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84- 16/04/1985 - 2
gilles Deleuze- cinéma/pensée cours 84 du 16/04/1985 - 2 Transcription Anselme Chapoy-Favier Vous rappelez-vous que, avant Pâques, on avait engagé une partie très générale sur le cinéma et le langage ?
Et cette partie se divisait en deux :
[remarque inaudible d’un élève] Ah bon ? Il y en avait beaucoup qui n’étaient pas là ? Y en avait qu’un ? Bon alors je vais... Mais ça va aller tout seul, oui, parce que ceux qui étaient pas là, peuvent pas savoir et ceux qui étaient là peuvent pas se rappeler puisque...[rires] donc tout va bien...
Je disais : voilà, voilà ce qui se passe...
Mais nous partions, donc là - rien que pour toi - nous partions d’un point de vue très élémentaire, à savoir, qu’est ce qui se passe ? comment se fait la répartition dans le muet ?
Car encore une fois, le muet n’a jamais été « muet » comme cela a été dit plusieurs fois. Le muet n’a jamais été muet, puisque les gens, les personnes sur l’image dite muette, ne cessent pas de parler ; simplement on n’entend pas ce qu’ils disent.
Bon. Mais ça, ça implique quand même une certaine distribution de l’image.
Et il faut que vous l’ayez présent, bien présentes à l’esprit parce que sinon, comme ce qu’on a à faire est très, semble assez...- je vous promettais que ça ne serait plus difficile et en effet ça l’est plus difficile. Mais ça exige que l’on progresse petit à petit. Et puis il y a pour moi des points encore si confus que vous corrigerez de vous-même.
Je dis, dans le cas du muet, vous avez bien deux images, mais quelles sont ces deux images ?
Ces deux images sont visuelles. Je peux dire en gros : il n’y a pas d’image audiovisuelle. Objection immédiate que vous me ferez : dès le muet, il y a des commentaires ou le plus souvent : musique. D’accord. D’accord. Extérieurs à l’image. Il y avait un commentateur parfois, pas toujours, et plus souvent encore, il y avait une présence musicale, soit improvisée par un pianiste, soit même programmée ; mais, comme on dit, ça ne "venait" pas de l’image. Je dis que l’image pour elle même, nous présentait une image vue et une image lue ; ces deux images étaient visuelles. Elles étaient visuelles en quel sens ? Il y avait deux sortes d’images visuelles : l’image vue et l’image lue, une fois dit, que voir et lire constituent deux fonctions de l’œil. Je dis pas du tout que ce soient les seules, mais j’essaye d’ouvrir vers nos problèmes futurs : les fonctions de l’œil, ce serait intéressant de faire la liste des fonctions de l’œil. Il y a bien autre chose que voir et lire. Par exemple la voyance, si ce nom a un sens... Être un voyant, ce n’est ni voir ni lire, c’est encore autre chose hein ? Mais pour le muet, on reste comme ça : une image vue et une image lue. L’image vue, je dis, elle correspond en gros à ce que Benveniste appelle le récit. Je reviens pas sur mon problème de la narration au cinéma hein, tout ça, - je parle très très.. le plus simplement possible-, c’est pas du tout que je change d’avis, c’est que là je parle au plus simple ; je dis l’image vue nous présente un récit, une histoire. Sur le mode du « il », de la troisième personne, qui... [A partir de là va s’engager une discussion avec l’intervention peu compréhensible d’une étudiante qui engendrera une discussion avec d’autres étudiants après le départ de l’étudiante. Beaucoup de passages sont inaudibles ou peu compréhensibles] [Intervention d’une élève : [Inaudible]...vous parlez encore...]
C’est bon, c’est bon. Vous vous mettez là... Mais non, mais non, je ne vais pas là ! Je ne vais pas là... Heu, je vous demande de ne pas rire parce que je sens que quelque chose se passe... Mais oui, ça c’est vos responsabilités, la sémiotique pure ! Ouais. Je vais parler ici. Ouais... Oui si vous me laissez... Oui, mais lâchez mes épaules [rires] Mais oui ! Mais oui ! Appuyez-vous là, vous serez beaucoup mieux ! Mais non, non je ne veux pas votre place On va changer, on va changer.. Non, non je ne veux pas votre place ! Bon, alors vous vous mettez là, vous vous asseyez là. Vous vous asseyez là et [inaudible]. Vous avez une idée ? Oui, j’ai une idée.
