THEMES COURS
 ANTI-OEDIPE ET AUTRES RÉFLEXIONS - MAI/JUIN 1980 - DERNIERS COURS À VINCENNES (4 HEURES)
 SPINOZA - DÉC.1980/MARS.1981 - COURS 1 À 13 - (30 HEURES)
 LA PEINTURE ET LA QUESTION DES CONCEPTS - MARS À JUIN 1981 - COURS 14 À 21 - (18 HEURES)
 CINEMA / IMAGE-MOUVEMENT - NOV.1981/JUIN 1982 - COURS 1 À 21 - (41 HEURES)
 CINEMA : UNE CLASSIFICATION DES SIGNES ET DU TEMPS NOV.1982/JUIN.1983 - COURS 22 À 44 - (56 HEURES)
 CINEMA / VÉRITÉ ET TEMPS - LA PUISSANCE DU FAUX NOV.1983/JUIN.1984 - COURS 45 À 66 - (55 HEURES)
 CINEMA / PENSÉE - OCTOBRE 1984/JUIN 1985 - COURS 67 À 89 (64 HEURES)
 - CINEMA / PENSÉE + COURS 90 À 92
 - FOUCAULT - LES FORMATIONS HISTORIQUES - OCTOBRE 1985 / DÉCEMBRE 1985 COURS 1 À 8
 - FOUCAULT - LE POUVOIR - JANVIER 1986 / JUIN 1986 - COURS 9 À 25

58- 20/03/1984 - 1

image1
41.1 Mo MP3
 

Gilles Deleuze - vérité et temps cours 58 du 20/03/1984 - 1 transcription : Elsa Roques

Il n’ y a plus qu’un mardi avant Pâques, c’est terrible comme tous les ans, j’aurai fait la moitié de ce que je voulais faire, même pas. Alors je voudrais d’ici les vacances de Pâques - c’est en prenant des engagements que je vais me forcer - avoir fini tout l’aspect philosophique de l’image-temps - donc aujourd’hui et puis la semaine prochaine, ce serait Kant et puis on ferait les grands résultats globaux de ce qui s’est passé pour la philosophie et de ce qui s’est passé pour le cinéma. Comme ça on serait bien content et puis on irait en vacances. Au dernier trimestre on aurait de quoi former un statut solide de l’image-cristal telle que on avait commencé son analyse au premier trimestre. Ce serait parfait ! Il est évident que ce programme je l’annonce puisqu’on ne le tiendra pas.

Aujourd’hui j’ai fait un schéma extrêment parfait, d’une grande perfection, mais que personne ne voit. Donc il est encore plus parfait. Si on le voyait, d’ailleurs, je pourrais faire mon tricot pendant que vous le recopieriez, puisqu’il n’y a rien d’autre à dire. Comme vous ne le voyez pas, il va falloir que je m’explique. Avant, si vous le permettez, je fais une parenthèse. Je fais une parenthèse, une qui ne concerne pas du tout le point où nous en sommes, mais j’ai besoin de vous, j’ai besoin de votre réflexion parce que, je ne sais pas, mais il se peut que certains d’entre vous puissent m’amener des trucs que moi je n’ai pas et dont je manque. Donc on oublie tout à fait le point où nous en sommes. Mais ça concerne quand même ce qu’on fait cette année. Vous vous rappelez que, comme je le disais à l’instant, durant le premier trimestre on s’est beaucoup occupé d’esquisser un premier statut de ce qu’on appellait l’image-cristal.

C’est là-dessus que j’ouvre une parenthèse, et que je vous explique ce à quoi je voudrais que vous réfléchissiez, pour qu’ avant les vacances de Pâques ceux qui ont trouvé quelque chose me le passent. Je dis très en désordre quelque chose qui m’ennuie dans mon travail. Alors il se peut que certains d’entre vous...

L’image-cristal, quand on l’a étudiée au premier trimestre, et quand on a essayé de la définir par une première dimension qui était, non pas la confusion, mais l’indécidabilité du rêve et de l’imaginaire, on l’a présentée de manière optique, et en effet, le cristal a des propriétés optiques. Mais la notion cristaline, la notion de cristal, de l’image-cristal, m’apparaît tellement riche qu’il n’y a pas seulement des propriétés optiques : le cristal est aussi sonore, il a aussi des propriétés acoustiques. Il a bien d’autres propriétés encore : des propriétés électriques, des propriétés, enfin, de toute nature. On verra ça au troisième trimestre après Pâques on reviendra sur ce point. Or, que l’image-cristal soit fondamentalement liée au temps, ça on l’a acquis au premier trimestre. Vous vous rappelez sous quelle forme, sous une forme très simple.

