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59- 27/03/1984 - 2

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Gilles Deleuze - vérité et temps cours 59 du 27/03/1984 - 2 transcription : Hammurabi Rubio Parra

Mais qu’est-ce que c’est que ce présent qui passe ? Limite d’un " pas encore" et d’un "ne plus", qu’est-ce que c’est ? comme il vient de dire, il s’achemine au non être. C’est un évanouissement... c’est une limite de temps ; limite entre un ce qui est passé et un ce qui est à venir. C’est une limite aussi proche de zéro qu’on voudra.Vous me direz bon il ne faut pas introduire les différentielles, pourquoi il ne faut pas introduire les différentielles pour les grecs ? parce qu’ils ignorent les différentielles. Les quantités dites évanouissantes. Non, ils ne les ignorent pas ; simplement ce n’est pas à l’allure du calcul dit infinitésimal, c’est à l’allure de quelque chose qui existe parfaitement chez eux et qu’on appelle dans notre géométrie la méthode d’exhaustion et qui comprend toute une théorie des limites et de l’approche d’une limite. Donc, je peux dire, c’est en effet un pur évanouissant.

Mais, bon Dieu, ce présent pur évanouissant, pure limite entre ce qui n’est pas encore et ce qui n’est plus - donc, en sens pur, « non-être »-, qu’est-ce que c’est ? C’est un instant aussi. C’est un instant. C’est un instant, seulement cet instant n’est pas le nun. Cet instant n’est pas un nun, ça, évidemment. Le nûn, c’était un instant privilégié - j’ai essayé de commenter ce que voulait dire « privilégié » - je dirai : cet l’instant qui est le présent qui passe, Ce pur évanouissant, c’est quoi ? c’est l’instant quelconque. C’est l’instant quelconque. Ce qui est zéro, c’est l’instant quelconque.

Voilà, maintenant j’ai deux instants. Comment ça se fait ? D’où est venu cet instant quelconque, cette histoire de zéro ? On a vu qu’on ne pouvait pas y échapper. La réponse facile mais globale ce serait : d’accord le nun opère une synthèse. Et dans la synthèse qu’il opère, il distingue un passé pur et un futur pur, par là ils fondent un Temps originaire. Mais en même temps il doit se réfléchir dans un instant d’une toute autre nature. Et ça, c’est la mauvaise réflexion. Cet instant d’une toute autre nature c’est l’instant quelconque ; le présent qui passe, le non-être ou le pur évanouissant.

Et vous comprenez pourquoi il doit bien se réfléchir avant ? C’est parce que c’est sur ce présent qui passe qui va s’exercer la synthèse. La synthèse du nun en tant qu’un instant privilégié va s’exercer sur l’instant qui passe en tant qu’instant quelconque. Ou du moins si ça se faisait ainsi, on serait sauvé ; et qu’on on est sauvé c’est que ça se fait ainsi. C’est la seule manière de conjurer le zéro ; le zéro est réel. La seule manière de conjurer le zéro, c’est-à-dire la course au néant de l’instant quelconque. Le zéro c’est exactement ça : la course au néant de l’instant quelconque. La course au zéro... la course à zéro, la course au néant de l’instant quelconque, c’est ce qu’on appellera le temps dérivé ; le présent qui passe. Le pur évanouissant. Et bien de deux choses, l’une. Voyons la première qui est la plus dure : la synthèse d’une nûn s’exerce sur le présent qui passe. Je suis sauvé... sauvé, sauvé. Ce n’est pas facile, hein ? Il ne faut pas mener n’importe quelle vie pour ça, ça ne se fait pas dans la tête. Ça se fait grâce à une vie exemplaire ; une vie véritablement néoplatonicienne qui est la vie de la contemplation. Alors, pourquoi je suis sauvé ? Je suis sauvé parce que - réfléchissez bien ... Ah non ! Ah ! C’est à côté !... (Rires dans la salle).... Ça vous gêne, hein ? C’est vraiment... Pourquoi qu’on est sauvé ? Je ne sais plus, moi. Enfin, ça va de soi, quoi... (Rires dans la salle) On est sauvé parce que l’instant qui passe, s’il arrive à être soumis à la synthèse d’un nun, - à ce moment-là les anciens présents - les présents passés - ne sont plus rien. Ils ne sont plus « plus rien » ; ils remplissent le passé pur sur une certaine longueur. A savoir, ils remplissent le passé pur autant - pour autant - que j’ai de souvenirs et les instants à venir remplissent le futur pur pour autant que j’ai d’attente, si bien que le présent qui passe reçoit une mesure, - c’est-à-dire le temps originaire reçoit une mesure - du temps dérivé... Non ! Merde ! ... Le temps dérivé reçoit une mesure du temps originaire si bien que je peux dire deux choses :
-  le temps originaire est à la fois le nombre du mouvement intensif et la mesure du temps dérivé. Et je pourrais parler à ce moment-là d’un temps dérivé plus ou moins long. Suivant que je serai capable, par le nun, d’englober plus ou moins d’anciens présents - de présents qui ont passé - et d’anticiper plus ou moins de futur - des présents qui ne sont pas encore là. Donc, je serai sauvé. J’aurai soumis le présent dérivé à l’ordre du temps originaire.

