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60- 17/04/1984 - 3

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Gilles Deleuze - vérité et temps cours 60 du 17/04/1984 - 3

Transcription : Fabienne Kabou

Une question très intéressante, là à l’instant à laquelle je vais essayer de répondre. Mais encore une fois, des lectures de Kant, pour ceux que ça intéresse, il faut les faire, ne vous laissez pas influencer. Soyez incorruptibles. Remettez du temps originaire chez Kant, faites tout ça, vous êtes libres.

Voilà le problème dans lequel on est et c’est notre dernier problème, cette histoire de, cette formidable indépendance du temps.

Encore une fois, je recommence : moi suis dans le temps. Je dirais aussi bien, moi apparais dans le temps. Etre et apparaître, "moi" dans le langage de Kant, moi suis un phénomène dans le temps ; suis une apparition dans le temps.

"Je" est un acte qui opère une synthèse non pas du temps lui-même, mais de ce qui est dans le temps et des parties du temps. Si vous avez bien cela à l’esprit, pourquoi ça importe, ben oui ! Je dis : moi, comprenez, chacun de nous est dans le temps et dans le temps, il éprouve des sensatons intensives. Il passe d’une sensation à une autre et tant qu’il vit, il permane, il dure. C’est ça le moi et d’autre part, comment nier que vos actes de conscience opèrent une synthèse de ce qui apparaît dans le temps et des parties du temps. Une synthèse des contenus et des parties du temps et ce qui opère cette synthèse, c’est le "je" de la conscience. Bon. Tenez bien ces deux choses-là, il me semble qu’on vient de rendre d’une clarté très grande. Mais vous ne pouvez pas échapper. C’est pas : je ne peux pas dire moi, c’est moi ne peux pas dire je. Moi ne peut pas dire je. En effet, "moi", c’est mon existence en tant que j’apparais dans le temps et que je dure dans le temps. "Je", l’acte de la synthèse qui opère sur les parties du temps et du contenu du temps. "Moi" ne peut pas dire "je", et pourtant d’une certaine manière, il faut bien qu’il le dise. "Moi" est séparé de "je" et pourtant "moi" et "je" ont un rapport intérieur.

Par quoi sont-ils séparés ? Vous le sentez d’avance, c’est la pure forme du temps qui sépare "je" et "moi". C’est à la lettre comme une espèce de fêlure du cogito : la ligne droite du temps sépare le "je" et le "moi", c’est même cela sa fonction. La ligne droite du temps sépare le "je" et le "moi". De quelle manière ? De manière à ce que, si je recherche un équivalent poétique, je ne puisse dire qu’une chose : "je" est un autre. "Je" est un autre, sous entendu un autre que moi. Je suis séparé de moi-même par le fil du temps. "Je" est un autre, je ne peux pas dire je suis moi car "je" ne peut être pensé que comme un autre que moi. "Je" ne peut penser, "moi" plutôt ne peut penser le "je" que comme un autre. "Je" est un autre, vous me direz après tout, il faut quand même pas charrier ; tout le monde sait que c’est une formule célèbre de Rimbaud.

"Je est un autre, dit Rimbaud". Bon, qu’est-ce qu’il veut dire ? Il le dit à deux endroits, pour ceux qui voudront aller voir le texte. Il le dit dans deux lettres très belles, la même année, le même mois, ce qui permet de soupçonner qu’il écrivait un peu la même lettre à des correspondants différents et ça valait la peine ; il l’écrit à J en Mai 1871 (là j’ai mis 1971), en Mai 1871 et il l’écrit à Paul Démeny en Mai 71. "Je est un autre". vous comprenez bien que dire, je suis un autre est une platitude, je suis toujours autre que je ne suis, pour essayer de dire ce qu’il veut dire, il dit : je est un autre. Formule volontairement incorrecte, alors bien.

Vous me direz, ça suffisait déjà avec Hamlet, pourquoi ? Parce que je lis un texte de Kant. "Je ne peux pas - je le lis lentement - je ne peux pas déterminer mon existence comme celle d’un être actif et spontané. Accordez-moi, pour tous ceux qui connaissent un tout petit peu Kant, un être actif et spontané, c’est le choc. Je ne peux pas déterminer mon existence comme celle d’un être actif et spontané mais je me représente seulement la spontanéité de mon acte de penser.