[On entend l’étudiante partir, Deleuze reprend face au reste des étudiants ] Je m’excuse auprès de vous mais vous savez, il y a eu un temps, quand Paris 8 était à Vincennes, ou ce type, - certains d’entre vous le savent et l’ont vécu - ce type de ...Il y avait deux types d’intervention ; une intervention brutale mais très raisonnable, et un type d’intervention [inaudible] de malade...[Inaudible] avec beaucoup d’habileté... En vieillissant, m’est venu tellement de pitié. Pas une pitié offensante, tellement de pitié que je me sens presque désarmé... Je croyais que c’était fini, que ça n’arrivait plus... Je dirais que la question de l’hospitalisation est toujours quelque chose de très très délicat. Et il y a des cas où, - je sais qu’il y a des cas où - seule l’hospitalisation est bonne... J’espère que... J’espère que ce n’est pas... Que le cas de cette demoiselle n’est pas là, mais j’ai des inquiétudes que ce soit vraiment l’aspect d’une petite bouffée délirante. Alors pour tout vous avouer, parce que là je vous dois des explications, elle a débarqué chez moi cette semaine dans des positions du même type... Donc, elle est en état... Elle est en état de crise... Personne ne la connait ici ? je l’ai vu quelquefois
Seulement oui, il n’ y a qu’un inconvénient, c’est que cette tâche est celle d’un psychanalyste. Alors même à supposer que le sentiment que tu dis soit partagé par une partie d’entre vous, ça n’empêche pas que cette salle est moyennement normale. [intervention d’une autre étudiante] [Inaudible] C’est quelqu’un [inaudible] sentimental [inaudible] passionnée. [Inaudible] tu as parlé d’amour [inaudible] Il me semble qu’elle est sujette à des crises par rapport à ce qu’elle était avant où elle avait simplement une espèce d’exaltation philosophique. Oui oui exactement. Non, il y a un seuil qu’elle a franchi... Alors moi je crois pas beaucoup qu’il soit [inaudible] vous ôter tout sens péjoratif à ce que je dis parce que, quel que soit le mot, même dans les scènes d’hystérie, la théâtralisation, ça explique très peu de chose. Je déteste ça, ça me remet dix, quinze ans en arrière. Bon, et bien... Reprenons. J’ai peur qu’elle fasse quelque chose. Je veux dire, ça me paraît plus un trouble dans les comportements d’action, qu’un trouble d’idées... enfin je sais pas, j’en sais rien...Oh la la ! Bon. Alors là dessus, je sais plus ce que je voulais dire, moi. Vous avez l’image vue, l’image lue, et c’est le domaine des images visuelles dans le cinéma muet. J’ajoutais donc, l’image vue, assimilons là en gros, au niveau visuel, à ce que Benveniste dans ses études linguistiques appelle « le récit ». En effet, elle se fait à la troisième personne ; elle nous présente des évènements. Vous sentez, c’est tout simple, c’est une mise en... L’intertitre, l’image lue, lui, il renverrait à ce que dans sa linguistique, Benveniste appelle le discours, par distinction avec le récit. Un acte de parole est lue. Ce n’est plus le domaine de la troisième personne « il ». Vous voyez, l’acte de parole, selon Benveniste, implique les deux premières personnes qui sont les seules vraies personnes. « Il » est une fausse personne selon Benveniste, -c’est très, heu...- on verra en effet, Benveniste a toujours fait une linguistique qu’on pourrait appeler personnaliste ou personnologique, - vous voyez les deux seules vraies personnes, c’est « je » et « tu ». Et si le discours se distingue du récit, c’est parce que le discours met en présence un « je » et un « tu », qui s’expriment, là, par exemple, comme elle disait, sous la forme « je t’aime » ou « je vais te tuer ». J’ajoute que - et on l’a vu - que l’intertitre a beau marquer, par exemple « je t’aime » ou nous faire lire « je t’aime » ou « je vais te tuer », le fait qu’il soit lu et non pas entendu a de grandes conséquences ; à savoir : nous le lisons comme si le fait que