-  Qu’est-ce qu’on voit dans le cristal ? Qu’est-ce qu’on voit dans la boule du cristal ? Ce qu’on voit dans la boule du cristal, c’est le temps non chronologique. Ca nous intéresse beaucoup pour le cinéma, mais ça nous intéresse beaucoup pour la philosophie aussi. Le cristal est bien et peut à juste titre être appelé un cristal de temps ; dans la mesure où ce que l’on voit dans le cristal, c’est le temps dans sa fondation, c’est la fondation du temps que l’on voit dans le cristal. Si c’était vrai ce serait beau . A cet égard, comme ça va de soi, je rends à celui à qui ça appartient, c’est la moindre des choses. Celui qui a formé la notion de cristal de temps en considérant le cristal d’un point de vue sonore, c’est Félix Guattari, qui a développé ce thème des cristaux sonores conçus comme cristaux de temps. Il l’a développé dans un livre qu’il a fait seul, et qui s’appelait "L’inconscient machinique". Et le cristal sonore de temps, il le lie, pour des raisons qui sont les siennes, il le lie à un phénomène musical qu’il nomme la ritournelle : la ritournelle ce serait un cristal sonore de temps. On voit bien que c’est une idée très riche, peu importe, je n’essaie pas de la commenter. Lui, il applique ça notamment à une étude sur Proust et concernant la petite phrase, la petite phrase musicale chez Proust. Bon je n’essaie pas de commenter parce que, je veux dire, tout ce qui me soucie c’est que ça vous dise quelque chose tout ça, c’est que ça vous dise un petit quelque chose, que vous vous disiez : « ah bon, oui, je suppose », qu’un certain nombre d’entre vous se disent : « ah bon, c’est intéressant. »

On en est là : il y a des images-cristal, le cristal ou l’image-cristal n’est pas seulement optique, elle est sonore. Tout cristal révèle le temps. Donc il y a des cristaux sonores de temps. Selon Guattari qui invente cette notion de cristal de temps, selon Guattari la ritournelle, c’est le cristal sonore de temps par excellence. Une petite ritournelle... On en est là. Et voilà que moi je me suis dit... C’est toujours comme ça, on prend des relais. C’est pour ça que je fais appel à un relais, que vous prendriez aussi par rapport à moi. Tout comme moi j’essaie de prendre un relais là, par rapport à Félix, vous vous pourriez essayer de prendre un relais par rapport à moi. A condition de me le rapporter tout comme moi je rapporterai à Félix ça remonterait, tout ça : c’est ça le travail collectif.

Moi je me dis, après tout, la ritournelle, c’est parfait mais ça suffit pas. Il faudrait autre chose, qui serait ou bien dans le cristal, ou bien qui n’aurait pas la même position dans le cristal. Il faudrait quelque chose pour faire tourner le cristal, pour faire bouger. La ritournelle, bon, c’est bien, mais je me dis qu’après tout ce n’est qu’un aspect. Pourquoi je me dis ça, je n’en sais absolument rien. C’est ce qu’on appelle une inspiration. Je me dis : « ben non, la ritournelle c’est bien, c’est parfait, mais je veux quelque chose d’autre ». Si je le veux je vais bien le trouver. Et voilà que je me dis : « à quoi je peux opposer la ritournelle ? ».

Je rêvasse. Je veux dire, c’est presque une, pas une leçon, une proposition de méthodologie. Voyez, j’ai l’impression que Félix ne nous dit qu’une moitié. Pourquoi cette impression ? Je n’ai pas à me justifier. Qu’est-ce que ce serait l’autre moitié ? Je me dis : « pourquoi est-ce qu’on n’essaierai pas d’opposer... » La ritournelle, c’est quoi ? C’est lié à la ronde, le rondeau, le chant des oiseaux. Félix et mo,i on s’est beaucoup occupé à un moment du chant des oiseaux. Qu’est ce qu’on a travaillé làdessus, oh là là ! On n’en pouvait plus du chant des oiseaux. Depuis je ne supporte plus d’entendre un oiseau. Surtout que c’était des notions techniques, c’est très technique le chant des oiseaux. A un moment on en savait lourd mais j’ai tout oublié. Le chant des oiseaux. Bon, je me dis : « ah, dans la musique ». Alors là-dessus ça me fait un embranchement. Dans la musique il y a eu une grande période du chant des oiseaux, avec la polyphonie du moyen-âge et de la Renaissance. Il y a un musicien célèbre, un grand musicien français, Janequin, mais tous faisaient du chant des oiseaux en polyphonie. Alors ça me donne une direction, il y a les fameux, je ne peux pas les chanter mais c’est l’édition admirable, on trouve les disques de Janequin, les fameux « fri, fri, fri, fri ». Ils forment une petite ritournelle, délicieuse petite ritournelle. Je suppose que parmi vous il y en ait qui connaissent Janequin : bon ! c’est à ceux-là que je m’adresse. J’aimerais bien des petits détails là-dessus, sur le chant des oiseaux au moyen-âge et pendant la Renaissance. Comment ils s’organisent ? Pourquoi la polyphonie est-elle liée à la ritournelle ? Qu’est-ce que c’est ce lien polyphonie et ritournelle ? Si vous m’apportez des directions de recherche je serai rudement content.

Mais à peine j’ai indiqué cette direction musicale que je me dis : « ah oui, je l’ai mon autre truc ». Qu’est-ce que c’est qui distingue, qui se distingue et en même temps ne se pose qu’en se distinguant, si bien qu’on se retrouverait hégelien en moins d’un clin d’oeil ? J’ai trouvé, c’est le galop Là aussi pas de justification, ça doit vous paraitre évident ! Et oui le galop, ce n’est pas une ritournelle, le galop. C’est un vecteur linéaire, avec précipitation, vitesse accrue. Vous me direz : la ronde aussi peut prendre une vitesse accrue, d’accord. Mais ce n’est pas une ligne, ce n’est pas un vecteur. Le galop, pour que ça marche il faudrait que le galop soit un élément musical aussi important que la ritournelle.

