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66- 12/06/1984 - 3

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Gilles Deleuze - vérité et temps cours 66 du 12/06/1984 - 3 transcription : Ian Parker - correction : SD

Alors, écoutez, il nous reste ceci dit, il nous reste uniquement, c’est pas par coquetterie que je souhaite le faire - que vous ayez, si vous ne l’avez pas déjà, mais vous l’avez sûrement déjà - le sentiment de l’ensemble de ce qu’on a fait et pourquoi on l’a fait, quand même. Je veux dire, quel groupe de notions au sens où on dit : "tiens ! voilà c’est une chose de faite.. Moi, je crois que si j’avais à tirer les conclusions, je dirai mon rêve ce serait après - je vais vite tirer mes conclusions. Voilà.

A un premier niveau, on s’est attaché à - je ne suis pas dans l’ordre chronologique de ce qu’on a fait, je fais l’ensemble - dans un premier niveau de cet ensemble, je crois qu’on a considéré la distinction entre deux types de descriptions.

Je signale que c’est un sujet - et ça c’est pas pour en être content - c’est un sujet à la mode, au sens le meilleur, puisqu’il y a aussi bien dans la logique moderne, que dans la critique littéraire moderne, notamment du côté de Genette - des études très intéressantes et très profondes, sur le sens, la nature et le rôle des descriptions, à la fois une logique et une critique littéraire des descriptions. Je crois que le point de vue dont on s’est placé était tel que, je n’ai pas eu à les citer, pas par manque d’admiration, mais parce que mon problème était autre. Et que pour mon compte, j’ai juste essayé de distinguer deux types de descriptions - ça c’est à vous si ça vous intéresse de voir en quoi ils recoupent et ne recoupent pas, d’autres distinctions chez d’autres types, chez d’autres gens.

-  Description organique, dont je disais que c’est toute description qui présuppose l’indépendance de son objet, même si c’est pas vrai, la question n’est pas de savoir si cette présupposition est juste, il y a à cet égard un décor d’une description organique, s’il présuppose l’indépendance de son objet, c’est-à-dire s’il renvoie à un objet supposé indépendant. Et j’y opposait la description cristalline qui je distinguais, que je définissais comme une description qui vaut pour elle-même, qui se présente elle-même comme son propre objet, et qui ne renvoie qu’à d’autres descriptions, lesquels descriptions la répètent, la modifient, la démentent sur le mode fameux d’une répétition/variation.
-  Ces descriptions, plus précisément, je les appelais « optiques » et « sonores » pures. Ça nous avait fait voir un certain nombre de choses liées aux descriptions et notamment nous nous étions appuyés sur ce qui me paraît le texte majeur à cet égard, la théorie chez Robbe-Grillet, la théorie de la description de Robbe-Grillet.

En deuxième grand point, nous nous sommes occupés des rapports entre le réel et l’imaginaire. Et là encore pour distinguer deux types de rapports. D’après un premier type de rapport qu’on appellera "organique", le réel et l’imaginaire s’opposent comme deux pôles d’existence,
-  l’un défini par les connexions légales, ou causales,
-  l’autre défini par la pure apparition à la conscience.

On y opposait un autre régime du réel et de l’imaginaire, où cette fois-ci la distinction du réel et de l’imaginaire restait valable, mais les deux termes distincts devenaient indiscernables.
-  Distinction indiscernable : qu’est-ce que ça voulait dire ? Ça voulait dire, il y a toujours bien deux images, l’une dite réelle l’autre dite virtuelle, mais elles ne cessent pas de se courir après et d’échanger leurs rôles. Et c’est là que nous parlions d’image-cristal à proprement parler.

C’était un second stade de recherche qui culminait dans l’idée encore une fois d’une distinction "indiscernable" au niveau de l’image-cristal et qui nous avait entraîner à voir un certain nombre de textes, entre autres, ceux de Bergson et à considérer, indépendamment de Bergson, à essayer de donner un certain statut au cristal - au sens d’une philosophie du cristal, comme il y avait à la fin du XIX siècle, des philosophies de la nature.

-  En troisième point, nous ne parlions plus des description mais nous entrions dans le domaine des "narrations", et nous distinguions un premier type de narration, là encore, organique ou spatial. Et ce type de narration organique ou spatiale se définissait par le développement des shèmes sensori-motrices, des enchaînements sensori-moteurs.
-  Une narration est organique lorsqu’elle suit des shèmes sensori-moteurs. Vous me direz c’est difficile de ne pas introduire le langage dans la narration, ça m’est égal. Il y a des narrations sans langage et quand le langage intervient, lui-même s’insère dans des shèmes sensori-moteurs, a lui même des shèmes sensori-moteurs qui lui sont propres, donc je ne vois aucune raison pour faire du langage une instance spéciale à cet égard, du point de vue de la narration normale. Qu’il intervienne et qu’est-ce qu’il amène, ça c’est un autre problème qu’on n’a pas eu le temps de traiter cette année.

Cette narration spatiale, organique, qui procède par enchaînements sensori-moteurs renvoyait à un double espace.
-  concrètement : un espace hodologique ;
-  abstraitement : un espace euclidien.

