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69-13/11/1984 - 1

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Gilles Deleuze - cinéma et pensée cours 69 du 13/11/1984 - 1 transcription : Julien Denoual

Deleuze : D’une part, certains d’entre vous m’ont demandé de revenir sur des points précis et d’une chose. Autre chose : je n’étais pas content du tout de moi la dernière fois, parce qu’à la faveur d’un emportement, j’ai tout mélangé. J’ai mélangé beaucoup trop de choses. Ce n’est pas que je ne vous fais pas confiance pour les séparer. Mais, je me dis qu’il n’y a pas de raison pour qu’après cela vous ne vous disiez pas que Kant et Robbe-Grillet c’est la même chose. Et pire encore. Alors, je voudrais aussi remettre un peu d’ordre. Et puis, je voudrais avancer. Et si vous en avez la patience faire juste aujourd’hui dans notre avancée, un tout petit peu de mathématiques. Pas beaucoup, puisque je suis comme vous. Un peu de mathématiques dont j’aurai très besoin pour l’avenir. Ce sera donc une séance austère et variée. Voilà !

Première chose sur laquelle on m’a demandé de revenir. Et là, je voudrais être très rapide. C’est lorsque j’ai posé le problème qui doit occuper notre année, où je disais très rapidement : la pensée a toujours présupposé une image de la pensée qui précédait toute méthode c’est-à-dire qui préexistait à toute démarche explicite de la pensée. Elle présuppose sa propre image. Et je disais que notre problème c’est vraiment :
-  dans quelles conditions se fait et sous quelle forme peut se faire, une rencontre entre l’image automatique et l’image de la pensée ? Une fois dit que "image automatique" me paraissait la définition la plus générale de l’image de cinéma.

Et c’est à ce niveau que pour traiter notre question : les rapports pensée et cinéma, je disais : il s’agit de savoir : comment se rencontrent l’image automatique et l’image de la pensée ? Et on était parti là-dessus. La question - un peu de lumière ? La question sur laquelle je voudrais revenir très vite c’est : en quoi toute méthode, tout exercice explicite de la pensée, présuppose une image de la pensée ? Je disais que l’image de la pensée qui est présupposée c’est ce qu’on pourrait appeler, en empruntant le mot à Bakhtine, un chronotope, c’est-à-dire un espace-temps.

Tout ce que je veux vous dire, c’est ceci : la méthode, toute méthode de penser en tant qu’elle guide la démarche de la pensée, a deux aspects :
-  Un aspect spatial
-  et un aspect temporel.

Sous son aspect temporel, elle distribue l’avant et l’après. Dans quel temps ? Ça, c’est déjà trop dire... D’après quel temps ? Tout le monde sait que les temps sont infiniment variables. Ça n’empêche pas qu’une méthode distribuera dans un temps égal = x ce qui par rapport à ce temps vient avant et vient après. Et dans toutes les méthodes, vous retrouvez ce problème. Je cite, par exemple : Ce problème même trouvera sa spécification, son nom, sous l’appellation générale de : "un ordre des raisons". Ce qui veut bien dire q ue ça n’est pas forcément un avant et un après chronologique. C’est l’ordre des raisons.
-  Et la première définition de la méthode, c’est que la méthode est un ordre des raisons. Et que ne vous échappe pas que chez les philosophes, [dire qu’ils n’ont pas] la même méthode, cela veut dire qu’ils n’ont pas le même ordre des raisons. Ce n’est même pas dire qu’ils n’ont pas les mêmes raisons. Avant d’avoir ou pas les mêmes raisons, ils n’ont pas le même ordre des raisons. Par exemple, ils ne commencent pas pareil. La question de « par où commencer ? » en philosophie a toujours été une question sacrée. « Par quoi commençai-je ? » « Par quoi commencer ? ». Alrs bon ! Là-dessus, on nous dit que les philosophes comme ils ne sont jamais d’accord les uns avec les autres, ils varient. Les uns nous disent ceci, les autres nous disent cela. Cette vision de l’histoire de la philosophie est extrêmement triste, sombre, lugubre. C’est pas sûr. Parce qu’on oublie la question : « mais d’où viennent de telles différences ? ». Pourquoi est-ce qu’on oublie la question : « d’où viennent de telles différences ? »  Ils n’ont pas la même méthode. Pourquoi n’ont-ils pas la même méthode ? Sans doute faut-il remonter à quelque chose de présupposé.

