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62-15/05/1984 - 1

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Gilles Deleuze - vérité et temps cours 62 du 15/05/1984 - 1 Transcription : Haniel Occo - relecture : S.D.

Il pleut ...

Bon ! alors...quel désespoir ce temps ! Non ? vous n’avez pas de désespoir ? Si ! Moi, j’ai un grand désespoir avec ce temps, une mélancolie... Alors, bon, mais travaillons quand même !

Qui est-ce qui m’a ?... il y a quelqu’un... du temps où j’avais fait un appel à propos de ritournelle et galop - appel fructueux - puisque certains d’entre vous m’ont donné des choses très riches. Il y a quelqu’un qui m’a fait une note sur le rock.. Oui, c’est moi ! - Ah, tu n’as pas mis ton nom. Et, c’est épatant ta note, si c’est vrai c’est formidable.

-  Mais c’est ça le problème : je ne sais pas si c’est vrai !

-  La réaction qu’on a c’est que c’est trop beau pour être vrai. Mais même j’entends bien que ça doit être forcé les classifications que tu fais, doivent être forcées mais elles sont très, très bonnes. Je me dis, à la fois c’est tellement beau que c’est sûrement vrai et c’est trop beau pour être vrai. On se dit toujours les deux à la fois. Mais c’est un petit texte excellent. Si c’est vrai, tu devrais en faire un texte pour une revue de rock. Non ?

-  Je ne sais pas s’ils publient.

- Ils publient parfois des choses très difficiles les revues de Rock ! quant ils s’intéressent à la musique ! C’est un très bon texte ! (intervention de l’interlocuteur inaudible)

C’est tout un problème, hein ! je veux dire, le problème c’est vraiment arriver... on parle jamais très bien de ce qu’on sait à fond et d’autre part on parle très mal de ce qu’on ne sait pas. Très compliqué tout ça. Il faut parler toujours à la limite de ce qu’on sait. Il ne faut pas tomber dans ce qu’on ne sait pas, mais il faut pas raconter ce que l’on sait. C’est difficile. Qu’on l’écrive, qu’on réfléchisse tout ça, c’est toujours dans cette bordure entre ce que l’on sait et ce que l’on ne sait pas. C’est pour ça que c’est des exercices spirituellement dangereux, mais uniquement spirituellement alors, c’est pas très grave, eh !

Sauf que quand on craque, quand on craque, on a deux manières de craquer :
-  ou bien on ne dit plus que ce que l’on sait, et c’est rien parce ce que l’on sait, c’est ce que tout le monde sait alors, c’est pas la peine de le dire.
-  Ou bien alors on fait le bond radical dans ce que l’on ne sait pas, et c’est de la... Difficile, difficile... et c’est vrai même pour la littérature. C’est une question d’appréciation de chacun. Prudence...la prudence c’est ça. Entamer, mordre sur ce que l’on ne sait pas. Et en même temps pas trop. Découvrir son flanc fragile, mais avec un flanc fort derrière ! Ce qu’il faut montrer, c’est le flanc fragile. On vous fait une objection, vous tendez le flanc fort : c’est la position des condamnés dans le cercle de l’enfer de Dante.

Tout ceci pour dire - ça s’enchaîne - où est-ce que nous en sommes ? - vous vous rappelez quoique ce soit il y a déjà longtemps - toute la dernière fois ce que j’avais essayé de dire, c’est que, en effet, il fallait maintenant que nous entrions dans l’analyse d’une image-temps directe.

-  Qu’est ce que c’est que cette image-temps ? Puisque tout le temps, on n’a pas cessé de dire il y a en a une. Bien plus, on a avancé dans l’analyse de cette image-temps directe mais du point de vue des concepts philosophiques, avec Kant, mais enfin c’était le début d’une longue histoire. Et nous voila revenus alors à un problème, qu’est ce qu’une image-temps directe ? Et par image-temps directe, vous vous rappelez que nous entendons quelque chose qui, du point de vue du temps se distingue radicalement de l’image-indirecte du temps c’est-à-dire, une image-temps qui serait conclue du mouvement. Donc tout cela je suppose est relativement clair.