Qu’est qu’un espace hodologique ? C’est un espace vécu, dynamique, défini par des chemins - d’où son nom - des buts, des obstacles ou des résistances, des retours, bref, par une distribution de centres de forces. Cette notion d’espace hodologique a été crée par le psychologue allemand-americain Kurt Lewin. Voilà.
-  Ça forme le groupe de la narration spatiale organique.

Nous y opposions une narration qu’on devrait appeler, là encore, temporelle, cristalline.

Pourquoi ? Parce qu’il n’y a ni même espace vé...

ah oui, non j’ai oublié pour les autres... Pourquoi l’espace euclidien pour la forme abstraite ? Parce que comme j’avais essayé de le dire, l’espace euclidien me semble le schème abstrait des résolutions de tensions dans l’espace hodologique, à savoir, l’espace euclidien est précisément l’espace où les tensions des forces se résolvent d’après des lois de minimum et de maximum. Le plus court chemin pour les maximun d’obstacles, par exemple, la tension se résoudra d’après un parcours et l’espace euclidien me semble l’espace de cette résolution abstraite.

À l’autre pôle je dis :
-  une narration cristalline ou temporelle, un autre espace vécu et d’autres espaces abstraits. Ce sont des espaces, comment dirait-on, pré-hodologique ou bien post-hodologique, l’un ou l’autre. C’est-à-dire, ce sont des espaces où on ne se trouve même pas pré-hodologique, parce qu’on ne se trouve même pas dans la situation d’avoir à choisir entre des chemins, ou à chercher le meilleur chemin. Il n’y a pas de chemin, l’espace ne s’est pas encore structuré en but, moyen, obstacle. Il y a chevauchement de perspectives. En ce sens,
-  l’espace pré-hodologique est un espace d’avant le choix, on ne choisit pas. Il y a des perspectives qui s’empiètent et on appartient toujours à plusieurs ensembles voisins mais disparates.

Au cinéma vous trouverez ces formes d’espaces pré-hodologique - et ne c’est pas par hasard - dans une série de films modernes, qui tournent tous autour d’un même thème, la passion. C’est l’espace de la passion. Et en effet, la passion c’est le contraire de l’action.
-  L’espace hodologique, c’est l’espace d’action.

Il y a un espace de passion. Vous êtes dans un état de passion lorsque vous appartenez simultanément à des ensembles disparates et pourtant voisins l’un de l’autre. L’espace n’est pas structuré de telle manière que vous preniez un chemin plutôt qu’un autre. Vous appartenez à deux ensembles simultanément. C’est la passion. C’est l’extrême de "la nouvelle Vague" et c’est le cinéma d’après de "la nouvelle vague". Il va de soi que les grands films de ce cinéma, vous pouvez les chercher déjà chez Godard, notamment dans "Sauve qui peut" et dans "Passion", où passion a un sens extrêmement particulier, et dans "Prénom Carmen". Mais vous le trouverez aussi chez beaucoup d’auteurs estimables, très estimables de la "nouvelle Vague". Je vous laisse le soin de les deviner. Et dont certains sont très grands, mais reconnaissent volontiers l’influence de Godard.

Mais vous avez aussi un autre type d’espace vécu, qui est l’espace d’après le choix. C’est-à-dire, le choix une fois pour toutes et qui ne cesse de se recommencer comme ferme détermination spirituelle. Et ça c’était la tendance Dreyer/ Bresson. Et entre les deux, entre l’espace pré-hodologique du non-choix et l’espace supra-hodologique, post-hodologique, de la ferme décision spirituelle, chez Dreyer et chez Bresson, il y a des communications immenses, () puisque Godard, par exemple, doit beaucoup. Donc ça serait déjà très varié cette seconde direction. Et abstraitement, à de tous nouveaux espaces correspondent ces formes vécues. Abstraitement, je dirais, ce sont tous les espaces paradoxaux.

Si je recommence la liste, qu’on a un peu revue cette année, qu’on avait vue déjà dans l’année d’avant, :
-  espace déconnecté, je dis très vite : Antonioni, Bresson, Ozu, Godard, Cassavetes.
-  Espace vide, amorphe : Ozu, Antonioni - pas sous le même aspect. Eux deux surtout, pour les espaces vides je crois qui ce sont les deux grands maîtres et encore et c’est pas du tout de la même façon. Espace mais entre douze guillemets,
-  espace quantique - mais là j’ai honte, il faudrait trouver un autre mot. Espace quantique du type Robbe-Grillet, c’est les sauts de présent, les pointes de présent, on saute de l’une à l’autre.
-  Espace probabilitaire : du type Resnais, voir l’analyse précédente, sur les transformations de nappes.
-  Espace cristallisé : Herzog, Tarkovski. Bon, ça nous a formé un nouveau groupe de notions et d’études.

-  Quatrième point. Dans le régime que je peux appeler aussi bien - là je multiplie les noms - que je peux l’appeler organique ou spatial ou sensori-moteur, dans cet espace, qu’est-ce qu’il y a ? Il y a image indirecte du temps parce que l’image du temps découle du mouvement et on est resté là-dessus longtemps, longtemps, puisque nous y avions mêlé le sort de la philosophie à travers le platonisme et le néoplatonisme.