J’avance, je parle tout seul. J’avance énormément. Voilà que je vois ce que je voudrais montrer, rien que pour faire râler les musiciens, les musicologues, c’est toujours une joie. Les deux grands moments de la musique, les deux grands mouvements de la musique, c’est la ritournelle et le galop. Comme ça on est sûr ou bien de ne pas être entendu ou bien d’être injurié. C’est deux avantages inappréciables. Injurié sous la forme d’incompétent, lamentable. Le galop, en même temps, ce n’est pas en équilibre. Le galop, en musique, il n’est qu’instrumental. On peut peut-être faire des galops vocaux, mais c’est avant tout instrumental. La ritournelle, la polyphonie, elle est fondamentalement vocale. Le chant des oiseaux il est fondamentalement vocal, au Moyen-âge et à la Renaissance.

Alors, voilà qu’un type, c’est pour vous donner un exemple de ce que je souhaite, voilà qu’un type me dit : « mais en effet il y a les galops ». Et dans les écoles du moyen-âge, qu’on a redécouvert que très récemment, il y a des galops. Comment ça il y a des galops ? Il me dit : « je ne sais plus très bien ». Ca se bouche. Voyez, une direction, on croit que ça y est, ça se bouche. Il dit : « XIV° siècle », il me cite des noms, pour moi des musiciens absolument inconnus. Il me dit : « du côté des troubadours, il y a des galops instrumentaux ». Et puis il me dit :« mais chez Janequin - il connaît bien Janequin ce monsieur en question - il y a une bataille de Marignan avec du galop descriptif, instrumental. Je lui dis : « dans mes bras ! » Ca marcherait, on pourrait dire qu’il y a deux pôles non symétriques : les galops et les ritournelles. En d’autres termes, la musique aurait pour éléments principaux le cheval et l’oiseau. J’annoncerai à Félix cette triste nouvelle. Il y a le cheval aussi. Qu’est-ce qu’on peut tirer de ça ? Je veux dire ce n’est pas pour rigoler tout ça.

Je fais un saut dans la musique de cinéma. Il y a un problème qui traîne au niveau de la musique de cinéma. C’est : y a-t-il un spécificité musicale de la musique de cinéma, ou est-ce que la musique de cinéma si elle était bonne, serait de la bonne musique et un point c’est tout ? Vous savez qu’elle est rarement bonne. Je mets de côté ce qui est un tout autre problème, l’usage dans le cinéma de grandes musiques. Par exemple dans le dernier Godard... ça c’est un problème spécial qui pose toutes sortes de questions d’ailleurs. Mais c’est un problème spécial, ce n’est pas celui-là que je veux poser. C’est le problème d’une musique de cinéma. Dans la musique de cinéma, le problème tel qu’on le pose classiquement c’est : tantôt on nous dit : « il y a beaucoup de musiciens de cinéma, il n’y a aucune raison qu’il y ait une spécificité de la musique de cinéma ». Ils nient la spécificité. Et il y en a d’autres qui reconnaissent la spécificité, mais ils la reconnaissent mal à mon avis, parce qu’ils la reconnaissent de manière hégélienne. Et c’est Eisenstein. Et c’est d’une manière à peine différente Adorno. Tous les deux sont hégéliens. Reconnaître la spécificité de la musique de cinéma de manière hégélienne, ça consiste à dire : la musique de cinéma est auditive, sonore, comme toute musique, mais elle est inséparable de l’optique, de l’image visuelle. Elle doit entrer dans des rapports d’opposition dialectique avec l’image visuelle de telle manière qu’en naisse une synthèse supérieure. Ce n’est pas de la même manière que Eisenstein et Adorno conçoivent cette synthèse dialectique. Tous deux conçoivent la musique de cinéma comme inséparable d’une synthèse dialectique visuelle - sonore. C’est-à-dire ils insistent : la musique ne doit pas accompagner l’image, elle doit avoir sa propre autonomie, mais précisément la réaction de l’auditif sur le sonore doit créer une troisième réalité. C’est la réalité cinématographiqe. C’est pas bien parce que c’est préféré un rapport entre les deux, Il faut que ce soit dans la musique en tant que musique que quelque chose apparaisse comme spécifique à la musique de cinéma. C’est ça que je voudrais. Est-ce que la musique de cinéma ne dégagerait pas à l’état pur, ces deux éléments cachés dans toute musique ? mais lui les ferait ressortir à l’état pur, et précisément là en fonction des données de l’image visuelle, à savoir quand la musique de cinéma éclaterait ces deux éléments constituants de toute musique : le galop et la ritournelle. Qu’elle soit bonne ou mauvaise.

Alors ça donnerait quoi ça ? Je prends les exemples les plus simples, les plus nuls d’abord.
-  Le western : il y a la musique - galop. Il y a le galop descriptif qui accompagne les grandes galopades du western. Et comme greffé sur ce grand galop du western, il y a la petite ritournelle qui s’élève, généralement à l’harmonica. je voudrais vous chanter des choses comme les vacances approchent. ;;Un des exemples les meilleurs en ce sens, parce que la musique est très bonne, le musicien est très bon - je ne me souviens plus de son nom - : "Le train sifflera trois fois", avec la fameuse petite ritournelle : "si toi aussi tu m’abandonnes, oh mon unique amour !" vient comme la petite ritournelle qui se greffe là sur la musique chevauchée, la musique galop.