Alors je peux dire parce que ça va nous occuper un certain nombre de séances, je peux dire au moins, quel sera notre schéma. Toujours cette histoire : une image-temps directe : est ce que ça veut dire qu’elle est donnée comme ça ? Elle fait l’objet d’une expérience. Non ! Evidemment plus compliqué que ça . Elle est directe ! Oui mais pas dans n’importe quelle condition. Il faudra remplir cette condition pour accéder à l’image-temps directe. Ce que nous avons vu la dernière foi, c’est quelque chose qui consistait en ceci :
-  si nous revenions à l’image cinématographique, nous étions en droit de mettre en question l’illusion d’après laquelle cette image serait au présent. Ce qui revient à dire qu’il y a une image directe au cinéma. Et nous avions vu juste, nous avions lancé ce thème : l’image cinématographique n’est nullement nécessairement au présent. C’est une illusion. Bien plus, ceux qui nous disent l’image cinématographique est au présent, ils n’ont vraiment pas bien analysé, même la nature du mouvement au cinéma. A savoir, leur a échappé complètement tout le problème des anomalies du mouvement. Donc il y a une image-temps directe au cinéma, cela renvoie à certaines conditions, quelles conditions ?

Si bien que je peux - c’est pour plus de clarté - essayer de dégager le thème - avant même que.. en le laissant dans son obscurité tel quel. Qu’est ce que je voudrais essayer de montrer dans cette série alors, dans cette nouvelle partie de notre travail ? C’est quelque chose qui se renoue avec la toute première partie, à savoir que l’image-temps directe existe parfaitement et qu’elle apparaît dans certaines conditions particulières. - Je dirais : l’image-temps directe apparaît dans des conditions particulières qui sont celles d’un type d’images que l’on doit qualifier, que l’on doit définir, décrire, et que nous appellerons l’image-cristal. Le problème redouble !
-  Qu’est ce qu’une image-cristal ? Remarquez que dans ce schéma, et là je n’ai pas à me justifier parce que c’est toute la suite qui va être une tentative - c’est peut être pour vous aider à suivre comme ça va être relativement tortueux comme toujours. C’est pour vous aider à suivre le thème principal. Remarquez que nous distinguons donc comme deux dimensions :
-  il y aurait certaines images très particulières - qui se trouvent aussi être dans la vie, je ne sais pas - qu’on pourrait appeler des images-cristal.
-  Et l’image-temps directe, le Temps en personne, un peu de Temps à l’état pur, c’est ce qu’on verrait dans le cristal.

Donc nous ne confondons pas les deux. Nous ne disons pas : l’image-cristal, c’est l’image-temps directe. Nous disons : l’image-cristal serait la condition pour saisir une image-temps directe au sens où le Temps en personne, c’est ce qu’on voit dans le cristal.

Evidemment à charge pour nous de justifier tout ça. Et la première tâche ce serait :
-  qu’est ce qu’une image-cristal ? Là, se pose un problème qui nous interesser à un tout autre niveau. A savoir, pour savoir ce que c’est qu’une image-cristal, on se dit - là je fais appel à vous en tant que vous poursuivez vous même des recherches - comment on fait dans une recherche ? Si on a envie, si on a le pressentiment, si on a des raisons quelconques, de vouloir construire un concept comme celui de l’image- cristal, on a déjà des directions de pensée. A savoir, bon, le cristal, c’est un certain état de la matière dont la physique nous entretient. La discipline qui nous en entretient s’appelle "cristallographie". Ce n’est pas la première fois que, on se trouvera devant la possibilité ou la nécessité, de faire une utilisation philosophique de la science. Mais comme problème annexe, je pose la question de savoir : - qu’est ce qu’une utilisation scientifique de la science ? Comment le philosophe oserait-il se servir de la science ? C’est-à-dire non pas seulement faire une histoire de science, ce à quoi les savants suffiraient amplement, mais faire une utilisation philosophique de la science, n’est ce pas ce qui est dénoncé de toute façon à droite, à gauche ? Et en effet il y a bien des dangers. Je vois deux dangers fondamentaux dans toute utilisation philosophique de la science : - que l’utilisation soit métaphorique, c’est-à-dire que l’on fasse une utilisation purement métaphorique de notions scientifiques. - Deuxième danger non moins grand : que l’on fasse une application de notions scientifiques à des domaines qui ne sont pas les leurs.

Dans un cas, l’utilisation métaphorique - la science n’est utilisée qu’implicitement- et ça permet tout l’arbitraire du monde. Dans l’autre cas la science est utilisée explicitement mais c’est extrêmement pénible de voir une application de ce qui n’a de sens que dans un domaine scientifique, à de tout autres domaines. C’est en ce sens qu’on est toujours un peu gêné quand on nous dit, par exemple à propos de l’art : « oh bah ça, c’est un art analogue à la physique quantique » ( coupure ) faire une utilisation philosophique de concepts scientifiques. Qu’est ce qu’il faut faire ? Je veux dire, si je veux constituer un concept philosophique d’image-cristal, qu’est ce que je suis en droit de retenir de la cristallographie ? Dans des conditions telles que, ma référence à la cristallographie ne sera pas simplement métaphorique, mais en même temps, ne consistera pas à appliquer la cristallographie à un domaine qui n’est pas le sien.