Je ne peux pas déterminer mon existence comme celle d’un être actif et spontané mais je représente seulement la spontanéité de mon activité de penser, de mon acte de penser. Et mon existence n’est jamais déterminable que d’une manière sensible. Non pas intellectuelle. Et mon existence n’est jamais déterminable que d’une manière sensible. En d’autres termes, je ne peux pas déterminer mon existence comme celle d’un être spontané mais je ne peux pas m’empêcher de me représenter la spontanéité.

Comme quoi ? Cette spontanéité fait que je m’appelle une intelligence. En d’autres termes, je ne peux pas déterminer mon existence comme celle d’un "je" car je suis un "moi" dans le temps mais je me représente nécessairement la spontanéité du "je" comme un autre sur moi en moi. "Moi" ne peut pas déterminer mon existence comme celle d’un "je" mais moi me représente nécessairement le "je" comme un autre. En tant que "je".

Vous voyez, là il me semble que, à la lettre, là je cite dans l’édition courante française des Presses Universitaires, c’est page 136 ce texte de Kant, comme il renvoie à la première édition, dans la note en petits caractères. Je ne vois aucune différence entre ce texte de Kant et la formule même "je est un autre", pourquoi ? Ou plutôt j’en vois une.

Si vous vous reportez au texte de Rimbaud, le texte est splendide, les deux textes sont splendides mais on s’aperçoit de choses très très comiques, c’est que Rimbaud qui quand même avait suivi des classes, avait été au lycée de temps en temps, il n’y allait pas beaucoup mais un petit peu, bah il est aristotélicien. Il est purement aristotélicien. Tout le contexte de ces deux lettres de Rimbaud est un contexte aristotélicien à l’état pur. Car il nous dit, dans un cas, je est un autre.

En effet, si le bois se réveille violon, est-ce sa faute ? Et dans l’autre, il a varié, vous serez sensibles à la variation, il dit :" je est un autre. En effet, si le cuivre s’éveille clairon, est-ce sa faute ? Je vous dit, il est aristotélicien, puisque vous voyez que l’opposition qu’il établit, la distinction plutôt qu’il établit est entre matière et forme. "Je" est un autre parce que "je" est un moule qui organise une matière. Exactement comme la forme violon vient organiser la matière bois, exactement comme la forme clairon vient organiser la matière cuivre. Là je ne force pas le texte en disant, c’est un texte purement aristotélicien. C’est un texte qui développe le thème, un moulage d’un matière. Le "je" est le moulage d’une matière. "Je" est un autre.

Après, je dirais par là, d’une certaine manière, Kant, c’est tout à fait autre chose car, si on lui prête la formule je est un autre, vous sentez peut-être qu’on commence seulement peut-être à sentir ce qu’elle veut dire. Ca veut dire, moi qui suis et qui apparais dans le temps, je ne peux pas déterminer mon existence comme celle d’un "je" mais je dois me représenter le "je" comme un autre et par ce "je" que je me représente comme un autre, je suis ou je me découvre, je m’appelle, une intelligence. L’intelligence, c’est l’autre en moi. seulement, Kant n’est pas du tout aristotélicien car le "je", c’est l’acte de synthèse qui porte sur l’ensemble du contenu possible du temps et des rapports de temps. En d’autres termes, ce n’est plus le moulage d’une matière, c’est modulation infinie des phénomènes, modulation infinie de ce qui apparaît. Ca c’est bien, ce que je viens de dire c’est bien. Non, je suis tellement pas content de tout ça que quand je dis, c’est bien...

Vous voyez, c’est tout à fait différent. C’est un peu comme en musique si on passe des formes cloisonnées, des formes musicales cloisonnées à ce qu’on appelle précisément la modulation infinie, la modulation continue. Euh, surtout l’évolution des musiciens qu’on programme tard parce que je m’écroule à ce moment-là.

Je veux dire, c’est le passage d’une musique aristotélicienne à une musique, euh quoi, qui bien sûr était déjà là dès Bach mais qui éclatera avec le pré-romantisme et le romantisme où s’imposent des genres d’une modulation infinie.

