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54- 31/01/1984 - 1

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Gilles Deleuze - vérité et temps cours 54 du 31/01/1984 - 1

[...] elles concernaient évidemment le cinéma, mais elles revenaient à dire ceci : ... pendant, pendant longtemps, mettons, c’est l’image-mouvement qui a été déterminante, ce qui veut pas dire que il n’y avait que cela. L’image-mouvement a été déterminante d’une certaine manière, et de quelle manière elle était mouve, heu, déterminante ? Elle était déterminante parce que le montage s’exerçait sur elles - au pluriel - s’exerçait sur des images-mouvements, si bien que par l’intermédiaire du montage, on concluait des images-mouvements, une image du temps, qui dès lors, était nécessairement une image indirecte du temps...

Ce gros thème, je voudrais que vous, presque, si ca vous intéresse que, vous voyez comment et aujourd’hui je vais encore plus que ca, essayer de construire les thèmes, les thèmes d’une recherche... Ben voyez, supposons qu’on ait cette idée, peut être qu’elle est pas vraie, je sais pas moi, mais immédiatement on ajoute, oui, oui, mais, mais, mais faut pas exagérer : dés ce temps-là, il y a des phénomènes qu’il faut appeler des aberrations du mouvement. Il y a dans l’image-mouvement cinématographique des aberrations du mouvement...

Et s’il est vrai que l’image-mouvement, par l’intermédiaire du montage, nous donne une image du temps qui est nécessairement une image indirecte du temps, attention ! les aberrations du mouvement, telles qu’elles se présentent dans l’image-mouvement, nous ouvrent, peut-être déjà, la voie d’une image-temps directe... D’où l’importance de ces aberrations du mouvement, et d’une certaine manière, le cinéma depuis ses débuts n’a pas cessé de concilier deux régimes :
-  le régime de l’image-mouvement tel que soumis au montage, il donne une image indirecte du temps - et le régime des aberrations de mouvement qui nous ouvrait ou laissait poindre une image-temps directe. Et les aberrations de mouvement, elles étaient aussi fondamentales que l’image-mouvement elle-même, aussi importantes, simplement elles risquaient - elles étaient sans doute pas perçues comme nous, maintenant, nous avons appris à les percevoir. Qu’est-ce qui nous a appris à les percevoir rétrospectivement, d’une manière un peu nouvelle ? Et ben, c’était, ce que je présentais comme l’événement fondamental : l’événement fondamental, il me paraît plus important que la révolution du parlant, encore une fois, car la révolution du parlant n’est qu’une révolution technique parmi beaucoup d’autres. Et, jamais la technique n’a fait une révolution. Mais la révolution, c’était quoi ? C’était que le rapport du mouvement et du temps allait se renverser et que, loin que l’image du temps découle des images-mouvements, maintenant l’image-mouvement - dans ce qu’il en restait - n’était plus que la première dimension d’une image plus profonde, cette image plus profonde c’était : une image-temps directe, le cinéma allait nous offrir des images-temps... Qu’est-ce qui fondait ce renversement ?

-  Ce qui fondait ce renversement c’était, une mise en question, de plus en plus poussée, des lois de l’image-mouvement. Quelle était la loi de l’image-mouvement ? La loi de l’image-mouvement c’était le schème sensori-moteur... En quoi le schème sensori-moteur est-il loi de l’image-mouvement ? C’est parce que l’image-mouvement, sous le schème sensori-moteur qu’il régit, nous présente, un personnage dans une situation donnée, qui réagit à cette situation et la modifie. Situation sensori-motrice... c’est la situation sensori-motrice qui allait être la règle des images-mouvements, de telle manière, qu’en sorte une image indirecte du temps.

En quoi consistait la révolution ? La révolution consistait en ceci, et c’est là-dessus que je voudrais que soit, il me semble, parce que tout ça c’est, c’est discutable en quel sens ? On va le voir, c’est pour ça que ça m’intéresse cette organisation, et ben, c’est que pour des raisons alors qui ne doivent pas vous étonner, c’est celles de l’après guerre, on n’y croit plus, on n’y croit plus... On n’y croit plus, ni personnellement, ni politiquement, ni etc.. . Le schème sensori-moteur est singulièrement remis en question. Est-ce qu’il l’était pas avant ? Oui, il l’était avant, bien entendu il l’était avant, mais toujours il l’était avant sous forme de, aberration de mouvement. Tandis que maintenant, il s’agit plus des aberrations de mouvement, il s’agit vraiment de l’état normatif ou normal. L’état normatif et normal, c’est que, il n’y a plus de situation sensori-motrice.