nous le lisions, le fait tendre déjà vers un discours indirect. Je ne dis pas, m’étant servi souvent de cette fonction, - surtout pas de cette notion - je ne dis surtout pas un discours indirect libre. Je dis « un discours indirect » au sens classique du terme : discours indirect. Quand je lis l’intertitre « je vais te tuer », je le lis sous la forme « il dit qu’il va la tuer, ou le tuer. » C’est-à-dire qu’il n’y a pas de discours indirect ordinaire. Benveniste, là aussi, si je m’accroche à lui un instant, a très bien prévu cette situation et montre comment le discours indirect (par différence avec le discours qui lui, met directement en relation « je/tu ») - le discours indirect - est comme une projection du discours vers ou sur le récit mais n’en garde pas moins son appartenance au discours ; il appartient au discours ; simplement il prend une forme où le discours devient combinable avec le récit ; le discours indirect, ce serait précisément cette fonction d’intégration du discours dans le récit... Tout ça est relativement clair. Je vous disais, dès lors, le problème du muet, - et surtout, ça, il ne faut pas le négliger, parce que, quand on se trouvera dans le cinéma moderne, on retrouvera ça , c’est : assurer l’entrelacement des deux images visuelles ; il n’y a pas d’image audiovisuelle dans le muet ; si l’on laisse de côté pour le moment le problème du cinéma, de la musique d’accompagnement ; et la musique encore une fois, on ne pourra l’aborder que plus tard. Donc, il n’y a pas d’image audiovisuelle.
Première manière : assurer de véritables blocs vu/lu ; et ce fut, il me semble, la grande manière soviétique, d’abord avec Vertov, ensuite avec Eisenstein ; et sur ce point Vertov a raison, je crois... On peut considérer que Eisenstein lui a pris quelque chose, à savoir : cette manière dont Vertov réussissait, au début de son œuvre, de véritables blocs images vues/images lues. Ça peut s’accompagner de recherches graphiques très poussées, ou relativement poussées ; par exemple, l’intertitre traitant sur fond liquide, lettre déformée, lettre grossissant, lettre diminuant... Prenez, je rappelle une fois de plus, l’exemple de Eisenstein : « frères frères » dans "Octobre" où « frères frères frères » est écrit de plus en plus gros. Je rappelais que les cartons de Griffith, si Griffith éprouvait le besoin de signer ses propres cartons c’est que, pas seulement il attachait de l’importance au contenu, il y avait une recherche graphique très importante chez Griffith. Deuxième manière d’assurer l’entrelacement : ce sont des injections. On fera des injections d’écrits dans l’image lue, dans l’image vue, pardon ! On fera des injections scripturales, des injections d’écrits dans l’image vue, par exemple, un cimetière avec des croix qui comportent - comment on appelle ça ? Enfin, vous voyez, quoi...- Des inscriptions ; avec des croix qui comportent des inscriptions. Ou bien, une lettre. Là, vous voyez que le cas est plus compliquée mais que cette fois-ci, sur la même image c’est une seule et même image visuelle avec deux sortes d’éléments : des éléments vus et des éléments lus, des éléments scripturaux. Voilà, sur ce point même, - je concevrai toutes sortes de développements sur ces entrelacements et... Mais je vais vous citer un exemple, et un des meilleurs exemples, chez Buster Keaton. Je me demande même si chez Buster Keaton c’est pas très fréquent, c’est très très fréquent par exemple, prenez dans le burlesque...c’est très fréquent qu’une affiche arrive dans l’image vue... Ou bien, pensez aux intérieurs, tout le problème des intérieurs dans le cinéma muet. Des intérieurs pour présenter, en effet des calendriers qui sont à lire ; ou bien des légendes qui sont à lire. je citais l’exemple des "Lois de l’hospitalité" de Buster Keaton. Voilà. Ça c’est mon point de départ. D’où la question éclate, - je