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57- 13/03/1983 - 2

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Gilles Deleuze - vérité et temps cours 57 du 13/03/1984 - 2 transcription : Charlène Thévenier

G : « La lumière tombe, la chute idéelle : elle a un nom célèbre en peinture, un nom très beau, et même en physique... on dit.... « Oh, j’ai perdu ma craie donc je ne peux pas l’écrire.On dit, quoi ? Elle est là ? Oui, j’ai pas mes lunettes. » « Elle est là. Sous le papier. »

G : « On dit que la lumière, que la lumière tombe, imaginez ceci : voilà le soleil. Qu’est ce que vous trouvez là ... beaucoup de tableaux, de tableaux de la Renaissance et encore au 17ème... je fais un nuage, hein ? qu’est ce que c’est que cette figure ? Qui assure de si belles lumières dans les tableaux musulmans. On dit de la lumière qu’elle tombe en "bloirs". Mais au pluriel, en bon français. Ce sont les bloirs de la lumière, la lumière tombe en bloirs. Ah bon, la lumière tombe en bloirs, voilà la chute idéelle. La chute idéelle, je dirais la chute idéelle c’est : la distance d’une puissance quelconque à zéro et tandis que la puissance ne peut pas être définie indépendamment de cette distance à zéro. Chute idéelle. Si au contraire une puissance parcourt la série des puissances jusqu’à zéro là, c’est une chute réelle. Vous me suivez ? La lumière tombe en bloirs, la lumière tombe, la lumière chute. Oui, mais c’est une chute idéelle, elle s’accompagne aussi d’une chute réelle bizarrement. Chez Plotin ce sera les deux mais les deux ne se confondront pas.

C’est la même ambiguïté que l’on pourrait éprouver devant une notion voisine : dégradation ou désagrégation. Je dirais, il y a un sens positif et un sens négatif. La désagrégation ça peut-être le mouvement par lequel la lumière elle même se désagrège, ou par lequel sa puissance diminue. Mais, lorsque dans des pages splendides Paul Claudel commente la ronde de nuit de Rembrandt et qu’il dit : « ce qu’on y voit avant tout c’est la désagrégation d’un groupe par la lumière ». Il écrit deux ou trois pages qui sont parmi les plus belles écrites sur ce tableau. La désagrégation d’un groupe par la lumière, ça veut dire quoi cette fois-ci ? Ca veut dire que le groupe comme figure rigide, entendez moi bien : le groupe comme figure rigide géométrique, est défaite au profit d’une forme de lumière. Cette fois ci, la désagrégation n’est plus le mouvement par lequel la lumière perd sa puissance mais au contraire le mouvement par lequel la lumière impose sa puissance contre la rigidité des formes géométriques.
-  La désagrégation de la lumière introduite dans un groupe.

La lumière tombe, voilà, texte merveilleux. Le plus beau texte de Plotin qu’il soit, troisième énnéades dans le grand texte dont je vous avais dit juste un mot, sur la contemplation : Il fait parler la nature - je lis le texte et c’est du style Plotin à l’état pur, c’est de toute beauté. Hélas quand je dis style Plotin, j’ai une idée sur le style Plotin et le style des néoplatoniciens : c’est des professeurs, c’est des grands professeurs. Alors, hélas on ne connaît leurs oeuvres que par les disciples qui ont pris des notes. Alors c’est embêtant ça, c’est évidemment embêtant. Mais c’est un style qui parait... eh bien d’abord c’est difficile, c’est très difficile, c’est presque inintelligible. Euh, chez Plotin ça va, mais chez les autres, ça devient dur, c’est très dur, les traductions il faudrait être un hélléniste à fond pour pouvoir les lire... Mais quand même on en recueille les beautés à travers les traductions même pas bonnes et puis ils ont de si beaux noms. Je ne vous ai pas dit leur noms aux successeurs de Plotin, dans l’ordre c’est Proclus, ça c’est pas mal...un formidable, Lamblique, le grand Lamblique. Ils s’appelaient tous par Diadoque, c’étaient les successeurs, les chefs de l’école : Le Diadoque. Alors il y avait « Diadoque Proclus », le « grand Diadoque Plotin » et le « petit Diadoque Proclus », le » Diadoque Lamblique » et puis le dernier des Diadoques et là j’ai oublié de regarder dans le Larousse... non, j’ai cherché dans le Larousse mais il n’y est pas. Euh, dans le petit, mais il doit être dans le grand alors vous chercherez... Je ne sais absolument plus mais dans mon souvenir c’est entre le 7ème et le 9ème siècle après JC. Très tardif quoi, en plein êre byzantin, ça coïncide pleinement, il s’appelle Damasius. Damasius il me semble, j’ai lu ça il y a longtemps et j’ en ai gardé un souvenir ébloui... j’ai lu ce que j’ai pu de ces gens là et j’en ai gardé un souvenir ébloui, c’est formidable. Et Damasius... pourquoi je disais ça ? Oui... Oui !

