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55- 07/02/1984 - 2

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Gilles Deleuze - cours 55 du 07/02/1984 - 2 transcription : Tsiomo Mpika relecture : Marie Brémond

.. Platon nous dit : « le démiurge fabrique une matière du monde ». Cette matière du monde, il la fabrique - c’est très curieux - en mélangeant des substances. ça se complique. D’où il les tient ces substances ? Il y a une de ces substances, appelons-la A, c’est la substance du Même. Il la mélange avec une substance qui est la substance de l’Autre, ça on va voir : on l’appelle B. Mais l’Autre c’est l’Autre, c’est l’Autre que l’Un, c’est l’autre que le Même, c’est le non-Même. C’est bizarre. Il ajoute : seulement c’est la substance de l’Autre précisément parce que c’est la substance du non-Même, elle se dérobe au mélange. Si bien que le démiurge, il mélange notre force A et B, mais B se dérobe au mélange. D’où il re-mélange avec C, et C c’est quoi ? C’est A+B. C’est à dire que la 3ème substance, une substance du Même, une substance de l’Autre, une troisième substance, du même et de l’autre. Une substance composée. Il re-mélange, je dirais- si on suit la lettre du texte, moi je vois pas d’autres moyens de comprendre, alors j’ai pas le choix - le démiurge, il fait ça : A+B+(A+B). En d’autres termes, il essaie de coincer B qui a toujours tendance à se dérober au mélange. Alors comment il peut réussir ?

En fait, à mon avis c’est pire, c’est encore pire, car dire que B se dérobe au mélange, c’est dire en très gros, mettons, qu’il y a une partie de lui qui se dérobe au mélange. En fait, il ne pouvait mélanger que A+B sur 2. Car, la formule du mélange c’est (A+B sur 2)+(A+B sur 2). C’est à dire que j’ai pris le point sur B, après il y a que un B pour deux A. Là, il est très malin, le démiurge, mais, comme il le dit pas, mais je suppose, hein. Alors, je laisse toujours deux questions, d’où elles viennent ces substances ? Car il y aurait une réponse facile, la substance A, je sais d’où elle vient, elle vient du modèle, elle vient de la forme éternelle. Et l’autre, la substance B ? Faudra répondre.

Mais voilà comment ça commence : quand le démiurge a le mélange, si vous m’accordez qu’il fait ce mélange, Platon commente alors, et on se dit en effet, c’est une espèce de très grande folie et on va pas dire : ah ! c’est dépassé scientifiquement. Je vais dire ça, n’a pas de sens, vraiment pas de sens. On peut pas dire non plus que c’est de la poésie... on peut dire rien, admirer, suivre, essayer de comprendre.

A partir de ça, de cette histoire, si je me trompe pas, je dis si je me trompe pas parce que les commentateurs spécialistes du Timée, à mon avis heureusement ils ne s’en tirent pas bien sur l’histoire du mélange, mais, moi je me fonde sur la littéralité du texte : la substance B ne cesse pas de se dérober au mélange tout en entrant dans le mélange. Là, vous me direz : il y a quand même une difficulté, c’est comment elle se divise en 2 ? C’est à dire 2x1. je dirais c’est l’action de A, la substance du Même. La substance du Même ne peut pas lui imposer, ne peut pas la dominer déjà, mais elle peut quand même lui imposer une séparation entre quelque chose qu’elle domine dans la substance B et quelque chose qui fuit. Elle l’empêche de fuir toute entière. D’où B sur 2. A moment là en faisant C, on a de nouveau A+B sur 2, mais ça nous donne que AB entre deux A. Du coup, je comprends qu’elle puisse plus fuir. Si je fais pas mon opération B sur 2, je comprends plus le texte. Mais à partir de là, le mélange va être travaillé et formé par le démiurge d’après toute une série de progressions, et notamment de progressions géométriques ( progressions géométriques donc à mon avis, raison de plus pour introduire un B sur 2 fractionnaire ) Toute une série de progressions géométriques qui donneront quoi ? je vous épargne les détails, une série de chiffres.

Alors, voyez, j’en suis à comment il forme l’image ? il forme l’image par mélange des substances et établissement de proportions géométriques dans le mélange. Ces proportions géométriques déterminant des chiffres clés - qui ne se suivent pas d’après l’ordre naturel, ce n’est pas 1 2 3 4 5 - c’est suivant une suite particulière, obtenue par les progressions géométriques. D’accord, on passe ça, ça occupe beaucoup de pages, c’est splendide, c’est comme une espèce... c’est de la musique. En plus, en effet il y a des rapports harmoniques là-dedans, il y a des comparaisons explicite avec l’art. Et il continue, c’est le 3ème stade du mélange, mais ça se fait en même temps
-  j’ai le mélange des substances
-  deuxième stade : l’établissement des progressions géométriques qui déterminent des chiffres clés
-  Troisième point : en fonction des progressions géométriques, j’ai une détermination des intervalles ou des médiétés, ou des moyens, des termes moyens. Moyens, ça veut dire quoi ? C’est bien connu c’est les termes moyens entre 2 extrêmes d’une progression géométrique, ces termes moyens changent d’après les progressions considérées.