-  La comédie musicale : là ça concerne encore plus la musique. Il ne faut pas s’y tromper, si vous prenez l’ensemble de la comédie musicale, vous y voyez nettement deux éléments musicaux. Mais ce n’est pas une musique nulle la musique de la grande comédie musicale américaine. le galop ça peut être de toutes sortes - Je fais une parenthèse dans la parenthèse. Pensez à Honeiger qui a fait énormément de musique de cinéma. Le train c’est une musique de galop, typiquement un galop. C’est un grand galop la musique de train. Le cinéma, qu’est-ce qu’il en a tiré parti, et parfois de manière très, très belle, de la musique de train. Et ça n’empêche pas : dans le train il y a le petit harmonica qui danse la ritournelle. Il y a toujours la complémentarité, les oiseaux et les chevaux. Dans la comédie musicale, qu’est-ce que vous avez ? Vous avez deux grands moments, deux grands mouvements. Qu’est-ce que ça a apporté la comédie musicale ? Par exemple avec Berkeley, quand ce n’est pas encore très individué, quand c’est vraiment la troupe, quand c’est vraiment du collectif. C’est évident ce que ça apporte : c’est un curieux galop qu’on appellera aussi bien le pas. Dans énormément de comédies musicales, vous avez un élément militaire, un élément militaire sexualisé souvent, sous forme de la troupe des girls. Les girls, c’est un sous prolétariat, c’est le sous prolétariat d’Hollywood, les pauvres, les malheureuses. Qu’est-ce qu’elles font ? Elles font le train, elles font le pas, elles marchent comme des militaires, etc. Et en même temps, c’est des pas très rythmiques. Ca, c’est l’aspect galop. Dans les grands films de Fred Aster ou de Kelly, vous trouvez cette forme fondamentale du pas. Et puis vous avez la petite chanson, vous avez la petite ritournelle. Donc ça marche.
-  Le galop et la ritournelle, je peux dire : est-ce que ce ne serait pas, donc, les deux manifestations pures de la musique de cinéma ?

Il me faudrait des confirmations plus sérieuses. Je les pressens. Confirmations plus sérieuses... Et bien j’en vois une. Evidemment ce qui va tout troubler, c’est que je relie ça au problème du temps. On ne perd pas de temps, vous savez, parce que ce sera autant de fait pour le troisième trimestre. Je n’aurai plus à revenir sur l’aspect sonore du cristal, sauf avec tout ce que vous allez m’apporter la semaine prochaine - il faut que ce soit avant Pâques ce que vous allez m’apporter.

Si ce qu’on voit dans le cristal, donc, dans le cas sonore, si ce qu’on entend dans le cristal, c’est la fondation même du temps, si c’est le temps lui-même qu’on entend dans le cristal, si c’est le bruit du temps, il faut donc que le bruit du temps soit double. Et en effet, qu’est-ce que c’est que le galop ? Le galop c’est la cavalcade du présent qui passe : vitesse accélérée.
-  La cavalcade du présent qui passe : c’est ça un galop. Et la ritournelle, c’est quoi ?
-  La ritournelle, c’est la ronde des passés qui se conservent. [...]

Voyez, j’aurais donc comme deux figures du temps qui correspondent à galop et ritournelle. Je ne sais pas quel est le signe de chacun. Le signe est variable. Je veux dire, essayons de distribuer. Alors on introduit un nouveau couple : vie - mort. Ce que je voudrais vous montrer, c’est, vous le savez déjà, comment une idée petit à petit peut s’enrichir. Là j’introduis deux critères : signe de vie - signe de mort. Et je me dis, il y a des auteurs pour qui la vie, elle est du côté du galop. La vie, c’est la cavalcade des présents qui passent. J’en connais un au moins, un grand auteur de cinéma, pour qui la vie c’est la cavalcade des présents qui passent, et qui trouvera un expression parfaite sonore dans le french cancan. C’est donc Renoir. Et la mort, c’est la ronde qui n’en finit pas des passés qui se conservent, et qui font pression sur nous. Mélancolie si toi aussi tu m’abandonnes. La petite chanson qui nous enfonce dans le passé, qui nous ramène au passé, qui nous arrache des larmes sur nous-mêmes. La petite ritournelle, c’est la mort.

Autre possibilité : la cavalcade des présents qui passent va vite, elle nous fait courir. Mais où courons-nous ? Pas du tout dans la vie : nous courons au tombeau. Où courent-ils ? Mais ils courent au tombeau. Et au contraire, la petite ritournelle, c’est la vraie vie. C’est ce qui nous sauve de la course au tombeau. C’est l’épreuve de l’éternel. C’est ce qui va se poser sur nous comme une auréole, comme une auréole sonore, et nous soustraire, ne serait-ce qu’un instant, à la course au tombeau. Là les signes sont inversés : c’est la ritournelle qui contient la vie, et le galop, qui nous mène à la mort. Y a-t-il un grand auteur de cinéma qui a fait ça ? Oui. C’est sans doute celui qui a eu les noces les plus étranges avec un des plus grands musiciens de cinéma, c’est Fellini. Chez Fellini, il y a perpétuellement des galops. Le musicien de Fellini, c’était Nino Rota. Nino Rota, je crois, est un grand musicien, excellent musicien. Et Nino Rota a construit toute sa musique sur quoi ? Galop, ritournelle. Et chez Fellini, ce qui s’accompagne d’un galop, et ce qui constitue un galop, c’est les fameux travellings de Fellini, qui passent sur une file.