Eh ben, le "je" chez Kant, la synthèse, c’est précisément ce qui va opérer la modulation infinie de tout ce qui apparaît dans le temps. A ce moment-là, moi qui apparais dans le temps, je ne peux pas dire "je" ; en revanche, je peux, je dois me représenter "je" comme un autre qui dit. Qui dit quelque chose en moi.

Et qu’est-ce qui me sépare, encore une fois qu’est-ce qui sépare "moi" de "je" ? Le fil du temps.

Reprenons ça sur une autre phrase et vous allez tout comprendre : je demande quelle est la différence - alors bien sûr, pour ceux qui ne sont pas philosophes de formation, c’est des moments pénibles mais on en termine aujourd’hui ; et puis, on sait jamais, ça vous dire quelque chose. Quelle différence y a-t-il entre le cogito chez Descartes, le "je pense", formule sacrée des philosophes, entre le "je pense" chez Descartes et le "je pense" chez Kant ? C’est pas difficile, enfin c’est pas difficile, c’est très difficile, euh... Descartes dit ceci : " je pense, donc je suis " et ça ne s’arrête pas là. Je pense donc je suis, virgule ; je suis une chose qui pense. Je pense, donc je suis ; je suis une chose qui pense.

Si vous avez fait un peu de Descartes quand vous avez passé votre bacho, vous vous rappelez, il doute très fort, il doute de tout mais ça veut pas dire qu’il doute au sens de, peut-être que la table n’existe pas, il n’est pas idiot euh ça a jamais voulu dire ça, le doute de Descartes. Il doute, non pas du tout de l’existence de la table mais de la certitude de la connaissance qu’il a de la table. Le doute porte sur la connaissance de la chose et non pas sur la chose. Il s’agit d’une recherche de certitude, non pas d’une recherche d’existence. Donc, il doute, il doute de tout. Il doute des choses, c’est-à-dire de la connaissance des choses. Il doute de la connaissance mathématique, il doute de toutes les connaissances. Et il dit, mais au moment où je doute, il y a une chose dont je ne peux pas douter. C’est que, moi qui doute, je pense. Et apparaît le fameux cogito. Pourquoi, puisqu’en effet, je peux douter de toutes les connaissances que je veux sauf d’une seule, à savoir la connaissance que je doute. Et la connaissance que je doute, eh ben c’est précisément douter, c’est penser. Donc, il y a une chose que je ne peux pas nier, je peux tout nier, tout ce que je veux mais il y a une chose que je ne peux pas nier, c’est que, en doutant, je pense ou en niant, je pense. D’où la formule " je pense, donc je suis, je suis une chose qui pense".

Dans une telle formule du cogito cartésien, vous voyez, il y a "je" pense. Je dirais le "je", le "je pense", c’est ce qu’on appelle une détermination. En effet, le "je pense" me détermine. "Je pense" égale détermination. "Je suis" tout court, c’est une existence indéterminée. Je dis, je suis mais je dis pas du tout ce que je suis. "Je suis" égale existence indéterminée. Je suis une chose qui pense, eh ben, c’est tout simple. La détermination "je pense" a déterminé l’existence indéterminée "je suis". La détermination "je pense" a déterminé l’existence indéterminée "je suis" si bien que je dis, je suis une chose qui pense et ainsi, je présente une existence déterminée. Déterminée par quoi, par la détermination.

Il y a donc unité du déterminé. Donc, je suis une chose qui pense, il y a unité de la détermination, de l’indéterminé et du déterminé. C’est pour ça que c’est le fondement de toute connaissance selon Descartes.

Eh ben voilà ce que nous dit Kant. Il a été trop vite, il s’est trop pressé, Descartes. Et Kant, lui, nous propose son cogito à lui et vous allez voir qu’il a une drôle d’allure. En d’autres termes, "je" détermine les rapports de temps et les contenus du temps. "Je" opère la synthèse. Donc, "je pense" est une détermination.

Il est bien vrai, dit Kant que, "je pense" implique "je suis". Pour penser, il faut être ; donc "je pense" implique "je suis". Seulement "je suis" par soi-même est une existence indéterminée. "Je suis", c’est une existence purement indéterminée. Vous voyez, Descartes ne dirait pas le contraire. Mais chez Descartes, il ajoutait, Descartes, lui Descartes ajoutait tout de suite : donc le "je pense" donne une détermination à l’existence indéterminée et je peux dire, je suis une chose qui pense.

