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53-24/01/184 - 1

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Gilles Deleuze vérité et temps cours 53 du 24/01/1984 - 1 transcription : Erolia Alcali

Il vaut mieux être prudent c’est des mutations plutôt que des révolutions... hein ? Ensuite deux mutations complètement indépendantes l’une de l’autre mais qui ont en commun ceci :
-  une mutation philosophique
-  et une mutation cinématographique, qui ont en commun ceci : affecté et renversé le rapport du mouvement et du temps.

Et la dernière fois on avait avancé au moins, dans la situation "avant" la mutuation, dans le domaine du cinéma, et puis on avait commencé à définir la mutuation même, telle qu’elle éclate. Et par quoi était elle préparée ? par toutes sortes de choses - par quoi elle éclate, après la guerre - évidemment les causes sont multiples pour que ce soit après la guerre - alors reprenant ça là, cette semaine, je re-éprouve le besoin encore de résumer. Moi, je vois pour définir l’avant mutation, je vois, cinq traits - non quatre - quatre traits. Je vous demande de les avoir bien à l’esprit parce qu’on va procéder vraiment, enfin par donnant/donnant : à tel trait : voilà ce qui se passe et puis pour la philosophie on trouvera vous verrez, tout ça est un système d’équivalence avec tous les dangers que ça comporte.

C’est à vous, il faut pas mêler les choses mais il faut être sensible à ce qu’il se passe là,cela se passe ailleurs à un autre moment, sous une autre forme. La cathastrophe ce serait qu’on se dise et bien que Kant et Ozu c’est la même chose ! Je prends ce risque, c’est un risque. Bon si on en tire ça, ou s’il y a lieu d’en tirer ça, c’est la catastrophe ; c’est qu’on a raté.

Je dis
-  premier caractère : quand à la situation cinématographique - on l’a vu, je résume, je redéveloppe pas : ce qui est donné, ce sont des images-mouvement - le montage traite des images-mouvements et il en sort par l’intermédiaire du montage, une image du temps qui dès lors ne peut-être qu’une image indirecte du temps. Et c’est le montage qui va determiner l’image indirecte du temps. Et on a vu comment à notre étonnement, quelqu’un comme Pasolini, encore une fois, se faisait du montage, cette conception qui me paraît une conception qu’on peut appeler une conception tout à fait classique - ce qui n’exclue pas les plus grands nouveautés de Pasolini dans d’autres domaines et même dans des domaines connexes, des domaines voisins.

-  Deuxième caractère : cette image devenue classique ce qui se passe avant la mutation, je peux le définir donc d’après un second trait, et je dirais "c’est le déroulement d’un schème sensori-moteur". Qu’est ce que ça veut dire : "déroulement du schème sensori-moteur" ? Ca veut dire un enchaînement de perceptions et d’actions par l’intermédiaire d’affections. On retrouve les trois types d’images, qu’on avait tant analysé une autre année : des images-perceptions, des images-affection, des images-actions. Qui sont les trois grands espèces, les trois grands types de l’image-mouvement. On nous montre un personnage qui perçoit, qui réagit à des perceptions et qui éprouve des affections.

Donc, tout un schème sensori-moteur passant par perception/action, perception/réaction à ce qui est perçu par l’intérmediaire de l’affection, tout un schème sensori-moteur se développe. L’image du temps est bien une image indirecte du temps puisqu’elle découle du développement, du déroulement...

(comme si on était pas là... qu’est qu’il voulait dire ? Il venait prendre des chaises...)

...puisque l’image du temps découle du déroulement du schème sensori-moteur.

-  Troisième trait : l’image se présente comme une description qu’on a appelé : description organique. Voyez ça s’enchaîne bien le schème sensori-moteur c’est déjà le développement du schème sensori-moteur, c’est typiquement un développement organique ! Donc, je dis troisième trait : l’image est une description organique. La description organique encore une fois, c’est une description qui présuppose l’indépendance du milieu où de l’objet, qu’elle décrit. L’image nous est donnée "comme" nous présentant sur un mode quelconque, un objet, où un milieu, où un état des choses, indépendante de cette image - c’est la description organique. Description qui présuppose l’indépendance de son objet et comme on l’a vu, mais là on retrouve ce résultat, il me semble, à un autre niveau, c’est pour ça que je ré-insiste : à la description organique est fondamentalement liée une narration véridique. Par véridique j’entends pas quelle soit vraie, elle "prétend" l’être. C’est uniquement la prétention, tout comme la description organique renvoie à un objet qu’elle "suppose" - il s’agit d’une supposition - qu’elle suppose indépendant, la narration véridique suppose la vérité de ce qu’elle narre, que ce qu’elle narre soit effectivement vrai ou pas vrai. Et cette fois-ci qu’est ce que c’est ?