Ou bien - et alors là - ou bien, c’est la chute : le nun se relâche. Il reste avec son passé et son futur pur mais son passé pur et son futur pur restent vides. Il tombe dans son double. Il se réfléchît dans l’instant quelconque, dans le pur évanouissant. Et dans ce pur évanouissant il se réfléchit, il se défait. Et je cours d’objet en objet, oubliant l’objet précédant, incapable de prévoir le suivant. Je cours, je cours mais comme le présent qui passe je cours au tombeau ; je cours au non-être. Perdu.

Triomphe du temps dérivé. Le temps dérivé a secoué son modèle. Il s’est libéré du joug du nun. Il s’est affranchi, à quel prix ? Nous entrainer à la mort. Nous courons, nous nous agitons. Nous nous agitons dans l’évanouissant. Nous ne cessons de nous évanouir d’objet en objet. Et les uns appelleront ça « la dissipation de l’âme » et les autres appelleront ça « la distension de l’âme », et les autres appelleront ça « le divertissement de l’âme ». Ils le décriront très différemment, mais ce sera toujours sous un signe d’une solennelle peur. La peur liée au Temps dont parlait Claudel. Et la peur liée au Temps dont parlait Claudel, c’est la révélation du néant de la créature. Et cette peur va augmenter quand on passera du néoplatonisme au christianisme et va prendre une proportion énorme. Et la peur du Temps, c’est très précisément l’angoisse que le temps dérivé se soustrait à l’ordre du Temps originaire. Ou, si vous voulez, la peur panique
-  que l’instant quelconque destitue l’instant privilégié, destitue le nun.

Je suis sûr que vous avez compris du fond de votre âme. De toute manière, si vous n’avez pas compris du fond de votre âme ce n’est pas la peine que je recommence puisque ça ne peut être compris que du fond de l’âme. Ah voilà. Et si vous n’avez pas compris du fond de l’âme c’est que ce sont d’autres philosophies qui vous conviennent. Donc, de toute manière n’a aucune importance ni pour vous ni pour moi. Dernière confirmation et j’en aurai fini. J’en fais un troisième point uniquement d’appui. Ce serait bien alors - si ce que je dis est un peu vrai - il faudrait que dans la terminologie il y aie un mot qui se distingue du nun. Si le nun c’est l’instant privilégié comment pouvait parler de l’instant quelconque les grecs ? C’est rigolo ; ils ont un mot. Ils ont un mot - mais là aussi ne faites pas dire que ça veut dire instant quelconque. Car ce sera un de ces sens. Et c’est un très beau nom, très difficile à prononcer -alors je vous le dit parce qu’il faudra vous exercer. Et là, pour le traduire en français on peut... comme il a toutes sortes de sens -c’est comme « nun ». On peut toujours le traduire par le « maintenant » mais... ah ! Comme il est long en plus... (rires dans la salle) Ça c’est le mot de la perte, le mot du salut c’est le « nun » et le mot de la perte c’est : « exaiphnês ». « exaiphnês », qu’est-ce que ça veut dire dans les dictionnaires, dans le langage courant grec ? Ça veut dire « le soudain ». C’est un adverbe, c’est un substantif, ça veut dire « soudain », « brusquement » ; « soudain, « brusquement ».