C’est par exemple, la file des puristes dans Huit et demi, avec leurs petites timbales. Où vont-ils avec leurs petites timbales ? Ils vont à la mort. Ces fameux visages de Fellini, ces fameuses têtes de Fellini, qui sont prises en un travelling très lent. Mais Il y a des galops très lents. Ils sont pris dans un galop ralenti, et où chacun à son tour fixe la caméra comme s’il était un oiseau de proie surpris, surpris par la lumière. Vous savez, ces visages de Fellini qui fixent tout d’un coup la caméra, dans la caméra et qui semblent être extraordinairement inquiétants, qui semblent être comme surpris perpétuellement dans une mauvaise pensée, dans une mauvaise action. Ces espèces de monstres, toute la série des monstres de "Satyricon", la série des monstres de "Huit et demi"... Le type est toujours avec une petite musique, qui s’accompagne très souvent d’une marche précipitée. C’est ce qui est très frappant chez Nino Rota. Vous remarquerez que quand Rota fait de la musique pour d’autres que Fellini, par exemple pour Visconti - c’est de la très bonne musique, il a ;fait notamment la musique de Rocco - ça ne marche pas. ça marche beaucoup moins. S’il y a eu rencontre dans l’histoire du cinéma entre un grand musicien et un grand metteur en scène, c’est la rencontre Fellini - Rota.

Et puis, de cette marche précipitée, ou de ces longs travellings de Fellini, tout d’un coup, optiquement, quelqu’un sort de la file. C’est par exemple le visage comme pur et purifié, le visage comme lavé de Claudia Cardinale, l’infirmière rêvée qui distribue les timbales aux touristes, à la ligne des touristes. Et là, ce n’est plus un galop. Autour de ce visage, se forme une lumière circulaire qui l’extrait de la file, et qui est déjà comme une ritournelle visuelle, en même temps que la musique de Rota produit une véritable ritournelle sonore. La ritournelle, c’est la marque d’élection, c’est la chance que quelqu’un soit sauvé de cette perpétuelle course au tombeau. Perdu, sauvé, perdu, sauvé... Perdue la file des touristes qui court à la mort ; sauvée "peut-être" l’infirmière auréolée sur laquelle se pose un instant la ritournelle. A la fin de Huit et demi, est-ce que tout sera sauvé ? Il semble, sous la conduite de l’enfant blanc, à la flûte, que s’organise une espèce de ronde où il semble que tout sera sauvé. Ou bien est-ce que tout sera perdu ? A la fin de Casanova, la machine de mort, le galop atteint son stade suprême dans la grande danse avec la poupée mécanique. Et la cassure, la cassure, les débris de cette femme machine... Rien ne sera sauvé, tout sera emporté par la mort. Mais Fellini n’est ni dans l’un, ni dans l’autre, ni dans la fin supposée heureuse de "Huit et demi", ni dans la fin supposée tragique de "Casanova". Et ce qui le prouverait le plus, il me semble, c’est "Prova d’orchestra". Car dans "Prova d’orchestra", vous avez à l’état pur la répétition d’orchestre, qui a quel sens ? Constituer les deux éléments, les constituer d’abord de manière autonome, et puis les mélanger de plus en plus pour montrer qu’on ne sait jamais d’avance ce qui sera perdu ou sauvé. Et toute le fin, ça va être quoi ? Ca va être un splendide galop de violon, pour ceux qui se rappelent. Car les violons sont un instrument de galop fantastique, formidable : un splendide galop glissé, comme un sorte de galop glissé de violon. Et, dans ce galop de violon, se forme une petite ritournelle, une petite phrase. Puis le galop reprend, et la petite phrase reprend. Et là se fait une compénétration des deux éléments, sous la forme : sauvé ? Perdu ? Sauvé, perdu, sauvé, perdu... Et c’est très beau. Prova d’orchestra m’apparait une grande grande réussite.

Donc, on pourrait dire ça du cinéma : la musique de cinéma jouerait de ces deux éléments fondamentaux, et en ferait comme par réaction les éléments fondamentaux de toute musique possible. [...] C’est là que je reviens aux questions que je me pose.