A savoir que s’ils n’ont pas la même méthode, c’est qu’une méthode cela sert à résoudre des problèmes. Or, ils n’ont pas les mêmes problèmes. Je suis scandalisé : on ne reproche pas à un savant d’avoir un autre problème qu’un autre savant. Et voilà qu’on reproche aux philosophes d’avoir d’autres problèmes les uns que les autres. Moi, je n’ai jamais vu quelqu’un ayant le même problème qu’un autre avoir d’autres solutions, ça j’ai jamais vu. Si vous avez le même problème que Kant, ne vous fatiguez pas, allez voir Kant. Il l’a résolu votre problème. Ou alors, ce qui se peut, c’est que vous ayez des problèmes qui ne soient pas encore répertoriés. A ce moment-là, c’est à vous de les résoudre. Sinon, je vois autant de rigueur dans la solution philosophique que dans la solution scientifique à un problème. Mais je dis : vous savez, on ne peut pas tout faire à la fois. On ne peut pas, à la fois, donner la solution que l’on croit bonne et dire en même temps le problème que l’on est en train de résoudre. Peut-être le problème ne peut-il se dire. Peut-être n’est-il possible que de l’inférer à partir de ses solutions. Y compris en mathématique. Par là je voudrais juste vous faire pressentir que ce que j’appelle déjà "image de la pensée", c’est un champ problématique. Et que la méthode, elle présuppose un champ problématique. Donc la méthode se présente comme un ordre de raisons et par là elle est temporelle.

Prenez un exemple comme celui de Descartes, les "Méditations métaphysiques". Il va de soi que la nouveauté - ça reste une nouveauté absolument éternelle - la nouveauté de ce texte, ne serait-ce que l’emploi si insolite et varié du mot "je". Qu’est-ce que veut dire le" je" ? Le "je" qui apparaît constamment dans les "Méditations" de Descartes a trente-six sens, quarante sens. Lire "les Méditations", c’est se demander - et à chaque fois il ne va pas vous le dire, il ne vous dira pas : « Attention ! J’emploie je... ». C’est à vous de vous débrouillez en tant que lecteur -. Faire la liste des sens du mot "je" dans les Méditations de Descartes, ce serait un très beau sujet de mémoire ou de thèse. A ma connaissance, ça n’a jamais été fait. Mais, Descartes ne cesse d’insister sur ceci, lui qui écrit un livre sur "la Méthode" : ce qui est essentiel dans les Méditations c’est ce qui est avant et ce qui est après.
-  Suivre l’ordre. Suivez l’ordre des raisons, dit-il. Ce que je dis à la première méditation... Ce que je dis à la seconde... Ce que je dis à la troisième... ça n’est pas du tout que ça se contredise. Si vous ne suivez pas l’ordre des raisons de l’avant et de l’après, dit-il, vous ne pouvez pas comprendre ma pensée. Si bien qu’il y a des objections qu’on m’adresse à la seconde méditation qui n’ont aucun sens, parce qu’elles renvoient à un problème que je ne peux poser qu’à la quatrième. Un ordre des raisons.

Je dis que la méthode a cet aspect temporel. Ordre des raisons : l’avant et l’après. C’est-à-dire distribution des raisons suivant l’avant et l’après. C’est-à-dire comme contenus d’une temporalité. C’est dire que le temps et la pensée ont des rapports extrêmement profonds.

Je dis que la méthode a un autre aspect spatial. L’autre aspect spatial, c’est quoi ? C’est que là aussi elle présuppose un espace. De même que toute méthode présuppose un temps qu’elle remplit par l’ordre des raisons, elle présuppose un espace qu’elle remplit par une distribution qui lui est propre. Une distribution méthodique. Cette distribution dans l’espace ou ce « remplissement » de l’espace - de l’espace mental, de l’espace pensé - telle que l’opère la méthode implique, à mon avis cette fois-ci, non plus l’ordre de l’avant et de l’après, mais la détermination des buts, moyens et obstacles.
-  Quel est le but ? Chacun le sait, le but c’est la vérité.

Vous me dites : « mais pas si sûr ! » Si. Il suffit de s’entendre. Parce que quand je dis le but c’est la vérité, je n’ai absolument rien dit. Ça ne compromet rien. Ça ne compromet personne. Quels sont les moyens ? Les moyens, je vois bien qu’ils varient d’après les méthodes. Bizarre ! Il y a des méthodes d’après lesquelles la vérité sera toujours inférée. À partir de quelque chose, je conclus autre chose d’après des règles qui m’assurent la vérité de ce que je conclus. D’après d’autres méthodes, la vérité aura pour moyen et renverra à l’intuition. Et l’intuition, qu’est-ce que ça veut dire ? Ce n’est pas un mot mystérieux. Cela veut dire : la présence. J’oppose là, si vous voulez, inférence et intuition.
-  L’inférence : vous concluez à partir de ce qui est donné, quelque chose qui n’est pas donné.
-  L’intuition : vous faites surgir la chose en personne.
-  Les obstacles, c’est l’ensemble des choses - quelles qu’elles soient - qui s’oppose à l’obtention... [...] remplit un espace par la détermination des buts, moyens et obstacles. C’est juste pour vous faire sentir que ce que j’appelle image de la pensée c’est le chronotope, c’est-à-dire encore faut-il un espace-temps.