Mais voilà que Platon écrit un texte sublime qu’il appelle le Parménide. Et voilà que le Parménide est un texte que pour les néoplatoniciens sera un texte de base, de référence, au point que les plus grands textes des disciples - les plus grands textes qui nous ont été conservés en tout cas - des disciples de Plotin s’intitulent et se présentent comme des commentaires du Parménide. Ils nous restent deux magnifiques commentaires du Parménide, que les commentateurs modernes généralement n’ont fait que recopier, ce qui n’est pas très très fatigant - mais ils ne l’ont pas toujours dit d’ailleurs, c’est un commentaire du Parménide, fait par Proclus et un commentaire du Parménide fait par Damascius sous le titre des "Premiers Principes".

Or, le Parménide, si vous le lisez un jour - si vous regardez même comment s’est constitué, vous verrez que c’est un livre assez dément puisque il développe tout un ensemble de paradoxes. C’est le grand développement des paradoxes platoniciens. Et qu’il emploie une méthode très curieuse, il porte sur l’Un ; qu’est-ce que l’Un ? Il procède par hypothèses :

-  Première hypothèse - je ne vais pas les dire toutes parce qu’il y en a beaucoup, beaucoup. Je vous en dis les trois premières parce que c’est elles qui m’intéressent pour finir ce point :
-  si l’Un n’est pas, au sens de "supérieur à l’être", si l’Un est plus que l’être, qu’est ce qu’il faut en conclure ? Voyez, tout de suite, si l’Un est supérieur à l’être la première chose qu’il faut en conclure c’est qu’il n’est pas. Mais alors qu’est-ce que ça veut dire « l’Un n’est pas » ? ça correspond , vous pensez si les néoplatoniciens étaient contents ! Ça correspond à l’Un puissance R Il va en sortir toute sorte de paradoxes délicieux.

-  Deuxième hypothèse : si l’Un est, qu’en résulte-t-il ? Vous voyez tout de suite si l’un est, la première conséquence c’est qu’il est deux, - c’est embêtant pour l’Un. Si l’Un est c’est forcément il est deux puisque quand je dis « l’Un est un » et quand je dis « l’Un est » je dis deux choses. Et ce n’est pas de la même manière qu’il est un et qu’il est. Donc, si je dis « l’Un est » je dis : il est deux. S’il est deux je suis pas sorti de l’affaire... parce que ça va bondir ça... là, ça va mal, ça tombe mal... (rires dans la salle)

-  Troisième hypothèse : si l’Un est moins qu’R, si l’Un est inferieur à l’être. Donc, là c’est encore pire ce qui se passe... Et puis, il y a quatre autres hypothèses, c’est-à-dire en tout il y a sept hypothèses. On en reste aux trois premières. Je dis la seconde lance - et je crois que c’est le lancement de la notion philosophique, que c’est là que ça devient un concept philosophique - lance l’idée du nun. Le nun étant précisément la synthèse, voyez pourquoi c’est en seconde hypothèse, la synthèse de l’être et de l’Un qui en tant que telle engendre le temps. Dont je crois sauf, il faudrait examiner chez les présocratiques si le nun apparaît chez eux, mais ça m’étonnerait - je jurerais que non...- en tout cas il peut apparaître comme mot au sens d’un mot ordinaire, mais c’est Platon qui fait du nun un concept philosophique. Mais la troisième hypothèse nous livre - et ça sort d’où ? Platon aussi parce que je crois pas que ça soit du tout de Héraclite, enfin de Héraclite qu’est-ce qui sait ? puisque il nous reste quasiment rien, mais quand même on sent un petit peu, il y a des moyens de se guider, vous comprenez, parce que quand Platon emprunte une notion à des prédécesseurs - c’est pas que les grecs n’avaient aucun sens de la citation, donc ils ne citent pas - mais il prend un certain ton qui n’est pas le même que quand il forge lui même une notion, il prend un certain ton et notamment toujours un ton critique, qui est comme un clin d’œil pour guider le lecteur qui fait référence à une théorie déjà bien connue. Dans la troisième hypothèse, il lance le concept de "exaiphnês". Et qui n’est pas du tout comme le nun, et qui est explicitement défini comme un évanouissant. Comme un évanouissant, et comme l’instant quelconque dans le Devenir. Vous voyez, c’est très différent, ce n’est pas l’axe synthétique qui va constituer le Temps, c’est l’instant dans le devenir. Alors, ça je ne vais pas du tout le développer puisque ça nous entrainerait tout à fait ailleurs que notre recherche actuelle. Je ne dis pas que les deux notions chez Platon coïncident avec ce qu’on en a tiré, nous. Surtout ne mélangez pas.