veux dire la question que je voulais faire éclater - c’est : bon, qu’est ce qui se passe quand l’acte de parole n’est plus lu mais entendu ? Je définirai le parlant (de la manière la plus rudimentaire) sous la forme : l’acte de parole cesse d’être lu et est entendu. On a envie de dire immédiatement : à, c’est tout simple ce qui se passe : l’image devient audiovisuelle. A mon avis, absolument pas ; l’image cinématographique au premier stade du parlant n’est pas une image audiovisuelle. Pourquoi ? Si j’essaie même, pardon, d’éclaircir pour rendre pour vous les choses un peu plus faciles ; à mon avis le cinéma ne deviendra audiovisuel que bien après, et, sous l’influence de la télévision. C’est la télévision qui rendra possible une image audiovisuelle. C’est pour ça que pour moi, la coupure la plus importante, pour moi et pour beaucoup d’autres, la coupure la plus importante dans le cinéma, n’est pas le parlant. La grande coupure, c’est l’après-guerre et comme par hasard, elle coïncide avec l’avènement de la télévision. On laisse de côté pour le moment en quoi l’image télévision serait une image audiovisuelle. Ce que je remarque déjà, c’est que, pour moi, les rapports cinéma/télévision sont tout simples, on les retrouvera, on les rencontrera plus tard ; donc, je m’avance là pour fixer des idées. On les rencontrera plus tard sous quelle forme ? On parle toujours d’une espèce de crise : la télévision qui a tué le cinéma ou qui est en train de tuer le cinéma. Ça me parait vrai et ça me parait faux. Pour moi, le schéma est un peu plus compliqué : c’est que la télévision avait la puissance, a apporté la puissance d’une image audiovisuelle. Seulement cette puissance dans sa nullité profonde et dans son élimination de tous les gens qui avaient quelque chose à dire à la télévision, c’est-à-dire un moyen vraiment de se servir de la télévision ; donc dans sa nullité profonde qui a des raisons, il y a des raisons ; on n’a jamais pu effectuer cette puissance. L’audiovisuel c’était la puissance de la télévision ; elle ne l’a jamais réalisée. Quand je dis « jamais », j’exagère...supposons qu’elle l’ait rarement réalisée. En revanche, le cinéma a saisi dans la télévision une puissance dont il n’avait pas eu l’idée et que, lui, allait se charger de réaliser. Lui, dans le second stade du parlant il accéderait à une image audiovisuelle ; que la télévision inspirait mais que la télévision était incapable de remplir elle-même, de fournir elle-même. Si bien que les grands cinéastes d’après-guerre seront hantés par la télévision. Et si la télévision est ce qu’elle est aujourd’hui, si elle est en train de tuer le cinéma, c’est pour une raison très simple : c’est parce qu’un barrage fondamental s’est formé, qui a empêché les grands auteurs de cinéma de faire de la télévision. Mais si vous prenez les grands auteurs de cinéma d’après-guerre, tous, tous, à ma connaissance, sont hantés par la télévision. Pourquoi ? C’est parce qu’ils découvrent grâce à la télévision la possibilité d’une image audiovisuelle ; la télévision n’arrive pas à la faire, eux cinéastes, ils savent la faire. Et ils trouveraient très normal d’en rendre l’hommage à la télévision puisque c’est là qu’elle se fait le mieux. Je cite quelques noms, dans ce qui est important, depuis la Guerre : Welles, Hitchcock, Rossellini, Godard, les Straub, toute leur œuvre... Je ne dis pas que toute leur œuvre soit faite pour la télévision mais toute leur œuvre est faite avec un regard tourné vers la télévision. Il faudra bien se demander, on rencontrera ce problème, comment expliquer, par exemple, que la fin de l’œuvre de Rossellini soit une œuvre en grande partie télévisuelle ? Donc, je suppose, vous voyez, qu’il ne suffit pas que le cinéma soit parlant pour devenir audiovisuel. Le cinéma deviendra audiovisuel dans des rapports complexes avec la télévision, à