-  Si la description organique c’est la description qui présuppose l’indépendance de son objet, la narration véridique ça va être quoi ? Et bien, elle va consister en ceci : que ce soit un sujet - le sujet qui agit - voyez c’est toujours le schème sensori-moteur : perception de l’objet/réaction du sujet à l’objet. Le sujet qui agit passe d’un objet à un autre, passe d’une situation à une autre. En d’autres termes, quelque chose se passe. C’est le déroulement du schème sensori-moteur ! Ce sujet qui passe d’un objet à un autre ou d’une situation à une autre, suivant un schème ou des schèmes sensori-moteur bien développés, c’est ce qu’on pourra appeller dans la narration, le sujet d’énoncé. Et ce qui compte du point de vue du déroulement des schèmes sensori-moteur, c’est-à-dire du point de vue de l’image-mouvement, c’est que quelques soient les ruptures, quelques soient les complications etc, c’est sur un même plan - précisément sur le plan d’une narration. C’est sur un même plan que le sujet passe d’un objet à un autre. Vous me direz oui/non parce qu’il peut rêver, il peut se souvenir, flash-back etc, ça fait rien il y aura un plan unifiant même s’il subit des coupures, il y aura moyen de restaurer une continuité. Cette fois-ci, l’exigence que le déroulement du schème sensori-moteur non seulement passe d’un objet à un autre mais que tous ces objets et le sujet qui passe de l’un à l’autre, soient sur un même plan, plutôt que narration, je l’appellerais « récit ». Et il renverra à un sujet d’énonciation qui rapporte la narration.

Ce troisième aspect Bergson nous en donne la loi dans sa théorie de la reconnaissance sensori-motrice. Et en effet c’est un point qu’il faut que vous reteniez bien, là on la développait le plus que je pouvais, cette espèce de loi Bergsonien de la reconnaissance sensori-motrice qui paraît très profonde, très simple mais très profonde, c’est : le sujet passe d’un objet à un autre en restant sur le même plan.

Comme je vous le disais, la vache qui va d’une touffe de herbe à une autre touffe d’herbe sur le plan vert de la prairie. Si bien que, aussi bien dans ce thème de la reconnaissance sensori-motrice, je pourrais dire que l’image du temps est toujours une image indirecte, dans quelle mesure ? Dans la mesure où elle découle du développement de la situation ou des objets - passage d’un objet à un autre - et en même temps découle d’une évolution du sujet, le tout se faisant sur un même plan. D’où l’on conclut l’image du temps ! Vous avez les deux aspects qu’on sera amené à retrouver, on verra comment, en philosophie :
-  le point de vue objectif, le développement de la situation, le passage d’un objet à l’autre,
-  le point de vue subjectif, l’évolution du sujet dans ces passages. Et le temps, comme image indirecte, peut découler d’un point de vue comme de l’autre.

Dernier point enfin,
-  quatrième trait - et qui me paraît le plus intéressant - chacun sait que : aucun cinéma quand il atteint le, un certain niveau de génie, ne s’est contenté de ça, et on a vu la réponse : il ne cesse - dès le cinéma le plus ancien, le plus primitif, le plus - il ne cesse d’y avoir quelque chose d’étonnant qui apparait à savoir et c’est même par là qui se définit dès le début, l’image cinématographique : des aberrations du mouvement. L’image-mouvement cinématographique me présente des aberrations du mouvement. Alors tout ce que je dis c’est : attention là, il faut être très, très prudent il faut être.. c’est une question d’évaluation, de sentiment. Ces aberrations du mouvement, elles sont là ! Ça n’empêche pas qu’elle sont prises dans un jeu d’images-mouvement, jeu qui se soumet au développement sensori-moteur, au schème sensori-moteur.

Donc ça n’empêche pas que d’une certain manière, ces aberrations de mouvements présentes dans l’image-mouvement, sont secondaires. Ca n’empêche pas non plus que certains auteurs de génie, les font surgir et je disais qu’est ce que c’est ces grandes aberrations ? Et c’est là que la thèse de Jean-Louis Scheffer me paraissait très intéressante, consistant à dire : l’image-mouvement au cinéma est inséparable de certaines aberrations de mouvement, si bien que ce qui nous frappe dans l’image cinématographique, c’est moins le mouvement que l’inquiétude qui s’y ajoute. Et cette thèse m"apparaissait très, très intéressante et voulant dire - indépendamment des développements que Scheffer lui donne -, voulant dire finalement des choses extremement simples et évidentes, enfin évidentes. Je les re-cite : c’est le cas extremement fréquent où le mouvement n’implique aucun éloignement du mobile, comme si vous, bien qu’immobile, vous suiviez le mouvement.

