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57-13/03/1984 - 3

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Gilles Deleuze - vérité et temps cours 57 du 13/03/1984 - 3 transcription : Désirée Lorenz

Qu’est-ce qui se passe à chaque degré, à chaque degré de puissance ? Tout se passe comme si vous aviez trois termes. Ce sont les fameuses triades néo-platoniciennes. Ah ! Ces triades-là ! Ce sont les triades de lumière. Vous avez l’Un sous telle ou telle puissance. L’Un sous telle ou telle puissance, disons que c’est le principe par rapport à ce qui vient après. Il est lui-même contemplation. En effet, il agit "en contemplant". Mais alors qu’est-ce qu’il contemple ? Puisqu’il ne contemple pas des modèles. Il se contemple soi-même. Il est contemplation de soi.

Qu’est-ce que ça veut dire "contempler" ? Mais les anglais, ils garderont ça. Les anglais sont des néo-platoniciens vous savez ! Tout le romantisme anglais, il est néo-platonicien. On peut penser à Coleridge. Coleridge c’est un des plus grands néo-platoniciens modernes. Fantastique Coleridge ! Ils connaissent très bien Platon les anglais, ils adorent ça, les alexandrins ils adorent, ils aiment beaucoup ! Pourquoi je disais ça ? Oui, et bien vous voyez... Ah oui ! Les anglais, ils ont des mots que j’ai oubliés d’ailleurs ! Pour dire « se remplir de soi-même ». Se remplir de soi-même, se satisfaire, se réjouir. Il y a du « enjoy » là-dedans. Il y a des textes de Butler qui sont admirables : "sur l’herbe qui contemple... le froment qui contemple et qui se contemplant, et qui contemplant ce dont il procède et se contemplant lui-même, se remplit d’une image de lui-même". C’est-à-dire, s’achève. Voyez, il y a la double métaphore du germe qu’il développe, et du miroir. C’est pas du tout du narcissisme, hein. Quand je me contemple moi-même, je me remplis d’une image de moi-même par laquelle je produis.

Donc, le premier principe, le Un dont je pars à quelque degré que ce soit de ma série, le Un dont je dis qu’il se contemple lui-même, il est contemplation de soi. Mais par là même il produit. Qu’est ce qu’il produit ? Bah il produit la multiplicité virtuelle ! Qu’il contient en tant qu’Un. Et cette multiplicité virtuelle, elle procède de l’Un, comme ils disent. C’est la procession. Et qu’est-ce qu’elle est, cette multiplicité virtuelle ? Elle est contemplation aussi. Elle est contemplation en soi ! Elle est contemplation en soi qui à la lettre sort de la contemplation du soi. Le premier principe se contemple lui-même et en se contemplant produit la multiplicité virtuelle comme étant en soi contemplation. Mais comment cette multiplicité virtuelle ne passe t-elle pas à l’actuelle ? C’est-à-dire, ne fait-elle pas la chute réelle ? Parce que précisément en tant qu’elle est comprise dans l’Un, en tant qu’elle est comprise dans le degré appréhendé comme Un, la multiplicité virtuelle que cet Un contient, comprend, fait retour à l’Un.
-  C’est ce que les néo-platoniciens appelleront la conversion.

Et l’acte par lequel la multiplicité virtuelle fait retour à l’Un qu’il a produit par contemplation, cette conversion est elle-même une contemplation. Contemplation de ce dont elle procède. Si bien qu’à chaque degré, vous avez enveloppement des degrés intermédiaires entre le degré et zéro, cet enveloppement se faisant suivant une espèce de ligne circulaire où les degrés inférieurs à l’unité considérée, font retour à l’unité supérieure. C’est pour cela que je disais en fait, c’est pas une ligne, ça se déplace en spirale perpétuellement.

Et vous avez la fameuse triade :
-  l’Un comme principe,
-  ce qui procède de l’Un, la multiplicité virtuelle,
-  ce qui fait retour à l’Un, mais ce qui va faire retour à l’Un sous forme de l’unité suivante, qui à son tour va contenir une multiplicité, qui va faire retour à l’Un mais qui va faire retour à l’Un sous forme de l’unité, etc., de l’unité suivante, tout ça à l’infini.