Dans l’autre cas, la narration temporelle, cristalline, espace paradoxal, il y a au contraire image-temps directe et au lieu que l’image-temps se déduise du mouvement ce sont - ce n’est pas le mouvement, ce serait trop facile - ce n’est pas le mouvement que se déduit du temps, c’est les anomalies du mouvement qui se déduisent de l’image-temps directe. C’est le règne des faux raccords, entre autres, les faux raccords étant aussi une anomalie du mouvement parmi les autres. Mais c’est évident que les faux raccords sont gratuits, il n’y a pas de solution miracle. Tout régime d’images engendre ses nullités, ses catastrophes, ses crétineries, ses abominations, donc il n’y a pas un meilleur que l’autre. Il est bien évident que de faux accords qui sont gratuits, n’ont aucun intérêt, sont des bêtises s’ils ne sont pas fondés sur...toute technique est stupide si elle n’est pas fondée sur une raison, qu’on le veuille ou non, qu’il faudra bien appeler : métaphysique. À savoir si quelque chose dans l’image-temps ne nécessite pas ces ruptures d’espaces, le faux raccord n’a rien à faire et vous pouvez les multiplier, vous ne ferez que des pitreries. Lorsqu’une collaboratrice de Resnais dit : dans « L’année dernière à Marienbad, vous ne trouverez pas un seul vrai raccord » ! elle sait ce qu’elle dit et elle sait aussi pourquoi Resnais a besoin de faux raccords. Si vous ne pouvez pas dire - Godard l’a dit mille fois mieux que moi - Si vous ne pouvez pas dire pourquoi il vous faut un travelling ici plutôt qu’un panoramique, ne faites ni l’un ni l’autre. Ne faites rien !

Voilà, bon, je dis : mais pourquoi est-ce que le second régime cristallin me donne une image-temps directe ? Pour une raison simple :
-  c’est que les espaces paradoxaux dont on parlait, pré-hodologiques, post-hodologiques et non-euclidiens, ces espaces paradoxaux ont des caractères qui ne s’expliquent pas de façon spatiale. Ils sont donc déjà des présentations directes du Temps, contrairement à l’espace euclidien et ils ne peuvent être décriés, parcourus que par des mouvements aberrants, c’est-à-dire, par de faux mouvements. L’image-temps directe s’effectue dans le faux mouvement, dans le faux raccord n’est qu’un des cas. Et c’était un quatrième groupe de notions qui nous a fait étudier du plus près possible la conception du Temps chez Bergson et l’image-temps chez un certain nombre de cinéastes.

-  Dernier point : je peux opposer dans les mêmes termes, un type de narration que j’appellerai véridique. Peu importe qu’elle soit vraie ou fausse, elle prétend au vrai. C’est ça sa prétention qui la définit comme véridique. Elle prétend au vrai, qu’elle soit vraie ou pas vraie.
-  La narration véridique renvoyait aux descriptions organiques, renvoyait aux narrations spatiales, organiques, etc, aux espaces hodologiques, à l’espace euclidien, etc.
-  Et nous y opposions une narration falsifiante.

Nous tombions alors devant le problème, qui était pour nous un problème urgent :
-  pourquoi l’image-temps directe est-elle fondamentalement en rapport avec une narration falsifiante ?

Nous avons réglé ce problème à plusieurs niveaux, en considérant d’abord que :
-  le Temps avait toujours été le seul et unique facteur capable de mettre en crise la notion de vérité. Et cela sous deux formes déjà bien connues de l’Antiquité :
-  en vertu du Temps, l’impossible doit procéder du possible
-  et le passé n’est pas être nécessairement vrai.

Et sous ces deux formes, le passé n’est pas nécessairement vrai et du possible procède l’impossible, la vérité était secouée par une crise immense.
-  En d’autres termes, ce n’est jamais le mouvement qui a mis en question la notion de vérité, c’est le Temps. La vérité s’est toujours parfaitement accommodée du mouvement, mais jamais des aberrations de mouvement. Je veux dire, la vérité s’est toujours parfaitement accommodée du mouvement tant que le mouvement avait des centres. En revanche, quand il y a aberration du mouvement c’est parce que l’image-temps est devenue première, on l’a vu, tout est bien lié là. La crise de la vérité s’est sans doute, elle est amenée par les aberrations de mouvement en astronomie, en physique, mais en logique elle est amenée parce que les aberrations du mouvement nous cachent encore, à savoir, la présentation directe du Temps, puisque encore une fois, le mouvement sera d’autant plus aberrant qu’il dependera du Temps et non l’inverse.

Ça devrait être limpide tout ça, limpide, cristallin !