Ce problème à mon avis, on le retrouve partout, et si on arrivait à le résoudre, comprenez : on aurait fait un grand pas dans la question des rapports science/philosophie. A savoir, de quel droit la philosophie peut elle à un moment donné tirer des concepts de la science ? Pourquoi je dis : tirer des concepts de la science ? parce que la science n’opère pas par concepts. J’ai dit mille fois - et peut être qu’un jour j’arriverai à le dire mieux - la philosophie c’est l’invention des concepts en tant que tels. Le concept est une détermination philosophique ; c’est la détermination de la philosophie comme telle. - Construire, inventer, créer un concept : c’est faire de la philosophie.

La philosophie n’a pas d’autre contenu et n’a pas d’autre but. Ce qui implique que la science, elle, n’opère pas par concept. Et en effet la science n’opère pas par concept. Par quoi opère t’elle ? Disons... de manière très sommaire, qu’elle opère par opérateur. Je ne dis pas ce que c’est qu’un opérateur, s’agissant d’un concept tout ça, je vous mets en présence d’une espèce de masse de problèmes. De quel droit tirer un concept d’un opérateur scientifique ou de plusieurs opérateurs scientifiques ? Je crois que si l’on arrive à propos de l’image-cristal, à bien montrer "de quelle manière" nous pouvons nous servir et" à quelles conditions", nous pouvons nous servir de la cristallographie pour dégager - ce qui n’est pas donné dans la cristallographie parce que ce n’est pas son affaire - un concept de l’image-cristal ou un concept de cristal, on aura fait un grand pas. Sur un exemple précis, on aura les rapports possibles science-philosophie. Et quand je dis image-cristal, c’est le propre d’une recherche, j’ai bien une vague idée dans la tête. C’est-à-dire j’ai comme une hypothèse. Cette hypothèse, essayons juste de la préciser, sans même savoir où elle nous emmène ça peut être une impasse.

- En quoi une image-cristal se distingue d’une image tout court ? Oublions le mot cristal, je l’emploie arbitrairement pour le moment. Je dis : voilà j’ai besoin d’un mot pour désigner un type d’image très particulier.
-  C’est des images où se produisent un échange.

Bachelard dans sa théorie de l’imagination parle très bien de ces images, il trouve un mot très satisfaisant pour ces images, il les appelle des "images mutuelles". Des images doubles, des images mutuelles, des images où se produit un échange. Je dis juste parce que pour le moment j’ai envie. Je n’ai aucune raison. On verra si c’est justifié. Une image mutuelle ou une image où se produit un échange, si il y en a, je voudrais l’appeler image-cristal. Sans doute que j’ai l’impression que dans un cristal se produit un échange, et que bien plus, chaque fois que se produit un échange, en un sens particulier d’échange, il y a formation cristaline. Mais quel échange ?

Faisons un pas de plus. L’échange c’est entre quoi et quoi ? Je dirais toujours dans la même confusion - c’est notre hypothèse. Essayons de définir une image-cristal. Tout ça ne me donne rien de la science pour le moment. Je vais là mon petit chemin ; je vais essayer de former un pré-concept philosophique.
-  Je dirais : et bien voilà : une image-cristal ce serait un consolidé de deux images entre lesquelles l’échange se produit. J’introduis la notion de "consolidé".
-  Consolidé de deux images entre lesquelles un échange se produit nécessairement. Dans quelles conditions un échange se produit il nécessairement entre deux images ?

Vous voyez, je suis poussé de questions en questions. Je continue, comme ça. Moi-même je ne sais pas ce que je veux dire. Vous me direz que je triche. Non, je me remets au moment où je ne savais pas ce que je voulais dire. Je dis, cela ne peut être qu’un consolidé entre une image qu’on appellera "actuelle" et une image que l’on appellera "virtuelle". Image actuelle, image virtuelle, c’est à nouveau être renvoyé à la science. L’optique distingue l’image actuelle et l’image virtuelle. Ca me réconforte beaucoup. Je me dis ah ! bon ! la cristallographie et l’optique sont assez liés pour qu’il y ait une optique cristallographique. Très bien, bon... Et je retrouve des notions optiques pour définir l’image-cristal bon... ça va de mieux en mieux ! Je ne comprends toujours rien à ce que je dis. Je dis juste, supposons. On pourrait - j’emploie le conditionnel - on pourrait définir l’image-cristal comme le consolidé d’une image actuelle et d’une image virtuelle.

