque chose des suivantes. Et ça, Hortig l’a vu très très bien. Je lis, parce que ça me paraît un des points essentiels- autant c’est très curieux il a pas vu, je ne sais pas pourquoi- l’histoire du signifié de puissance, autant il a très très bien vu ce point. Lorsqu’il dit, au nom de Guillaume : « Il est impossible de ne voir- pages 98-99 du livre d’Hortig, il est impossible de ne voir dans les diverses unités linguistiques que des oppositions de valeurs - est-ce qu’il est allé voir en ( ?) de Saussure - que des oppositions de valeurs, puisque ces valeurs sont définies par les positions qu’elles occupent dans un système hiérarchisé de fonctions. C’est la fin de la phrase qui pour moi ne va pas, c’est pas dans un système hiérarchisé de fonctions, c’est par rapport au signifié de puissance. C’est-à-dire par rapport à la matière prélinguistique. Justement parce que comme il n’a pas voulu tenir compte - mais je sais pourquoi, c’est parce que Hortig est lacanien, c’est pour ça qu’il ne pouvait pas le faire. Il ne pouvait pas tenir compte, il pouvait pas, comme il voulait faire à la fois de Guillaume un élément essentiel dans la pensée symbolique moderne et tenir compte de l’histoire du signifié de puissance. C’est-à-dire il ne pouvait pas être lacanien, voilà. Il voulait être et guillaumiste, et lacanien. C’était son choix, à lui. Quel choix étrange ! Mais enfin, là il a bien vu, mais en fait il ne s’agit pas du tout d’un système hiérarchisé de fonctions, il s’agit d’un ensemble de mouvements de pensée qui constituent des signifiés de puissance ! Mais ça ne fait rien. Il continue à dire : « entre les formes - c’est-à-dire, les formes linguistiques à la Saussure - entre les formes il suffit d’admettre un principe de différence externe ou classificatoire procédant par exclusion réciproque, mais il faut admettre entre les fonctions - traduisez : le point de vue des signifiés de puissance - il faut admettre entre les fonctions un principe de différenciation interne tel que chaque position en système est inclusive de toutes celles qui luis sont subordonnées ». En d’autres termes...ouais, je reprends. Il ne s’agit plus - c’est vraiment du grossier résumé que je fais là - il ne s’agit plus d’une opposition disctinctive-exclusive, d’un système d’opposition distinctive-exclusive, il s’agit, de séries de positions différencielle-inclusives. Il me semble que c’est une linguistique à ce point d’une originalité comprenez que, là à ce niveau vous comprenez, il ne s’agit pas vraiment de discuter, il ne s’agit pas de dire euh quoi... soyez sensibles l’abord à la chose ( ?) autour de ça. Et puis au besoin, d’après vos problèmes, vous vous dites ah ben non : oui, je me sens attiré du côté des oppositions parce que ça me sert. Ça vous sert mieux, ça vous sert mieux pour poser vos propres problèmes. Sentez que là, s’est fait avec Guillaume quelque chose. Qui ensuite n’a pas été à mon avis récupéré par la linguistique ils ont pu en tenir compte, beaucoup de linguistes ont tenu compte de Guillaume, mais l’essentiel c’était la fraicheur de Guillaume, en tant qu’elle était précisément, et qu’elle dépendait de la théorie de signifiés de puissance, à été perdue, et forcément puisqu’elle descendait des signifiés de puissance.