-  Et sous quelles formes est-ce que l’image-temps engendrait sans cesse une narration falsifiante ? c’est que l’image-temps directe avait les deux formes. Non plus du tout - c’est pour ça qu’on avait toutes sortes de niveaux - non plus du tout les distinctions indiscernables entre réel et imaginaire, mais alternative indécidable entre nappes de passé. Le passé n’est pas nécessairement vrai. Alternative indécidable entre nappes de passé, ça veut dire le passé n’est pas nécessairement vrai. C’est ce que j’appellerais la tendance Welles - Resnais. (coupure)

les distinctions inexplicables entre pointes de présent, ça ça veut dire des présents tous possibles chacun, mais incompossibles les uns avec les autres. « Incompossible », notion de Leibniz que nous avons analysée. Des présents dont chacun est possible mais qui sont incompossibles les uns avec les autres, n’en sont pas moins simultanés. Dans un présent, l’un trahit l’autre, dans un deuxième présent l’autre trahit l’un, dans un troisième aucun ne trahit l’autre, dans un quatrième ils se trahissent tous deux, dans un cinquième l’un trahit l’autre mais c’est le même, etc. C’est la tendance Borges, Robbe-Grillet. Cela c’est le cinquième point, je touche au bout.

Remarque adventice aux cinq points : à travers ces 5 points, c’est donc chaque fois deux régimes qui se distinguent, deux régimes de description, deux régimes de narration, si vous prenez, bref, c’est deux grands régimes de l’image. Remarque de prudence : il va de soi qu’ils empiètent constamment l’un sur l’autre. Un grand auteur a un pied dans un régime, un autre pied dans l’autre, c’est ça qui fait le charme des choses. Vous ne pouvez pas dire « ah, c’est ceci, c’est cela », surtout pas. Et non seulement ça empiètement perpétuel , tout ça. chacun, chaque grand auteur à son maniement. ce n’est pas des recettes qu’ils appliquent. Ils se rendent compte, les grands auteurs, ils ne s’appliquent pas les une les autres. Resnais n’applique pas Welles. Le cinéma d’après "la nouvelle vague" quand il l’applique, Godard il n’est pas très bon. Quand il prend son indépendance avec Garrel, avec Doillon. Voilà. Vous comprenez ? Mais ce qui serait intéressant c’est de chercher la spécificité de chaque grand auteur.

Alors je prends un exemple. Par exemple... j’essaye de tout résumer. Je dis : le régime moderne, avec toutes les nuances, je dis ce n’est pas moderne en même temps, je peux retirer chaque mot que je dis. Je peux dire, il n’y a pas un régime, il y a toujours empiètement. Je peux dire ça c’est pas moderne, ça existe déjà, mais pas sous cette forme. Bon, c’est quand même moderne... enfin tout ce que vous voulez. Vous corrigez de vous-même.

Je pourrais dire : le régime qu’on a étudié cette année, c’est celui qui unit des descriptions cristallines, ou si vous préférez optiques et sonores pures, à des narrations falsifiantes. Mais si c’est bien ça qu’on voit aujourd’hui tout le temps au cinéma. Ce lien de description pure, de description optique-sonore pure, donc non plus sensori-motrice, avec des narrations falsifiantes non plus véridiques c’est-à-dire, qui ne prétendent plus au vrai. Si c’est ça qui fait notre joie, à supposez que ça fasse notre joie, voyez comment les auteurs procèdent. Je prends deux exemples récents, deux, et même pas parmi les plus grands, c’est des auteurs très importants mais pas parmi les plus grands auteurs de cinéma.

Je prends Agnès Varda, son film récent "Documenteur", le titre entre pleinement dans notre problème : le documentaire est devenu docu-menteur, ça veut dire, il reste docu, c’est-à-dire description, et il s’enchaîne avec une narration falsifiante. En effet, l’aspect documentaire du film de Varda n’est plus du tout sensori-moteur. C’est quoi ? Description optique et sonore pure : le mur, la ville, les dessins sur le mur, la ville, à quoi s’enchaîne une narration faite de quoi ? De gestes déconnectés. Une femme qui a perdu ses shèmes sensori-moteurs en perdant l’homme de sa vie. Parfait. Je dis dans son, dans son... je dis pas que toute œuvre d’Agnès Varda se résume à ça, je dis que dans ce film précis, le lien de la description optique et sonore pure, avec la narration falsifiante s’établie comme je viens de dire.

Je prends un autre, pour vous montrer à quel point les formules sont variées. Chez Robbe-Grillet. Lui aussi c’est un auteur qui ne cesse de procéder avec les deux pôles. Les descriptions sont de pures descriptions, c’est-à-dire ne sont pas sensées renvoyer à des objets indépendants. C’est une description qui se reprend, qui se dément, etc, il en a fait la théorie. Il en fait aussi le concret. Et la narration est éminemment falsifiante. Le meilleur film de Robbe-Grillet c’est sûrement "l’homme qui ment" et l’homme qui ment n’est pas un menteur, c’est pas un menteur, c’est l’homme de la narration falsifiante qui est tout à fait autre chose, on l’a vu. Mais lui comment il procède dans sa distribution ? Il fait une drôle de distribution. Je dirais que chez Robbe-Grillet et ça vaut pour tous ses films, vous savez ce qui joue le rôle de description sensori-moteur pure ? Et bah, c’est les scènes érotiques. Les scènes érotiques.