Cet espace-temps, d’où vient-il ? Je dis que l’image de la pensée c’est l’espace-temps qu’est le présupposé dans lequel elle évolue. C’est ce qui sera rempli par la méthode. Cet espace-temps est très concret. C’est comme une espèce de petit roman philosophique. Vous ne pouvez pas le trouver dans le texte des philosophes, car il est présupposé. Présupposé par tout ce qu’ils disent. Pourtant, tout ce qu’ils disent, l’évoque. Tout ce qu’ils disent le fait vivre.

Je prends trois exemples. Mettons que Platon, Descartes et Kant veulent la vérité. Je constate qu’ils la poursuivent sous trois méthodes très différentes.
-  Je constate que Platon entre autres nous expose longuement une méthode qu’il appelle « dialectique » et qui consiste à diviser. Diviser le concept en deux moitiés, en deux parties. Choisir la bonne partie suivant le problème considéré qu’il va diviser à son tour, etc.
-  Je constate que Descartes procède tout autrement pour atteindre à la vérité qu’il veut aussi. Il se sert d’une méthode qu’il présente comme « analytique ». Cette fois-ci, il s’agit de partir de la perception claire et distincte de quelque chose pour s’élever à la perception claire et distincte de la cause de cette chose. L’enchaînement des perceptions claires et distinctes formera l’ordre des raisons.
-  Je constate que Kant invoque encore une troisième méthode. Chacun inventant une méthode. Cette troisième méthode, il l’appelle « transcendantale ». Elle consiste à partir d’une chose à se demander à quelles conditions la chose est possible. Il s’agit cette fois de remonter d’une chose aux conditions qui la rendent possible. C’est une nouvelle méthode qui érige avant tout en principe de méthode, la recherche des conditions de possibilité de quelque chose. A quelles conditions ceci est-il possible ? À quelles conditions les mathématiques sont-elles possibles ? Bien ! C’est très abstrait, tout ça. Ils veulent la vérité avec trois méthodes.

J’essaie de raconter une histoire. Imaginez quelqu’un qui se dise : « mais c’est fou ! Les prétentions que nous avons ! Tout le monde prétend à n’importe quoi ! » Il ne dira pas cela simplement pour les autres, mais aussi pour lui-même. « Tout le monde prétend à n’importe quoi ! Quoiqu’on dise, il y a toujours quelqu’un pour dire : « et bien ça, c’est moi ! » » C’est très vivant. On peut vivre comme ça. On est effaré par les prétentions. Celui qui émet une prétention a un nom, on l’appelle" le prétendant". L’on peut prétendre à bien des choses. L’on peut prétendre à la main d’une femme. L’on peut prétendre à la sagesse. L’on peut prétendre à la folie. Tout ce que vous voulez. Peu importe. L’on peut prétendre à la vérité. Un monde peuplé de prétendants. Est-ce que je peux le justifier ça ? Non, je n’ai même pas envie de le justifier.

Comment dire ? Essayez de sentir. C’est un chronotope. En quel sens, est-ce un chronotope ? Ça implique tout un espace, tout un temps, tout un espace-temps qui va être l’espace-temps des prétentions. Où est-ce qu’ils vivent les prétendants ? Comment vivent-ils ? Il appartient aux prétendants de rivaliser. Ça implique un espace particulier : l’espace de la rivalité. Chacun disant : « c’est moi ! C’est moi ! » Chacun aura sans doute un moment favorable pour dire : « c’est moi ! » Peut-être n’est-ce pas bon d’être le premier prétendant. Peut-être vaut-il mieux laisser passer l’autre d’abord. C’est à imaginer cette espèce de chronotope du prétendant.

Je dis que Platon, il vit le monde grec comme ça. Bien plus, il vit la démocratie athénienne comme ça. Ça lui est venu avec le mythe. Je veux dire que l’Odyssée est une fameuse histoire de prétendants. Mais, enfin, lui, ça n’est pas le mythe qui l’intéresse. Lui, ce qui l’intéresse, un truc qui le laisse rêveur - il le fait dire à Socrate plusieurs fois - c’est : un cordonnier, personne ne prétend tellement à être cordonnier. Il y a les cordonniers, moi, je ne suis pas cordonnier et je ne prétends pas l’être. Mais en politique, dit-il, ça n’est pas comme ça. Ça le trouble beaucoup. Tout le monde dit : « moi, je suis bon en politique ! » Il dit : Pourquoi ? Tout le problème de Platon, ça va être d’une certaine manière : si on veut trouver la vérité, il faut un moyen de sélectionner les prétendants. Il dit :
-  Voilà le chronotope. C’est son problème. C’est du vécu. C’est du vécu-pensé. Comment sélectionner les prétendants ? Comment savoir quel est le juste prétendant ? C’est une question de père de famille. On demande la main de ma fille. Quel est le bon prétendant ? Il y en a qui vont développer cela dans ce sens, mais après Platon. Mais, ils ne vont pas développer ça en disant cela. Mais, ça va revenir singulièrement à cela dans le néoplatonisme. Un, deux, trois. C’est quoi : un, deux, trois ?
-  Un, c’est l’instance qui donne. Dans la triade néoplatonicienne, un, c’est l’instance qui donne.
-  Deux, c’est le donnable.
-  Trois, c’est le prétendant.