Troisième point qui va être très important pour nous parce que pour moi c’est à ça que je voulais en venir. Et bien vous comprenez, qu’est-ce qui c’est passé, et qu’est-ce que ça veut dire, l’expression qu’on emploie : tantôt sémiotique, tantôt sémiologie ? Et bien ça n’est pas difficile, quand on considère les sémiologues, les sémiologistes, on s’aperçoit que s’il y a une notion dont ils ne parlent pas, c’est celle de signe. Au début on est un peu étonné. Comment des sémiologistes peuvent-ils ne pas parler de signe. Au second moment on est encore plus étonné parce qu’on s’aperçoit qu’ils détestent cette notion. Et qu’ils la déclarent préscientifique. Donc ils ont quelque chose contre très, très profond. Si bien que je dirais provisoirement si vous voulez une définition de la sémiologie, c’est une sémiotique qui ne vous parle pas de signe et qui opère sans signe. Elle le dit elle-même. Puisqu’elle prétend se constituer véritablement comme discipline rigoureuse, à condition de renoncer à la notion de signe. Ceux que ce point intéresse trouveront, il y a un excellent appendice dans le "Dictionnaire de linguistique" de Ducrot et Todoroff au éditions du Seuil. Toute la fin du dictionnaire qui est un appendice assez court, explique pourquoi la sémiologie moderne a réglé son compte à la notion de signe. Et le prend à partir de trois exemples. C’est très scolaire au meilleur sens du mot c’est très clair, ils expliquent premier temps si vous voulez premier temps purement logique mais bon, pour comprendre, bah, la sémiologie se trouvait dans le fait suivant : la fameuse distinction saussurienne signifiant-signifié, le signifiant et le signifié étant les deux faces d’une même réalité linguistique. Deux faces d’une même réalité linguistique. Le signe c’était cet élément biface, signifiant sur signifié. Voilà. La sémiologie s’est développée en s’apercevant que l’équilibre des deux faces était nécessairement instable. Et que ou bien on serait amené à donner la prévalence au signifié et on retomberait dans la pire ancienne métaphysique, ou bien il fallait donner la prévalence au signifiant. Ce qui voulait dire quoi ? Ce qui voulait dire que dans tout signifié subsistait la trace du signifiant. Et que c’est le signifiant qui avait le primat dans le rapport signifiant-signifié. Et très schématisé, d’un point de vue très sommaire, c’est la pensée de Derrida au moment de "La Grammatologie". Faire éclater la notion de signe au profit du signifiant. Et nous menaçait en nous disant que sinon vous serez forcés d’accorder le primat au signifié, et que si vous accordez le primat au signifié, vous retournez à la vieille métaphysique des essences ou de l’intelligible, premier par rapport au langage. Voilà.

Deuxième coup fatal, logiquement, je parle logiquement parce que ce deuxième point peut précéder le premier dans le temps, ce fut le coup de Lacan. Qui cette fois ne posait même pas le problème au niveau du signifiant dans ses rapports avec le signifié, mais posait le problème au niveau de ce qu’il appelait la « chaîne signifiante ». C’était la chaîne signifiante qui allait seule, qui allait largement et qui allait suffire à brise la notion de signe et à rendre la notion de signe radicalement inutile. Dans quelle mesure, dans la mesure célèbre ou Lacan allait interpréter le tiret de la relation signifiant-signifié de Saussure dans ses formules fameuses, où il fallait comprendre ce tiret comme une barre. Donc, la sémiologie serait science de la chaîne signifiante ou la discipline qui s’occupe des chaînes signifiantes, c’est-à-dire, la psychanalyse comme discipline de l’inconscient dans ses rapports avec le langage.

Le troisième stade - vous trouverez des renseignements si ça vous intéresse, sur ce troisième stade¬¬ - ça a été, dépasser encore le signe non plus seulement vers la chaîne signifiante mais vers une notion originale de Julia Kristeva qu’elle présente comme la « signifiance ». Quatrième - oh il y en a sûrement hein, mais ça suffit là - voilà. Alors bon, je dis voyons de l’autre côté. On appelle donc sémiologie, je dis, une discipline qui traite non pas du signe mais du signifiant. Des chaînes signifiantes ou de la signifiance, dans la langue et dans toute espèce de langage. Dès lors, aussi bien les espèces de langages par exemple les langages non verbaux, que la langue, excluront tout ce qu’on peut appeler un signe. Et en effet, si je reviens à Christian Metz, vous trouverez dans le livre "Le langage et le cinéma", une dénonciation explicite de la notion de signe.

J’appelle sémiotique à la suite de Pearse, une discipline qui présente les deux caractères suivants : maintenir le caractère absolument indispensable du signe, deuxième point : engendrer les opérations du langage, je dis bien du langage et pas seulement de la parole, engendrer les déterminations du langage à partir d’une matière non langagière qui implique les signes. Je me sens - mais là c’est comme ça, c’est un sentiment hein, je peux ne pas avoir raison - je me sens tout proche d’une sémiotique et je me sens très loin d’une sémiologie. Ce qui veut dire quoi - alors là on a presque fini hein le difficile - ce qui veut dire quoi ? Je reprends les doutes que j’exprimais sur la sémiologie au niveau du signe. Je disais d’abord, premier doute, la sémiologie cinématographique me paraissait formée sur trois points. J’avais des doutes sur chacun de ces points. Le premier point c’était la narration qu’on nous présentait comme un fait, à quoi il me semblait que la narration n’était jamais un fait, ça n’était ni une donnée de l’image ni l’effet d’une structure sous l’image. Mais c’était le résultat - vous voyez que là je tiens des promesses sémiotiques, c’était uniquement le résultat d’un procès affectant les images et les signes. Procès de spécification, mouvement de spécification. Moi j’ai pas besoin de reprendre les mouvements de Guillaume qui étaient déterminés en fonction de la grammaire. Si je m’occupe de cinéma, il faut