Chez lui, les scènes érotiques ont la valeur de pure description. Et il le dit, il le dit d’une autre manière, d’une manière qui me réjouit toujours parce que, il dit : « Vous savez pourquoi je fais des scènes sadiques ? » alors on dit « Non », si vous le savez, vous ne lui dites pas, on dit « Non, on sait pas ». « Eh bah, c’est parce qu’il y a toujours une femme qui bouge et ça m’agace ». C’est-à-dire la scène sadique - mais là je crois qu’il plaisante, qu’il ne plaisante pas, qu’est ce que ça peut faire ? - la scène sadique chez Robbe-Grillet a toujours pour fonction d’arriver à une immobilisation. À une immobilisation qui va donner une image purement descriptive. En effet la femme, elle commence par s’agiter et puis on l’attache. On l’attache. Alors, tout est vrai. C’est une scène hautement érotique dit-on, ça dépend des gens, ça dépend des gens ! mais érotique ou pas, ça a pour fonction d’assurer une description qui ne renvoie plus à autre chose qu’elle-même. une description purement optique. Il s’agit d’attacher, il s’agit d’attacher la femme. Alors pourquoi il attache toujours des femmes ? ça c’est son affaire, c’est son problème. Mais bon, il s’agit d’immobiliser l’image. C’est un moyen comme un autre d’immobiliser l’image. Car c’est pas forcément avec des moyens du cinéma expérimental que l’ on immobilise l’image. Il faut se servir de tous les moyens. Alors pour Robbe-Grillet c’est ça. Et la narration falsifiante ? Si c’est vrai que c’est les scènes érotiques chez Robbe-Grillet qui se chargent des descriptions pures, qu’est-ce qui se chargent de la description falsifiante ? Tous les moyens de transport, tous les moyens de transport. Voiture, charrette à foin, bateau, moto, il aime beaucoup la moto, Robbe Grillet. vous me suivez ? Pourquoi ? Et pourquoi que le moyen de transport se chargent de la description falsifiante ? Pourquoi ? Parce que tous les moyens de transport chez Robbe-Grillet, sont les sources des faux mouvements et que la narration falsifiante s’effectue dans le faux mouvement. Je ne prends que deux exemples, juste pour dire il s’agit pas d’appliquer une formule, c’est chacun par son talent et son génie propre que les auteurs engendrent leurs descriptions pures, leurs narrations falsifiantes et passent de l’une à l’autre.

Et si ça c’est gratuit, ça sera raté, ça sera un film qui ne cessera de copier, ce sera ou du mauvais Godard, ou du mauvais Un tel, etc. On peut pas dire que ce régime des images nous sauve de la médiocrité plus que d’autres.Et si c’est fondé en nécessité, en affectivité, c’est-à-dire, en métaphysique, à ce moment -là ce sera une merveille, d’où dernière remarque. Des descriptions pures aux narrations falsifiantes, qu’est-ce que s’est écroulé ? Toute volonté de vérité
-  au profit de quoi ? Au profit de la puissance du faux.

Qu’est-ce qui amène la puissance du faux ? Ou plutôt qu’est-ce qui élève le faux ? Parce que le faux n’est pas très intéressant, le faux c’est pas du tout intéressant. C’est qui est important c’est de donner au faux de la puissance.

En philosophie, on l’a vu, il y avait le faux et puis il a eu Nietzsche qui a donné au faux une puissance du faux. En même temps qu’il mettait en question le plus radicalement, la notion de vérité. Et pourquoi ?
-  Quand est-ce que le faux prend de la puissance ? Et bien précisément quand il se dégage de tout modèle de vérité. Quand il ne se présente pas comme vrai.
-  L’erreur c’est l’acte qui consiste à présenter le faux comme vrai.
-  Le faux prend sa puissance quand il se dégage de tout modèle de vérité.
-  Qu’est-ce que peut dégager le faux de tout modèle de vérité ? Le Temps. Sous la double forme des alternatives indécidables entre nappes de passé et des distinctions inexplicables entre pointes du présent.

À ce moment-là, d’un bout à l’autre de la narration falsifiante, ou si vous préférez de la description à la narration, du début de la description pure à la fin de la narration falsifiante, qu’est-ce qui s’étale ? Le faussaire.
-  Pourquoi le faussaire n’est-il pas un menteur ? C’est que le menteur est localisable, le faussaire est illocalisé. Il est sur toute la chaîne. Pourquoi ? Parce que la puissance du faux implique et exige une irréductible multiplicité. La série des degrés de puissance, la série des exposants. C’est pas étonnant quand on se demande : qu’est qu’un faussaire ? Qu’est-ce qu’un faussaire ? Il y a eu des livres sur le faussaire. Quand on se demande qu’est-ce que c’est un faussaire on a tout les peines du monde à y répondre. C’est parce que la question est mal posée. La question est mal posée. Le faussaire n’existe pas d’après... sans une pluralité sur laquelle il renvoie toujours à une autre faussaire derrière lui. Il n’y a pas d’hypnotiseur qui ne renvoie pas à un autre hypnotiseur derrière.