La situation sensori-motrice, c’est le vieux style. Ah ! le vieux style... Qu’est-ce que nous avons ? Quelque chose de tout à fait différent, nous avons, je disais, des situations optiques et sonores pures... Qu’est-ce que ça veut dire ça ? Ça veut dire exactement, vous comprenez là, il y a un contresens tout de suite à éviter - quand vous avancez dans une recherche, vous vous faites à vous-même des objections. On pourra toujours me dire, ben le spectateur de cinéma il a toujours été devant et dans des situations optiques et sonores pures, un point c’est tout. Oui, bien sûr, bien sûr, mais il ne s’agit pas de ça, il s’agit pas de ça du tout, il s’agit que le personnage, lui, sur l’écran, il était dans des situations sensori-motrice... Ce qui est tout à fait nouveau, ça va être une race de personnages, en effet, mais c’est pas là, c’est que, une manière de saisir plus clairement, une race de personnages qui, à la lettre, au choix, tantôt ne sait plus quoi faire, tantôt n’a pas envie...

De toutes manières, la situation où il est excède les réponses motrices. C’est plus son affaire, son affaire, c’est quoi ? C’est, voir et entendre. Alors, bien sûr, il continue à faire quelque chose, là aussi il faut à chaque fois mettre des nuances, dès que vous avez une idée, il y a, il y a des nuances à y introduire, mais qu’est-ce qu’il fait ? Finalement c’est plus de l’action, c’est des, - et il y a deux ans, j’en avais beaucoup parlé de ça, c’est, c’est de la ballade.

-  C’est de la ballade, c’est le film-ballade, en jouant sur les deux sens du mot ballade, la ballade promenade et la ballade, poème-chanté-dansé... c’est des films de ballade . Alors, il peut bouger beaucoup, prenez le, le chauffeur de taxi de Scorcèse, bon, mais qu’est-ce que c’est ? C’est pas de l’action, son mouvement, ça consiste en quoi ? À être perpétuellement en situation optique et sonore pure, c’est-à-dire : il voit par le biais du rétroviseur ce qui se passe sur le trottoir, mais, c’est ça que j’appelle être en situation purement optique et sonore... Et tous les personnages de ce cinéma qu’on dit moderne, à partir de l’après guerre, je citais les exemples de Rosselini - si Rosselini est le fondateur, de ce cinéma en Europe, c’est parce que, dans ses grandes œuvres du début - c’est ça, c’est pas, c’est pas le contenu social qui définit le néo-réalisme, c’est que le vieux réalisme, c’était le schéma sensori-moteur à l’état pur, le néo-réalisme, c’est la rupture du schéma sensori-moteur - C’est le type qui se trouve devant une situation optique et sonore, comme ça, et puis, qu’est-ce qu’il peut faire, il a pas de riposte, il a pas de riposte, il a pas de réponse, il a pas de schème moteur pour répondre à ça, d’où je vous disais c’est un cinéma de voyant, c’est un cinéma de visionnaire...

En d’autres termes, l’image a cessé d’être sensori-motrice, l’image-mouvement - dont découlerait une image indirecte du temps - l’image est devenue, optique sonore pure, et en découle une image-temps directe. C’est un cinéma de voyant, bon, et je vous disais, est-ce que ça veut dire que c’est la reconnaissance d’une passivité ? Non, bien sûr, il y a ça... ça peut être des personnages charmants, ça peut être des personnages, heu, heu, ça peut être des bourgeois, chez Rosselini c’est des bourgeois très souvent. Encore une fois, la bourgeoise, la bourgeoise d’"Europe 51", la bourgeoise de... "Voyage en Italie". Chez Godard, au début, c’était des marginaux puis, tout ce que vous voulez.

Qu’est-ce qu’ils ont en commun ? Des voyants... des visionnaires.
-  Alors, c’est là que se produit le renversement : ce n’est plus le mouvement qui est premier par rapport à une image indirecte, ce n’est plus l’image-mouvement qui est première par rapport à une image indirecte du temps... ... C’est, donc, suivant les exigences d’un schème sensori-moteur, mais maintenant, c’est des situations optiques et sonores pures qui nous "ouvrent", une image du temps directe, une image-temps directe. On pénètre dans l’image-temps. Vous me direz c’est pas encore clair, non, ça c’est pas encore clair ! Pourquoi est-ce que les situations optiques-sonores, coupées de leur prolongement moteur et (plus fort) précisément parce qu’elles sont coupées de leur prolongement moteur... nous ouvrent une image-temps directe ? Je voudrais que vous sentiez que dans une recherche, il y a un moment où, une idée n’est pas encore remplie et reste à l’état d’intuition.

Alors je suppose, certains quand je dis ça, et bien, y en a qui voient pas, il y en a qui sentent quelque chose de confus, hein... Notre problème - je dis pas que les uns sont meilleurs que les autres, hein, parce que, à charge de revanche, sur d’autres points, c’est autre chose, c’est autrement. Je dis voilà, on tient une direction de recherche, donc c’est ce renversement du rapport mouvement-temps, dont j’ai comme, esquissé le programme, en analysant une situation du cinéma...