Je dis uniquement que Platon propose déjà une distinction entre les deux notions et que cette distinction bien que très différente de celle que nous prétendons découvrir chez les néo-platoniciens, que cette distinction est très intéressante pour l’avenir du néo-platonisme.

-  Alors, j’ai répondu à la question : en quoi le régime des distinctions géométriques c’est zéro ? et en quoi précisément nous y risquons notre salut ? Et là, je voudrais - parce qu’ils sont imprégnés quand même de ces choses, pas de néo-platonisme forcement mais d’une certaine conception très... enfin très... « procession-conversion » - je voudrais pour finir lire précisément - mon point c’est toujours : essayer de vous faire comprendre qu’il est très normal de traiter le monde des distinctions rigides comme une espèce de néant ou comme une espèce d’introduction au néant, si on ne l’interprète plus en termes d’espace mais en termes de Temps.

Voyez, c’était tout là ma remarque, le monde de figures rigides si vous ne l’interprétez pas, si vous ne le maintenez pas strictement en termes d’espace et si vous y introduisez le Temps si vous l’interprétez en termes de temps, il vous mènera directement au pur néant. Et je prends un romancier Russe qui s’appelle Saltykov, de la fin du XIXe, S-A-L-T-Y-K-O-V. Et je vous lis juste l’état d’un alcoolique, comme seuls les Russes savent le décrire... non, eh...oui, je veux dire... ça serait un bon sujet de thèse, je dis, si quelqu’un parmi vous veut faire une thèse là-dessus, la différence entre l’alcoolique russe et l’alcoolique américain dans les deux littératures... (rires dans la salle)... ça, c’est pas du tout pareil hein... pas du tout pareil une fois dit qu’ils boivent beaucoup tous hein, c’est pas comme les français... je parle même pas des japonais avec le saké parce que là c’est la catastrophe quoi... (rires dans la salle) Et ben alors on peut faire une thèse, la littérature comparée mondiale, l’alcoolique dans la littérature comparée mondiale. Et le Russe tiendrait une place de choix... Voilà, voilà le pauvre alcoolique de Saltykov... qu’est-ce qu’il dit, tiens... écoutez bien : « Son esprit affaibli, s’efforçait de créer des images » - il avait la nostalgie du nun, il voulait se pencher au dehors - « sa mémoire engourdit tentait de pénétrer dans la région du passé » il essayait de refaire encore la conversion, de rappeler le nun à soi , « ...mais ces images étaient décousues, absurdes, et le passé ne lui renvoyait aucun souvenir ni amer ni joyeux. Comme si un mur solide s’était élevé une fois pour toutes entre lui et la minute présente. Devant lui, Stefane, - il s’appelle Stefane - Devant lui, Stefane n’avait désormais que le présent sous forme d’une prison herméneutiquement fermée. » c’est pas le présent de l’instant privilégie, c’est pas le présent du nun, « ...dans laquelle avait disparu sans laisser de trace et l’idée de l’espace et l’idée du temps. La chambre, le poele, les trois fenêtres... » c’est ça les corps rigides, « La chambre, le poele, les trois fenêtres, le lit de bois qui grinçait, son matelas mince et aplatî, la table et la bouteille que se trouvait dessus, son esprit ne cherchait pas d’autres horizons. » Donc, il est dans l’élément de la figure rigide. Quoi de plus géométrique,que toutes ces figures ? « Mais à mesure que le contenu de la bouteille diminuait, à mesure que sa tête s’échauffait... »... (interruption de l’enregistrement) ....