Alors ceux qui parlent de leurs styles c’est dans les verbes. Et ça se comprend parce que j’imagine la position des auditeurs qui prennent des notes, ils ne peuvent pas évidemment restituer le style, ils prennent des notes en abrégé, il n’y a qu’un truc qui peut passer à travers les notes c’est les verbes. Ces verbes là on ne peut pas les changer, on ne peut pas les résumer, si bien qu’ils ont une force... c’est peut être pour d’autres raisons, c’est peut être parce que c’est une philosophie très dynamique, une philosophie profondément dynamique. C’est au niveau des verbes qu’ils se déchaînent les grands Diadoques. Notamment Lamblique, c’est lui qui lance la grande théorie, il faudrait assigner à chacun ce qui... c’est lui qui lance la grande théorie des séries, c’est le premier à faire une dialectique des séries, des séries en profondeur, tout ça, c’est très important.

Alors je reviens à mon texte de Plotin 3 - 8 (3ème énnéades, chapitre 8) : « si l’on demandait - je lis un peu lentement - si l’on demandait à la nature pourquoi elle produit et si la nature consentait à écouter et à répondre, elle dirait - elle va parler hein, attention, c’est la nature qui parle - il eut fallut...- et elle parle très bien. « Il eut fallut, dit la nature, au lieu de m’interroger comprendre et se taire » ça c’est une technique que j’ai assez bien reçue de la nature : quelque soit la question qu’on me pose, je réponds, je répondrais à partir d’aujourd’hui : « il eu fallut au lieu de m’interroger, comprendre et se taire, comme moi même je me tais » dit la nature - ça je coupe - « je n’ai pas l’habitude de parler, que fallait-il comprendre ? » - c’est toujours la nature qui parle - « que fallait-il comprendre ? que ce qui est produit est l’objet de ma contemplation silencieuse. Née moi même - au féminin, la nature -née moi même d’une contemplation », je suis née d’une contemplation, non seulement la nature mais vous, moi. Faut pas croire que... On dirait on est né de nos parents, oui mais nos parents sont des contemplations. Et comment ils nous on fait nos parents ? en se contemplant et en se remplissant de leurs contemplation, dit la nature. « Née moi même d"une contemplation, j’ai une nature amie de la contemplation et ce qui contemple en moi produit un objet de contemplation. » on va en avoir besoin tout à l’heure, c’est pour ça que j’insiste.
-  Moi Nature, je suis produite d’une contemplation (premier point)
-  Moi Nature, je contemple (deuxième point)
-  Moi Nature, en contemplant je produit à mon tour (troisième point)