Et je disais, heu, dans ce cas là, est-ce que, il ne faut pas considérer que si, en Europe, le grand, le grand auteur de ce renversement, c’est Rosselini, avec tout ce qui a suivi. Ben, il se trouve que, le premier à l’avoir fait, il me semblait, ce renversement temps-mouvement, tel que le mouvement ne soit plus qu’une espèce de, le résidu d’une image-temps plus profonde finalement, au lieu d’être (plus fort) le principe dont allait découler une image indirecte du temps, ce n’était plus que le résidu d’une image-temps plus profonde dans laquelle le cinéma allait nous faire entrer. D’où encore une fois, la bêtise de l’idée que, l’image du cinéma est forcément au présent... Et encore une fois quand je dis ça, c’est faux, je ne pense pas au flash-back qui n’a jamais sorti l’image cinématographique du présent - mais c’est pour une raison tout autre : à savoir que, à ces situations, si vous pensez, par exemple, au cinéma de Resnais... c’est en effet un cinéma où va prédominer l’image-temps, en fonction de situations sonores optiques pures. C’est donc par là, je, je qualifie pas un auteur, mais je dis, bon, ben si y en avait un qui l’avait inventé, c’était dans ce lointain Japon, c’était Ozu, qui même avant la guerre avait opéré ce grand renversement.

Et puis, il y avait toutes sortes de conséquences de ce renversement. On les avait vues puisque à côté de l’image-temps, allait surgir d’autres aspects, à savoir, en même temps que l’image devenait une image-temps, l’image visible et sonore se faisait également lisible, une lecture de l’image visuelle et de l’image sonore. Et enfin, la caméra allait, de plus en plus, acquérir des fonctions de pensée.

Bon, c’est là-dessus que j’en étais, et alors, vous sentez que le rêve de notre recherche c’était, bon, dire, bon, allez on oublie tout ça ! et on va voir en philosophie si quelque chose s’est pas passé, mais à de tout autre moment, sous de toute autre forme, mais qui affectait aussi singulièrement le statut de l’image, le régime de l’image. Bon, mais comment ça a pu se passer ? Alors, là-dessus, c’est là-dessus, que, donc, on a acquis ce premier temps de notre recherche, c’est là-dessus, moi, je voudrais que vous me relayez un peu quant à ce premier temps. Soit il y a plusieurs manières de me relayer : vous pouvez très bien penser que, il y a des choses qui tiennent pas debout, heu, dans ce schéma, ou bien vous pouvez penser que, il y a des choses qui viennent le confirmer, c’est l’hypothèse évidemment que je préfère, mais à ce moment là faut, faut m’apporter des confirmations, parce que des confirmations c’est des renouvellements. Voilà, alors, ou bien par exemple, alors Ozu, vous pensez que non, que Ozu, c’est pas, c’est pas ça, ou que, c’est encore mieux que ça, que, heu, voilà, je sais pas moi. Ha, tu parles ? Bien.

Premier intervenant : Je suppose que lui il va parler un peu, et puis ensuite, je vais enchaîner.

Gilles Deleuze : Bien, là, j’écoute à ce moment là.

Deuxième intervenant : Alors d’abord, je commence par mon impression, très plate, c’est-à-dire bon, la distinction entre paysage vide et la nature morte, et, en tant que spectateur, japonais, quand j’ai regardé les films d’Ozu, ce qui m’a flatté, touché, c’était tout d’abord, disons, des paysages vides, et, pour simplifier un peu j’ai senti quelque chose, qui dure dans cette image, et en même temps, ce que j’ai ressenti, bon, c’est - si je cite une autre image qui m’a donné la même impression, c’était une image de Wenders, c’est à dire, dans "Au fil du temps", un camion qui commence à bouger, et il y a des fils électriques au dessus. Et donc, il y a un bizarre mouvement, d’une gare et des fils, et ça c’était, mon impression. Et donc, bon après le cours, j’ai réfléchi au rapport entre paysage vide et nature morte et dans ce cas là, ce que je ressens c’est ce que je me suis demandé : est-ce qu’il y a quelque chose déjà, qui, qui fait penser au temps dans le paysage vide, je veux dire même bon, dans les premiers films d’Ozu ? et dedans, bon, au-dessus, je n’étais pas tellement sûr de mon impression, donc, j’ai parlé avec lui, et il me donnait, donc, certains exemples, sur cette hypothèse, c’est-à-dire, bon, dans le cinéma de (mot inaudible), il essaie de voir une sorte de révolution en utilisant la notion de peindre. Ensuite, bon, en partant de la montagne que l’on regarde d’abord, et ensuite, bon, avec un peu de compréhension de ce que je veux faire, je cherche le sens de la montagne, et au troisième stade, en regardant la montagne avec, bon, suffisamment de connaissance tout de même, pour connaître le sens de "montagne". Et j’essaie de calquer la révolution de Ozu sur ce schéma, et à mon avis, peut-être ce qui est intéressant si on cherche, cette présence de l’image et du temps dans le discours indirect libre du japonais, heu, qui existe dans la culture japonaise, bien sûr, bon, on peut voir dans la notion de  ? qu’il est plein de cet aspect du discours indirect libre. Et, donc, bon, moi personnellement, je pense que pour élucider la notion de zen, si on essaie de chercher, expliqué par le discours indirect libre, l’aspect du discours indirect libre dans la culture japonaise, c’est, il me semble, que c’est, de contempler, dans le cas de Ozu, et c’est, c’était mon impression générale.