évidemment trouver de tout autres mouvements. Je dis le premier mouvement des images, c’est le mouvement de la spécification de l’image-mouvement. Et on l’a vu, le procès de spécification de l’image-mouvement constitue trois espèces d’images-mouvement : image-perception ; image-affection ; image-action. Je n’ai absolument rien de narratif là-dedans. J’obtiens de la narration lorsque je combine ( ?). Si j’entre une loi qui est la loi du schème sensori-moteur, c’est trois espèces d’images. Donc vous voyez, là je me sens très disciple de Guillaume, je dis exactement, il y a un procès de spécification. Qui agite les images, pure matière-mouvement, c’est une matière-mouvment, qui nous donne les trois sortes d’images et qui constituent précisément un procès non linguistiquement formé et pourtant, c’est pleinement le premier étage de la sémiotique. Le procès de spécification de l’image-mouvement en trois espèces d’images et non-linguistiquement formé, bien qu’il soit cinématographiquement parfaitement formé. Deuxième point : peut-on assimiler comme le fait la sémiologie, l’image cinématographique à un énoncé ? Non, enfin, mes troubles viennent de ceci, c’est que si on l’assimile à un énoncé c’est un énoncé analogique. Or, on ne peut assimiler l’image cinématographique à un énoncé analogique qui si on en a déjà mis entre parenthèse le mouvement. En fait l’image cinématographique à ce second niveau est inséparable d’un procès qu’on a vu être celui de la différenciation et de l’intégration. Procès très différent de celui de la spécification. Le procès de la spécification, vous vous rappelez, c’était encore une fois ( ?), la spécification de l’image-mouvement en trois sortes d’images principales. Le procès de la différenciation-intégration, c’est le double aspect de l’image-mouvement en tant que d’une part, elle renvoie à un tout dont elle exprime le changement - intégration - elle renvoie à un tout, deuxièmement, le mouvement s’y distribue, s’y répartit entre les objets cadrés dans l’image. C’est la différenciation. Les deux ne cessent de communiquer, de faire un circuit, en quel sens ? En ce sens que l’enchainement des images spécifiées, voyez : je reviens à mon premier procès, les images spécifiées en trois sortes d’images, un enchainement des images spécifiées ne se fait pas sans que les images ainsi enchainées s’intériorisent dans un tout en même temps que le tout s’extériorise dans les images. Je peux dire que mon second procès, mon second processus de différenciation-intégration s’enchaîne directement avec le premier. Pour l’image-temps, si je parlais du temps maintenant, je reprendrais - mais évidemment ça ne serait pas les mêmes procès que pour ceux de Guillaume - . Et là je vais très vite, dans ce cas je distinguerais deux procès concernant les images, leur matière, leur rapports. Un procès de sériation du temps, on l’a vu, la série du temps, et un procès d’ordination du temps, des rapports de temps. La coexistence des rapports de temps. Je dis bien : ces deux procès n’ont rien de langagier ! Ils constituent - en réagissant sur les images cinématographiques - ils constituent les signes du temps, comme tout-à-l’heure, j’avais des signes du mouvement. En d’autres termes, l’ensemble de ces procès, et jeux des images et des signes qui en découlent, ne sont en rien un langage. Pas plus qu’une langue. C’est quoi alors ? C’est pour ça que j’en avais tellement besoin, c’est le corrélat non linguistiquement formé de tout langage et toute langue possible. C’est la matière de Hjelmslev, la matière non linguistiquement formée. C’est le signifié de puissance de Guillaume, c’est pour cela que j’avais besoin de cette longue analyse. Pour mon compte c’est ce que j’appellerais l’ « énonçable ». Ce ne sont pas des énoncés, c’est l’énonçable comme matière. C’est l’objet de la sémiotique pure. La sémiotique pure opère avec des images, des signes, et des procès non langagiers qui déterminent ces images et ces signes. Par-là, elles forment un énonçable, l’énonçable ne parle ni de la langue, ni du langage, c’est le corrélat idéel de tout langage. Ce n’est pas un processus langagier, les processus langagiers nous avons vu ce que c’était ; c’est notamment syntagme et paradigme. Syntagmatique et paradigmatique. Les procès dont j’ai parlé de spécification de différenciation-intégration, de sériation, d’ordination, n’ont rien à voir, ce ne sont pas des procès langagiers. Dans la sémiologie, je ne peux pas comprendre comment ils sortent de ce qui me paraissait un cercle vicieux, c’est-à-dire vous dire l’image cinématographique est un énoncé parce qu’elle est soumise aux processus langagiers du syntagme et du paradigme et nous dire en même temps, elle est soumise au processus langagier du syntagme et du paradigme, parce qu’elle est un énoncé. Pour moi l’image cinématographique n’est pas un énoncé mais un énonçable, la différence est immense, pour moi l’image cinématograhique n’est pas soumise au processus langagier du syntagme et du paradigme. Elle est déterminée par et dans, elle est déterminée sémiotiquement, et non linguistiquement par la liste des procès non langagiers que je viens de rappeler. C’est dans ce sens que je suis partisan d’une sémiotique anti-sémiologique. Euh, je ne dis en rien avoir raison, il me suffirait largement que vous me disiez si vous comprenez la différence des deux points de vue. Si l’on me dit- ce qui est un honneur - si l’on me dit que je maintiens, avec cette conception d’énonçable, une vieille métaphysique, je dis : mais voyons donc ! c’est un honneur (rires dans la salle) ! J’ajoute juste que j’aimerais que vous soyez sensibles à ce qu’il y a de bergsonien dans tout ça car cette matière est linguistique et pourtant relative au langage répond tout-à-fait au mouvement et à la temporalité telle que la définissait Bergson, c’est-à-dire, une espèce de mouvement-pensée ou de procès de pensée sur lequel on prend des vues instantanées, ce par quoi Guillaume restait très bergsonien.