Et ce qui contemple en moi, produit un objet de contemplation. Alors là...« comme les géomètres en contemplant écrivent... » Ah, ah c’est le moment fondamental du texte ! « Comme les géomètres en contemplant, écrivent ». Qu’est ce que c’est ? Coup d’œil à Platon. On se dit : non alors ça, ça va plus là. Ça va plus, ça va plus, pourquoi il dit ça là tout d’un coup ? Pourquoi la nature dit ça ? Elle était en train de nous dire tout à fait autre chose, il nous dit Plotin. quel piège ce texte, au moment où on commençait à comprendre... Ça c’est très philosophique, au moment où vous comprenez, on vous retire tout. Ah, bien non, c’est pas ça, c’est pas ça... comme les géomètres en contemplant écrivent. Les géomètres ils contemplent d’un œil, c’est la version Platonicienne en tout cas, ils contemplent d’un œil l’idée et de l’autre main, ils contemplent le triangle idéal et de l’autre main ils tracent le triangle de craie sur le tableau. C’est le rapport modèle/copie, figure rigide. Comme les géomètres en contemplant écrivent, alors ça ne va plus du tout. Ce qui contemple en moi produit un objet de contemplation. Comme les géomètres en contemplant écrivent, ça ne va plus, complètement boiteux... Mais heureusement Plotin ne nous abandonne pas et il ajoute : « Mais moi, Nature... mais moi je n’écris pas ». Mais mo,i je n’écris pas, ça à l’air d’être comme ça, un petit truc poétique, mais rien du tout, il dit : « attention, je vous reflanque pas du Platon ». S’ il est fondamental que le géomètre écrive pour Platon... Pourquoi ? c’est pas le fait d’écrire, ça on s’en tape, c’est que le fait d’écrire signifie la conception platonicienne modèle/copie. Le démiurge contemple le modèle et fait l’empreinte, reproduit, on a vu que ça ; Plotin en voulait plus. « Mais moi je n’écris pas » - c’est à dire ce n’est plus du domaine de l’impression, ça n’a plus le rapport modèle/copie. « C’est quand je contemple, qu’apparaissent les lignes des corps ». >En d’autres termes, je n’ai pas besoin d’autre chose que de contempler. Contempler c’est produire. Mes parents n’ont pas besoin de contempler un modèle idéal ; l’enfant qu’ils voudraient avec leur œil, pendant que si j’ose dire, ils forniquent c’est à dire qu’ils essaient de reproduire l’empreinte. Non, les parents Plotiniens n’ont qu’a se contempler, se remplir de leur contemplation mutuelle pour produire. Ils n’écrivent pas, ils n’impressionnent pas, ils s’expriment. « Mais moi je n’écris pas, c’est quand je contemple qu’apparaissent les lignes des corps, on dirait qu’elles tombent de moi. » Voilà le texte qu’il fallait. je vous jure, hein, il est écrit. Et puis, ceux qui savent un peu de grec, qui on fait un peu de grec, vous pourrez vérifier le texte grec, euh, le mot tombé, le mot tombé est le plus... du monde, ça tombe de moi. Ça tombe en bloirs, ça c’est pas du tout Platonicien.

Jamais un triangle n’est tombé de l’idée de triangle chez Platon, jamais ! Bien plus, il faut tout une violence qui est celle du démiurge pour forcer l’idée à accepter d’être produite. Jamais ça ne tombe. Voyez, c’est ça la chute idéelle. ça tombe de moi, dit la nature. Il n’y a pas besoin d’un géomètre qui trace les lignes des corps rigides, en d’autres termes
-  la figure des corps est une figure de lumière qui tombe d’elle même à la manière de la lumière avant d’être une figure réelle. Avant d’être, pardon, une figure géométrique dans laquelle le modèle tomberait suivant une chute réelle. Ce qui est premier c’est une chute idéelle. Un zéro comme formule de la quantité intensive exprime l’idéalité de la chute. Ce qui est idéal c’est la chute. Alors il dira bien sûr, il dira que c’est très mal la chute. Et oui, il y aura une chute dans les corps rigides, il y aura tout ce que vous voulez. Mais avant qu’il y ai une chute réelle dans les corps, oui, avant cette mauvaise chute, il y aura la chute en bloirs. Les corps de lumière qui tombent de la source lumineuse comme les rayons tombent du...... (la bande saute)

Les apparences c’est si peu chrétien ou du moins c’est d’un christianisme oriental qui est très différent du christianisme occidental. Ça c’est la chute idéelle, c’est l’art de tomber à la manière dont la lumière tombe. C’est tomber en bloirs, c’est ça la splendeur de l’art byzantin. Ouh, ouh, ouh, alors, où est ce qu’on en est ? Vous comprenez, alors quoi ? je veux dire, avec cette histoire de un zéro... Si vous acceptez la véritable expression de la quantité intensive, c’est celle-ci :
-  du sans fond à l’ordre de la profondeur. Et c’est ça, le mouvement intensif de l’âme c’est ça.
-  Est-ce-que ça implique la chute réelle ? réponse : oui. Ça implique la chute réelle, vieux thème Platonicien.
-  Est-ce-que ça se confond avec la chute réelle, vieux thème Platonicien ? réponse : non. car la chute réelle n’est qu’une conséquence accessoire de quelque chose de plus profond que la chute idéelle. Tomber en bloirs. Dés lors, qu’est ce qu’il faut dire pour en finir avec ce premier point ? qu’est ce que c’est le rapport ?