Donc je dis, il y a des recherches à faire au niveau du moyen-âge, sur les galops et ritournelles, et le rapport entre les deux. Si on saute bien des siècles, la bataille de Marignan ça m’interresserait beaucoup par exemple

Si on saute des siècles - comme j’ai quand même déjà demandé des renseignements - il y a Clément Rosset, qui est un très bon philosophe de musique, à qui j’ai demandé. Notamment, il vient d’écrire, dans la dernière Nouvelle Revue Française, dans le dernier numéro de la Nouvelle Revue Française, un article sur la ritournelle où il reprend le problème de la ritournelle. C’est bien, parce qu’il nous donne raison, à Félix et à moi.[...] Alors je lui ai dit... C’est ça prendre des renseignements, essayer de chercher quelque chose, on n’est pas censé tout trouver tout seul, c’est trop fatiguant tout seul. Alors il me répond : « Et bien oui, je crois que vous pouvez sans crainte - c’est sa manière, c’est son style - et avec bonne raison historique et musicale, opposer la ritournelle au galop ». Il dit au moyen-age il voit pas. Il dit : « Au XIX° siècle, le galop est une danse vive, d’origine austro-hongroise, qui met fin au bal, bouquet de la soirée ». Remarquez que ça m’embête, parce que ce qui m’intéresse, ce n’est pas ce qui vient avant et ce qui vient après : ce qui m’intéresse, c’est qu’il y ait deux choses qui diffèrent en nature. Que ça s’organise en avant et après ça je voudrais laisser tomber ; On en trouve trace dans maintes finales d’Offenbach - confère le célèbre galop final de la fin de l’acte trois de "la Vie parisienne". Auparavant, le galop est moins une danse à part, qu’une coda accélérée qui met fin à un enchaînement de danse. Le galop termine. Ce n’est pas faux non plus d’une forme de galop qui est la farandole, qui aura dans le cinéma un auteur génial, à savoir Grémillon. Il y a une farandole dans tous les films de Grémillon. Grémillon, ce serait l’auteur de galops - farandoles. Auparavant, le galop est moins une danse à part, qu’une coda accélérée qui met fin à un enchaînement de danse. Suite de contre - danses, quadrille. Et cela dès la Renaissance me semble-t-il. Peut-être qu’ici, il y a des espagnols. Il y a eu une année où il y avait des espagnols, et puis là où j’ai besoin d’espagnols, il ne va pas y en avoir. Ca se retrouve par exemple encore aujourd’hui, dans la jota, dansée en Aragon. Suite de retours d’un même thème très simple - ça c’est donc la ritournelle - tantôt plus rapide, tantôt plus lent, mais qui se termine par une sorte de galop endiablé, que les espagnols appellent "estribillo". Je lis toujours la lettre de Rosset - De estribo, étrier : c’est donc l’idée de galopade. Estribillo désigne aussi littéralement le vers que l’on répète à la fin de la strophe pour marquer cette fin. Il me semble qu’il y a un phénomène un peu analogue dans les morceaux de rock.

Alors, je me dis, quand même il parle du rock. Prenons la succession des chanteurs américains : les crooners et les rockers. Il y a quelque chose qui m’embête beaucoup là-dedans. Les crooners, c’est tout simple, c’est la chanson ritournelle. C’est la petite ritournelle. Quand les rockers sont arrivés... Les rockers ça a été évidemment l’imposition d’un galop, et c’est normal. On n’en pouvait plus de la ritournelle, on est passé au galop. trés important.. Qu’est-ce qui ne va pas ? vous comprenez ! Je regarde dans mon dictionnaire anglais. C’est vous dire s’il faut faire des recherches. D’où ça vient « rock », « rocker » ? A la rigueur, je me disais, ce serait bien, des cailloux, ça dégringole. C’est un galop de cailloux. Mais ça ne vient pas du tout de cailloux. Ca vient de « rock » qui est la berceuse. le mouvement de bascule ! Là, je n’y comprends plus rien. Pourquoi les rockers se sont-ils nommés les berceurs, alors qu’ils s’opposaient aux crooners, qui étaient les vrais berceurs ? Il y a quelque chose qui n’est pas clair [...] Il y a là quelque chose de scandaleux [...] C’est une objection très sérieuse, mais il faut s’en tirer - ça c’est dramatique. ça m’embête. Mais heureusement ! Alors on oublie ça, mais j’aimerais bien que vous me trouviez une manière de s’en tirer. Et enfin, quel est le grand - d’ailleurs Russel, dans son article sur la ritournelle, l’invoque - le grand, le morceau de musique, parmi les plus beaux ? il faudrait analyser en détail, c’est très simple, c’est évidemment le fameux Boléro. Qu’est-ce que c’est "le boléro" ? Vous avez une petite phrase. il serait typique ! A croire que Ravel l’aurait voulu comme ça. C’est une petite phrase célèbre que vous avez tous dans la tête, puisque vous l’avez entendu une fois pour ne plus jamais l’oublier. Ravel, il disait : « Qu’est-ce que j’ai fait ? ». « J’ai inventé une petite phrase, et j’ai su l’orchestrer ». Car la petite phrase, dans toute le durée du Boléro, ne change absolument pas. Je veux dire : Il n’y a aucun changement mélodique, et aucun changement rythmique. Il y a uniquement changement de vitesse, changement d’intensité, et changement d’orchestration. La reprise de la petite phrase se fait suivant un galop, qui va aboutir à la splendide fin, qui n’est pas une extinction de la ritournelle, mais qui est un véritable "cassage" de la ritournelle. Elle se casse absolument comme une assiette se casse c’est-à dire les morceaux volent en éclats, à l’extrême de la vitesse du galop.