mon avis, après la Guerre. Mais il sera parlant, il aura été parlant depuis longtemps. Et quand le cinéma sonore ou parlant s’établit, pourquoi est-ce-que l’image ne devient pas par-là-même audiovisuelle ? Le son est entendu ; la parole est entendue. D’accord. Mais à quel titre ? Elle est entendue - et je ne dis pas encore pour le moment qu’elle soit vue, du moins pas encore, je ne le dis pas encore -je dis qu’elle est entendue mais elle est entendue comme une composante spécifique de l’image visuelle. Elle est entendue dans l’image visuelle, comme une composante spécifique de cette image. Elle n’est pas entendue comme une image sonore. Elle n’est pas entendue comme une image sonore de telle manière qu’on pourrait distinguer image sonore/image visuelle, elle est entendue comme une composante spécifique de l’image visuelle. C’est-à-dire comme une nouvelle dimension. Et comprenez bien, en tant qu’entendue en tant qu’elle est entendue, ou plutôt en tant qu’il est entendu, le sonore, le parlant apparaissent comme une dimension spécifique de l’image visuelle. [Question inaudible d’un étudiant] Oui, pardon, oui, ce sera pour plus tard, si je le dis maintenant comme on est. Je fais des avances, tantôt j’ai raison, tantôt j’ai tort parce que ça engage...oui... Ce sera un problème : en quoi l’image télé est une image audiovisuelle et pas l’image cinématographique ? cCest un problème ça, vous avez tout à fait raison de dire qu’il faudra le résoudre, faudra dire en quoi... Alors je dis : « l’image sonore en tant qu’entendue est une dimension spécifique ou une composante de l’image visuelle » ; c’est-à-dire une nouvelle composante ; elle n’existait pas avant. Pourquoi ? C’est que, comme le dit très bien Balázs, -(qui est un grand critique des débuts du parlant)- comme le dit très bien Balázs , c’est à ce stade, il ne prévoit pas l’autre stade, avec le parlant il n’y a pas d’image sonore. On ne peut absolument pas parler d’une image sonore ; le micro n’est pas du tout un appareil à images ; il n’y a pas du tout une image sonore... On fait entendre - le micro fait entendre - une voix : ce n’est pas une image sonore. Le micro n’est pas du tout à l’oreille ce que la caméra ou même l’écran est à l’œil. Le micro va mettre la composante sonore ou parlante dans l’image visuelle ; vous voyez, il ne va jamais constituer une image sonore distincte de l’image visuelle ; vous entendez ce que disent les gens que vous voyez. Ne me faites pas encore l’objection : « et le hors-champs ? ». Là vous sentez tout de suite ce que je répondrai à l’objection, mais là aussi, je ne vais pouvoir le développer que plus tard ; mais le hors-champs, faut pas se faire d’illusion, c’est évident que c’est une dépendance de l’image visuelle. Le hors-champs est une appartenance, une dépendance de l’image visuelle. Donc, même si j’invoquais déjà, -ce qui est trop tôt pour mon analyse,- même si j’invoquais déjà l’existence de sons et de paroles hors-champs, ça ne changerait absolument rien au problème ; le sonore, le parlant sont entendus comme composantes de l’image visuelle. Qu’est ce que ça veut dire ça ? Et bien ça veut dire que - et ça ne vaut que s’ils nous font voir quelque chose ; il faut que le parlant fasse voir en tant qu’entendu... je dis pas encore qu’il est lui-même vu... J’ajoute que plus tard j’essaierai de montrer que le parlant, en fait, est vu, que la parole est vue, que le sonore est vu mais pour le moment ce n’est pas mon objet. Je dis en tant qu’entendus le parlant et le sonore étant composantes spécifiques de l’image visuelle, donc nouvelle composante, nouvelle dimension de l’image visuelle, doivent nous faire voir quelque chose dans cette image. Et qu’est-ce- qu’il va nous faire voir ? Là j’avance pour donner tout de suite mon schéma... Ce qu’il va nous faire voir, ça va nous donner bien du souci. Qu’est-ce-que le