Alors, dans ma série de profondeur, qu’est ce que c’est le rapport entre une unité et une autre ? Puisque toute les quantités intensives, encore une fois, sont appréhendées comme unités sous telle ou telle puissance. Voyez, je peux maintenant transformer la formule kantienne : « appréhender comme unité par rapport à zéro » en « appréhender comme unité sous telle ou telle puissance ». Mais quel rapport y a t il entre 1 puissance N-1 et 1 puissance N-2 ? etc.... Quel rapport y a t il entre deux unités dans l’ordre de la profondeur ? Faut aller jusqu’au bout, les néoplatoniciens nous proposent l’idée suivante pour en finir avec cette nature du mouvement intensif, ils nous diront : c’est une division. La quantité intensive n’est pas composée de parties, ça c’est la quantité extensive, on l’a vu, qui est composée de parties.
-  Mais chaque quantité intensive appréhendée comme unité, à un niveau quelconque de la série, contient toutes les suivantes. Par opposition à la quantité extensive, jamais une partie ne contient l’autre partie.

Comme on dit, la formule de la quantité extensive c’est « partes extra partes », c’est l’extériorité des parties. Une partie n’en contient pas une autre. A moins d’être un Tout par rapport à cet autre qu’elle contient. C’est à dire de ne pas être une partie par rapport à cette partie. Tandis que là, je peux noter que chaque unité contient toutes les suivantes. Sous quelle forme ? Elle les contient, attention en quel sens ? Je dirais, elle les contient virtuellement. Elle les contient virtuellement, ça veut dire quoi qu’elle les contient virtuellement ? Elle les contient pas actuellement, parce que actuellement c’est la loi de la quantité extensive. Elle les contient virtuellement, ça veut dire que :
-  chaque quantité intensive à une grandeur appréhendée comme unité et par là même une multiplicité appréhendée comme virtualité. Une multiplicité appréhendée comme virtuelle. Chaque unité contient les suivantes mais les contient virtuellement. Qu’est ce que ça veut dire : les contient virtuellement ? Ca veut dire qu’elle n’est pas composée par les suivantes mais elle se décompose. Toujours la chute... Elle se décompose dans les suivantes. Ah bon, elle se décompose dans les suivantes ? Mais si elle se décompose dans les suivantes alors le virtuel devient actuel. Oui. Elle se décompose dans les suivantes. Quand l’unité se décompose dans l’unité suivante la virtualité qu’elle contenait devient actuelle.

Mais à quel prix ? Que naisse une nouvelle unité. 1 puissance N-2 mais une nouvelle unité qui à son tour contient les suivantes, virtuellement. Contient les suivantes virtuellement c’est à dire se décompose dans les suivantes, se décompose dans les suivantes ça veut dire que la multiplicité devient actuelle. Oui elle devient actuelle, mais elle devient actuelle en tant qu’unité. Hein, N-2, qui à son tour va contenir les suivantes virtuellement. Elle va se décomposer dans les suivantes mais quand elle se décompose dans les suivantes c’est la suivante qui devient unité actuelle. Unité actuelle qui comprend virtuellement les suivantes, qui donc se décomposent dans les suivantes mais quand elle se décompose dans les suivantes, la multiplicité devient actuelle, elle devient actuelle non plus comme multiplicité, elle devient actuelle comme unité qui à son tour comprend une multiplicité virtuelle...

Ça va ? (rire) Vous voyez cet espèce de processus de la division où à chaque étape de la division, je change d’unité. Et une unité qui comprend une multiplicité virtuelle, en vertu de cette multiplicité virtuelle, elle se divise dans une nouvelle unité actuelle qui comprend à son tour une multiplicité virtuelle en fonction de laquelle elle se divise, etc...., à l’infini. A l’infini, on verra.

Bon, c’est en ce sens que quand Bergson commentera Plotin il aura une très bonne formule, il dira... qu’est ce qu’il dira Bergson ? il dira dans l’Évolution Créatrice : « pour Plotin et les Alexandrins, la position d’une réalité... » 1 puissance N, 1 puissance N-1, puisque la réalité se sera : « la position d’une quantité intensive comme unité », « la position d’une réalité implique...- on verra l’importance de ce mot - implique la position simultanée de tous les degrés de réalité intermédiaires entre elle et le pur néant » là il a dû traduire quelque chose Bergson. Je reprends, vous traduisez sur votre schéma : « la position d’une réalité quelconque (exemple : 1 puissance N-1) implique, enveloppe, la position simultanée de tout les degrés de réalité (1N-2, 1N-3, 1N-4...) intermédiaires entre elle et zéro. C’est le néant. Vous comprenez ?