Epstein a dit par exemple une phrase - vous voyez Epstein est un très grand auteur français du cinéma muet - une phrase d’Epstein me paraît typique : « Un fuyard va à tout vitesse, un fuyard s’enfuit à tout allure, à tout vitesse - je sais plus - mais il nous reste toujours face à face". Là on voit bien, là c’est un exemple simple ou bien Epstein adorait donner l’exemple de la roue qui tourne où il disait : Il suffit que vous regardiez l’image-mouvement d’une roue qui tourne, au cinéma, pour voir des anomalies des mouvements tout à fait extraordinaires : à savoir qu’elle tourne par saccades, tantôt dans un sens, tantôt dans un autre, tantôt immobile comme si elle glissait.

Il adorait dans ses écrits - puisqu’il y a des écrits, Epstein ayant été un des premiers auteurs du cinéma à avoir réflechi sur le cinéma et fait une espèce de philosophie du cinéma - Epstein rappelait constamment - ses œuvres et ses écrits ont été re-publiés par Seghers et ca se trouve encore, pour ceux que ça intéressent - Il faisait une philosophie du cinéma qu’il appellait “la lirosophie” du mot lire et c’est beau, c’est beau les écrits d’Epstein. Et il revint constamment à cet exemple de « la roue » ou à l’exemple du « fuyard ». Bon, anomalie du mouvement, d’autres anomalies du mouvement c’est l’usage des faux raccords apparaît évidemment - et des faux raccords délibérés - apparaît très tôt dans le cinéma, très, très, vite ! Ce qui apparaît encore et ce qui est constitutif du cinéma le plus classique, le plus ancien, c’est les changements d’échelle et les changements de dimension perpétuels ; c’est-à-dire le passage d’un plan d’ensemble à un gros plan, etc. Également au titre des anomalies du mouvement, les ralentis et des accélérés qui font partie vraiment des actes les plus élémentaires du cinéma. Or si vous considérez tout ça.

Voilà la question ! Tout ce qu’on a dit, les trois précedents sont vrais mais la situation est toujours plus compliquée qu’on croit car s’il est vrai que - voilà exactement notre point, notre question - qu’on ne résoudra pas tout suite. Elle est très simple en même temps, moi je la trouve je sais pas, je la trouve très intéressante intéressante et je voudrais que vous ayez le même sentiment ! Je dis : s’il est vrai que l’image-mouvement telle qu’elle domine dans le cinéma devenu classique, dans le cinéma d’avant-guerre - nous donne par montage une image indirecte du temps, reste que cette image-mouvement présente des aberrations de mouvement.

-  Est-ce que ces aberrations de mouvement, eux, ne nous mettent pas sur la voie d’une image-temps, qui ne serait plus un image indirècte du temps mais qui serait une image directe du temps, d’une toute autre nature ? Vous me direz mais alors tout ça, ça se mêle ? mais oui ça se mèle, il y aurait les deux. Il y aurait à la faveur, autant l’image-mouvement ne peut nous donner en tout rigeur...

(- là vous entrez mais vous prenez plus de chaises...euh ? oui mais non je vous fais pas des reproches, faut plus prendre de chaises, hein ?. J’attends qu’elle revienne parce que... Et pourquoi elle met autant de temps à trouver une chaise Où vous avez trouver cette chaise ? Dans une autre salle, oui mais on va avoir des drames ! Moi j’ai un vif sentiment que c’est déjà pour ça qu’on s’est fait foutre à la porte, de là haut.

C’est une des raisons, ouais, ouais, ouais ! Vous savez, c’est pas que.. je me disais à la fin, je me disais malgré les vraies raisons que je vous aies dites, de ne pas aller au amphi-théâtre. Je me disais quand même j’éxagère, parce que je les fous dans une position impossible, dans un grand élan d’humanité je me disais, j’ai été voir c’est encore pire de ce que je croyais, encore pire de ce que je pensais, je ne pourrais plus rien faire, c’est encore pire que ça ! C’est sadique les amphithéâtres, c’est un entresol, oui/non c’est au rez-de-chaussée. Tous les types qui passent et qui ont strictement rien à foutre - qu’ attendre un cours - quand ils entendent quelque chose, ils entent comme ici là, la porte grince ; ils arrivent de par là ils montent au fond et au bout de cinq minutes ils disent il y en a marre ! Ils repartent. Et ça ne s’arrête pas ! Autant dire que... Narboni : on l’a mit en amphithéâtre, il tourne fou quoi... et puis il peut plus travailler, il peut plus rien faire. Enfin là je me suis sorti en me disant non que... voilà c’est pour dire qu’il faut pas prendre des chaises quoi).

Voyez c’est ça qui m’intêresse ! Est-ce que donc déjà ? évidement je pouvais toujours dire il y une mutation mais lorsque la mutation, ce sera produite, c’est évident qu’on aura - sur certains auteurs du cinéma devenu classique, ceux qui ont joué énormement des aberrations du mouvement dans l’image-mouvement - l’impression que ces auteurs étaient déjà complètement modernes.