Qu’est ce que ça me donne et quel serait la loi de l’échange ?
-  Le consolidé de l’image actuelle et de l’image virtuelle serait tel que le virtuel deviendrait actuel et l’actuel virtuel.

Si c’est ça l’aventure, elle est loin d’être finie ! Ce ne serait que le début. Heureusement il faudrait que la suite de l’aventure donne un peu de concret là dedans, puisque on va en aveugle. Nous disons juste : est ce que ça vous satisfait pas ? Est-ce que ça ne vous irait pas qu’on définisse l’image-cristal ? Alors si vous me dites : non ! ça ne va pas, on est d’accord, ça ne vous va pas. Si vous me dites qu’il faut voir, faut voir ! Est-ce que ça ne vous irait pas qu’on parte de ceci au conditionnel ;
-  l’image-cristal serait une image mutuelle, c’est-à-dire le consolidé d’une image actuelle et d’une image virtuelle, de telle manière qu’un circuit s’établisse entre les deux : l’échange.

-  Le circuit cristallin consistera en ceci : l’actuel devient virtuel en meme temps que le virtuel devient actuel. J’aurais une image cristal. Ce serait un circuit image-actuelle, image-virtuelle.

Et voilà que dans ma mémoire - c’est bien comme ça qu’on recherche - que des lambeaux vous reviennent- voilà que dans ma mémoire surgit une expression bizarre de Bergson. Il nous parle de coalescence ; c’est un mot scientifique ça aussi. Il nous dit : "coalescence d’une image actuelle et d’une image virtuelle". Il ne parle pas de cristal, Bergson. Ses métaphore ne sont pas cristallines, c’est bizarre, elles sont magnétiques. Mais on aura à rencontrer, peut-être, à rencontrer pourquoi elles sont magnétiques, les métaphores bergsoniennes. En tout cas, il parle de tout à fait autre chose que de l’image-cristal, mais il parle bien d’un phénomène de miroir. Il dit : "coalescence d’une image actuelle et de son image en miroir", coalescence d’une image actuelle et d’une image virtuelle. Bon... est ce que ça ne serait pas une définition de notre image-cristal ?
-  Coalescence d’une image actuelle et d’une image virtuelle.

Supposons que tout ceci soit justifié. C’est-à-dire que ce que je vous demande, c’est ce mode de précompréhension. Je ne peux pas vous dire : est ce que vous avez compris ? tout ce que je dis depuis le début est à proprement parler incompréhensible puisque rien n’est justifié.

C’est des directions de recherches et des directions de recherches, ça a cette état de bouillie, quoi. Simplement il doit en sortir quelque chose. L’hypothèse qu’il en sort pour nous, vous voyez, on a convoqué déjà la cristallographie, l’optique ; mais on l’a convoqué sous quelle forme ? On les a convoqués sous forme vraiment rudimentaire. Sentez qu’on est en train de faire de la transplantation. ON est en train de prendre à la science des choses qui ont un statut scientifique rigoureux, et on est en train d’en faire des greffes de concept. Est-ce qu’elles vont prendre ? est ce que ces greffes vont prendre ? C’est ça le danger de la recherche.

Alors je résume : tout notre thème ce serait d’explorer cette direction.
-  L’image-cristal c’est une coalescence ou un consolidé d’images actuelles et d’images virtuelles. Et c’est cela qu’on appellerait : un germe de temps.

Ce ne serait pas encore le Temps. Mais dans l’image-cristal ainsi définie, on verrait le Temps. Dans l’image-cristal ainsi définie, surgirai l’image- temps-directe, c’est-à-dire l’image-temps pour elle-même. C’est-à-dire une image temps qui ne dépend plus du mouvement, mais qui est telle qu’au contraire, c’est le mouvement qui dépend d’elle.

Donc si j’appelle l’image-cristal, germe de temps c’est parce qu’elle n’est pas le Temps mais qu’on voit le temps en elle. C’est l’ensemble de l’hypothèse.