Et ça est quoi ? Ça est les deux grands textes sur lesquels on s’est appuyés, deux grands textes, trois grands textes, trois grandes choses sur lesquels nous nous sommes appuyés.
-  Le prodigieux roman de Melville puisque que c’est sans doute la chose la plus insolite de tout le XIX siècle, "le grand escroc". C’était le livre admirable qui est un chef-d’œuvre de poésie, de philosophie, de littérature : - le dernier livre, le livre IV de Zarathoustra, où Nietzsche nous présente la liste des hommes "supérieurs", entre guillemets, les hommes supérieurs étant tous des faussaires dont chacun renvoie au faussaire suivant. C’est la métamorphose. Et, dans le cinéma, Welles dont l’œuvre culmine avec la grande série de faussaires de "Vérités et illusions", son dernier film, et avec une réflexion sur, précisément, la puissance du faux.

Mais nous avons vu, qu’aussi bien du point de vue de Nietzsche que sans doute de Melville : s’il est vrai qui la chaîne des faussaires détruisait tout concept et tout modèle de vérité, en revanche elle n’a pas pour conclusion : tout se vaut, tout est faux. Car tout est faux c’est une proposition stupide et banale. Comme dit Nietzsche encore une fois dans une de ses plus belles phrases : « nous avons aboli le monde de la vérité, mais nous avons aboli "aussi" le monde des apparences ». Il n’y a que les demis...le demi....le demi-je sais pas quoi, qui pensent que abolir le monde de la vérité c’est faire triompher le monde le monde des apparences. Non, abolir le monde de la vérité... le monde des apparences c’est le faux, qui se présente encore pour vrai. Je dirai qu’il y a un grand homme, un grand génie du cinéma qui a fait ça, qui a aboli le monde de la vérité et il a fait venir au cinéma le monde des apparences. C’est le plus grand cinéaste des apparences, donc, c’est pas restrictif ce que je dis, c’est Fritz Lang.

C’est une espèce de Protagoras en philosophie. Mais après Lang, il y a Welles...il suffisait pas d’abolir le monde de la vérité en gardant le monde des apparences. Il fallait faire quelque chose d’autre, il fallait aller au-delà de Protagoras, c’est-à-dire, Héraclite. Il n’y a plus ni vérité ni apparence.
-  C’est à ce moment-là que le faux devient puissance du faux. Tout ne se vaut pas sur la chaîne. La puissance du faux est multiple, tout comme l’homme supérieur est multiple. "Le cri multiple de l’homme supérieur", dit Nietzsche. La puissance du faux est multiple ; il n’y a pas une seule puissance ; par définition, la puissance c’est à plusieurs exposants. Vous avez une série ; la puissance n’existe que sous forme d’une série de puissances. Ne vous demandez pas : qu’est qu"un" faussaire ? puisqu’il y a toujours plusieurs faussaires.

-  Tout ne se vaut pas, ça veut dire quoi ? On a essayé de le voir. Tout ne se vaut pas parce que si c’est tous des faussaires. Même l’homme véridique, on l’a vu, l’homme véridique s’aperçoit finalement : autre phrase de Nietzsche qui faut savoir par cœur, « l’homme véridique s’aperçoit finalement qu’il n’a jamais cessé de mentir ».
-  L’homme véridique c’est la première puissance du faux.
-  Et puis, la puissance du faux, c’est aussi bien ce que Nietzsche appelait "la volonté de puissance".

Et voilà qu’elle joue entre deux degrés extrêmes, deux puissances, dont Nietzsche se gardera de dire l’une vaut mieux que l’autre. Il vous laisse le choix. À vous... à vous de vous mettre là ou vous voulez, dans la chaîne des faussaires.
-  à un bout, le faussaire c’est celui qui veut juger la vie, soit au nom des valeurs supérieures à la vie, et ça c’est l’homme véridique, soit au nom de lui-même comme homme supérieur. Ça c’est le faussaire. Ils font partie de la même chaîne. Chez Orson Welles, si vous pensez à la "Soif du mal",c’est Vargas, l’homme véridique ;celui qui pendant qu’on massacre sa femme,compulse les archives, cherche la vérité et dit : je veux la vérité. Et derrière Vargas, l’homme véridique, qui est déjà complètement un faussaire, il y a Quinlan le faussaire. L’un veut juger la vie au nom de valeur supérieure à la vie, la vérité. L’autre veut juger la vie par lui-même, il s’arroge le droit de juger parce qu’il s’estime supérieur. C’est la seule différence entre l’homme véridique et le faussaire pour Nietzche. Ils se valent, ce sont les deux premières puissances. Le faussaire renvoie à d’autres faussaires, comme les figures du faussaire se multiplient. Cela ils représentent le degré de la volonté de puissance, la volonté de puissance est devenue, sous ce degré, un "vouloir dominer la vie".