...forme géométrique fonde, mais ça n’est plus qu’au profit des figures de lumière. Elles tombent dans le noir, elles tombent dans le zéro. « L’obscurité elle-même disparaitrait, et enfin sa place apparaissait une étendue parsemée de douleur phosphorescente » c’est du néant, ça « C’était le vide... » Ben il le dit, tant mieux...et ben oui, il le dit, hein « C’était le vide infini désolé, n’emettant aucun son qui réveille à la vie. Plongé dans une lumière sinistre. Pas une pensée, pas un désir » On dirait aussi bien "pas un souvenir, pas une attente". « Devant ses yeux le poêle » Ah, il y a un retour à une figure rigide. « Devant ses yeux le poële. Sa pensée se remplissait si bien de cette image.. » et évidement il s’y accroche : l’objet quelconque. Il s’accroche à l’objet quelconque et l’objet quelconque c’est l’objet qui se présente à l’instant quelconque. « Sa pensée se remplissait si bien de cette image qu’il ne recevait aucune autre impression. Puis, la fenêtre prenait place. » Voyez la succession des présents qui passent ; après le poële, la fenêtre. « Puis, la fenêtre prenait la place du poële, la fenêtre, la fenêtre, la fenêtre. Il n’avait besoin de rien. » Je n’ai besoin de rien, de rien. « Sa pipe se bourrait et s’allumait machinalement et lui tombait des mains avant qu’il eut achever de la fumer. Il marmottait quelque chose mais il était évident que c’était seulement par habitude. Le mieux est de rester tranquille sans rien dire et de fixer un point. Il serait bon de se remettre à boire en ce moment. Il serait bon d’élever la température de l’organisme... pour rattraper un nun, mais hélàs tout nun... » (Rires dans la salle)... la fin est rajoutée ... (Rires dans la salle) Pardonnez-moi j’ai pas pu m’empêcher. Une dernière honneteté m’a... Mais en revanche tout le reste est bien dans le texte. Et montre ce passage de l’objet géométrique au néant, du point de vue du Temps. Voilà. Alors, vous comprenez ça ? On a presque fini un grand bout. Et je voudrais enchainer, juste avant qu’on se donne un petit repos, je voudrais enchainer parce que moi je connais -ne voyez aucune vanité dans ce que je dis- je connais assez bien les néoplatoniciens, en revanche Saint Augustin je connais très très mal.

Eric, là, qui travaille beaucoup et qui connaît très bien Saint Augustin. Alors, ma question à Eric c’est : tout comme tu avais fait merveille pour l’histoire de la grande crise d’Aristote, là, le temps de la chrématistique par opposition au temps de l’économie, je voudrais là que tu enchaines sous la forme ; - - est-ce que Saint Augustin, d’après toi, se coule dans ce schéma dans une certaine mesure, est-ce qu’à ton avis c’est au contraire très différent, est-ce qu’on pourrait au moins s’entendre sur une position moyenne qu’il renouvelle le shéma dans le sens du christianisme mais qu’il en garde quelque chose d’essentiel ? voilà ce que je voudrais que tu dises. (Intervention Inaudible)

Gilles Deleuze : Répète avec la machine, avec la machine parce que c’est pas moi qui parle mais c’est peut être parce qu’elles prennent pas que... si tu peux parler le plus fort que tu peux hein... (31 :33) Eric : oui, montrer parce que en fait c’est très curieux comme (...) Dans la lecture de Saint Augustin que (...) j’ai cette impression que... Gilles Deleuze : j’en vois qui fument hein... celui qui parle a le droit de fumer. Les autres... non ! on va s’arrêter, vous allez pouvoir fumer vraiment dehors, dans deux minutes... non ! parce qu’on sera coupé d’attention...