Alors là je ne voudrais pas parce qu’on n’a plus le temps, je ne voudrais pas développer ça mais, ce serait le moment de reprendre en effet tout le thème du régime, du régime et de la lumière et de la couleur dans le... dans... dans le... dans l’art byzantin. Il y a des pages merveilleuses de Maldiney... dans Maldiney : M.A.L.D.I.N.E.Y. Un livre qui s’appelle "Regard, parole, espace ", page 242 suivantes où il analyse très près des mosaïques. Si j’essaie d’en tirer - c’est parmi les plus belles choses que l’on est écrite, qu’on est écrite sur l’art byzantin - et lui bizarrement il fait pas du tout le rapprochement avec Delaunay, mais je crois qu’il se place d’un autre point de vue, pour lui le seul grand peintre moderne qui ait saisi l’art byzantin et qui en ait tiré quelque chose de complètement renouveler c’est Seurat bizarrement. C’est Seurat. Et il y a une démonstration de Maldiney très très belle, enfin, mieux qu’une démonstration il y a quelque chose de très très, profond, mais enfin peu importe.

j’essaie de dire en quoi, il y a un circuit... qui est absolument... il me faut ma craie, j’ai perdu ma craie... Je mets le schéma en tout petit dans un coin. Et bien voilà, vous avez une mosaïque byzantine... vous avez une chute, une grande chute de la lumière. Évidemment, ce que je dis est idiot, ce que je dis est idiot... Ça tombe, ça tombe en bloirs. Et je dis que ce qui je dis est idiot parce qu’il faudrait saisir tous les moments à la fois. Donc toutes les objections qui vont venir à tous ceux qui connaissent un peu l’art byzantin, vous les gardez puisque mon schéma, il ne fonctionne qu’aussitôt où vous mettez tout ensemble. Moi je suis forcé de l’introduire petit à petit ce qui fait alors des contresens abominables.

Vous avez une ligne de chute, qui pour moi répond exactement à cette profonde ...on. Et donc je disais que, elle va surtout, que ce qui est déterminant en elle, mais c’est par abstraction que je dis ça, ce qui est déterminant en elle, c’est du saturé au raréfié. Du saturé au raréfié, c’est ce qu’on appelle la gamme chromatique. L’art byzantin, c’est, c’est, c’est la naissance des deux gammes, des deux gammes modernes, la gamme chromatique. Alors si c’est une couleur mais vous allez me dire tout de suite : « Couleur ! T’as pas le droit ! ». Je me le donne ! Si c’est une couleur, la forme saturée de la couleur, et la forme raréfiée de la couleur. Qu’est-ce que font les byzantins ? Ils font résonner l’un avec l’autre. Du point de vue des composantes de la mosaïque, les petits cubes ou des pseudos cubes que l’on appelle des tessères, ça donne quoi ? Ça donne deux types de tessères, les unes nommées "smalt" et les autres tessères de marbre, de marbre blanc. Bien sûr, les "smalt" sont colorés, et c’est par abstraction que je dis : « j’en extraie une détermination fondamentale de la mosaïque byzantine : le noir ! Et bizarrement ce noir c’est pas du tout celui des ténèbres. Ce noir c’est la lumière. Comment c’est possible ça ? Attendez, attendez. Si le noir byzantin c’est la lumière (inaudible) Mais les couleurs je ne peux pas me les donner encore. Donc, acceptez l’idée d’un soleil noir. Une lumière noire. C’est le sans-fond de la lumière, le noir. D’accord ? C’est la forme saturée, la forme saturée par excellence. Elle va résonner avec le blanc du marbre. Voilà ! Ça à l’état pur ce serait la gamme chromatique. (inaudible) Entre le noir sursaturé et le blanc raréfié... (inaudible) A chaque niveau de saturation vous avez une multiplicité virtuelle. Chaque niveau est une unité, hein. On l’a vu. Cette multiplicité virtuelle c’est celle des formes, des formes pures. C’est la chute idéale. La chute idéale se présentera comme la résonance du noir sursaturé dans le marbre blanc raréfié. Imaginez comme déjà ça peut être beau. Mais je dis bien, ce moment n’existe pas à l’état pur dans la mosaïque byzantine. Vous ne trouverez aucun exemple. Je fais un schéma abstrait. (...)

Plus je descends, plus les formes lumineuses se - je dirais - se colorent. Plus les formes de pure lumière se colorent. Les couleurs, pourquoi ? Beh oui les couleurs ! C’est quoi ? C’est n’est plus de la division en profondeur. Les couleurs se sont les tons, c’est la gamme diatonique. C’est une division en largeur. Je peux concevoir un moment dans ma chute idéelle du sursaturé au raréfié, du noir au marbre blanc, du noir du smalt au blanc du marbre. Je peux concevoir un moment où les couleurs sont bien discernables. En effet, là, il y a déjà couleur. C’est toujours de la division en largeur les couleurs. Voyez là ! Pourquoi ? Trois couleurs, trois couleurs (il montre au tableau)... le jaune or... trois couleurs byzantines : le jaune or, le bleu, le vert. (inaudible) Mais là les couleurs elles ne sont pas encore, elles sont très contenues, elles sont "virtuellement". C’est la multiplicité virtuelle du degré de lumière correspondant, de la puissance lumineuse. Mais plus je descends, plus les formes colorées prennent de l’autonomie par rapport aux formes de lumière. Et j’avais par exemple là... Et c’est là que je m’aperçois que là j’ai bien mes couleurs : jaune or, bleu, vert. Et que si je parlais déjà de leur présence avant, c’était noyé dans les formes de lumière. Et que c’était par "conversion" que j’en parlais avant. Et j’avais raison d’en parler avant. (inaudible)