La justice, la qualité d’être juste, ceux qui prétendent à la justice. Si Platon fait toute une méthode qu’il appellera « dialectique » et qui consiste à diviser le concept toujours en deux moitiés, à prendre une moitié, à la rediviser encore, vous ne pouvez pas le comprendre. Vous pouvez le comprendre abstraitement. A ce moment-là, vous me direz : « comme c’est ennuyeux ! » Si vous rétablissez l’image présupposée par ça, c’est (inaudible). Comment sélectionner les prétendants ? Et ça concerne les philosophes, vous comprenez, parce que les philosophes, ils prétendent à la vérité. Mais, ce ne sont jamais les seuls. Il y a, comme dit Platon, les sophistes, les rhéteurs, il y a les orateurs qui disent : « non ! Celui qui vraiment détient la vérité, c’est moi ! ». C ’est des prétendants. Il va falloir séparer. Il va falloir trouver des épreuves de sélection, selon Platon. Et Socrate va, selon Platon, inventé cette méthode qui permet de trier les prétendants.

A ce moment-là, le « je veux la vérité » de Platon prend un sens très concret. Son « je veux la vérité », c’est « je ne veux pas être trompé par les faux prétendants ». Voilà le chronotope. Je ne veux pas être trompé ! Ils ne m’auront pas ! D’où toute l’ambiguïté du personnage de Socrate. Toute sa modestie feinte, toutes ses dérobades. Il veut amener les autres à se trahir. Et toujours il invoque le thème de l’épreuve. Comme l’épreuve d’un vase ou l’épreuve de l’or. Tout cela est lié au thème de la prétention. Il y a des choses qui prétendent être des pièces d’or. A ce moment-là, il faut faire certaines épreuves pour savoir si c’est de l’or ou pas. C’est pareil pour les âmes, dit-il. Il ne suffit pas de dire : « je suis philosophe ». Il ne suffit même pas de dire : « je déteste la philosophie ». Il faut subir l’épreuve des prétentions.

Si j’essaie de résumer l’image de la pensée telle qu’elle apparaît chez Socrate et Platon, c’est du type - c’est très simple - : « je ne veux pas qu’on me trompe ! » C’est ça : vouloir la vérité. Pour lui. Je ne veux pas qu’on me trompe. Qui veut me tromper ? Tu ne vois pas, pauvre type, qu’il y a les prétendants partout. Les prétendants m’assiègent ! Je suis Pénélope. Pénélope a au moins un truc, c’est l’arc. Il y aura l’épreuve de l’arc pour déterminer le bon prétendant. C’est un chronotope.

Continuons. Bien des siècles se sont passés et voilà Descartes. Il nous flanque une toute autre méthode lui qui veut la vérité. Mais Descartes se fait une autre idée. On peut dire qu’elle est plus modeste. Mais modestie ou pas, ça n’a aucun sens ici ! Ça n’est plus « je ne veux pas être trompé », c’est « je ne veux plus me tromper ». Pour Descartes, ce n’est pas tellement les prétendants... Il y a de ça chez Descartes. Il y a tout un aspect : les gens nous trompent. Par exemple, la scolastique nous trompe.
-  Mais finalement pour Descartes si on est trompé, c’est parce qu’on se laisse tromper. En d’autres termes, on se trompe. On ne serait jamais trompé, si on ne passait pas son temps à se tromper. Sentez que c’est un autre chronotope. C’est pourtant une banalité. Je crois qu’il y a des caractères philosophiques. Il faut distinguer votre caractère psychologique et votre caractère philosophique. L’idéal est de ne plus avoir de caractère psychologique et de n’avoir qu’un caractère philosophique. Cet idéal est rarement rempli. On appellera « grands philosophes » ceux qui n’ont plus de caractère psychologique. En termes kantiens, on dirait : il ne faut plus avoir de caractère empirique, il faut n’avoir de caractère que transcendantal.