Alors je prends deux cas : un cas qui a, si vous voulez, relativement avorté, quoique ce soit un très, très grand cinéaste, c’est précisément Epstein. Quand vous revoyez un classique comme - ou un "devenu classique" - comme « La chute de la maison Uscher » une histoire d’Edgar Poe réalisé par Epstein. Il y a un fameux ralenti, tous les gestes sont etirrés dans une sorte de ralenti, et le ralenti d’Epstein est célèbre dans ce film, dans d’autres films ce n’est pas un procédé général - pour ce film là ; il a été jusqu’au bout du ralenti. Ou vraiment les gestes sont comme... Cette aberration de mouvement, c’est evident qu’elle nous fait pénétrer, le sentiment, c’est qu’on est dans le Temps, là on a le sentiment qu’à travers ces aberrations, on entrevoit une image-temps directe "dans laquelle on est".

Voyez les deux co-existent. Evidemment les plus grands auteurs alors - qui par là, a été récupéré par la modernité - mais on comprend, du coup, ça fait comprendre quelque chose sur : il a des choses qu’on ne peut pas saisir sauf d’extraordinaires critiques, il y a des choses qu’on ne peut pas saisir sur le moment, il nous faut le temps et les gens ça varient : dans ce qui se passe de nouveau actuellement, on est plus au moins lents, plus ou moins rapides pour comprendre le point de nouveauté que ça a. D’abord, on est caché on a les yeux complètement recouverts par le vaste domaine du faux, des fausses nouveautés, des conneries etc, et qui agissent sur nous tous. Mais, je prends mon exemple - comme ça - parce que chacun de nous, doit avoir, doit étudier son exemple à cet égard : si je prends mon exemple, moi, il m’a fallut plus de cinq ans, pour avoir un vague sentiment que dans le nouveau roman - au moment où il paraissait, après le premier Robbe Grillet ou les premiers Butor, quelque chose de nouveau se passait - cinq ans ! C’est vrai que je ne suis pas doué pour la vitesse, pour comprendre ce qui se passe mais c’est quelque chose, Hein ? cinq ans pour digérer ça et dire tout d’un coup : "c’est quelque chose de fantastique" je préfere ça peut-être que ceux qui ont été sensibles tout de suite à la nouveauté du Nouveau Roman, ça a pas bien tourné pour eux, peut-être ça allait trop de soi, peut-être que là-dessus ils ont pas... mais il faut du temps, euh ? Alors, je me dis : les critiques qui ont accueilli les dernières oeuvres de Dreyer : il faut leur en vouloir évidemment de leur extraordinaire insolence qui touche à la connerie, quand ils déclarent c’est nul, Dreyer est un " ?" ce qui a été la reaction de la critique Aujourd’hui il est évident que ses films étaient géniaux et étaient en avance de, justement ils étaient en avance. Mais ceux qui étaient prudents, ceux qui n’étaient pas dans le coup, ceux qui disaient : mais qu’est-ce que c’est ca ? Moi je ne crois pas qu’il faille leur en vouloir.. Là j’en sais pas votre génération à vous, qu’est ce qu’elle a vu de nouveau ? pour le moment je sais pas bien. Pensez aussi Beckett - pour découvrir la nouveauté de Beckett, cela ne s’est pas fait du jour au lendemain - alors Beckett c’est parfait, il passait à un moment - où personne n’en parlait parce que on trouvait ça grotesque ou lamentable ou débile, etc...à un moment ou personne n’en parlait plus - cela s’était si bien imposé et hors de la critique, vous ne trouverez pas dans les journaux, vous ne trouverez pas sur Beckett quelquechose. Ils sont passés du stade où ils le critiquaient complètement à un stade ou ils n’en parlait plus. Comme dit Margarite Duras, il vaut mieux ! Ca vaut mieux, passer au second stade c’est l’idéal, le pire c’est quand ils parlent, c’est encore le pire, mais c’est très dur de ...

Alors, si Dreyer aujourd’hui, nous paraît quelque chose de fantastique, moi je crois que c’est parce que c’est un de ceux qui a employé les moyens, les plus finalement, les plus complexes, les plus subtils pour produire des anomalies de mouvement. Quand même le procédé Epstein, le temps ralenti, ça pouvait servir une fois, il ne pouvait pas le faire deux fois, il n’y a pas de formule appliquable à deux cas - tandis que chez Dreyer là, toutes les aberrations de mouvement, aussi bien au niveau des appareils, qu’au niveau des passages d’espace, qu’au niveau de faux raccords : là, avec une telle virtuosité ! Qu’évidemment quand les gens disaient : "ce n’est pas du cinéma", parce que il y avait d’ interminables conversations, d’interminables.. où les gens se regardaient même pas, ou l’un était derrière l’autre etc ; il y avait tout le cinéma qui passait, tout était là.