"Je suis", c’est une existence indéterminée mais comme je pense, "je pense" donne une détermination au "je suis", sous la forme : "je suis une chose qui pense". Je suis déterminé par la pensée. Mon existence est déterminée par le "je pense", je suis une chose qui pense. Kant dit ( ) " car il est très vrai que le "je pense" est une détermination. Il est très vrai aussi que cette détermination implique une existence indéterminée, "je suis". Mais rien ne nous dit encore sous quelle forme cette existence indéterminée sera déterminable. Il veut quatre termes, c’est ça une création de concepts. Il veut quatre termes : là où Descartes se contentait de trois termes. Descartes jouait l’indétermination, l’existence indéterminée, le déterminé. Le déterminé qui en résulte. Kant, il veut quatre termes : la détermination, l’indéterminé, le déterminable, le déterminé. Sans doute, "je pense" implique "je suis" mais ça ne nous dit pas encore sous quelle forme mon existant "je suis" est déterminable. Le "je pense" est une détermination qui s’exerce sur les parties et sur le contenu du temps. Il implique un "je suis", existence indéterminée. Mais sous quelle forme, mon existence indéterminée est-elle déterminable par le "je pense". Voilà ce que Descartes n’a pas su demander. Si vous comprenez ça, vous avez tout compris. Tout s’éclaire de Kant, car la réponse est toute donnée. Sous quelle forme mon existence indéterminée est-elle déterminable par le "je pense" ? Réponse de Kant : sous la forme du temps.

Mais sous la forme du temps, je ne suis pas un "je". Je suis un moi qui apparaît dans le temps. Qui subit des changements, je suis comme il dit, un être réceptif dans le temps. Si bien que moi je ne peux pas dire "je". Je suis séparé du "je" par la forme du temps. Et c’est pour ça que c’est une catastrophe de faire porter la synthèse sur le temps même parce qu’à ce moment, vous supprimez tout ce qui a de nouveau chez Kant. "Un peu profond ruisseau, la mort", Mallarmé ah ! Encore un vers. Un peu profond ruisseau, la mort, c’est ça, Kant, c’est un peu profond ruisseau, le temps. Un peu profond ruisseau,le temps c’est le fil du temps qui sépare le "moi" dans le temps et le "je", si bien que moi je ne peux pas dire "je" mais je dois me représenter le "je" comme un autre qui exerce sa synthèse sur moi. Ah, ça c’est parfait, ce que je viens de dire, c’est exactement la formule. Oui, je ne vais pas la retrouver, je ne peux pas dire "moi" ne peut pas dire "je" mais dois me représenter le "je" comme un autre qui exerce sa synthèse sur moi. Mot à mot, c’est ça, Kant, c’est ça.

"Je" est un autre. Si vous supprimez cet aspect, tout est fichu de Kant. Le cogito est à la lettre, fêlé par le fil du temps. "Moi" est séparé de "je" par le temps. Alors, il suffirait de, c’est là que ça paraît fondamental, la nouvelle indépendance du temps. Je dirais, il y a trois formes, il y a trois niveaux de plus en profonds de l’indépendance du temps.

Premier niveau : la découverte d’un temps ordinaire qui récuse d’avance toute distinction d’un temps originaire et d’un temps dérivé,

Deuxièmement, le dégagement, deuxième niveau : le dégagement d’une pure forme du temps comme séparant le "moi" et le "je" et faisant du "je" un autre.

Et troisième niveau qui nous reste mais qu’on ne recherchera pas dans le kantisme bien qu’il y soit, à savoir, qu’est-ce qui en ressort pour la transformation du problème de la vérité ? Qu’est-ce qui en ressort, puisqu’encore une fois, la vérité perd son vieux modèle par lequel elle renvoyait aux positions privilégiées aux instants privilégiés. En d’autres termes, la vérité ne peut plus être découverte. Bon, qu’est-ce que c’est que découverte ? Elle ne peut plus paraître sous l’aspect de la formation de quelque chose de nouveau, c’est-à-dire la production de nouveau. Ce que les Anglais ou les Américains appelerons l’émergence ou la créativité.