C’est difficile d’abandonner tout caractère. C’est difficile de piétiner le caractère. C’est la tâche ultime. Enfin, c’est la tâche à laquelle la philosophie vous convie.
-  Cesser d’avoir un caractère, c’est la seule manière de devenir un événement. Je ne veux pas dire un événement historique parce qu’un événement historique ça n’est pas intéressant. C’est la seule manière de devenir comme un courant d’air. Ça c’est bien, c’est le caractère philosophique. Voilà que Descartes dit : les gens et peut-être même Dieu... Pourquoi Dieu ne serait-il pas trompeur ? Dans "les Méditations", suivant l’ordre des raisons - c’est-à-dire suivant un avant et un après - il passera par deux hypothèses formidables : l’hypothèse du malin génie et l’hypothèse du Dieu trompeur.
-  Première hypothèse : il y aurait un malin génie qui nous tromperait.
-  Deuxième : Dieu lui-même serait trompeur. Ce n’est pas la même hypothèse. Il y a un ordre des raisons qui nous fait passer. Mais c’est de pire en pire. Donc il reconnaît la possibilité qu’il y ait des puissances qui nous trompent. Mais pour lui puissance qui nous trompe c’est toujours en fait, l’avatar d’un acte par lequel je "me" trompe et son problème est "pourquoi".

Je dis que ça a l’air modeste de dire « je me trompe ». Mais pas du tout ! Comprenez ce qu’il a dans la tête Descartes. Il ne le dit pas. Il n’a pas à le dire, c’est à nous de le dire pour lui. L’autre, le Platon, il disait : il y a tous ces prétendants. Je ne veux pas être trompé par eux ! Descartes, lui, cela l’intéresse peu. Ça ne l’intéresse que secondairement qu’il y ait des prétendants qui nous trompent. Ce qui l’intéresse, c’est que quand je suis trompé, ce soit encore une manière de penser. C’est ça son truc. C’est ce qu’il dit toujours. Mais c’est très concret ce qu’il dit là. Que vous vous trompiez ou pas, vous pensez. Parce que se tromper, c’est encore penser. Si bien qu’il n’y a qu’une chose sur laquelle vous ne pouvez pas vous trompez c’est quand vous dites "je pense". Pourquoi ?
-  Parce que se tromper c’est penser. Si se tromper c’est penser, vous ne pouvez pas vous tromper quand vous dites je pense.

C’est très intéressant ça. Le « je me trompe » n’est pas une déclaration de modestie. C’est la seule manière pour lui de pouvoir mettre l’erreur, de concevoir l’erreur comme une façon de penser. Dès lors toute sa méthode va partir de là. Quelle est la première certitude ? La première certitude c’est que je pense. La preuve que je pense c’est que je me trompe.

Voyez que le passage de « on me trompe » à « je me trompe » lui permet de découvrir l’erreur comme un mode de la pensée. Et c’est ça que toute sa méthode suppose. Tout l’ordre des raisons chez Descartes partira de là et va engendrer "les Méditations". C’est donc très important pour lui, qu’il ne vive pas à la manière de Platon. L’image de la pensée chez Platon, c’était, mettons :« on me trompe », « on trompe Pénélope ». L’image de la pensée chez Descartes, c’est quoi ? « Je me trompe ». C’est du vécu. J’en ai pris trois, ce n’est pas par hasard. Je pourrais continuer très longtemps, mais y en a marre.

J’en ai pris trois, parce qu’ils vont bien ensemble. Vous pouvez vous-même inventé.
-  Ce que j’appelais des « cris », c’est ça. Des « cris », en effet, c’est l’énoncé des chronotopes. Il y a des prétendants ! Comment distinguer entre les prétendants ? c’est un cri. C’est un cri philosophique. Le reste, ce sont les concepts. Je ne dis pas que les concepts découlent des cris. Je dis qu’en tout cas les concepts présupposent les cris. Encore une fois, c’est le rapport chant/cri qui est fondamental. Aussi bien dans le monde animal que dans le monde philosophique. Il ne suffit pas de crier pour faire de la philosophie, parce que crier, crier, c’est compliqué. Je dis que le troisième vous pouvez l’inventez vous-même. Quand je prends l’exemple de Kant. Lui son affaire. C’est vraiment l’affaire de quelqu’un, l’affaire d’une pensée. Une pensée a affaire. Votre pensée c’est ce avec quoi vous avez affaire. Il faut que vous le trouviez. Ça, personne ne le trouvera pour vous. Et lorsque vous aurez trouvé ce avec quoi vous avez affaire - peut-être que vous n’en serez vous qu’à moitié conscient - à ce moment-là vous serez philosophe. Vous êtes philosophe même si cette affaire n’est pas philosophique. Mais c’est rare les gens qui ont trouvé ce avec quoi ils ont affaire. Je crois que c’est très rare. Ça illumine les jours. Les gens seraient beaucoup plus gais s’ils savaient à quoi ils ont affaire. Il y a des choses à propos desquelles on peut se demander à quoi l’on peut avoir affaire avec au sens propre d’« avoir affaire ». Là aussi cela renverrait à des analyses de présupposés. Par exemple, peut-on avoir affaire avec la mort ? Tout mon caractère philosophique nie que la mort puisse être une affaire et que l’on puisse avoir affaire avec la mort. Seul le névrosé à affaire avec la mort. Mais justement le névrosé ne sait pas à quoi il a affaire. Mais il y a des grands philosophes qui ont pensé que la mort était une affaire, c’est-à-dire que la pensée avait affaire avec. Tout ça ce sont des tâches infinies.