A la lettre on ne pouvait pas le voir, ce n’était pas visible.

Moi je crois que pour redécouvrir - sauf quelques cas spécialisés - il fallait évidemment le Néoréalisme qui pourtant ne descend pas de Dreyer, il fallait la Nouvelle Vague, pour que nous devienne évident, le génie des films de Dreyer - parce que ce génie consistait exactement en ceci : imposer à l’image-mouvement des aberrations du mouvement suffisamment grandes, pour que nous entrions immédiatement dans ce qu’il appelle lui-même une quatrième et une cinquième dimension. La quatrième dimension étant le Temps et la cinquième dimension étant l’Esprit. Et il allait jusqu’à dire : Il s’agit de supprimer la troisième dimension, c’est-à-dire d’assurer la planitude de l’image - d’où aberration de mouvement très étonnante - assurer la planitude de l’image, court-circuiter la troisième dimension pour entrer directement en rapport avec une quatrième et cinquième dimension.

(...) Le Temps est subordonné au mouvement mais dans les conditions suivantes : à savoir que l’image du Temps dérive des images-mouvement par l’intermédiaire du montage, si bien qu’elle n’est qu’une image indirecte du Temps mais toutefois, il y a tout un travail cinématographique là-dessous, à savoir que cette image -mouvement me présente aussi des aberrations de mouvement telles que d’une certaine manière, je suis determiné à entrer directement dans le Temps. Et que pointent, et que j’entrevois à travers les images- mouvements, grâce aux aberrations de mouvement ; Les aberrations de mouvement, exactement, me font entrevoir à travers les images-mouvement une image du Temps qui n’est plus une image indirecte du temps mais qui est une image directe, une image-temps directe. Comprenez il n’y a pas du tout une contradiction, il y a complication d’un état de choses.

Alors, j’insiste là-dessus parce que quand on passera à la philosophie et à l’histoire de mutation quand au mouvement et au temps, on verra qu’il y a une longue, longue époque où en effet - et on l’a déjà vu d’ailleurs - où le temps dépend du mouvement, dérive du mouvement donc image indirecte du temps conclu du mouvement et généralement conclu du mouvement céleste, le mouvement cosmique céleste. Mais on verra parce que là ça deviendra amusant si l’on tient à notre comparaison sans surtout introduire des confusions. Que dès le début cette astronomie antique fait valoir mais des aberrations du mouvements célestes et c’est même là que prend racine le mot a-b-errations. Il y a des aberrations, et ces aberrations sont connues même mathématiquement et physiquement avec l’idée du nombre incommensurable donc, il y a des aberrations du mouvement astronomique. Si bien que, dans cette histoire de l’astronomie philosophique, il faudra dire à la fois : oui, ce qui est premier c’est l’image-mouvement cosmique et en dérive une image indirecte du temps mais en même temps ce mouvement cosmique donne lieu à des aberrations, qui lui nous ouvrent, ou nous faire entrevoir quoi ? Qu’est ce que le vieux grec ? Qu’est ce que le grec entrevoyait à travers les aberrations astronomiques ? il devait en entrevoir des choses...

Voyez on aura, là, ce rebondissement de problèmes. Voilà pour ce premier point : comment définir l’état de l’image avant la mutation au niveau du cinéma. Du coup je disais, la mutation, comment la définir après la guerre ? Et bien ce que je veux dire c’est là mes quatre points, il faut que je les retrouve point par point.

-  Et je commence par le deuxième... le deuxième point. Le deuxième point c’était tout à l’heure, l’empire et le déroulement du schème sensori-moteur.