Mais chacune, chacune de ces couleurs... Voyez, voilà ma division en largeur ! Qui ne prendra une actualité que mettons, à ce niveau là. Au niveau de cette puissance là ! Et même quand elle prend une actualité cette puissance là, sa couleur va à son tour tellement être subordonnée à la gamme chromatique en profondeur. C’est ça le coup ! C’est l’équivalent du coup de Plotin. Subordination de la division en largeur, à la division en profondeur. Que tellement subordonnée ma division en largeur à ma division en longueur, que chaque couleur va avoir sa forme saturée dans un smalt et sa forme raréfiée dans un marbre. Et vous aurez ces échos, ces résonances, entre par exemple, un smalt vert et un marbre blanc verdissant. Ou en un smalt bleu, forme saturée du bleu et un marbre bleuâtre, bleuissant. D’où tout un espace de diffusion, où c’est premièrement la lumière, deuxièmement la couleur qui crée l’espace. Voyez les figures rigides là-dedans ! Déjà les figures de couleur sont... les figures couleur sont déjà sont déjà moins pures que les figures de lumière. Et pourtant elles sont inséparables. Mais c’est pas tout. Troisième moment.(coupure)

C’est-à-dire, à la division en profondeur... Alors, vous allez avoir, une tendance de couleur à la saturation, tout comme à la raréfaction, des deux côtés, le jaune, le vert, le bleu, ou plutôt le jaune, le bleu les deux extrèmes, subissant l’opération qui va les reporter à la saturation. Et l’opération par laquelle les couleurs à leur tour sont sursaturées c’est quoi ? C’est la production de la quatrième couleur à ce moment-là, à savoir la production du pourpre, la production du rouge. La fameuse incandescence qui va répondre à la sursaturation de la couleur. Où la saturation du jaune, la saturation du vert, la saturation du bleu va donner cette espèce de lueur rougeoyante. (inaudible)
-  A chaque instant vous voyez, la gamme chromatique qui donne la gamme diatonique qui redonne du chromatique. Et c’est ce circuit que va constituer le circuit des formes lumineuses et des formes couleur dans l’art byzantin. Dans le cas de Plotin là aussi, les divisions en largeur vont exister mais toujours subordonnées à la grande division en profondeur relançant la division en profondeur qui les refournit elle-même, qui refournit les divisions en largeur, etc.

Ouf ! Si bien qu’on arrive maintenant. au problème, j’espérais juste en arriver là. Parfait, parfait, ça tombe bien. A ce moment là on n’a plus qu’un seul problème. C’est que si je viens de définir, dans tout ça j’ai défini précisément : le mouvement intensif de l’âme. Le mouvement intensif de l’âme, c’est tout cet ensemble. C’est donc,
-  première réponse : c’est la série des puissances en profondeur.
-  Deuxième réponse : ah ! c’est pas si simple que ça puisque ça s’accompagne des divisions en longueur qui sont reprises dans le système.

Et bien qu’est-ce que le temps ? Voilà que le temps va être précisément le nouveau nombre ou la nouvelle mesure de ce mouvement très particulier qu’on a défini comme mouvement de la puissance intensive. Comment va-t-il faire ? Et va bien voilà, ça va être la réponse splendide de Plotin et dont je ne peux pas dire à quel point elle est nouvelle dans la philosophie à l’époque de Plotin, à savoir Plotin découvre quelque chose qui va ensuite, va traverser tout le Kantisme, à savoir le temps, c’est une synthèse.
-  Le temps c’est une synthèse. Qu’est-ce que ça veut dire ? C’est une synthèse que l’âme opère. En d’autres termes,
-  le temps c’est l’acte de la synthèse que l’âme effectue sur son propre mouvement intensif.

L’âme opère une synthèse du mouvement intensif. Et elle-même, elle est en elle-même la synthèse de son propre mouvement intensif et la synthèse du mouvement intensif c’est ça le temps.

Si bien que quand on prêtera à Kant dans la seconde remarque que je développerai la prochaine fois, quand on prêtera à Kant l’idée d’une découverte du temps dans son rapport avec la synthèse, on ne fait qu’un contresens majeur car c’est l’aspect, c’est le seul aspect par lequel Kant conserve concerne le néo-platonisme. Encore une fois, la nouveauté de Kant est absolue et profonde mais ce n’est pas là qu’elle réside. Les premiers à avoir défini le temps comme acte d’une synthèse qui porte sur le mouvement intensif et donc par lequel l’âme détermine son propre mouvement intensif, et c’est ça le temps ! c’est Plotin dans la Troisième Énéades. Bon, c’est ce qu’on verra.

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