Gilles Deleuze : Tant mieux, tant mieux, je comprends pas. Je veux dire, toi, alors t’as introduit une nouvelle notion, t’as introduit là dedans du discours indirect libre en disant : c’est encore plus proche de l’image-temps, d’une image-temps directe que ne l’est, le paysage vide ou la nature morte. Alors, alors, ça m’intéresse beaucoup, mais je comprends pas du tout... heu, où il est le discours indirect libre dans... chez Ozu ? Deuxième intervenant : C’est à dire, bon... alors... c’est que... Je peux donner des exemples et ensuite, bon... Gilles Deleuze (s’adressant au premier intervenant) : Ensuite, on va revenir, alors... heu.

Premier intervenant : Bon, alors, si tu veux, je reprends un petit peu donc heu, ce qu’il a dit et je, en quelque sorte moi aussi je confirme ou reconfirme son sentiment, c’est-à-dire, moi aussi, j’ai, enfin , j’avais le sentiment de, de, de trouver plutôt quelque chose que tu as expliqué en parlant de la nature morte, déjà dans le paysage vide, et puis, à ce niveau tout à fait banal du sentiment, tout à fait plein, moi je pense que, enfin je sens quelque chose de, de ce que tu as appelé "la forme pure, immuable, de ce qui change", dans le paysage vide ou dans la scène de l’intérieur vide, dans la scène de l’intérieur vide. Et puis, par exemple, je pense, le cas que tu as cité la dernière fois, ce plan donc, du début du film "Herbe flottante", du phare avec la bouteille, avec une bouteille de bière, et je pense que, c’est un paysage mais en même temps il y a une composition...

Gilles Deleuze : Où ?

Premier intervenant : Et je me suis posé un petit peu comme ça, la question en cherchant quelques exemples. Parce que, bon, j’ai vu les films d’Ozu il y a très longtemps, et que mon souvenir n’est plus tellement certain. Mais, par exemple, il y a tout à fait à la fin, enfin vers la fin du film qui s’appelle, je crois en français, la "Fin d’automne", la mère et la fille mangent enfin une sorte de, de gâteau ou de dessert japonais, et dans une sorte de bistrot, et puis à côté il y a une fenêtre et ils se parlent vraiment, enfin ils bavardent, enfin, ils bavardent tous les deux, et puis tout à coup, leurs regards tournent vers la fenêtre. C’est-à-dire, on voit comme ça, les deux face à face et donc les deux tournent leurs regards vers le mur où il y a la fenêtre, mais qu’on ne voit pas, et ensuite, on voit une montagne et vraiment, c’est la montagne, saisie de face. Ou encore, dans un autre film, dont je connais pas le titre en français, je pense que c’est le début d’été ou quelque chose comme ça, il y a une scène où un vieux couple est devant le musée, devant un musée de Tokyo, et tout à coup, eux aussi ils regardent un ballon qui monte, et on voit le ballon qui monte dans le ciel. Ou encore, par exemple, je pense aussi à cette scène de la fin du film, "Le dernier caprice", le vieux couple de paysans regarde la fumée de la cheminée du crématoire - donc là où il y a les funérailles, de la famille, enfin du grand père qui est mort. Donc ça c’était, donc, si tu veux, les exemples des scènes qui se passent à l’extérieur, si tu veux, comme ça, des paysages extérieurs. Et il y a, j’ai pensé aussi à des exemples de l’intérieur vide dans le film "Le printemps tardif", vers la fin, après le mariage de la fille, le vieux, donc le père, revient chez lui, enfin, chez eux et on voit à un moment donné un plan, de la chambre de la fille, vide, avec un miroir. Et, encore, je pense au plan - ça il n’y en a pas qu’un seul je pense, il y en avait plusieurs - du couloir dans "Le voyage à Tokyo", le couloir vide. Et encore, je pense, heu, à une scène qui nous montre l’intérieur de la maison de la maîtresse, enfin l’ancienne maîtresse, dans le film "Le dernier caprice", c’est-à-dire, la structure de la maison est telle, à savoir, il y a une pièce juste à côté de l’entrée, et ensuite il y a une sorte de petite cour, avec un toit sur la gauche, et ensuite, il y a une autre pièce, du fond, et sur le plan en tout les cas, on voit , devant, donc, avant, en avant plan, en avant plan la pièce, et ensuite, cette petite cour, et ensuite, plus loin, la pièce. Et justement, lorsque le père meurt, enfin le grand père meurt, il est dans la pièce, dans la première pièce, et à un moment donné on voit un plan, de la petite cour avant, si je m’en souviens bien, avant que son fils et sa petite fille arrivent, c’est-à-dire, après qu’ils ont reçu donc le coup de téléphone de la maîtresse, qui a annoncé la mort. Enfin tout ça, dans toutes ces scènes qui entrent, si tu veux, dans ton classement, dans la catégorie, si je puis dire, de paysages vides ou d’intérieurs vides, je sens quelque chose qui est, que, je sens la même chose, comment dirais-je, je sens la même chose que ce je sens dans les plans que tu as appelé nature morte, et parfois je pense qu’il y a des compositions, dans ces plans là.