Je dis le troisième : qu’est-ce qu’il peut dire, puisqu’il ne dit plus « on me trompe » et il ne dit pas « je me trompe » ? Vous voyez déjà que dans les deux cas « vouloir la vérité » a deux sens. « Vouloir la vérité » ne veut rien dire. Tout dépend de ce que l’on met là-dessous. On vient de voir que pour Platon « vouloir la vérité » c’est « vouloir ne pas être trompé par les faux prétendants ». Là, ça veut dire quelque chose. Mais, si vous ne vivez pas ce problème-là, vous ne voulez pas la vérité de cette manière. Descartes veut la vérité. Ce n’est pas étonnant qu’il trouve une autre vérité. Comment voulez-vous vous étonner que Descartes ne soit pas d’accord avec Platon ? Ils ne posent pas le même problème. L’étonnant serait qu’ils soient d’accord. Vous me direz : « au moins qu’ils règlent leurs problèmes ». Ils ne peuvent pas régler leurs problèmes. Pourquoi ? Parce que ce qui est vrai ou faux, c’est une solution. Un problème, par définition, n’est pas vrai ou faux. Il est bien ou mal posé. Je peux toujours définir la vérité d’une solution en ceci qu’elle effectue les cas du problème.

Mais, je ne peux pas définir une vérité du problème en tant que tel. Je peux définir d’autres choses quant au problème. Bien ou mal posé, c’est vague. Intéressant. Important au sens où Kierkegaard disait : « L’important, l’intéressant ce sont des catégories de la philosophie ». Vous lisez des pages, parfois, des pages et des pages, elles ne sont pas fausses. Elles sont sans intérêt. Ça n’est pas intéressant. On n’y peut rien. Si le type vous dit : « dis-moi pourquoi ? » on est embêté. Difficile de dire en quoi quelque chose n’est pas intéressant. Je peux dire en quoi quelque chose est faux. Ça, c’est agréable. C’est de rares moments. Ça n’est pas du domaine du prouvable. C’est raté. Pas vécu. Tant pis. Ce n’était pas ton affaire. Tu t’es mêlé de ce qui ne te regardait pas. Ou tu n’y crois pas toi-même. Alors, Kant ! La Réforme est passée par là. On pourrait toujours trouvé des facteurs sociologiques.

Je disais que pour la situation de Platon le facteur sociologique c’est la démocratie athénienne. C’est la cité grecque. C’est le monde des prétendants. Kant, on pourrait dire : « la Réforme est passée par là ». Lui, ce n’est pas « on me trompe, je ne veux pas être trompé ». Mais Kant ce n’est pas non plus « je ne cesse pas de me tromper et je veux ne plus me tromper ». Kant a appris la rigueur morale. Et quand il dit « je veux la vérité », il dit quelque chose qui ne serait pas venu à l’esprit des deux autres. Il dit : « je ne veux pas tromper. Et rien ne fera. Et je tiendrai bon. Et rien ne fera que je trompe ». I

l faut s’incliner devant l’apparition en philosophie de la créature morale. De l’espèce morale. Vous me direz : « mais tous les gens qui ont un peu de moralité disent comme Kant ! » Bien sûr qu’ils disent comme Kant ! Tout le monde dit comme Kant ! Tout le monde dit comme Descartes ! Tout le monde dit comme Platon ! On dit tout à la fois ! Mais avec quoi avez-vous affaire principalement en vertu de votre caractère philosophique ? À
-  « je ne veux pas être trompé »
-  ou à « je ne veux pas me tromper » - ou à « je ne veux pas tromper » ?

Ça n’est pas du tout la même chose. Pas la même manière de vivre vos rapports avec la vérité. « Je ne veux pas tromper ». Quelle drôle d’idée !