Bon retenez juste ça, je suis en train de vous donner ce que j’ai suivi moi, comme shéma du début. (inaudible) C’est clair ça ? Détermination des progressions géométriques dans le mélange, par quoi vous obtenez des chiffres, une suite de chiffres sacrés évidemment. Troisième aspect : Etablissement des moyens termes entre les 2 extrêmes de chaque progression qui vous donne là aussi, des chiffres et des nombres. Je dirais que c’est ça la formation de l’image. Je laisse toujours de côté : mais d’où vient la substance B ? C’est un problème brûlant la substance B et ça comment il va s’en tirer ? C’est beau quand un philosophe.. Le philosophe se pose toujours des problèmes, c’est un dur métier parce qu’il les résout les problèmes qu’il s’est posés. Et puis c’est à cela que vous reconnaissez que vous êtes sur la bonne voix. Vous avez un problème que vous vous ne vous êtes pas posé qui vient vous percuter, et ça il faut lui faire son affaire, c’est pour ça que les objections, ce n’est pas les discussions des gens. Les discussions des gens c’est rien, c’est la communication. Les vraies objections, elles ne viennent jamais de personne. C’est pas quelqu’un qui peut me dire tu te trompes. C’est toujours un problème qui me prend à revers. Je ne peux pas avoir un système de problèmes qui n’exclut précisément un problème, lequel problème va me prendre à revers Et alors ou bien je ne saurais qu’en faire, je dirais viens là ou je ne saurai pas quoi en faire alors ma théorie ...

je veux dire : la vérité d’une théorie n’est pas déterminée par ses résultats et par son développement, elle est déterminée par son rapport avec le problème de travers c’est à dire le problème qu’il y a ( ?) hors de son propre champ de problème à elle. ... Tout est clair mettons, de ce qu’il dit, sauf la question brûlante : mais enfin cette substance B elle est bizarre ! je peux dire : la substance A, oui, il l’emprunte au modèle éternel, c’est le Même, c’est la substance du Même, mais la substance de l’Autre, d’où elle vient ? Je ne peux pas dire que c’est l’état de la copie puisque c’est avec elle que je fais de la copie, c’est avec elle que je fais l’image, c’est avec elle que je fais le monde. C’est bien fait pour Platon, il l’avait cherché.

2è opération : Ca c’était le démiurge qui faisait le monde. Nous avons esquissé 3 aspects. L’autre aspect ça va être : en même temps qu’il le fait, il le met en ordre et comment il le met en ordre ? ça va devenir lumineux ! et pourquoi c’est en même temps et pourquoi ça ne fait plus qu’un : faire le monde et le mettre en ordre ? Pour une raison très simple. C’est qu’il a obtenu par la formation du monde déjà, un certain nombre de positions privilégiées. Ce sont les positions marquées par les chiffres : soient les chiffres correspondant aux progressions géométriques, soient les chiffres correspondant aux moyens, aux médiétés.
-  Il suffit que le mouvement et le changement, le mouvement local et le changement qualitatif de l’image passe par ces positions privilégiées, pour ces états privilégiés, pour que l’image soit la copie du modèle. La seconde opération : la mise en ordre consiste uniquement en ceci : le mouvement passera par ces positions et états privilégiés, déterminés dans la formation du monde elle même. En d’autres termes, l’image à ce moment là, ressemblera au modèle.

L’opération de mise en ordre consiste en ceci : j’ai produis une image de la copie, il fallait la douer, la doter de ressemblance. Il fallait que l’image devienne ressemblante. La réponse est : ayant formé le monde d’après un mélange qui m’a permis de déterminer des chiffres positions et points privilégiés, je fais passer le mouvement de l’image et le changement de l’image par ces points de mouvements privilégiés. Ce qui revient à dire : je courbe, je ploie le mouvement. Le démiurge courbe et ploie le mouvement de telle manière que : le mouvement local passe par les positions déterminées comme les chiffres du mélange et que les changements qualitatifs passent par des étapes déterminées par les chiffres du mélange. Le mouvement est devenu courbe. C’est à titre de mouvement circulaire qu’il imite le modèle.
-  Le monde est une copie en ce sens qu’il est formé comme image et mis en ordre comme ressemblance.