Gilles Deleuze : Ouais, ouais, ouais...

Premier intervenant : Et donc, ça si tu veux, c’est mon premier point, et je peux continuer ou ?...

Gilles Deleuze : Evidemment, évidemment...

Premier intervenant : Non, mais si tu voulais pas ... Gilles Deleuze : Ah oui, si je veux répondre ? Oui, parce que j’ai pas à répondre. Heu, c’est bien, moi ça me convient tout à fait. Et bien voilà, moi j’ai été frappé, c’est vous le savez bien comment ça se pose et ça se traite, les problèmes. Bon, supposons, j’ai vu du Ozu, j’ai lu des choses sur Ozu. Dans un travail, on en est tous là, on voit certaines choses, on lit certaines choses. Moi, j’ai été frappé que, tous les commentateurs, même les meilleurs- monsieur Ozu a eu de très bons commentateurs, heu, japonais, mais aussi européens - ce qui m’a frappé, c’est que, je me dis c’est très curieux, ils assimilent ces espaces vides et ces natures mortes. C’est donc que pour eux, ça leur fait le même effet. Je vais pas aller dire, heu, à des gens comme ça, vous avez tort. Pas ça, c’est pas, c’est pas notre problème... je constate que ça leur fait le même effet. Voilà que, on a la chance d’avoir deux étudiants japonais, comme on dit, deux camarades japonais (rires dans la salle). Voilà, les camarades japonais, ils disent : et ben oui, si on les met dans une même catégorie c’est que, nous aussi ça nous fait la même impression. Il y a tout de suite... une objection que j’ai envie de faire, pas une objection, qu’est-ce qui peut décider entre nous ?

Eux y disent non, ça, ça fait le même effet, moi je dis non, ça fait pas le même effet. Rien ne peut décider, car, l’argument qu’il a donné, que il y a des intermédiaires où on serait bien embarrassé de dire si c’est de l’espace vide ou si c’est de la nature morte... ça me gêne pas plus que ça ne les gêne, ou que ça les confirme. Supposons que, comme je le crois, les espaces vides et les natures mortes soient réellement distincts, soient deux choses très différentes... Entre deux choses très différentes qui différent en nature, vous pouvez toujours faire un mixte, qui vous donnera l’impression d’un intermédiaire entre les deux, ça, donc, qu’il y ait des intermédiaires et des passages de l’espace vide à la nature morte, autant qu’on voudra, comme ça, donc, sur ce point, ça peut pas nous distinguer. Alors je me dis la seule chose qui peut nous distinguer c’est, la manière dont on construit, voilà, bon. On part tous les deux on part donc, de sentiment, c’est pour ça que je disais, y a jamais de concept sans affect. Moi, ça me fait pas le même effet, ces deux types d’images. Évidemment, c’est sournois parce que si, si ça me fait pas le même effet, c’est par ce que déjà, j’ai besoin que ça me fasse pas le même effet. Mais allez donc savoir qu’est-ce qui est premier ? Ça ne veut pas [...] (coupure dans l’enregistrement initial)

[...]comprenez le, je prends mon bien où je peux, je me dis, ah ben oui, si ça me fait pas le même effet, c’est que c’est évident, je pense tout d’un coup à la peinture, et je me dis on n’a jamais confondu la peinture de paysage et la peinture de nature morte. Bon, là dessus, je pense, et c’est pour ça que j’ai développé, que j’ai parlé de ça, du cas Cézanne, qui est pas un cas particulièrement évident où, déjà il y a une vive conscience du paysage vide, alors - dans un tout autre contexte que l’art japonais, évidemment, mais pas sans, pas sans rapport. Il y a déjà une vive conscience du paysage vide, il y a aussi une vive conscience des natures mortes et, et quoi ? Et ben, c’est pas la même composition, et pourtant, on pourra trouver toutes les transitions, tous les passages. Et alors moi, pourquoi j’en viens, alors je me dis, ha bon, ha ben, mais j’en suis pas à me dire, les autres ont tort, ils les mélangent, parce que, ceux qui les mélangent, c’est qu’ils vont être amenés, à mon avis, je sais pas encore, c’est pour ça que c’est bien que je parle maintenant, ils vont introduire un tout autre problème que le mien. Je ne dis pas que ce problème sera pas meilleur, en tout cas il sera largement aussi intéressant, mais ça m’étonnerait que, c’est pour ça que j’ai réagi sur cette histoire du discours indirect libre qui surgit ici, hein, étonnament pour moi, ça m’étonnerait pas que, lorsque, on réclame, l’assimilation, de l’espace vide et de la nature morte... ce soit parce qu’ils en ont besoin dans un problème qui va se révéler un problème tout à fait différent que celui dont je traitais.