Et je vous disais la dernière fois et bien qu’est ce qu’il se passe après la guerre ? Je le reprends sur un mode beaucoup plus léger puisque dans mon souvenir j’en ai parlé, il y deux ans, beaucoup. Donc, là je reviens à un point de départ parce que ; Bon, je disais pour ceux qui étaient pas là ou se rappellent plus, ça fait longtemps Beh oui vous voyez... Moi ce qui me frappe encore une fois c’est que si on fait partir de la mutation du Néoréalisme, du Néoréalisme italien, moi je ne crois pas que ce soit le réèl qui définisse le Néoréalisme. Ni le réel forme, ni le réel contenu, je veux dire il y a en un qui disent : et bien oui, il y un contenu social du néoréalisme, ça c’est une thèse pas très intéressante puisqu’elle est démentie des le début. On est forcé de dire alors que Rosselini cesse d’être néoréaliste très vite, il fait deux films néoréaliste et après c’est fini. Et les autres comme Bazin disent d’une manière plus intelligente - il me semble - "c’est une nouvelle forme de la réalité". C’est beaucoup plus intéressant mais ça me paraît pas...
-  Si j’essaie de dire le plus simplement, ce qui me parait la mutation du néoréalisme, c’est le relâchement et à la limite la rupture, du schème sensori-moteur. Vous ne trouverez plus - je vais dire une chose très simple - vous ne vous trouverez plus dans les personnages qui sont dans une situation et qui réagissent à une situation par l’intermédiaire d’émotions. Voyez ça correspond exactement à mon second trait de tout à l’heure ! C’est la fallite, c’est l’écoulement du lien sensori-moteur. Pourquoi après la guerre ? La réponse elle est tout simple, et la causalité sociologique, elle est évidente. C’est qu’après la guerre on se trouve dans une situation, on se découvre dans une impuissance absolue. Vous me direz : pendant la guerre aussi ! Non, pas directement ! Il y a deux manières d’être impuissant, deux manières très différentes :
-  il y a la manière du cinéma devenu classique : on me ligote et on me bâillonne et puis on me laisse sur les rails du train. Ligoté, bâillonné et le train approche : voilà une éminente situation du cinéma devenu classique que vous pouvez trouver dans un film noir ou que vous pouvez trouver dans le burlesque. Je dirais le personnage est bien réduit à l’impuissance mais il est réduit à l’impuissance en vertu des exigences de l’action. Et ça va être d’après des schèmes sensori-moteur, qu’il y passe, que le train l’écrase ou bien qu’à la dernière minute il est sauvé. S’il est réduit à l’impuissance, s’il ne peut plus réagir à la situation c’est en vertu des exigences de la situation et des exigences de l’action et du développement de l’action. Tandis que là, vous comprenez on nous fout dans une situation, dans un type de situations qui à ma connaissance, n’apparaissaient pas avant ! Des situations coupées de leur prolongement moteur. Pourquoi ? Pour une raison très simple : le personnage se trouve dans une situation, où à la lettre, il ne sait pas que faire ! Alors, ça peut être de mille manières, il ne sait pas que faire parce que d’une certaine manière, il n’y a rien à faire.

Alors ça peut être une vision triste, ce que j’essayais de montrer déjà la dernière fois, c’est que non, ce n’est pas du tout une vision triste, c’est une manière qui va nous donner une vision au contraire qui va nous ouvrir des bien grandes richesses. Et qui va nous ouvrir notamment, une toute nouvelle forme de comique. C’est que il se trouve dans des situations, d’accord, ou bien il ne sait pas que faire, ou bien il n’y a rien à faire, là il faut multiplier les cas : ça peut être des situations extraordinaires, des situations limites - appelons ça suivant un concept philosophique, "une situation limite". Ca peut être la mort qui arrive - c’est une situation limite, ça - ça peut être un événement extraordinaire l’eruption d’un volcan - ou bien ça peut être une situation complètement quotidienne : je fais ma petite promenade et puis comme ça, quotidien ou bien je me réveille le matin et je prépare le café : situation tout à fait ordinaire, quotidienne... Qu’est ce qui va définir la nouvelle image ? Cette espèce de mutation - situation quotidienne ou situation limite, peu importe finalement, elles pénétreront l’une dans l’autre.

Ce qu’il y aura, c’est que : que ce soit du quotidien ou de la limite ou de l’extraordinaire, la situation est coupée de son prolongement moteur ; Le personnage se trouve en état de ne pas avoir de riposte ou de réponse. Alors il est “passif”, laissé entre parenthèses - oui, faut aller tout doucement, oui, il est passif d’une certaine manière. Il est passif en quel sens ? Il voudrait mieux dire il est “réceptif”, il reçoit de plein fouet mais encore il reçoit de plein fouet, oui, mais ce qui lui est le plus proche ; ne le concerne qu’à peine. Même sa mort ne le concerne qu’a moitié, mais pas complètement, vous voyez il n’y a pas de prolongement moteur. Vous me direz alors, il est spectateur ? Non, je préfère oui, tout ça il faut garder tous les mots pour essayer d’approcher de quelque chose. Essayons de trouver le meilleur mot. Tout se passe comme s’il était "visionnaire".
-  Le cinéma a cessé d’être un cinéma d’action, il est devenu un cinéma de voyant ! Voyant, voyant il faut pas exagerer, oui, de réceptivité, bien ! Le volcan éclate et la femme dit : "mon dieu, mon dieu je suis finie, je suis finie. Quelle beauté !" La pêche au thon, la femme dit : "quelle horreur, mon dieu !" elle saisit aussi la beauté. Elle n’a pas de riposte, elle n’a pas de réponse ! Elle n’a pas de réaction à la situation.