parlant ? Qu’est-ce-que le fait du sonore et du parlant nous fait voir dans l’image visuelle que nous ne pouvions pas voir dans le muet ? Il fait voir quelque chose qui n’apparaissait pas librement dans le muet. Ou si vous préférez, si vous vous rappelez notre analyse de l’image muette, tout se passe comme si l’image vue sous l’action du sonore et du parlant était en quelque sorte dénaturalisée. Quelle sera la conséquence ? Dans la mesure où le sonore et le parlant nous fait voir quelque chose, à supposer que ce soit vrai, -je n’ai encore rien justifié de tout ça- à supposer que le sonore et le parlant, comme composantes spécifiques de l’image visuelle, nous fasse voir quelque chose dans l’image visuelle ; il faudra dire inversement, que l’image visuelle tend de plus en plus, en tant que visuelle, à être lisible. Ce que le parlant va me faire voir dans l’image visuelle c’est quelque chose de lisible ; l’image visuelle va tendre à devenir lisible pour son compte. Là j’ai besoin, du coup, d’un petit schéma, parce que c’est c’est ça qui m’intéresse ; [bruit de craies] si je mets là ma situation visuelle, j’ai : image vue/image lue mais ce sont deux images. Situation du parlant : ce n’était pas une image sonore, encore une fois je ne vois pas une image sonore [inaudible], je vois une composante auditive entendue, -une composante auditive- de l’image... de l’image visuelle. À titre de composante auditive de l’image visuelle, le sonore et le parlant me fait voir quelque chose dans l’image. Inversement, à mesure que la composante auditive de l’image visuelle me fait voir quelque chose dans l’image visuelle, l’image visuelle tend à devenir lisible pour son compte... En tant que vue ! L’acte de parole, en tant qu’entendu, - j’insiste sur le « en tant qu’entendu » qui est essentiel -, l’acte de parole en tant qu’entendu, me fait voir quelque chose dans l’image visuelle ; laquelle image visuelle dès lors, tend a devenir lisible en tant que visuelle. Tandis que tout à l’heure, dans le muet, l’image lue et l’image vue, (l’image lisible et l’image visuelle) c’était deux images distinctes. Là ce sera en tant qu’image visuelle qu’elle tend à être lue ; et ce sera en tant qu’entendue, que la composante auditive fait voir quelque chose dans l’image visuelle mais ce qu’elle fait voir dans l’image visuelle, ça va être en même temps le mouvement par lequel l’image visuelle tend à devenir lisible. Lisible en tant que vue. Je dirais logiquement, je me censure de mon...mais c’est pour ça que j’ai voulu placer ce schéma...je sais pas si c’est intelligible ou complètement inintelligible, on le laisse comme ça. Vous comprenez un peu ou pas du tout ? Je veux dire, pas comprendre au sens de me donner raison, mais comprendre au sens de... On va voir puisqu’on va passer à du concret. J’y reviendrai. Bien. Admettons. Le micro ne constitue pas une image sonore. Ça c’est acquis. Bon. Mais le parlant et le sonore avec le micro forment une composante auditive de l’image visuelle et, à ce titre, me fait voir quelque chose dans l’image visuelle. Encore une fois, c’est ce quelque chose, voyez, c’est une circulation parfaitement... Conceptuellement il me semble que ça tient. Ah oui c’est l’essentiel, je pourrais m’arrêter là... Et parallèlement, ce qui est ainsi vu dans l’image visuelle, sous l’effet de l’acte de parole, va entrainer l’image visuelle à devenir lisible en tant que visuelle. Voyez la différence énorme avec le cinéma muet, où, encore une fois la lecture s’adressait à l’image lue par différence avec l’image vue, tandis que là c’est l’image vue qui va tenir... Qui va tendre pour son compte à devenir lisible. D’où ce paradoxe d’une image lisible en tant que visuelle. Donc je dirais : « du muet aux premiers stades du parlant, il y a une redistribution totale. » |
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