Alors ça leur donnera raison, c’est qu’ils poseront un autre problème. Quand les gens sont pas d’accord, c’est toujours qu’ils ne, qu’ils ne posent pas le même problème. Alors, moi pourquoi, je me force pas en disant que ça me fait pas la même impression, une nature morte d’Ozu, un espace vide, mais pourquoi, pourquoi en même temps j’en ai besoin ? Je raconte une impression et le besoin que j’ai d’avoir cette impression... Quel besoin j’ai, d’avoir cette impression ? Et ben, c’est que je suis déjà lancé dans un problème, à savoir, je ne veux surtout pas confondre ce que j’appelais, les situations optiques et sonores d’une part, et d’autre part, l’image-temps directe...

Pourquoi je veux pas ? Parce que sinon cela devient de la bouillie, sinon ça marche plus, plus rien ne marche de mon truc. Je veux dire : de même que, les situations sensori-motrices ont pour corrélat une image indirecte du temps, de même les situations optiques et sonores pures ont pour corrélat, une image-temps directe. Évidemment, le rapport sera pas le même : les situations sensori-motrices pures, les situations optiques et sonores pures, nous ferons entrer dans l’image-temps qui leur sert de corrélat, tandis que les situations sensori-motrices ne nous faisaient pas entrer dans l’image-temps, puisque c’était une image indirecte du temps. Elles construisaient une image indirecte du temps par l’intermédiaire du montage. Ça n’empêche pas que j’ai un besoin absolu de distinguer les situations sensori, les situations optiques et sonores pures et leur corrélat, le temps, leur corrélat, l’image-temps directe. Alors, si j’ai besoin de ça et si cette distinction est en effet nécessaire, j’ai même plus le choix, je veux dire, tout à l’heure j’avais encore le choix, maintenant j’ai plus le choix, j’ai plus le choix parce que : il faut bien que la vacuité, affecte, des espaces extérieurs ou intérieurs, c’est la situation optique et sonore pure. Il faut que l’image-temps directe, dans laquelle ces situations nous introduisent, se distingue de ces situations. Comment ? Exactement comme, dit-on chez les japonais, le plein se distingue du vide, mais en même temps ne s’en distingue pas. Si bien que pour moi, les vacuités, les intérieurs vides, les paysages vidés, ne peuvent que constituer la situation optique et sonore mais elle nous donne pas encore l’image-temps directe, l’image-temps ne pourra être composée, ne pourra être que composée sous une autre forme, qui va être précisément la nature morte.

C’est pourquoi, moi j’ai besoin, d’une distinction entre les deux. Alors, là-dessus, revenons à - Il y en a qui la sente pas, j’en ai besoin de deux manières - parce que je crois la sentir, et parce que mon problème, au point où il en était, l’exige... Vous me direz, qu’est-ce que c’est un problème, qu’est-ce que ça veut dire qu’un problème exige ? Ben oui, un problème ça exige. Je veux dire, un problème, ça renvoie toujours à des conditions.Un problème a des conditions qui sont les conditions du problème même. Un problème n’est résolu qu’en fonction des conditions du problème. C’est pour ça que c’est pas les opinions qui résolvent les problèmes. On n’est pas à discuter au niveau des opinions, on l’a passé le stade de l’opinion. L’opinion c’était, moi j’ai l’impression que c’est différent, eux, j’ai l’impression que c’est pareil. C’est intéressant, mais ça va pas très loin, hein, on peut, on peut passer une soirée, (rires dans la salle), heu, bon. Le problème, c’est autre chose.
-  Alors le mien, c’était cette histoire, situation optique et sonore, image-temps directe.

J’ai donc besoin des espaces vides et les natures mortes se distinguent bien qu’elles soient strictement corrélatives, et puis, en plus j’ai besoin que les natures mortes soient un approfondissement, j’ai même besoin que, les paysages vides, les intérieurs vides, ne soient que comme l’enveloppe des natures mortes... J’ai besoin qu’elles soient dans le même rapport que le vide et le plein, quelles que soient les communications entre le vide et le plein. Parce que encore une fois, et c’est là dessus que je reviens - lorsque je dis, il y a complémentarité entre, des images optiques et sonores pures, c’est-à-dire coupées de leur prolongement moteur, et une image-temps directe, cette complémentarité qui me paraît définir le cinéma moderne, surtout, elle serait même pas une confusion, et une identification des deux, surtout pas, sinon même je comprendrais rien au développement, au développement d’une image-temps...