Ou bien dans un exemple qu’on avait beaucoup commenté il y a deux ans, et que Bazin commentait beaucoup - mais je crois qu’on en tire autre chose que ce qu’il en tirait - La petite bonne prépare le café - ça c’est pleinement du schème sensori-moteur - tout comme tout à l’heure on va voir, c’est plus compliqué que ce que je dis, bien sûr les schèmes sensori-moteurs subsistent, il faut

bien qu’ils subsistent pour que, ce qu’on nous montre fondamentalement, c’est le moment où ils ne fonctionnent plus. Donc elle prépare le café... tout ça, elle fait tous les gestes habituels de la reconnaissance automatique.Et puis ses yeux croisent son ventre. Et elle voit son gros ventre de fille enceinte. Et elle se met à pleurer ! Elle avait des réactions pour faire le café, oui, ça s’enchaînait - et puis ses yeux croisent son ventre et là elle ne sait pas que faire ! ça peut être dans le plus quotidien, ça peut être dans le plus extraordinaire. La signature néoréaliste ce sera ça. La situation sensori-motrice laisse place à quoi ? à ce que j’appellais des situations optiques et sonores pures. Par situation optique et sonore pure, il faut entendre : des situations qui ne se prolongent plus, dans une motricité, dans des mouvements.

Et bien sûr il y en a autour ! je ne dis pas que l’image ne bouge plus. On l’a dit dès le début, au delà de l’image-mouvement ca veut pas dire : il n’y a plus d’image-mouvement, ca veut dire : que ce qui est fondamental ça n’est plus l’image-mouvement. C’est quoi ? C’est l’exposé d’une situation optique et sonore pure c’est-à-dire coupée de son prolongement moteur. Je disais à ce moment là, vous comprenez tout ! Qu’est ce qu’il y a en commun entre ces types qui étaient tellement différents ? Tellement différents comme : De Sica, Rosselini, Visconti, Fellini, Antonioni. Qu’est ce qu’il y a de commun ? et bien ça ! Mais chacun le fait d’une manière très, très différente.

Si je prends Antonioni c’est sa fameux méthode du constat. C’est le constat, c’est le fameux constat chez Antonioni : à savoir le point de départ est un constat qui ne sera jamais expliqué, constat de quelque chose qui sera jamais expliqué. A savoir une femme a disparu dans une petite île ou bien un couple s’est rompu. Comme dit Antonioni, ce qui est intéressant c’est ce qui se passe "après", une fois que tout est fini. Qu’est ce qui se passe après ? Sans doute le fameux temps mort, après ça traîne. Comment ça va traîner ? Qu’est ce que Antonioni va en tirer ? Pressentez, là je fais une avancée - si la situation sensori-motrice classique ne pouvait nous délivrer qu’une image indirecte du temps, peut-être bien que les situations optiques et sonores pures vont, que l’on le veuille ou non, nous faire pénétrer directement dans le Temps et dans un poids du Temps. Ils vont nous pénétrer, ils vont nous projeter dans un intérieur du Temps mais là je vais trop vite. Je dis un cinéma de visionnaire ! Alors Antonioni procèdera avec ses constats.

Fellini, il procèdera avec ses spectacles. Il n’y a plus d’enchaînement situation/action, il y a une succession de variétés. Ca veut pas dire que ce soit des sketches. pas du tout ! Sans doute il y a une loi, il y a pour Fellini des lois rythmiques, très importantes de passage d’une variété à une autre. Tout est organisé comme une succession de variétés, de spectacles de variétés. Et dans la vie quotidienne même, penser au “Vittelloni” : isl se donnent à eux-mêmes des spectacles. Il va y avoir un enchaînement de spectacles qui n’est plus du tout du type sensori-moteur, qui va procéder par situations optique et sonore.

Visconti on l’a vu très rapidement. Je dis le premier signe de Néoréalisme. Pourquoi est-ce dans “Obsession” on reconnait le premier signe du Néoréalisme ? C’est encore une fois parce qu’il fait un truc dont lui-même je crois, sur le moment, n’a pas senti l’importance, pourtant il devait bien savoir, il n’a pas fait exprès. Mais ça a l’air tellement insignifiant : il a introduit entre la perception et la réaction, ce petit moment extraordinaire, qui à mon avis n’existait pas avant, au cinéma : ce moment où le personnage a besoin, ne sait pas comment réagir et a besoin de s’approprier par les yeux et les oreilles, ce qui est donné à voir et à entendre. Il est perdu. Il faut qu’il "s’approprie" avant de réagir. Peut-être qu’il ne réagira jamais ! Là aussi, il est dans un état de situation optique-sonore pure.

Claude Ollier, avait une formule très belle pour Antonioni, il disait : Il substitue - et pensez à l’ “Aventura”, mais il le disait aussi à propos du “Cri”- "Il subsitue au drame traditionnel, un drame optique pur". Je crois qu’il a vu quelque chose de très, très, profond, c’est exactement ça ! Mais ça vaut pour les autres aussi. Ca vaut pour l’ensemble du Néoréalisme bien plus ça vaut pour la Nouvelle Vague aussi.