Eric : J’ai cette impression que (...) absolument irréprochable et en même temps qu’un certain nombre de propositions sont plus ou moins superposables, donc, de Plotin à Saint Augustin (...) des grands lieux communs dans l’histoire de la philosophie (...) effectivement le fameux néoplatonisme. Simplement ce que je voudrais montrer aussi c’est que à travers un décalage qui me semble tout à fait irrésistible d’une part et d’autre part, le même avis (...) (...)et effectivement Augustin annonce tout à fait autre chose du côté d’une nouvelle subjectivation du temps. Alors, au niveau de cette espèce donc de squelette très schématique. Bon, moi je partirai donc d’une citation de Plotin que je crois que (...) et Plotin il dit « il suffit de dire que le mouvement pourrait cesser de n’avoir lieu que par intervalles dans le temps » c’est précisément de là que part également Augustin dans le livre 11 de ses Confessions dans sa critique d’Aristote, et il va approfondir cette hypothèse en utilisant également la tradition (...). Mais ce renversement est important par rapport à Aristote puisque chez Plotin (...) on en arrive à mesurer le mouvement d’un corps par le temps. La phrase est pratiquement dans le livre 11 des Confessions (...). Donc, ça ce serait le premier point toujours d’une manière aussi telegraphique et cette citation je crois c’est (...) « La nature curieuse d’action, qui voulait être maitresse d’elle même et être à elle même choisit le parti de rechercher mieux que son état (...) alors elle bougea et lui aussi, c’est-à-dire le temps reposant dans l’être qu’on retrouve sous une forme évidement cristallisée chez Augustin avec la fameuse thèse de (...), donc le temps reposant dans l’être se mit en mouvement et ils se dirigèrent vers un avenir toujours nouveau. » donc, la première chose déjà que nous pouvons remarquer c’est que également chez Augustin il y a une approche du temps qui est définie d’abord par l’avenir vers lequel il marche comme chez Plotin le définit (...) à travers le manque (...). Bon, par contre chez Augustin il y a une attitude du côté de cette chute idéale (...) et du côté de la chute réelle. (...) « Lorsque Adam opposât l’amour de soi à l’amour de Dieu, les hommes perdirent la stabilité dans la durée » (...)

Gilles Deleuze : Tu me permets de te couper très vite parce qu’en effet, là c’est un point où tu as fondamentalement raison. Pour le christianisme il n’y a plus de chute idéale. Ça, la chute idéale, est un concept très, très chrétien... très même, très anti-chrétien, que le christianisme ne peut pas supporter puisque c’est la négation de la création. C’est la négation de la création alors ça, si il y a un point en effet... le néoplatonisme n’aura aucun équivalent possible. C’est pourtant aussi admirable la chute idéale. Eric : (Intervention inaudible)

-  Gilles Deleuze : ça c’est la synthèse

Eric : (Intervention inaudible)

-  GD : C’est à dire c’est le mouvement de l’âme qui est le premier parce que c’est lui qui constitue le postérieur et l’antérieur...

Eric : intervention inaudible mon troisième point mon quatrième point...

Deleuze : tu es d’accord la chute réélle c’est la distansion Eric : on aurait la tentation de faire un parrallèle entre un temps... ;

Gilles Deleuze : voilà mon souci, Eric, encore une fois tu connais Saint Augustin mieux que moi. Moi, j’ai le sentiment que, il y a bien tous les décalages que tu veux, qu’il y a quand même une distinction Temps originaire - temps dérivé chez Saint Augustin. Qu’il n’y a pas simplement... eh... et que, le temps dérivé c’est le présent qui passe. Le Temps originaire c’est le présent réfléchi sous forme de présent du présent, présent du passé, présent du futur ; puisque c’est ça qui permettra de dire un temps est plus lent qu’un autre. Alors, que le présent du présent, le présent du présent du passé du futur, le présent détriplé, est réellement une synthèse originaire, et que le présent qui passe, lui, n’est qu’un temps dérivé qui recevra sa mesure du Temps originaire si bien que le point où je serais d’avance d’accord avec toi c’est que sans doute il ne conçoit pas la synthèse du temps originaire de la même manière que Plotin et les néoplatoniciens. Mais il y a bien les deux aspects du temps : temps originaire et temps dérivé. Là tu serais d’accord, j’ai cru que... ah ! bon, bon, d’accord....d’accord, d’accord... oui,oui, c’est moi qui n’ai pas bien compris alors...

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