Or, selon Nietzsche toute cette puissance de la volonté de puissance, tout ce degré de la volonté de puissance exprime la vie. Même ceux qui prétendent juger la vie au nom d’une valeur supérieure, ils n’expriment que la vie ; simplement ils expriment une vie épuisée, une vie impotente.
-  Seule la vie impotente veut juger la vie du point de vue d’une valeur supérieure à la vie. Tous les faussaires se reconnaissent à ce qu’ils ont des prothèses. Certes, certains ont des prothèses et ne sont pas des faussaires. On peut concevoir Zarathoustra avec des prothèses. Mais en tout cas les faussaires, l’homme véridique, Quinlan et le faussaire, la canne de Quinlan, l’appareil de l’avocat Bannister dans.. etc. Welles a vu ça, à merveille.

Et alors qu’est-ce qu’il reste ? Aussi faussaire que les autres, mais à une autre puissance, il y a quoi finalement ?
-  Celui qui n’exprime pas du tout une forte santé, pas du tout une grande force mais qui exprime une vie jaillissante. Une vie non épuisée. La vie les épuise donc, donc il peut aussi malade que les autres. Là je vous console hein ? Ils peuvent être même encore plus malades, la vie les épuise mais eux ils n’épuisent pas la vie. C’est le grand critère nietzschéen. Épuisez-vous la vie ou est-ce la vie qui vous épuise ?
-  Si c’est la vie qui vous épuise, vous êtes bon,
-  si vous épuisez la vie, vous êtes mauvais.
-  Si vous jugez, vous êtes mauvais.
-  Si vous dominez, vous êtes mauvais.

-  La volonté de puissance à sa dernière puissance s’appelle, dira Zarathoustra, vertu qui donne. Et les bontés, générosités il n’y a pas d’autres volontés de puissance, ou il n’y en a plus d’autres. C’est la vie ascendante. Et encore une fois ce n’est pas une question de santé. On peut laisser sa peau en tant que une vie ascendante et autant que garder la sienne dans une vie épuisée. Il y a des épuisés qui ne finissent pas de mourir. Ce sont les plus dangereux. Pourquoi ? C’est le scorpion. Comme dit Welles, là qui est pleinement nietzchéen : « la grenouille est une idiote, et le scorpion est un salaud ». C’est du Nietzsche pur. La grenouille c’est l’homme véridique, à la lettre, puisque la grenouille dans la fable - je n’ai pas de temps de vous la raconter, c’est la fable de Mr Arkadin - la grenouille c’est l’animal véridique parce qu’il croit au pacte, il croit que le scorpion ne lui piquera pas puisque ils ont fait un pacte. C’est Vargas, c’est l’homme de la vérité. La grenouille veut la vérité. Le faussaire, c’est le scorpion. Il piquera lui-même, il piquera de toute façon, quitte à en crever. Il ne peut pas s’en empêcher, c’est le grand faussaire. La grenouille est un âne - là je cite exactement -" la grenouille est un âne, le scorpion est un salaud". Qu’est-ce qu’il reste ? Il reste tout ce que vous voulez. Le scorpion, c’est une vie épuisée, il ne sait plus que piquer, il sait que ça, il ne sait faire que ça. C’est une vie complètement épuisée. L’avocat Bannister dans "la dame de Shangaï" ne sait plus que piquer. Quinlan dans "la Soif du mal" ne sait plus que truquer les preuves. Ils ne savent plus faire qu’une chose. Quelle vie ! Quelle vie ! C’est ça que voulait dire Nietzsche, il dit des choses très, très simples : une vie malade, une vie épuisée, une vie dégénérescente c’est pas une vie qui manque des forces, ils peuvent avoir une force colossale. Il est investi dans un seul truc, piquer, piquer, il s’agit uniquement de piquer. C’est le grand scorpion, c’est Hitler, c’est tout ce qui vous voulez.

Alors, la vie jaillissante c’est pas quelque chose d’extraordinaire, c’est comme l’élan vital bergsonien, c’est pas du tout extraordinaire, c’est même très fatigant, c’est pas la grande joie non plus. Mais c’est des gens qui sont épuisés par la vie, même petite, par une petite vie, au lieu d’épuiser la vie. Si bien que par eux quelque de chose de la vie passera et rebondira. Quelque chose... eux, c’est des hommes où la puissance du faux s’effectue non plus dans "juger la vie", mais dans "assurer les métamorphoses".

-  C’est ça la volonté de puissance pour Nietzsche. C’est ça Zarathoustra : je t’annonce la métamorphose. C’est des faussaires. C’est des faussaires, je dirai sous la puissance petit n. Quel est leur signe ? Bonté, générosité. Welles ne cesse de délirer en termes lyriques sur Falstaff, il nous dit : « Falstaff est le personnage de ma vie ». Bien sûr, il est menteur, rableur, tout ce que vous voulez, mais voilà, vous ne le comprenez pas si vous n’avez pas saisit qu’il est bon. Et Welles qui ne retient plus, ajoute : « il est bon comme le pain et le vin ». ça pourrait être signé Zarathoustra.. Les deux personnages de Welles, les deux personnages positifs de Welles, c’est Falstaff et Don Quichotte. C’est des hommes de métamorphose, c’est les hommes de la métamorphose, c’est ceux qui érigent la volonté de puissance en volonté de métamorphose. Là ils ont un autre nom, quand ils le peuvent, ce sont des artistes. Si bien que jamais Welles, ou Nietzsche, ou n’importe qui, n’a considéré qu’entre un artiste et son copieur, les choses se valaient. Il n’y a que la puissance du faux n’a jamais voulu dire que n’importe quel faussaire valait un artiste.