Je dirais que la première grande mutation qui correspond à mon deuxième aspect de tout à l’heure, c’est l’instauration de situations optiques et sonores pures qu’il y a deux ans - et là on a besoin - j’appellais, ayant le souci d’une classification des signes, des opsignes et des sonsignes c’est-à-dire signe optique et sonore qui se substitue au signe sensori-moteur. Si j’ouvre un parenthèse - ce sera autant de fait - si j’ouvre une parenthèse, voyez et on pressent, on est sur un chemin d’une hypothèse, parce que on se dit d’accord, si la situation sensori-motrice nous renvoyait à une image indirecte du temps, les situations optiques et sonores pures, qu’est ce qu’elles vont faire ? Sous-entendu : est-ce qu’elles ne nous font pas pénétrer dans une image-temps directe ? On peut pas le dire encore mais on peut le concevoir. Ah oui, le personnage ne réagit plus mais il va y avoir tout l’effet de la situation en lui, sur lui. Et l’effet de la situation qui ne se prolonge plus en motricité,, ça c’est du temps pur ! Le personnage en situation sonore et optique pure sera précipité dans le temps. Exactement comme l’héroïne qui devant l’éruption “je suis finie, quelle beauté mon dieu" un peu de temps pur, le volcan, ces dernières scènes de “Stromboli” de Rossellini, tout comme la scène de la petite bonne et “Umberto D” De Sica. En effet la petite bonne quand ses yeux croisent son ventre de fille enceinte et qu’elle se met à pleurer. Tout se passe comme si elle accédait à peu de temps l’état pur. Et vous voyez en quel sens je dis : le personnage n’a plus de réaction ou bien parce que c’est trop.. de toute manière parce que c’est trop fort pour lui, ou bien parce que c’est trop beau ou bien parce que c’est trop injuste ! Mais toutes les bêtises, il me semble, sur l’incommunicabilité, la solitude etc.. des bêtises, ce n’est pas des bêtises, tout ça me parait absolument secondaire dans ce cinéma. L’incommunicabilité, la solitude mais tout le monde s’en fout ! j’ai l’impression que les choses dont tout le monde dit : j’en souffre, j’en souffre mais c’est vraiment manière de dire, Ce n’est pas ça, ce n’est pas ça du tout ! Ce ne pas été jamais un problème d’Antonioni, ça ce n’est pas possible, des problèmes comme ça, c’est des problèmes de ... on peut pas avoir un problème aussi débile, ce n’est pas possible.

Le problème il est d’une nature tout autre, forcément les personnages ils sont seuls, forcement ils ne communiquent pas mais pour une raison bien plus sérieuse parce que, ce qui définit la vie moderne c’est quelle ne cesse de nous "mettre" dans des situations optiques et sonores pures. Les schèmes sensori-moteur, on en a pas beaucoup et ils cassent, ils arrêtent pas de casser toute la journée. Et je peux même plus faire mon café sans que mes shèmes sensori-moteur, il s’enrayent. Alors bien sûr après je peux dire ouille ! ouille ! je suis seul et je suis incommunicant, mais je suis seul et incommunicant... bon d’accord ! je suis tout seul et incommunicant mais à cause de ma cafetière ou à cause de ( ?) pour une raison simple, c’est que les schèmes sensori-moteur, ils sont de plus en plus défaillants.

Et en même temps c’est plein d’optimisme parce que comme je le disais la dernière fois, c’est des situations ou evidemment avec un peu exercice, on devient voyant. On voit quelque chose, et ce quelque chose que ce soit le trop beau ou le trop injuste, le trop injuste de la pauvre fille enceinte qui ne sait pas quoi faire - le trop beau de l’éruption volcanique, le trop puissant, le sublime de l’éruption volcanique. J’apprends à "voir" quelque chose, sentez que ce cinéma sera une "pédagogie" de l’image comme il n’y en a jamais eu et que ça ce thème d’une pédagogie de l’image dans le cinéma après-guerre va devenir fondamental que tous, vont y passer. Enfin tous les grands et que même ils vont passer parfois par un désert. Ils vont traverser un long désert seul et incommunicant, pour construire une pédagogie à laquelle nous n’aurons rien compris sauf cinq ou dix ans après, au moins d’avoir été particulièrement doué.

Bon, je pense à la dernière période de Rossellini, grande tentative d’une nouvelle pédagogie de l’image. Je pense à toute la période qu’on pourrait appeller la période "moyenne" de Godard qui à mon avis va jusqu’à "Sauve qui peut la vie" qui va être consacré à une fantastique pédagogie de l’image. Je pense aux Straub, actuellement et puis peut-être un des plus grand, à Ozu tout ça tout leur cinéma est inséparable d’une entreprise de cette pédagogie de l’image qui nous apprend à devenir voyant. Bien, visionnaire, voyant, je disais c’est une espèce de romantisme. C’est des romantiques !

(fin de bande)

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