Donc là vous avez au niveau d’une musique célèbre de Ravel, comment on peut construire une matrice simple avec les deux éléments, ritournelle et galop. Voilà tout ce que je voulais dire. Tout ce que vous pourriez m’apporter, par association d’idée, dans n’importe quel domaine - musique classique... Je prends un exemple. Mais je n’ai pas le disque. J’aurais pu l’acheter. Je crois me rappeler (mais c’est un souvenir confus) qu’un lied extrêmement beau de Schubert - qui s’appelle, je crois bien, La jeune fille et la mort -... Ce n’est pas un lied ? Voyez si mes souvenirs sont confus. Ah bon ? C’est un quatuor. Ma question c’est : est-ce qu’il n’y aurait pas là un galop ralenti ? J’ai le souvenir d’une espèce de galop très curieux, qui ne serait pas étonnant en fait. La jeune fille et la mort : le galop serait là typiquement mortuaire. Mais là voyez, je n’ai pas souvenir de ça : au point que je croyais que c’était un lied. Donc tout ce que vous pourriez trouver, dans les musiques que vous connaissez, que ce soit la musique classique, que ce soit le rock, que ce soit la musique du moyen-âge, que ce soit des connaissances techniques que vous auriez sur le rôle des différents instruments dans le galop...Tout ça ! Je considère comme un simple détail me tirer de difficulté pour l’affaire du rock. Ce qui est urgent, enfin ce qui n’a pas grande importance.

Tout ce que vous pourriez m’apporter,en ce sens, vous auriez ma reconnaissance très profonde. Et bien entendu, je vous donnerai douze U.V. pour toute votre vie. Même plus. C’est ce que je voulais dire. C’est comme un appel d’offre. Quoi que vous trouviez, vous me le racontez la semaine prochaine, parce qu’après je sens qu’il sera trop tard. Soyez gentils, cherchez. [...] Le cristal sonore on n’en parlera plus au troisième trimestre [...]

Et bien s, on y va là -dessus, on recolle avec le point où j’en étais. Et pourquoi j’ai fait ce schéma, qui ne vous échappe pas ? Est-ce que quelqu’un le voit, mon schéma ? Personne. Je vais vous l’expliquer. On en était à ceci : on avait vu et on n’avait pas tout à fait fini la première moitié.
-  Ce qui définit l’âme, c’est un mouvement intensif, ou il y a un mouvement intensif de l’âme. La seconde moitié, vous savez d’avance ce qu’elle va être :
-  le temps, c’est le nombre du mouvement intensif de l’âme.

-  Donc, le temps est une dépendance de l’âme et non pas du monde. C’est la tradition de ce splendide néoplatonisme, qui va du III° siècle au VI° siècle, de Plotin à Damascius. Il nous reste à finir le premier point : il y a un mouvement intensif de l’âme. L’âme détermine un mouvement intensif. Que ce soit l’âme qui le détermine, en fait ce n’est pas vrai. Mais c’est au niveau de l’âme que le mouvement intensif apparaît le plus clairement. On va voir pourquoi. Je prends une citation de Damascius, le dernier des grands néoplatoniciens. Damascius dit, et là la traduction est exacte, elle est mot à mot : « tout comme les éponges, sans rien perdre de son être, l’âme est seulement plus dense ou plus rare ». On a vu : densité ou saturation, rareté ou raréfaction, c’est les deux pôles intensifs. De quoi ? De la densité, la densité étant une quantité intensive. "A la manière des éponges, sans rien perdre de son âme, elle est seulement plus rare ou plus dense, l’âme".

C’est donc ça, ce que je présentais comme une dialectique, à la fois très différente de ce que sera la dialectique chez Hegel, mais très différente aussi de ce qu’était la dialectique chez Platon. C’est la dialectique proprement néoplatonicienne, pour laquelle je ne vois pas d’autre mot que le mot dont s’est servi Jamblique : la dialectique sérielle.
-  C’est une série. Alors Je peux reprendre, puisque ce schéma, il était très entamé la dernière fois. Je pars de là. Si je me donne un échelonnement, je me donne une série : en bas cette série tend vers zéro. Qu’est-ce que ce zéro ? Cette série tend vers zéro, et son point de départ, c’est un, puissance n. [...] Un puissance n, donnons-lui un nom. C’est ce que les néoplatoniciens appeleront l’Un (avec un grand U) participable. Participable, ça veut dire quoi ? Ca veut dire que les degrés suivants participeront à cet Un, participeront à cette puissance. Pourquoi ? Forcément, puisqu’ils émaneront de cette première puissance. Emanant de cette première puissance, procédant de cette première puissance, ils y participent.c’est à dire ils en reçoivent l’effet. Ils y prennent part. Pourtant cette première puissance n’a pas de part. Donc ils y participent d’une autre manière que suivant la partie. Un puissance n sera dit l’Un participable. Ce qui veut dire que le degré plus bas, le degré suivant, que nous allons nommer normalement un puissance n moins un, ce sera précisément la seconde puissance, c’est-à-dire celle qui participe de l’Un participable.
-  Cette seconde puissance, Plotin lui donne pour nom : l’être esprit, l’être pensé. Une fois dit qu’au niveau de cette seconde puissance, il y a une unité, une unité absolue de l’être et de la pensée. Mais vous voyez que l’unité n’est plus celle de l’Un, elle est celle de l’être et de la pensée. Cette unité de l’être et de la pensée, Plotin l’appelle aussi bien : le « nous », en grec, ou « noos », que l’on traduit par convention, et très mal, « l’intelligence en tant qu’elle comprend tous les intelligibles ».