Alors il a fallu attendre la Réforme, Kant ! Vous me direz : « mais enfin ! Au moment de la Réforme, les trompeurs, qu’est-ce que ça peut faire ? » Bien sûr qu’il y a autant de trompeurs qu’avant ! Mais même le trompeur sera forcé de dire « je ne veux pas te tromper ». Il faudra qu’il passe par ce nouveau langage. « Je ne veux pas te tromper ». Et pourquoi ? Qu’est-ce que ça implique de nouveau ? Sentez qu’il y a du chronotope. Il suffit que je dise. En philosophie, il faut que vous vous rendiez compte que la proposition la plus quotidienne vous engage. Comme dit l’autre : « vous êtes embarqués ». Vous croyez dire quelque chose d’innocent. Même qui va de soi. Dès le moment où vous avez trouvé votre propre affaire, plus rien ne va de soi. Plus rien n’est sujet à discussion. Vous ne discuterez jamais en philosophie. Rien ne se vaut. « Je ne veux pas tromper ». Comme ça sonne étrange. C’est la subordination de la connaissance à la morale.
-  En termes plus techniques, en termes kantiens, c’est la subordination de la raison spéculative à la raison pratique. « Je ne veux pas tromper » engendre bien la recherche de la vérité, c’est-à-dire l’opération de la connaissance, mais la soumet étroitement à une finalité pratique morale.

Ce renversement - un des nombreux renversements kantiens
-  à savoir ce n’est plus la morale ou le Bien qui dépend de la connaissance, au sens où est vertueux le sage, est vertueux celui qui connaît. Mais renversement radical où la connaissance est subordonnée à une plus haute finalité, la finalité de la raison morale. Subordination de la première Critique à la seconde Critique, c’est-à-dire de la Critique de la raison pure à la Critique de la raison pratique.

Pourquoi est-ce qu’il ne veut pas "tromper" ? Là, il a une idée qu’il aperçoit à peine. Il lui faudra toute sa méthode pour la développer explicitement à travers ses livres. Cette idée si j’essaie de la résumer, elle revient à nous dire : « seuls des êtres qui ne trompent pas, sont libres et à titre d’êtres libres, constituent une nature intelligible ». Là je suis en train de parler, mais je fais exprès, un langage inintelligible pour un non-philosophe. "Seuls des êtres moraux constituent une nature intelligible". C’est très nouveau. En d’autres termes, la nature intelligible n’est plus faite "d’essence" comme aurait dit Platon, elle consiste dans la communauté des êtres moraux. Ce sont eux qui constituent unenature intelligible.

Tout est transformé. A la limite, ils n’ont plus du tout le même langage. Mais comprenez que ça part d’un changement dans l’image de la pensée. « Je ne veux pas tromper ». J’insiste là-dessus, et puis, il y aurait toute une suite. Peu importe ! Il va de soi que là j’ai pris trois cas, trois philosophes, trois images de la pensée différentes. Ça n’est pas au niveau de leurs méthodes. Il faut faire l’inverse.
-  Vous ne pouvez comprendre leurs méthodes, le développement et l’enchaînement de leurs concepts - les concepts ne font que remplir un espace-temps mental suivant l’ordre de l’avant et de l’après, suivant l’ordre des buts, des moyens et des obstacles - mais tout cela renvoie à une image spatio-temporelle préalable.

Il faut que vous dessiniez, il vous faut la géographie de cette image préalable. Il vous faut la carte de cette image préalable, c’est-à-dire ce continent. Ce n’est pas le même continent. Ce n’est pas le même espace-temps
-  celui où se dresse un homme qui dit « je ne veux pas être trompé »,
-  celui où se dresse un homme qui dit « je ne veux pas me tromper »,
-  celui où se dresse un homme qui dit « je ne veux pas tromper ».

Je ne sais pas si j’ai répondu à celui qui souhaitait que je m’explique un peu sur ce point. J’en peux plus. J’en tire ceci : vous voyez ce que j’entends par cette image de la pensée qui préexiste à l’exercice explicite de la pensée.

Tout mon sujet cette année - je reprends pour faire la charnière - vous comprenez peut-être mieux quand je dis : il y a en effet une image de la pensée. La pensée ne peut pas fonctionner sans présupposer une image d’elle-même.

Mon thème de cette année, c’est, une fois dit que l’image cinématographique a des caractères très particuliers :
-  quel est son rapport avec l’image ou les images de la pensée ? Est-ce qu’elle a agi sur l’image qu’on se fait de la pensée ?
-  En quel sens ?
-  Quelle image ?

C’est tout ça que l’on a commencé à chercher. Je disais que tout mon thème de départ n’a été que ceci, pour le moment : si vous m’accordez que le caractère le plus général de l’image cinématographique c’est d’être « automatique ». Que c’est ce qui la distingue de l’image picturale. De la photo, de l’image photographique. De toutes les autres images. Elle est automatique.
-  Comment l’image automatique ne rencontrerait-elle pas, sur des modes à préciser, le double automatisme qui appartient à l’image de la pensée, à savoir l’automatisme psychologique et l’automatisme logique ?