Alors, d’où on passe à la seconde partie que je sais pas encore, là, qui est : eux y confondent, bon pour des raisons comme ça, parce qu’ils ont l’impression que c’est mieux, mais c’est pas simplement parce qu’ils ont l’impression que c’est mieux, c’est pas parce qu’ils ont une autre opinion que moi. On croit avoir des opinions, mais c’est trop beau, vous comprenez, c’est ça qu’y a de terrible dans les opinions, on croit avoir tel avis, moi je vais te donner mon avis, mais, ce qu’on sait pas, souvent, dans le bavardage, quand on bavarde, ce qu’on sait pas, c’est que les opinions présupposent des problèmes. Simplement un avis renvoie à un problème dont on n’est pas conscient, et on n’avait pas de problème qu’on n’a pas fait soi-même. Alors là, je te donne mon avis, je sais pas quel est le problème, j’sais pas quel est le problème qui me travaille.

Qu’est ce que c’est que la pression de l’opinion publique ? Tu sais ça, toi, on nous cache les problèmes et on nous demande notre avis. Alors, bon heu, c’est pour ça que ça marche si bien, hein, et que les gens y sont toujours prêts à donner leur avis, hein, ils savent pas quel est le problème, on a tout fait pour le leur cacher, hein, heu. Bon alors, alors eux, c’est pas leur cas, mais du fait même qu’ ils me refusent la distinction que je réclame, je parie d’avance que, c’est au nom d’un problème très différent, d’où cet appel insolite, ou alors j’attends pour comprendre mieux, cet appel insolite tout d’un coup au discours indirect libre... d’où, vas-y... (rires dans la salle).

Premier intervenant : Alors, heu, il y a une autre chose qui me frappe lorsque je regarde les films d’Ozu, c’est justement le problème du regard, des personnages. Bon, je prends l’exemple des scènes où les personnages, enfin les deux personnages, principalement, font face et, bon, au moins dans les derniers, les films après guerre de Ozu, il les filme, il a une méthode, je crois, qui s’appelle champ/contre-champ. Et en fait, heu, lorsqu’on voit les films d’Ozu, ses personnages, en fait, leurs regards ne se croisent pas, c’est-à-dire bon, par exemple : si tu filmes un personnage qui parle, comme ça plus ou moins de, par exemple, de gauche, un personnage regarde légèrement sur, vers la droite, et d’habitude, lorsque l’on passe à l’autre personnage, il doit regarder dans le sens inverse - je veux dire, par rapport à la caméra, légèrement à gauche - et en fait, dans les films d’Ozu, heu, si tu veux, il ne respecte absolument pas ce genre de choses, un peu considérées comme grammaticales au cinéma. Et lui, il dit même : il n’y a pas une grammaire, enfin, il dit qu’il pense exactement il dit : je pense qu’il n’y a pas une grammaire au cinéma. Et, pourquoi ce problème du regard ? Justement, parce que, si on ne respecte pas cette manière de filmer champ/contre-champ, en quelque sorte, la position du sujet même est troublée. En plus la manière par laquelle Ozu filme ces scènes, il filme de très bas, je ne sais pas comment on appelle ça en français, c’est le "low angle" en anglais, traduisez "très bas" de filmer ces personnages. Et j’ai le sentiment, en tout cas, qu’il y a un lien entre ce problème du regard donc, et cette manière de filmer, et le problème du sujet dans la langue japonaise. C’est-à-dire, en japonais, il n’y a pas, en tout les cas grammaticalement, il n’y a pas de sujet. C’est-à-dire, heu, je ne dis pas "je", enfin je peux ne pas dire "je", par exemple pour dire "je parle", par exemple. Et la même chose se produit pour "tu", "vous", etc... Et dans les films d’Ozu, finalement ce que je sens, c’est que, par cette espèce de perturbation du regard, dans cette perturbation, je sens qu’il y a une espèce de ; comment dirais-je ? enfin en tous les cas, on ne sait plus qui voit en fait. Parce que le personnage, les personnages qui font face à face, mais leur regard ne croise pas, en tous les cas, bon, tout en respectant cette espèce de grammaire du cinéma, en quelque sorte le regard perd leur sujet, le sujet même, où le, en tous les cas, on ne voit pas qui voit exactement.