Le rapport modèle/copie ouvre le thème de la véracité. C’est cela l’image qui est à la ressemblance du modèle. Il fallait toutes ces opérations d’une part, pour former l’image, d’autre part, lui donner la ressemblance. Dès lors il y avait plus aucune différence, plus aucun écart de temps entre l’origine des choses et l’établissement d’un ordre dans les choses. Dès lors, dernière conclusion : en même temps que le mouvement devenait l’image ressemblante du modèle, en même temps que le mouvement devenait circulaire, le temps se domestiquait, le temps ne pouvait plus jouir d’une abîme qui était le sien. Il sortait de son abîme. Il devenait le temps sage, le temps de la sagesse. Le temps n’était plus rien que le nombre du mouvement circulaire. Il mesurait le mouvement circulaire local, comme il mesurait la transformation cyclique des qualités.

En même temps, je résume tout :
-  en même temps que le mouvement devenait l’image du modèle, que l’image ressemblait au modèle, que l’image devenait le mouvement circulaire, à savoir l’image mobile du modèle, et que le temps était subordonné au mouvement. Les entreprises de domestication portaient à la fois sur le mouvement rendu circulaire pour être l’image ressemblante de l’éternel et sur le temps, devenu nombre du mouvement circulaire. Et à ce niveau en effet qu’est - ce que devenait ces chiffres ? ces positions privilégiées ? Vous allez les retrouver précisément. Je disais que le démiurge sait que lorsque le mouvement va être ployé, mis en cercle dans la mesure où il va passer par les chiffres sacrés du mélange. Qu’est-ce que ça voulait dire ? En effet le mouvement circulaire n’est pas définissable indépendamment de la manière dont il "incarne" des positions privilégiées et des états privilégiés à savoir : ce sera le modèle astronomique, l’essentiel du mouvement circulaire. Qu’est-ce que c’est ces positions privilégiées ? J’en passe pour ceux qui se rappellent un tout petit peu d’astronomie la plus simple qui soit, je dirais c’est l’équateur et l’écliptique qui vont déterminés les mouvements circulaires de tous les globes.

On l’a vu la dernière fois, vous vous rappeler cette astronomie fait 8 globes : un globe extérieur : la sphère des fixes, les étoiles fixes, 7 globes correspondant aux 7 planètes et la terre. Or qu’est ce qui détermine... ? ils n’ont pas le même axe, ils ne tournent pas autour du même axe tous ces globes, qu’est ce qui va déterminer les axes ? Les grandes positions privilégiées et les chiffres sacrés vont être incarnées par d’une part le mouvement circulaire astronomique et ça va donner l’équateur, l’écliptique pas seulement, à un autre niveau - parce que c’est tellement compliqué - l’équinoxe et le solstice. Tout cela impliquant que le mouvement circulaire se définit par son passage par des points privilégiés - vous voyez la cohérence très forte de tout cet ensemble - et les changements physiques qui seront déterminés eux aussi par leur passage par des états privilégiés. Il y a une très étrange théorie très belle, une théorie du "contact" chez Aristote où le contact définit le moment où dans un processus physique où la forme c’est à dire le modèle éternel, la force s’incarne instantanément comme il le dit : c’est au dernier contact du marteau et du bronze que la forme du vase s’incarne instantanément. Alors il y a bien "processus" de ce qui deviendra la vase mais la forme du vase s’incarne instantanément.

De même il y a bien passage physique du blanc au noir mais la force du noir s’incarne instantanément au dernier contact, comme il le dit dans un texte splendide : "la forme de la maison s’incarne instantanément au contact des 2 tuiles". Est-ce que ça veut dire les 2 tuiles finales sans doute car avant dans le processus, à chaque moment du processus, il y a une forme qui s’incarne instantanément. Aux 2 premières tuiles, on peut déjà dire que le toit s’incarne instantanément. A chaque moment il y a une forme quelconque qui s’incarne instantanément. Mais le processus physique passe par les états privilégiés. Et à chaque état privilégié, il y a une forme qui s’incarne. Vous comprenez tout ça, du coup c’est parfait ! Alors voilà comment le temps a été domestiqué. Voilà l’histoire du temps domestiqué par le démiurge. Vous me direz vous n’avez pas beaucoup parler du temps, evidemment, non ! Puisque c’était l’histoire de sa mise en tutelle par le mouvement circulaire. Qu’est ce qui va en sortir ?