Alors si il s’agit de rendre ça relativement clair, vous comprenez, ce que réclame de vous c’est exactement ce que j’appelle la précompréhension. C’est-à-dire, ça doit rester obscur mais ça doit être obscur de telle manière que vous y reconnaissiez vaguement quelque chose. Rien de plus. Ce n’est pas encore un concept. Je dispose là d’un préconcept qui, vous voyez, est intermédiaire entre des espèces de données scientifiques très vagues, des directions philosophiques à venir. Si bien que si il s’agit de mener cette recherche sur l’image-cristal et sa manière de nous donner une image temps directe, de nous livrer, de nous dévoiler, comme une image-temps-directe qui serait comme "ce qu’on voit à l’intérieur du cristal". Et bien il faut repartir sur nos bases relativement solides, sur notre point de départ, où là il ne s’agit plus de faire de l’ hypothèse. Il s’agit de retrouver un terrain où on a acquis certaines certitudes.

Et ce terrain c’est exactement le suivant : c’est - vous vous rappelez - l’image-mouvement se définit comment ? je ne cesse de revenir sur ce point que je ne développe plus du tout parce que il est pour moi, la base de tout ce qui suit.
-  L’image-mouvement se développe suivant un modèle. Ce modèle c’est la situation sensorimotrice ou le schème sensorimoteur. Comment définir ce schème sensorimoteur, qui est vraiment constitutif de l’image mouvement ?
-  Premier caractère, l’image renvoie à un objet supposé indépendant ou ce qui revient au même, à un milieu supposé réel.

Je le disais la dernière fois, si vous vous rappelez, il faut attacher la plus grande importance à "supposé". Il s’agit pas de savoir si le milieu et/ou l’objet est réellement indépendant de l’image, il s’agit de constater que l’image elle-même, "présuppose" que l’objet en est indépendant même si ce n’est pas vrai. C’est-à-dire même si la présupposition n’est pas effectuée. Je dirais : l’objet est saisi comme réellement distinct de l’image même si il n’en est pas réellement distingué. Il est conçu comme réellement distinct, l’image le pose, le suppose comme indépendant. Et je vous le disais la dernière fois, ça peut arriver par exemple dans le cinéma, ça arrive aussi bien si vous tournez en extérieur ou si vous tournez en décor. Il peut y avoir un décor et le décor suppose : "qui vaut pour", par exemple, les rues en studio supposent valoir pour des rues réelles. Donc la distinction décor/extérieur n’est pas du tout pertinente à cet égard. C’est ça le premier caractère du schème sensorimoteur.
-  L’image présuppose l’indépendance du milieu et de l’objet.

-  Deuxième caractère : le schème sensorimoteur, ainsi fondé, se présente comme un enchaînement d’actuels, comme un enchaînement de termes d’actuels. Objet ou situation, action, nouvel objet, nouvelle action, nouvel objet etc... Un enchaînement d’actuels par l’intermédiaire d’actions, elles-même actuelles. J’ouvre la porte, j’entre dans la pièce, je fais quelque chose, je sors de la pièce etc, c’est un enchaînement de termes d’actuels.

-  Troisième caractère : c’est un espace - le schème sensorimoteur se déploie dans un espace - où précisément s’enchaînent les termes d’actuels du type : excitation, réponse, nouvelle excitation, nouvelle réponse etc. Tout est actuel ! Et en effet, dans l’image sensorimotrice, tout est actuel. C’est l’enchaînement actuel d’une situation et d’une action. Je dis que ça implique bien un espace vécu, qui est quoi ? Il y a un terme parce qu’un philosophe a beaucoup analysé cet espace, en parlant "d’espaces hodologiques" avec un « H ». Hodologique c’est-à-dire un espace d’itinéraires, de chemins. C’est un philosophe d’origine allemande, émigré en Amérique au moment de Hitler, qui s’appelait Kurt Lewin qui a fait une très belle théorie des espaces dits hodologiques.

Et ces espaces hodologiques, c’est des espaces structurés en fonction des buts et des obstacles. Buts et obstacles, qu’est-ce que c’est ? C’est des affrontements de forces, c’est des centres de forces entre lesquelles s’exercent des tensions. Par exemple buts et obstacles, on voit très bien en quoi c’est un espace peuplé de centres de forces entre lesquelles s’exercent des tensions.

Par exemple, (shéma n° 1) vous avez une poule là, vous avez du grain là, vous avez donc une première force qui s’exerce. C’est la tendance de la poule à aller prendre le grain. Et puis là vous avez un obstacle, une force contraire qui s’exerce. La poule elle se tape sur le grillage par exemple. C’est un espace hodologique, c’est pas compliqué. Ce qui m’intéresse c’est comment l’espace hodologique, moi, je dirais l’espace hodologique de Lewin, par exemple, c’est très intéressant parce que je dirais que c’est la forme vécue de l’espace euclidien. Et ça c’est moins évident. C’est la forme vécue de l’espace euclidien ou si vous préférez
-  l’espace euclidien, c’est la forme abstraite des espaces hodologiques.