Et c’est ça, ça m’a frappé, et puis j’ai pensé à ce problème de l’indiscernabilité, dont on a parlé ici. Et puis, j’ai pensé, donc, à ce texte de Pasolini sur le discours indirect libre. Et, lorsqu’il parle de cet espèce, du cadrage obsédant, heu, ça me fait penser aussi au problème, heu, chez Ozu du plan fixe. Et tout ça, ça a joué pour justement évoquer ce problème du langage du discours indirect libre, dont il a, enfin, parlé un peu tout à l’heure. Et si je continue encore, ce problème du regard, c’est ça plutôt je pense que ça confirme en quelque sorte, ce que tu as dis la semaine dernière, en tous les cas, ce problème de regard un peu bizarre existait déjà, en tous les cas à ma connaissance, dans les films d’Ozu d’avant-guerre. Et par exemple, dans un film qui s’appelle "J’ai été recalé" mais on voit les étudiants qui entrent, parce que c’est au moment de l’examen, et que ils entrent vraiment, dans une et même direction - et ça c’est quelque chose de comique, mais très frappant. C’est à dire, bon, si tu veux, il y a une espèce de cour, enfin ça se passe sur le campus, et on voit bien plusieurs bâtiments, enfin au moins deux bâtiments, comme ça. Mais pourtant les étudiants, lorsque la cloche sonne, entrent comme ça dans un seul et même bâtiment et d’une façon vraiment régulière, à savoir, comment ils marchent ? Ils marchent vraiment de la même manière, tous, par exemple. Et encore, dans un autre film, qui s’appelle "Le cœur de Tokyo", il y a une scène, le personnage principal, le héros, se trouve dans un jardin zoologique, et tout à coup, il y a une panique qui se produit, c’est que, je pense, que, il y a un lion ou un tigre ou je ne sais pas, qui s’est enfui, et puis tout le monde court, mais tout le monde court dans cette panique, dans une et même direction. Et cette espèce de, enfin c’est presque maniaque, moi je sens, comme ça, le, ce, la manière de constituer, de construire ce genre de scène, ça me semble très, très bizarre chez Ozu, c’est ça. Et puis, par exemple, dans un film qui date de je ne sais plus quand, en tous les cas après guerre, qui s’appelait "Le printemps précoce", certainement pas tardif, mais précoce, et tout au début, on voit les gens qui marchent vers la gare, c’est-à-dire, c’est le matin, tout le monde va au boulot, et tout le monde marche vraiment, dans la même direction, et il n’y a vraiment personne qui marche dans une autre direction. Ou encore, par exemple, il y a des scènes où, dans "La fin d’automne", la fille et son fiancé mangent dans un petit restaurant chinois, et on les voit obliquement, mais de dos, et ils mangent leur plat, vraiment en faisant face au mur qui se situe vraiment à trente centimètres de leurs têtes, mais ils regardent, enfin donc, ils sont tous les deux, vraiment comme ça, je dirais alignés, hein, et puis il y a le mur, heu, donc ils regardent dans la même direction, et que, même leur manière de manger, exactement pareille, l’une, puis l’autre. Et enfin, il y a des exemples comme ça, qui m’ont frappé, et, et ça me fait penser aussi un petit peu, où comme ça, des scènes où il y a plusieurs, dans la plupart des cas, je pense que c’est, il y a les deux personnages, et ils sont tous les deux vraiment, dans une même posture, c’est-à-dire leur façon de s’asseoir ou d’être debout, par exemple, je pense à cette scène très connue du "Voyage à Tokyo", (bruit d’avion) le vieux couple fait un petit voyage de Tokyo, en quittant Tokyo, heu, dans une station thermale qui est au bord de la mer et ils se promènent, et à un moment donné, ils s’installent comme ça tous les deux, en faisant face à la mer, et puis on les voit de dos. Ou encore dans le film "La fin d’automne", la jeune fille qui finira par se marier à la fin du film - c’est plutôt au début, - et avec sa meilleure amie, son, sa meilleure amie, et ils sont tous les deux sur le toit d’un immeuble assez moderne, de Tokyo. Et en fait, ce qu’elles attendent c’est le train dans lequel se trouve leur amie qui vient de se marier, parce qu’elle part, avec son mari, pour le voyage de noces, et donc on les voit là aussi, de dos, tous les deux, et c’est un plan vraiment symétrique. Il y a, si je m’en souviens bien, il y a un immeuble des deux côtés, il y a un espace, plus loin donc il y a le chemin de fer qui passe, et elles, elles attendent le train. je pense, enfin tout ça, pour moi, il y a des compositions dans ces plans là. Et puis, heu, je pense aussi à la scène très connue de "Herbes flottantes", c’est-à-dire le père et le fils, ils vont à la pêche, et il y a, je pense que c’est la mer, attendez non, c’est une rivière, qui coule, et ils sont tous les deux, donc chacun a une canne à pêche, à pécher, et on les voit comme ça pêcher, et ce qu’ils font c’est : ils laissent comment dirais-je, traîner par le courant, donc le fil, et à moment donné, ils font revenir, vraiment tous les deux ensemble, la canne à pêche, donc vers l’amont, un peu plus, et ensuite ça continue et ils reviennent, c’est tout ce qu’ils font, comme mouvement. Et donc, ça se passe, si je m’en souviens bien, en un seul et même plan. Et encore, tout au début de ce film, je pense que c’est après le plan dont tu as parlé, c’est-à-dire la bouteille de bière et un phare, au moment où le bateau, sur lequel se trouve les acteurs, entre dans le port, tout à coup la caméra se trouve sur le bateau même, et un mouvement très lent du bateau, le même plan, on voit le phare qui se déplace, comme ça ...

Gilles Deleuze : Ouais, ouais, ouais, ça, tu peux multiplier les exemples.

Premier intervenant : Ce que je veux dire dans ces derniers exemples que je cite, c’est que il y a des mouvements, mais, ces mouvements ne sont plus les mouvements comme, heu, action [...]

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