Dernière question il faut bien répondre à ça ! la substance B, d’où il la tire Platon ? C’est épatant ! La substance B tel que je comprends - aucun des commentaires que j’ai lus, ne me plait ! Parce que le commentateurs que je connais , même les anciens , ils courcircuitent. Voilà exactement ce que dit Platon : les changements et le mouvement, c’est l’état de la copie tandis que le même et l’éternel, c’est l’état du modèle. Dans ce cas, c’est la substance A. Mais il ajoute - si je comprends bien - pourquoi il n’y aurait pas un autre modèle ? c’est à dire pourquoi est-ce ce que le changement et le mouvant, serait seulement l’état de la copie, pourquoi est-ce qu’il y n’aurait pas aussi un modèle du mouvant et du changeant. Il ne faut pas qu’il réponde "oui", car s’il y a un modèle du mouvant et le changeant, ça donne la substance B. Pour qu’il y est une substance B, il faut que le mouvant et le changeant ne soit pas simplement l’état de l’image et de la copie, il faut que ce soit le caractère d’un modèle.

Là vous comprenez le problème. Mais qu’est-ce cette substance B ? C’est le temps sauvage, c’est le temps qui lui revient de travers. Son problème ça va être comment conjurer le temps sauvage à ce niveau, c’est parce que le B c’est à dire la substance de l’autre, ce n’est pas du tout le mouvant et le changeant comme caractère de la copie, c’est le mouvant et le changeant comme caractère d’un modèle. Simplement ce modèle au lieu de le copier, il faut le conjurer à tout prix c’est à dire il faut le prendre dans le mélange. Il faut le coincer dans le mélange avec le modèle qu’il faut copier. Vous comprenez ? C’est très normal, il fallait que le temps qui gronde, que le temps non domestiqué soit là pour être domestiqué c’est à dire soumis au mouvement. Il fallait qu’il soit là. Le mélange, on ne peut pas le conjurer. Platon nous l’annonce déjà, tout ce qu’on peut faire, c’est le mélanger tant bien que mal et encore, rappellez vous, il y a toute une partie qui s’échappe, il y a toute une partie qui se tire.

On oublie ça. je reprends mon thème de la dernière fois et là je voudrais aller très vite car je voudrais finir la première moitié de tout ça. Je vous disais - ceux qui veulent partir. Comme pendant plusieurs semaines, comme vous l’avez remarquer, je ne m’occupe plus de cinéma : ceux qui venaient quant on parlait cinéma, faut plus qu’ils viennent pendant deux à trois semaines. On fera ça toute l’année. on alternera les analyses qu’il nous faut puisque c’est le problème du temps qui m’interesse pour le moment je reviendrai à l’image temps-cinéma j’y reviendrai plus tard, bientôt d’ailleurs. C’est pas génant du tout, vous revenez pas pendant un certain temps... C’est des trucs que je fais quand je prends en cours de route. ;; Je disais la dernière fois : c’est très bien tout ça.

Le mouvement s’est mis en cercle, il s’est subordonné à un modèle et du coup le temps s’est subordonné au mouvement circulaire. Et ça fuit de partout. dans la pensée grecque cela n’aura jamais cessé de fuir - c’est pour ça que je dis : il faut tout le temps introduire des nuances.Pourquoi ? Parce que c’est comme si c’était la longue revanche de substance B, la longue vengeance de la moitié qui s’est échappée. Alors là il y aurait dans Platon, un retour au mythe. C’est la grande vengeance, la grande revanche du temps qui s’est échappé ! Et comment va paraître ce temps qui s’est échappé ? Et bien je vous disais que cette copie : le mouvement circulaire comme image ressemblante du modèle, ne va pas cesser de nous présenter des anomalies, des aberrations.

Ces aberrations, il faut le mettre au compte de la substance B qui a fuit. Le mouvement circulaire ne va pas cesser. La mise en ordre du cosmos ne va pas cesser de nous révèler des aberrations. C’est l’image-mouvement réglée comme mouvement circulaire et qui s’est soumise le temps, ne va pas cesser quand même de nous livrer des aberrations et au niveau des aberrations, qu’est ce qu’on va avoir ? A chaque aberration du mouvement, à chaque aberration de l’image-mouvement bien ployée, bien disciplinée va correspondre comme une espèce - pardon je parle stupidement - une espèce de flash sur un temps non domestique. Comme une espèce de temps qui revient, qui pointe et qui risque de tout submerger. Alors, je disais, comment ça se passe ? Je vais aller très vite. Considerez chez Aristote - Chez Aristote, on peut dire avec leur astronomie, mais l’éternel retour ce serait parfait si les planètes déterminaient directement les phénomènes physiques sur la terre et la vie des hommes. On serait tranquille. Mais rien du tout. Plus on se rapproche de la terre, plus le mouvement circulaire présente des aberrations et plus ces aberrations nous livrent un temps non domestiqué, ou pire nous livrent nous mêmes, à un temps non domesticable.