Pourquoi est ce que je dis ça ?
-  Parce que les centres de forces d’où se dégagent des tensions, impliquent un espace, impliquent "déjà" un espace où les tensions tendent à être résolues. L’espace euclidien, c’est la résolution des tensions des espaces hodologiques. En effet il y a une chose qui m’apparaît être comme l’insuffisance de Lewin. Pour appréhender quelque chose comme obstacle qui vient contrarier ma recherche d’un but, il faut déjà avoir une idée sur la manière, au besoin une idée fausse, mais il faut déjà avoir une idée sur la manière de contourner l’obstacle. L’organisation d’un espace entre but/obstacle implique déjà une vision "résolutive" des tensions.

Je vais lire, je reviens à mon exemple de la poule. (shéma n° 2) La poule dans cette situation, elle a son grain là, elle le voit, elle en meurt, et puis il y a le grillage. La poule il se trouve qu’elle ne comprend rien. Elle vient, elle se cogne contre le grillage, elle s’affole, elle crie, elle piaille, elle revient, elle se retape contre le grillage. On dit que la poule n’est pas intelligente. Mais je demande : cette poule non intelligente, faut pas charrier ! En quoi n’est elle pas intelligente ? Est-ce que c’est parce qu’elle ne sait pas surmonter l’obstacle ? Ou c’est bien pis... elle ne sait pas surmonter l’obstacle et pourquoi elle ne sait pas surmonter l’obstacle ? C’est pas difficile. C’est parce que elle ne saisit pas ça comme obstacle ? Elle n’est pas dans un espace hodologique. Les espaces hodologiques sont déjà des espaces très élaborés, à bien d’un titre très spécial. Saisir le grillage comme un obstacle, mais c’est déjà l’avoir surmonté, ça implique une organisation de l’espace perceptif.

Qui est-ce qui l’a saisi le grillage comme un obstacle ? Précisément l’animal qui, au bout d’un temps plus ou moins long d’apprentissage, trouverait la solution. La poule, jamais elle ne fera ça, jamais elle ne fera cette courbe gracieuse sur laquelle je vais m’expliquer tout à l’heure. Jamais elle ne fera ça, la poule - à la rigueur elle peut avoir de la chance, alors à ce moment là, elle fait tous ces trucs, comme on dit, par hasard elle a contourné le grillage. Vous voyez, vous pouvez dire : c’est par hasard, précisément en fonction de la nature de son parcours, qui sera un parcours proprement probabilitaire. Faut croire qu’elle est dans un drôle d’espace. La poule elle serait plutôt dans un espace qu’il faudrait pas appeler hodologique, dans un espace qui a une autre nature.

Je dis juste, je reviens à mon histoire d’espaces hodologiques. L’organisation d’un champ spatial en obstacle et but, ne peut se faire qu’en référence déjà avec une résolution des tensions, résolution au moins possible. Qu’est ce qu’on appellera "résolution des tensions", par opposition au hasard ? Je dis là, la tension entre l’attirance que le grain exerce, et la répulsion que l’obstacle exerce, est résolu dans le cas de la courbe pure qui déborde le grillage. Qu’est-ce que c’est que cette résolution de tension ? - Le meilleur mouvement pour le résultat considéré. Qu’est ce que ça veut dire le meilleur mouvement pour le résultat considéré ? ça veut dire le mouvement le plus économique. Tout autre mouvement appliquerait un plus long trajet.
-  En d’autres termes, mettons, le minimum de mouvement pour le maximum de résultat. La résolution des tensions se fait suivant ce que la science appelle - je sais que je suis très sommaire mais c’est vraiment exprès et je retrouve une notion scientifique là, beaucoup plus complexe - la résolution des tensions se fait suivant ce que la science appelle des lois d’extrémum. Qu’est ce que c’est une loi d’extrémum ? Les lois d’extrémum elles sont bien connues en mathématiques et en physique, par exemple en optique depuis très longtemps. C’est des lois dites de minimum et de maximum. Par exemple, la déviation de la lumière à travers un prisme suit les lois d’extrémum, c’est-à-dire, la trajectoire la plus directe. Tout ça c’est très connu. J’en tire ceci :
-  c’est que l’espace hodologique est un espace peuplé de centres de force entre lesquels s’exercent des tensions. Ces tensions étant résolues par des lois d’extrémum c’est à dire de minimum et de maximum.