Je dirai donc que la seconde puissance, un, n moins un, participe de la première puissance, un puissance n. Après l’Un participable, il y a l’être esprit. L’être esprit participe de l’Un participable. Pourquoi l’être et l’esprit ne font-ils qu’un ? Précisément parce qu’ils participent de l’Un. Ca va ? De un, n moins un, va sortir d’une manière ou d’une autre, une troisième puissance : un, n moins deux. Elle sera inférieure. Elle participera de l’être esprit.
-  Et cette troisième puissance participe de l’être esprit, et par l’intermédiaire de l’être esprit, participe de l’Un participable. C’est ce que Plotin appellera « l’âme ». Voyez, là ça varie. J’ai pris moi, un truc qui me convient. je ne dis pas que ce soit exact..
-  Quatrième puissance : la physis, la nature, qui participe de l’âme. Le cosmos. Et puis l’apparaître ou l’apparition de phénomènes, c’est-à-dire la physis dans sa splendeur sensible, c’est-à-dire la physis considérée comme ensemble de phénomènes, qui forme une puissance encore inférieure, etc. Jusqu’à zéro . Toujours un mystère pour ce zéro. Première question : pourquoi j’ai mis des pointillés, en-bas ? Mon schéma s’éclaircit, j’espère, à mesure que je le commente. J’ai mis des pointillés en-bas parce qu’en un sens, ça va à l’infini. Il y aura toute une série de puissances avant zéro. Chaque chose prise dans son individualité sera elle-même une puissance.

Et pourquoi que j’ai mis là-haut des petits...tirets... pointillés, avec Un puissance N (mais N écrit en majuscule) ? C’est que, c’est bien connu, les néoplatoniciens, dans leur excellente tentative d’ériger toujours l’Un au-dessus de l’être, n’ont jamais fini avec la profondeur. C’est une dialectique en profondeur. Or, c’est ce que j’essayais de montrer, je ne reviens pas là-dessus : la profondeur, elle ne peut émaner que d’un sans fond. Le "fond", les allemands, Schelling se rappellera tout ça, il connaissait rudement le néoplatonisme. Je ne dis pas qu’il est néoplatonicien, mais il connaissait très très bien. Quand Schelling nous apprendra qu’au delà du fond, c’est-à-dire du ground, il y a le Abground, le sans - fond, et que au-delà du Abground, il y a le Unground, par-delà tout fond, par-delà le sans - fond. Et qu’il écrira ces pages splendides, qui vont être les bases du romantisme allemand sur le jeu du Ungroun, de l’Abgrond et du ground. Si bien que , je dirais qu’un puissance n, c’est le plus profond, mais c’est quand même déjà de l’Un participable. Donc il faut bien que lui-même "sorte" de quelque chose. Il faut que le plus profond sorte de quelque chose, d’un sans - fond. Et le sans - fond, lui c’est l’Un imparticipable. L’Un imparticipable, impossible à participer.

 45-08/11/83 - 1


 45- 08/11/83 - 2


 46- 22/11/83 - 1


 46- 22/11/83 - 2


 46- 22/11/83 - 3


 47-29/11/83 - 1


 47- 29/11/83 - 2


 47- 29/11/83 - 3


 48-06/12/83 - 1


 48- 06/12/83 - 2


 48- 06/12/83 - 3


 49-13/12/83 - 1


 49- 13/12/83 - 2


 49- 13/12/83 - 3


 50-20/12/83 - 1


 50- 20/12/83 - 2


 50- 20/12/83 - 3


 51-10/01/1984 - 1


 51- 10/01/1984 - 2


 51- 10/01/1984 - 3


 52- 17/01/1984 - 1


 52- 17/01/1984 - 2


 52- 17/01/1984 - 3


 53-24/01/184 - 1


 53- 24/01/1984 - 2


 53- 24/01/1984 - 3


 54- 31/01/1984 - 1


 54- 31/01/1984 - 2


 54- 31/01/1984 - 3


 55- 07/02/1984 - 1


 55- 07/02/1984 - 2


 55- 07/02/1984 - 3


 56- 28/02/1984 - 1


 56- 28/02/1984 - 2


 56-28/02/1984 - 3


 57-13/03/1984 - 1


 57- 13/03/1983 - 2


 57-13/03/1984 - 3


 58- 20/03/1984 - 1


 58- 20/03/1984 - 2


 58- 20/03/1984 - 3


 59- 27/03/1984 - 1


 59- 27/03/1984 - 2


 59- 27/03/1984 - 3


 60-17/04/1984 - 1


 60- 17/04/1984 - 2


 60- 17/04/1984 - 3


 61-24/04/1984 - 1


 61- 24/04/1984 - 2


 61- 24/4/1984 - 3


 62-15/05/1984 - 1


 62- 15/05/1984 - 2


 62- 15/05/1984 - 3


 63- 22/05/1984 - 1


 63- 22/05/1984 - 2


 63- 22/05/1984 - 3


 64-29/05/1984 - 1


 64- 29/05/1984 - 2


 64- 29/05/1984 - 3


 65-05/06/1984 - 1


 65- 05/06/1984 - 2


 65- 05/06/1984 - 3


 66-12/06/1984 - 1


 66- 12/06/1984 - 2


 66- 12/06/1984 - 3


La voix de Gilles Deleuze en ligne
L’association Siècle Deleuzien