Le shéma est exactement le même que celui qu’on a suivi pour le cinéma mais j’espère on l’a retrouvé à partir de bases tout à fait indépendantes Plus on s’approche de la terre, - suivant le mot tellement beau d’Aristote - "nous sommes des sublunaires". La lune, le globe lunaire, c’est le plus proche de la terre sur les 7 globes planétaires. Nous, on est entre la lune et sur la terre, on est dans notre atmosphère, nous sommes les êtres, les créatures sublunaires. Les aberrations du mouvement vont se multiplier déjà dans les cercles intérieurs à l’astronomie puisque je citais le problème des rapports rationnels ou irrationnels - l’astronomie présente pleins, pleins d’aberrations qui s’expliquent par des rapports irrationnels entre les différents globes. Mais même si on ne tient pas compte de ça, même si on dit : ça marche l’astronomie fonctionne- plus on passe aux sublunaires. Et je vous disais la hiérarchie d’Aristote - elle est très fondamentale à cet égard - cela consistera à nous montrer : plus nous approchons de la terre - j’en donne une formulation un peu, un peu... plus nous nous approchons de la terre plus la matière se fait rebelle à la forme - si vous préferez en très gros - plus la copie se fait rebelle au modèle. Mais ce n’est pas des termes aristotéliciens, copie/modèle - ce qui est aristotélicien c’est forme-matière- plus la matière se fait rebelle à la forme c’est à dire moins les propriétés se laissent déduire directement de l’essence ou de la forme, moins les propriétés de la chose se laissent déduire de son essence éternelle et de la forme. D’où la hiérarchie qui est très intéressante chez Aristote. C’est une hiérarchie des êtres qui m’apparaît très grandiose puisqu’il a ses critères.

Au plus haut il y a c’est ce qu’il appelle le « noos » ou le 1er moteur. C’est le 1er moteur en effet qui détermine le mouvement du ciel, mais lui il est intelligence pure, forme sans matière. Bien plus les astres sont gouvernés par des intelligences. Ces intelligences sont aussi des intelligibles par rapport aux 1er moteur. Donc l’intelligence pense des intelligibles. Tout ça, il y a un domaine des formes pures. Ces formes pures sont telles qu’elles n’ont pas de matière. Elles sont actuelles indépendamment de toute matière, elles sont en acte, indépendamment de toute matière et leurs propriétés se concluent nécessairement de leur essence, immédiatement. Bien ! Mais les corps astraux ?

-  2ème degré de la hiérarchie : les corps astraux qui sont menés par les intelligences, eux ils ont une matière, ils ont une forme et ils ont une matière aussi. J’oserai dire que c’est une matière légère. J’insiste sur "léger" parce que Aristote va penser en termes de "léger et de lourd" et on va voir pourquoi - c’est ça qui fera sa ruine ... C’est question de préférence parce qu’Il y aura les néoplatoniciens qui eux, vont penser en termes de quoi ? - je vais vous donner le secret des néo-platoniciens - ils pensent en termes de "rare et dense" et non plus de "lourd et de léger". Parce qu’ils pensent en termes, non plus de "lourd et lèger" mais "de rare et dense" que tout change, à savoir, ils découvrent - là je m’avance pour la prochaine fois - le mouvement qualitatif de l’âme au lieu du mouvement extensif local du corps - Qu’est ce que je dis ? il ne découvre pas le mouvement qualitatif c’est un mouvement physique - Il découvre le mouvement intensif de l’âme. le rare et le dense

Mais Aristote, ce n’est pas cela, il fait bien une théorie de l’intensité, mais elle est ratée, sa théorie de l’intensité - ça c’est le problème des néoplatoniciens. C’est vous dire combien c’est varié tout ça ! Le lourd et le léger, les corps, les corps astraux ont une matière légère, ça veut dire quoi ? ça veut dire selon l’expression d’Aristote, ils ont une matière locale ; ça veut dire quoi une matière locale ? ça veut dire une matière qui passe à l’acte par le mouvement local, par le pur changement de position : les corps astraux ont une matière purement positionnelle, une matière qui s’actualise dans le pur et simple changement de position. Les corps astraux n’ont pas d’autres matières que locales. Dès lors leurs propriétés découlent de leur essence de très près mais pas immédiatement comme dans les formes pures : comme ils ont une matière, si légère qu’elle soit, il faut qu’une cause (...)

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