Enfin je termine là-dessus : oui ! Vous comprenez du coup, on a une position très gaie, vous avez fini, tout le difficile est fini ! Là, nous on a changé tout, vous voyez ce que je veux dire, on a changé tout parce que, là où les autres étaient dans le difficile, ou plutôt, là où les autres étaient dans le facile, nous on était dans le difficile. Ça arrive tout le temps ça. Mais maintenant, là où ils vont être dans le difficile, maintenant ça va être pour nous absolument facile ! Qu’est-ce qui va être facile pour nous ? Faut pas exagérer ! Avec la sémiotique pure qui parle de tout ce que vous voulez sauf de langue et de langage, c’est quant même un peu gênant, on parle des conditions non linguistiquement formées de toute langue et langage. Donc on fait les prolégomènes à toute linguistique. C’est Hjelmslev qui l’a réussi. Bon, mais alors qu’est-ce qu’on va faire du langage, c’est embêtant parce qu’à la limite, la matière pré-linguistique devrait nous suffire amplement ! ben non, il faut bien que l’énonçable soit énoncé. Évidemment. J’appelle « langage », tout énoncé. Ou toute énonciation dont l’objet est ou tout, ou partie de l’énonçable. L’énonçable, vous me l’accordez, ne se rapporte et n’est assimilable - ce que nous avons appelé l’énonçable, j’espère que vous le saisissez¬ - n’est assimilable ni à l’objet sur lequel porte n’énoncé, ni au signifié de l’énoncé, ni au signifiant de l’énoncé, on a notre petit domaine. Bon, et bien notre problème, c’est évidemment l’énonçable va être saisi dans des axes d’énonciation. Comment concevoir l’acte dénonciation pour qu’il exprime de l’énonçable ? Ou plus simplement, disons, je dirais là presque se valant pour le moment, acte de langage, ou si vous préférez acte de parole. Quel est le rôle des actes de langage et des actes de parole ? Eh bien il faut le voir, c’est pas par hasard que les sémioticiens, ils distinguaient, ils en faisaient un code à part de l’audiovisuel, pour nous pas du tout ! C’est pas un code à part ! On appellera énoncé proprement cinématographique tout acte, tout acte de parole qui vise un énonçable, c’est-à-dire, un enchainement d’images, une, une image ou un enchainement d’images prélevé sur les procès ou les processus précédemment définis. Inutile de dire que le cinéma muet et non moins que le parlant, présente des actes de langage. Il n’y a pas de cinéma sans actes de langage. Il est évident que du muet au parlant il risque d’y avoir de sérieuses transformations dans le statut des actes de langage. Mais c’est pas avec le parlant que surgissent des actes de langage proprement cinématographiques en d’autres termes, il y a des énoncés proprement cinématographiques qui ne se ramènent ni à des énoncés littéraires, ni à des énoncés de théâtre, ni à des...n’importe quoi. Donc notre tâche à partir de maintenant, c’est pour ça qu’on avait bien distingué que cette partie on l’étudierait sous deux aspects, c’est le deuxième aspect. Qu’est-ce qu’un énoncé cinématographique, quel est sont rapport avec la matière, avec l’image-mouvement ou l’image temps dont on vient de parler, quel est son rapport avec les procès non langagiers, les processus non langagiers dont nous venons de parler. Si bien que nous sommes en mesure de commencer l’étude des énoncés cinématographiques tant du point de vue du muet et du parlant. Bon tout ça était difficile, on a fini avec le difficile-

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