Par ce jeu, par ce jeu qu’il faut que vous reteniez parce que on en aura rudement besoin, chaque unité est actuelle. Dans la quantité intensive, chaque unité est actuelle et à ce titre, comprend, contient, une multiplicité virtuelle. La multiplicité virtuelle s’actualise dans les autres unités dont chacune à son tour contient une multiplicité virtuelle qui s’actualise, hein, dans les autres unités. C’est un colimaçon quoi, vous voyez c’est une spirale. Tout va bien ? Tout ça doit être limpide, quoi ! Alors ça peut... vous pouvez ne pas aimer quoi, vous pouvez vous dire : non c’est pas mon monde ça mais faut pas vous étonner que ça résonne à travers les siècles par exemple. Il n’y a pas besoin de lire Plotin pour reprendre une comparaison que je faisais la dernière fois, ce sera le monde de Delaunay. Je dis pas qu’il n’y aura pas des changements, qu’il n’y aura pas d’autres éléments chez Delaunay, ce sera le monde de Delaunay, ce sera le monde des formes lumineuses, mais voilà, voilà hélas tout est trop beau. Nous voilà à peine, nous venons de terminer.

A peine nous venons de terminer ce premier point sur la nature du mouvement intensif de l’âme où nous pouvons répondre : c’est la chute idéelle. Vous voyez maintenant ce que j’appelle la chute idéelle, la tombée en bloirs... « et je tomberais en bloirs et je ne dirai plus jamais ma gloire, moi qui parle - je suis la nature là, hein. Je ne dirais plus jamais ma gloire, je dirais mes gloires. Je dirais mes gloires puisque mes gloires c’est tous ces trucs là, c’est toutes ces puissances que je contiens, dont je contiens la multiplicité virtuelle et qui s’actualise dans la série descendante des puissances et je tombe en bloirs.

Bon, bien voilà, ça devrait être très clair, sinon je recommence tout, je m’en fous moi. Au moins c’est bien, ça vaut une année de travail si vous comprenez un peu Plotin, c’est bien, je trouve que c’est tellement actuel tout ça. c’est très... la lumière, la lumière, on a pas tellement avancé sur la recherche de la lumière. Euh, vous voyez c’est quand même autre chose que l’idée de la vérité qui serait lumineuse, tout ça. Ca c’est un drame, c’est un drame cosmique pour la lumière. Où elle est la lumière, et qu’est ce que c’est que cette chute à laquelle on nous convie, hein ? C’est très sournois parce que se lancer dans la chute idéale seulement voilà, vous ne pouvez pas faire la chute idéale sans faire aussi la chute réelle, vous comprenez ? Ah mais seulement si vous faites la chute réelle qu’est ce que ça va faire ? Est ce que ça va pas empêcher la chute idéale ? ça alors .... Essayons pour voir, essayez la chute idéale, vous verrez bien si vous tombez. Alors il y a une mauvaise manière de prendre ça, c’est croire qu’on est capable de voler, alors ça, bon... On est pas capable de voler, hein. Alors c’est sûr, ça veut dire, je le dis moi alors du coup c’est pas comme ça qu’il fallait la comprendre, c’est un contre sens. C’est autre chose, ça veut dire autre chose. Est ce que ça veut dire risquer la chute réelle pour avoir la chute idéale ? C’est plat, c’est pas ça. Est ce que ça veut dire que dans la chute réelle il y a la chute idéale ? Ce serait plus chrétien ça. Bon, ça vous convient ? pourquoi pas... Ca doit être autre chose encore. Alors quoi ? c’est quoi ? hein ? Et bien, la Nature, c’est la Nature qui parle, c’est pas le Dieu ni le Christ qui parlent chez Plotin, c’est la nature. Bon en tout cas on ne peut pas savoir parce que pour le moment, trois difficultés nous tombent sur le dos quand on croyait avoir tout résolu , c’est pas juste. Trois difficultés, je dis que la première difficulté c’est, à la rigueur je viens de montrer que :
-  chaque degré de puissance, chaque unité de puissance contenait les puissances inférieures puisqu’elle contient la multiplicité virtuelle en profondeur. Mais est ce qu’elle contient les puissances supérieures ? Est ce que la quantité intensive contient non seulement des distances qui lui sont inférieures, qui sont inférieures à son degré, mais contient aussi les distances supérieures. J’ai un problème. - Deuxième problème, enfin il faudra bien en sortir un petit peu : la désagrégation, la chute, en quel sens est ce qu’elle est réelle, idéale et idéale réelle ?