J’insiste là-dessus car pour moi c’est le critère même de l’actuel. Les enchaînements d’actuels se font de cette manière. Et l’espace euclidien c’est quoi ?
-  L’espace euclidien c’est l’espace dans lequel s’opère la résolution des tensions suivant les lois d’extrémum. C’est une très belle, c’est une définition pour moi intéressante de l’espace euclidien. Un espace dans lequel les résolutions des tensions, qui est déterminé dans cet espace. C’est un espace dans lequel sont déterminées des tensions et dans lequel la résolution des tensions se fait suivant des lois d’extermum. Par exemple qu’est ce qu’on appellera mécanisme en biologie ou dynamisme, maintenant ? Ce qu’on appellera mécanisme en biologie ou dynamisme ? eh bien, en un sens très précis c’est une théorie qui considère que dans l’organisme tout est actuel, tout est actuel.
-  Un organisme est un enchaînement de termes actuels.

Mais qu’est ce que ça veut dire concrètement ça, qu’un organisme est un enchaînement de termes actuels ? Ca veut dire, les relations biologiques obéissent à des lois d’extrémum. C’est par là qu’elles sont justiciables d’une visite mécaniste. Par exemple, vous considérez une artère et un territoire à irriguer, un territoire organique à irriguer. Il faudra montrer pourquoi la voie d’irrigation est celle-ci plutôt qu’une autre et vous le montrerez en invoquant des lois d’extrémum. En montrant que la voie d’irrigation, c’est à dire le chemin qui va de l’artère au territoire à irriguer, que ce chemin est de telle nature que tout autre chemin serait moins économique. C’est une loi de minimum. Un auteur anglais célèbre, Darcy Thomson a écrit un livre sur l’application de ces lois d’extrémum. L’exemple que je viens de donner est simpliste mais dans des cas très complexes, Darcy Thomson essaie de montrer comment les structures biologiques s’expliquent par des lois d’extrémum, de minimum et de maximum. Donc je dirais, voussavez l’espace euclidien, c’est l’espace ou c’est la projection de l’espace, dans laquelle les tensionsse résolvent suivant des lois d’extrémum, c’est à dire suivant des minima et des maxima.

Voilà je retiens ceci : dans l’image sensorimotrice, tout est enchaînement d’actuels et ce que je viens d’essayer de montrer c’est pourquoi l’image sensorimotrice plongeait naturellement dans un espace euclidien. Voilà - vous m’accordez tout ça - et comment se définira-t-elle comme un enchaînement d’actuels et de résolutions des tensions correspondantes d’un actuel à un autre ?

Voilà, je ne précise plus mais j’en tire, je rappelle la conclusion de toute cette analyse, là où j’ai ajouté des choses que je n’avais pas dites avant. La conclusion c’est que
-  de l’image-mouvement on peut toujours conclure à une image du temps mais c’est une image indirecte du temps. D’une part,
-  c’est une image indirecte du temps
-  d’autre part c’est l’image d’un temps chronologique.

Voilà, j’ai donc mon groupe, maintenant j’ai un groupe plus ferme, plus consistant : image sensorimotrice, enchaînement d’actuels, espace euclidien, image indirecte du temps, temps chronologique. Mais il faut que ce soit, là on n’est plus dans le domaine de l’hypothèse, là je ne fais pas appel à votre précompréhension mais à votre compréhension.

(Intervenant) - Si vous centrez l’image-mouvement sur le thème sensorimoteur, il me semble que la seule image-mouvement qui soit pleinement sensorimotrice, c’est l’image actuelle. Déjà dans l’image-affection et dans l’image-mentale aussi bien l’affect que la relation de l’image-mentale sont déjà virtuels et pas complètement actuels ?