Une espèce de transformation radicale et en effet, la créativité et l’émergence ce sera, la possibilité des productions d’un temps ordinaire. La production du nouveau va être le corrélat du temps ordinaire exactement comme la découverte du vrai était le corrélat du temps originaire chez les anciens. Et je dis, toute la philosophie moderne à partir de Kant posera la question aussi bien en Allemagne, en Angleterre et en Amérique qu’en France, posera la question comment en fonction du temps ordinaire la production de quelque chose de nouveau est-il possible.

Question dans la salle ( )

Deleuze Si je ne déforme pas, ce que tu dis ne vaut que pour Kant. Je veux dire, tu me dis : chez Kant, il y a permanence d’un centre. Il restaure une instance privilégiée sous la forme d’un centre qui est le sujet puisqu’en effet quand il présente ce qu’il appelle la révolution qu’il opère, il dit : avec moi les choses tournent autour du sujet. Les choses tournent autour du sujet, bon. Alors bien sûr, ce sujet est un autre. "Je" est un autre. Mais ça empêche pas, il y a un centre. Sur la philosophie de Kant, reste une philosophie dite transcendantale impliquant un sujet qui est transcendantal. Voyons qui est transcendantal qui est autre que moi en un sens que ce n’est pas le sujet qui est moi et Kant se dit, ça empêche pas, il y a un centre. Mais ce centre, si tu veux c’est très compliqué ce que tu dis. D’accord, il y a un centre mais il se trouve que ce centre est toujours pensé comme un autre. Alors, il y a bien un centre si tu veux mais moi, je suis perpétuellement décentré par rapport à ce centre. Alors, je dis, ce que tu vaux, ce que tu dis me semble tout à fait valoir pour Kant mais il ne faut pas l’étendre aux autres parce que, à partir de Kant, tu auras tous les efforts pour supprimer le sujet. Tous les efforts que tu veux et pour arriver à une espèce de monde acentré où là il n’y a plus de centre, où il y a des chances pour qu’il n’y ait plus de centre.

Deuxième question ( )

Réponse de Deleuze A ce moment-là, est-ce que, alors ça c’est une très bonne question, si je supprime le centre, est-ce que le temps cesse d’être ordinaire ? Je dis, oh c’est épatant cette question parce que on la laisse ouverte. Moi, ma réponse, ce serait, en tout cas, même si à ce moment-là, le temps cesse d’être celui de la banalité quotidienne, ce n’est pas un retour au temps originaire. Ce sera alors de nouvelles figures du temps. Mais où vous ne retrouverez pas, je crois ce qui aura disparu pour toujours, c’est du moins au sens rigoureux l’idée des positions privilégiées et des instants privilégiés. Bien sûr, on pourra retrouver l’expression instants privilégiés en un sens esthétique alors mais non plus du tout en un sens des instants privilégiés de l’âme ou des positions privilégiées de l’astronomie. Mais votre question est excellente, si on arrive à des mondes acentrés, en effet est-ce que le fil ordinaire, est-ce que le temps cesse pas d’être à son tour un temps ordinaire. On pourrait dire presque, on en est là. A ce moment-là, le problème rebondit, le problème rebondit mais il n’y aura pas de retour au passé. Il n’y aura pas de retour. Alors, presque, on en est là. Moi, pour fixer un point où on est arrivé aujourd’hui, on en a fini avec l’examen de l’aspect philosophique de cette question du renversement temps/mouvement, c’est-à-dire comment en philosophie s’est fait une espèce de prise d’indépendance ou d’autonomie du temps par rapport au mouvement.

Alors, on en est là en quel sens, eh ben, au lieu d’une image, au lieu d’une image indirecte du temps, on va se trouver devant de manière très diverse alors je reprends votre thème, de manière très diverse, on va se trouver devant des images-temps directes. Seulement qu’est-ce que les images-temps directes ? Qu’est-ce que c’est ça ? Parce que généralement, il nous semblait bien que le temps ne pouvait que découler d’images-mouvements. Si on dit maintenant, il faut qu’il y ait, et il faut atteindre des images-temps directes, sous quelle forme est-ce qu’on y arrivera, qu’est-ce que c’est, qu’est-ce que ce sera, ces images-temps directes qui ne découlent plus du mouvement puisque c’est au contraire le mouvement qui dépend de ces images-temps directes.

Voyons où on en est... Réfléchissez, s’il y a des points qui vous paraissent trop difficiles, on reviendra sur des points si vous voulez la prochaine fois.

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