Vous savez pourquoi le faussaire génial, faisant des faux Vermeer, reste nul par rapport à Vermeer ? Pour une raison très simple, c’est parce que le faussaire ne sait pas changer et que Vermeer lui, il sait changer. Et si vous reprenez la chaîne au niveau de l’affaire célèbre du faussaire de Vermeer, chaîne équivalente à celle de vérité et mens..."Vérité et illusions" de Welles. Vous aurez l’expert en peinture, l’homme véridique c’est un faussaire. Il juge, il juge : « Ah ça c’est du Vermeer, ça c’est un vrai Vermeer. Non, ça c’est pas un vrai Vermeer ! ». Et il se trompe, pourquoi ? Parce que derrière l’homme véridique, il y a toujours un faussaire. Même en lui. En fait, l’expert, il juge de la véracité, de la vérité des Vermeer d’après quoi ? D’après les critères que lui, homme véridique, il a établit concernant le style de Vermeer. Or, le faussaire a parfaitement étudié les critères de l’expert sur le style de Vermeer. D’où l’expert peut dire : « Ce sont de vrais Vermeer, ils répondent à tous les critères ». L’expert, l’homme véridique avait un faussaire derrière lui. Bien plus il le nourrissait de sa propre substance Il ne venait pas à l’expert, l’idée simple que ce qui définissait Vermeer comme grand artiste, c’était que Vermeer, lui changeait. Or, ni l’expert ne change, à la rigueur il distinguera des périodes de Vermeer. Mais Vermeer a été épuisé par la vie, il est mort. Donc il a bien dû arrêter ses changements, alors évidemment, évidemment. Mais l’expert croit que ça ne change pas. Et le faussaire derrière l’expert, il ne sait pas plus changer, il fera ses faux Vermeer.

Qu’est-ce que distingue un vrai Vermeer d’un faux Vermeer ? Un vrai Vermeer à une puissance de métamorphose, un faux Vermeer est comme un jugement sur Vermeer, qui remplit et qui effectue les critères de jugement - un point, c’est tout. Plus rien ne change ni ne changera.
-  La volonté de puissance selon Nietzsche a son plus bas degré dans la volonté de juger c’est-à-dire, de dominer la vie, son plus haut degré dans la volonté de métamorphose, telle que l’annonce Zarathoustra, Dionysos et des personnages plus simples.

-  C’est en ce sens que la narration comme puissance du faux peut être dite finalement, créatrice. Créatrice de quoi ? À ce moment-là nous n’avons plus d’inconvénient à employer le mot « vérité ». Elle sera créatrice de vérité. Ce qui veut dire : la vérité n’est ni un modèle, ni une copie, elle est quelque chose à créer. Or, la vérité en tant qu’elle est à créer, n’a rien à voir avec la vérité de l’homme véridique, c’est-à-dire de la vérité qui est à trouver.
-  La philosophie est l’entreprise de la création de la vérité, c’est-à-dire, de la volonté de puissance sous son degré supérieur. Derrière l’homme supérieur, il y a le surhomme. Et qu’est-ce que c’est les hommes supérieurs sont aigrement dénoncés par Zarathoustra, le surhomme est annoncé et le surhomme, ce n’est pas du tout quelque chose d’extraordinaire.
-  Le surhomme c’est l’homme qui "sait" passer dans les métamorphoses.

Vous avez de toutes sortes d’expressions, Rimbaud disait, il n’employait pas l’expression surhomme : "Celui qui sait charger des animaux même de la puissance de métamorphose". Tant que vous saurez changé - changer ça ne veut pas dire changer d’humeur, chaque fois il peut y avoir un contre-sens possible - tant que vous saurez changé, vous serez du côté de la bonté, de la générosité, de l’art. Quand vous vous mettrez à ne plus savoir faire qu’une chose, votre petite colère, votre venin, votre piqure - faire autre chose, ça ne peut être que ça ! vos morsures, tout ça, vous jugerez la vie, vous vous croirez supérieurs à la vie et vous serez des pauvres types. Voilà ! Et bien après cette leçons de morale...

voilà, c’est fini...ah non, j’aurais voulu, non c’est trop tard, j’aurais voulu juste savoir si Isabelle Stengers, elle n’a pas trop souffert... il faut dire, j’aurais voulu parler moins et qu’elle veuille bien pendant dix minutes indiquer qu’en fait, c’était beaucoup plus compliqué que ça, mais enfin....bon, et bah je vous souhaite de bons repos, du bon travail, tout ça quoi...eh, mademoiselle Dolmenne, il me la faut mademoiselle Dolmenne, elle n’est pas là ? Personne ne la connaît mademoiselle Dolmenne ?

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