(Deleuze) : Tu me ramènes au passé. Je peux dire deux choses. Je peux dire qu’en principe tu as raison. Ca reviendra à dire qu’il n’y a jamais un pôle à l’état pur, que en fait on a toujours des mélanges. L’image-mouvement et autre chose. Mais plus précisément on peut maintenir, quand même, que si l’image-affection, l’image-mentale, toutes ces choses qu’on a vues les autres années - je précise ça pour ceux qui n’étaient pas là les autres années - il ne s’agit pas de revenir sur tout ça donc je parle uniquement pour ceux qui étaient là, les autres années. Si tu as raison, ça n’est qu’à moitié. Car si je me donne l’image sensorimotrice, l’image-affection, l’image-mentale, et bien d’autres images encore - bien sûr, témoigneront de quelque chose de nouveau. Mais ce quelque chose de nouveau malgré tout "s’insérera" dans le schème sensorimoteur. Si bien que, s’il n’y avait que le schème sensorimoteur, tu ne pourrais pas rendre compte de ce "quelque chose de nouveau". Il serait absorbé dans le schème sensorimoteur c’est à dire l’affection on l’a vu, c’est ce qui interviendrait entre une excitation et une réaction. Alors tu pourrais toujours dire : « ah, mais ça intervient entre une excitation et une réaction, mais ça n’empêche pas que c’est autre chose ». Ce qui compterait, ce serait uniquement que ça intervient "entre", que dès lors le schème sensorimoteur l’intègre. Et tu ne pourrais pas dire autre chose. Si tu peux dire : « ah ! mais dans l’image-affection, dans l’image-mentale, il y a quelque chose d’irréductible à l’image sensorimotrice et je vais vous montrer ce que c’est ». C’est uniquement parce que tu t’es déjà installé dans le domaine d’images qui ne sont plus sensorimotrices mais que l’image-affection ou l’image-mentale ne pouvaient pas suffir à définir. Tu comprends ? Il faut que l’idée te vienne d’ailleurs, pour que tu dises : « ah oui, déjà alors les affections débordaient ». Mais si tu restes dans l’image sensorimotrice, tu ne t’apercevras même pas que les affections débordent. Tu diras : "les affections elles viennent entre une excitation et une réaction quand l’un ne se prolonge pas immédiatement dans l’autre, c’est à dire quand ce n’est pas un simple réflexe". Et tu ne diras pas autre chose. Pour découvrir ce qu’il y a dans l’affect d’irréductible au sensorimoteur, il faut que tu disposes d’un domaine sensorimoteur que l’affect ne suffit pas - domaine non-sensorimoteur, que l’affect ne suffit pas à te faire découvrir.

D’où je passe à l’autre versant. Précisément ce domaine du non-sensorimoteur. Et là aussi c’est des choses sûres auxquelles je voudrais ajouter, tout comme tout à l’heure, je viens de refaire là, mon point de départ. Eh bah oui... Je dis - on vient de voir comment l’image indirecte du temps et l’espace euclidien ou le temps chronologique peu importe maintenant- on peut mettre tout ça dans un même ensemble je pense l’avoir justifié - dépendaient du schème sensorimoteur ou de la situation sensorimotrice. Mais voilà, fait brut : il y a des images qui renvoient à des situations qui ne sont pas sensorimotrices.

Mais des situations qui ne sont pas sensorimotrices c’est quoi ? C’est toutes les situations qui se trouvent coupées de leur prolongement moteur. Coupées pas accidentellement, qui se trouvent "essentiellement" coupées de leur prolongement sensorimoteur. Remarquez que la situation - et il faut vraiment aller doucement parce que c’est délicat tout ça - remarquez que la situation est actuelle. J’ai encore un point de départ actuel. J’insiste là-dessus, c’est une image actuelle. Seulement il n’y a plus enchaînement d’actuels. Cet actuel ne s’enchaîne pas avec un autre actuel.
-  Je suis dans une situation coupée de tout prolongement moteur.

Qu’est ce que je dirais, par exemple : « bah oui, il n’y a plus rien à faire ! ». Alors on l’a vu ça, ça peut se réaliser de mille façons : « il n’y a rien à faire ». Quand on en parlait une autre année : « je ne sais pas quoi faire ». Ca peut s’incarner de toutes sortes de façons. Ca peut s’incarner dans les temps morts, dans les temps morts de la banalité quotidienne. Mais ça peut s’incarner aussi dans les temps forts des situations limites. « Plus rien à faire ! », « je suis fait ! », « je vais mourir ! ». C’est pas une situation sensorimotrice, ça ! Qu’il est curieux que Bergson, le plus doux des philosophes, ait toujours été le plus tendre des philosophes - ait toujours été fasciné par des situations limites qui étaient, comme il dit lui même : « la vision des pendus noyés et mourants ». Vous savez, la fameuse vision panoramique, où tout le passé d’un individu défile sous ses yeux. Rappelez vous ce que Godard en a tiré dans son film « Sauve qui peut La vie » où le personnage renversé par une voiture dit « je ne suis pas mort parce que la vie n’a pas défilé sous mes yeux ». Mais Godard, je crois, a une raison très profonde de dire ça. Et la raison profonde je peux la dire tout de suite, c’est que pendant très longtemps, le cinéma d’une certaine manière, un cinéma moderne, déjà moderne, a pris pour modèle, même implicitement, la vision des mourants pendus et noyés. Ca, c’est une situation "actuelle" mais elle n’est pas sensori..

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