Puis, troisième problème :
-  qu’est ce que c’est que le zéro ? Alors là, ça, ça nous touche, qu’est ce que c’est que le zéro ? Qu’est ce que c ‘est que zéro bien je veux dire il y a une réponse qu’on nous donne tout de suite et on sent que c’est très logique : le zéro c’est le rigide. C’est le rigide, c’est à dire, sous des aspects divers, le zéro ça va être la matière, ça va être aussi la forme de la matière. Ça va être le géométrique. Comment c’est possible ? Là c’est une vraie conversion par rapport aux platoniciens par ce que tout ça ça va être du côté du zéro. Tout le domaine des formes rigides et de la matière. Mais comment dire que c’est zéro tout ça. Quand même, c’est vite dit... Parce que c’est sans esprit donc s’ ils n’avaient que ça à dire... parce que ce n’est pas animé par l’esprit. Parce que ça s’écrit, comme il dit du géomètre qui est forcé de tracer son triangle sur le tableau. Tout ça non, ça suffit pas, c’est pas raisonnable ça. De quel point de vue, est ce que les néoplatoniciens vont pouvoir identifier la matière ? Y compris la forme de la matière, c’est à dire la géométrie ? Avec le zéro, ça devient passionnant, vous me direz : mais Platon le faisait déjà. Et oui, sans doute Platon le faisait déjà mais il avait des raisons qui ne peuvent plus être celles, en vertu de tout les retournements Plotinien ça peut pas être les mêmes raisons et vous sentez la réponse qu’on va avoir.

Et évidemment, la matière, l’extension, la géométrie sont sans doute zéro mais il faudra qu’on nous dise de quel point de vue très particulier. Et bien là aussi on a pas le choix, heureusement. Ils seront bien forcés même s’ils ne le font pas, il faut qu’ils le fassent, on les attend là, il faudra qu’ils montrent que si la matière, l’extension, l’espace et la géométrie sont du coté de zéro c’est non pas du point de vue de l’espace mais du point de vue du temps.
-  C’est à dire que c’est le zéro du temps. Ce qui implique quoi ? une définition du temps. Ce qui implique une définition du temps, telle que le temps sera compris en fonction de ces unités. Le temps ce sera la série des puissances. Mais pourquoi ? comment ? ça ne suffit pas de le dire tout ça. Dont la limite sera zéro et les figures rigides, évidemment ne seront pas zéro dans l’espace mais les figures rigides seront zéro dans le temps !
-  Et le profond, le profond comme sortant du sans fond, ce sera l’ordre du temps et l’ordre du temps ce sera cet ordre des puissances et de leurs distances, et de leurs distances indécomposables.

Ce qui après tout est pas fait pour nous étonner parce que si vous suivez un des premier renversement de Platon qu’on ai vu chez Plotin : il s’agit bien de montrer que la largeur et la longueur, c’est à dire, les déterminations de l’espace ne sont que les conséquences dernières de la profondeur, c’est à dire des figures de lumière. La figure rigide c’est le degré zéro par rapport aux figures de lumière seulement il faut que le temps passe par la série des figures de lumière. Le temps ce sera toute la série des figures de lumière. Mais alors comment il pourra mesurer ? ça c’est... comment il pourra mesurer ? Il dit ....

On se repose 5 minutes, 10 minutes parce qu’il fait trop chaud..

En un sens voilà la formule, la première formule qui pourrait tout concilier, ou nous mettre sur la voie d’une conciliation entre chute réelle et chute idélle. On dirait : plus on descend, plus on descend dans la série des puissances profondes, plus la chute idéelle tend à devenir une chute réelle, plus aussi la multiplicité virtuelle contenue dans l’Un tend à devenir une multiplicité actuelle, plus aussi l’Un , c’est à dire le un puissance N, plus aussi l’Un perd de sa puissance, plus aussi la largeur et la longueur, c’est à dire l’extension, tendent à emprisonner la profondeur. Plus aussi les formes rigides et géométriques tendent à l’emporter sur les formes de lumière.

On pourrait dire ça, mais ça ne suffirait pas car cette série des puissances qui constituent la profondeur émanant du sans fond... Cette série de puissances, on a vu comment dans sa chute idéelle/ réelle, elle constituait le mouvement intensif et pourtant le mouvement intensif est encore plus compliqué. Il est quand même encore plus compliqué que ça, parce que, parce que, qu’est ce qu’il se passe à chaque degré ? à chaque degré de puissance, c’est à dire à chaque unité ? la quantité intensive appréhendée dans la grandeur est appréhendée comme unité nous pouvons l’appeler maintenant un degré ou une puissance. Peu importe.

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La voix de Gilles Deleuze en ligne
L’association Siècle Deleuzien