On avait vu en effet, que l’image de la pensée comprenait deux automatismes :
-  le psychologique
-  et le logique, très différents l’un de l’autre. On se trouvait dans cet ensemble de problèmes et on avait commencé en disant : « oui, mais attention ! Il y a des mutations, il y a eu des mutations dans l’image de la pensée ! » Et je viens de donner des exemples de mutations. Et on en était là quand, la semaine dernière, la confusion m’a pris et que je me suis lancé dans des développements difficiles à suivre. En tout cas, il me semble. Là dessus pour en finir avec ces récapitulations, j’ai déjà perdu beaucoup de temps. Il n’y a pas de problème, c’est clair tout ça ? Comtesse m’avait dit qu’il voulait reprendre un point du début. Il n’est pas là ? Si, il est là. Tu veux reprendre un point du début ? vous fumez pas ! Vous allez fumez tout à l’heure dans la cour.

-  Comtesse :

J’aurais voulu reprendre deux points dans le premier discours que tu as tenu sur, à la fois, Elie Faure. Quant tu as parlé des pionniers du cinéma, et donc de la nouvelle image de la pensée. Et puis, un autre point, sur Eisenstein, sur ce qui s’est passé concernant justement la pensée du cinéma. Le fameux congrès de 1935 où il a été soumis justement au tribunal de la raison socialiste. Sur le premier point, c’est-à-dire sur Elie Faure, je voudrais dire que, par exemple, d’après les écrits d’Elie Faure quand il est question du cinéma, on peut très bien soutenir que selon ce pionnier - puisque tu as utilisé ce mot - que le cinéma c’est une révolution dans la pensée ou une nouvelle image ou une nouvelle façon de pensée, mais on peut dire justement, et en se référant à Elie Faure, on peut très bien se dire tout aussi bien que le cinéma est la reconduction d’une ancienne façon de penser, en dépit, justement, d’une difficulté, ou d’une impossibilité presque parfois de relancer cette ancienne façon de penser. Parce qu’Elie Faure ce qui l’intéresse dans ce rapport de la pensée et du cinéma, c’est justement une certaine catastrophe. Et pour reprendre, par exemple, les termes que tu emploies en référence à Bakhtine, on pourrait dire que c’est la catastrophe qui l’intéresse du chronotope métaphysique, c’est-à-dire de l’espace-temps de la pensée métaphysique. Et il fait à partir de là du cinéma, ce qui reconduit, ce qui recompose, ce qui recrée les valeurs métaphysiques, par une sorte de reconstruction du chronotope qui s’est effondré.

Le chronotope n’est plus justement une pensée très singulière d’Elie Faure, le chronotope n’est plus la dimension constituante ou même constitutive de la pensée, ce qui secondariserait, par exemple, le pas, la voie, le chemin, le methodos, la méthodologie, car ce qui se perd, ce qui se défait, dit Elie Faure, ce qui s’effondre c’est l’unité même de l’espace-temps, c’est-à-dire l’unité de l’homme, le sens de l’être de l’homme, la présence d’esprit de l’être en mouvement ou bien comme il dit « la forme du mouvement comme forme de vie ». Et ce qui se défait avec cet effondrement du chronotope de la pensée métaphysique, c’est la voie même qui soutenait tout contenu justement de cette pensée métaphysique. "La voie, dit-il, ne s’accorde ni avec l’expression, ni avec le geste, ni avec l’être, ni avec la forme de l’homme en mouvement". Donc le premier temps chez Elie Faure c’est littéralement un effondrement, une catastrophe du chronotope de la pensée métaphysique. La catastrophe du chronotope c’est ce qui l’appelle « cette monstrueuse négation de l’unité ». Elle précipite dans cet effondrement du chronotope métaphysique, elle précipite littéralement dans ce qu’Elie Faure appelle - et ça c’est une notion très importante chez lui - « l’inertie de l’univers nocturne ».

Il y aurait donc dans la fin presque de la métaphysique comme une précipitation dans « l’inertie de l’univers nocturne. Et c’est un univers sans espace-temps, sans mouvement, sans pensée de l’être ou de la vie. De sorte que, à partir de là, et si on voulait, par exemple, dans cette découverte chez Elie Faure de la catastrophe du chronotope et de cette précipitation dans un certain univers, le cinéma ne peut plus être pour Elie Faure ce qu’il était, par exemple, chez Delluc, chez Canudo ou bien chez Moussignac, c’est-à-dire chez les premiers grands critiques de la série française.

Le cinéma, par exemple, n’est plus seulement comme chez Delluc « l’arrachement au chaos de boue » ou « l’élévation vers la lumière du Tout complet », ce sont les expressions mêmes de Delluc. Il n’est plus comme chez Canudo justement « le miracle visuel » ou « l’expression de la vie lumineuse dans le mouvement ». Il n’est plus comme chez Moussignac [fin de l’enregistrement].

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