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52- 17/01/1984 - 2

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Gilles Deleuze : vérité et temps cours 52 du 17/01/1984 - 2 Transcription : Fabienne Kabou

On a vu ce souci par exemple très fort chez Eisenstein : trouver une constante, trouver un invariant dans toute l’école française d’avant-guerre, d’une toute autre manière, comme ça on en a parlé il y a deux ans - ça ne fait rien pour ceux qui n’étaient pas là, mais c’est des choses que j’avais trop développées. Dans l’école française d’avant-guerre,il y a toute une recherche, pas du tout scientifique, une recherche du type "jugement esthétique" sur l’évaluation esthétique d’un invariant du mouvement, c’est-à-dire d’un ensemble de relations métriques qui demeurent constantes entre quoi et quoi ? Entre la vitesse ou le mouvement et les autres facteurs : la lumière, la surface ou le volume de l’espace etc, et l’invariant, ça doit être l’ensemble de ces rapports entre le mouvement et les autres facteurs de l’image. Chez Eisenstein, c’est la fameuse recherche sur la section d’or, c’est-à-dire typiquement une relation d’invariance à l’intérieur du mouvement. Puisque la section d’or s’exprime ainsi, je vous le rappelle : la plus petite partie doit être à la plus grande ce que la plus grande est à l’ensemble. Si vous préférez, sur une spirale, si vous partez du point d’origine "O",OA sur OB égale OC sur OD etc, égale m. C’est typiquement une recherche d’invariance très différente de celle de l’école française,c’est pour cela que je disais à ce moment-là de l’école française qu’elle est vraiment cartésienne. Elle cherche quelque chose qui est l’équivalent d’un invariant quantité de mouvements. Chez Eisenstein ,c’est beaucoup plus l’invariant de type harmonique. Bon,peu importe, mais je dis, bon...Voilà.

Mais, vous avez d’autre part, l’image-mouvement non plus considérée comme image globale du permanent renvoyant à l’éternel, mais comme image locale de la simultanéité dans l’instant. Seulement, comme c’est extensible, ça nous donne l’espace. Et enfin, vous avez l’image du temps comme succession. Cette fois-ci par rapport aux parties de mouvements. Donc, je peux conclure tout cet aspect, sous quelle forme ? Lorsque je conclus une image du temps à partir de l’image-mouvement par l’intermédiaire du montage, qu’est-ce que c’est que cette image du temps ? C’est une image du temps réduite à la simple succession. Et, sous cette forme,le temps comme succession, il se présentera lui-même comme une image de l’éternité, comme une expression de l’éternité, comme une expression affaiblie de l’éternité. Et le temps sera défini par l’ordre des successions exactement comme l’espace sera défini par l’ordre des coexistences. Vous avez vos trois coordonnées :
-  le permanent ou l’invariant,
-  la succession,
-  la simultanéité. Le temps n’est que l’ordre des successions. Donc,il n’est qu’une des trois coordonnées. C’est tout cela qui sera remis en question dans la philosophie kantienne évidemment mais enfin pour le moment, on parle de cinéma. Alors vous voyez, mon résumé - je vous laisse vous reposer un très court instant - le résumé que tout ce que je viens de dire, c’est dans le cinéma classique il me semble, vous avez des images-mouvements. Bien sûr, elles passent, bien sûr elles ont un temps chronologique mais c’est pas ça l’image du temps qu’on cherche, c’est quelque chose de plus profond. On cherche pas simplement la durée d’un présent.

Enfin c’est pas la phase chronométrique, vous pouvez toujours compter combien dure une image. Ce qui va conférer, ce qui va sortir, ce qui va constituer l’image-temps, ça va être l’activité du montage s’exerçant sur les images-mouvements. Dès lors, je dis : un tel temps, une telle image du temps tiré par le montage des images-mouvements a deux limitations : c’est une image indirecte du temps et d’autre part,c’est une image réduite à la succession. Alors, bien sûr elle peut bouleverser la succession ; par exemple par flash-back, elle peut opérer des simultanéités par surimpression, par allers et retours, par tout ça, ça n’empêche pas, ça rentre dans cette grille en général. Et bien sûr, j’ajoute et là je vais très vite parce que c’est des choses qu’on avait faites. Bien sûr, c’est pas seulement dans le cinéma classique. Il y a aussi déjà une autre conception : je veux dire qu’on ne se contente pas de tirer l’image-temps de l’image-mouvement comprise comme mouvement de l’objet dans l’espace. Il y a aussi une toute autre conception, mais bizarrement du point de vue qui nous occupe, elle revient au même. L’autre conception déjà très très importante, c’est que le mouvement, ce qu’il y a de commun c’est qu’on partira toujours du mouvement. Mais on ne partira plus du mouvement d’un objet dans l’espace, on partira du mouvement d’une âme dans l’espace.

En philosophie,celui qui a fait,c’est déjà un renversement à l’intérieur de la philosophie classique. Le très grand philosophe qui a fait ce renversement en disant :« Non ! Le temps ne découle pas du mouvement d’un objet dans l’espace quelque soit cet objet, quelque soit le caractère glorieux de cet objet, mais il dépend de l’âme ». C’est Plotin qui par là même, fondait ce que l’on a appelé le néoplatonisme. En quoi ça revient au même ? D’un certain point de vue, tout change. D’un autre point de vue, ça revient au même parce que le temps va être toujours compris dans le mouvement. Simplement, c’est le mouvement de l’objet dans l’espace. Par exemple, c’est plus le mouvement des planètes, c’est le mouvement de l’âme. Quel est le mouvement de l’âme ? Plotin l’a toujours dit en termes sublimes : « c’est s’épancher ». L’âme s’épanche. S’épancher, une âme s’épanche c’est-à-dire, elle se met hors de soi. Et en se mettant hors de soi, elle se divise et elle divise. Et on verra en quoi consiste et pourquoi Plotin dit des choses aussi étranges. Elle passe d’un état de vie à un autre. Bon... Le mouvement est fondamentalement le mouvement de l’âme et l’âme c’est quoi ? L’âme,c’est la lumière ou c’est du moins la lumière qui s’épanche. C’est pas la lumière, la lumière, elle est encore plus haute que l’âme mais c’est un certain stade de la lumière. La lumière en tant qu’elle s’épanche, en tant qu’elle se met hors de soi, en tant qu’elle se divise. Bon... Et,Plotin fait la prémière grande philosophie de la lumière et c’est d’une conséquence importante dans tous les domaines, y compris dans le domaine des arts, puisque dans des voies très proches du néoplatonisme, la mosaïque byzantine va découvrir un nouvel art de la lumière.

Bon,tout ça, ça nous importe en quoi ? Eh ! bien, cette fois-ci, le temps - je veux dire à la fois ça change rien et ça change tout. L’image du temps continue à être conclue de l’image-mouvement. Seulement,l’image-mouvement n’est plus celle d’un mouvement d’un objet dans l’espace,c’est celle du mouvement d’une âme. C’est du mouvement d’une âme exprimée dans les changements de la lumière, dans les états successifs de la lumière. Et le temps, c’est les états successifs de la lumière en tant qu’ils expriment directement les changements d’une âme,les changements d’une âme qui s’épanche. Vous reconnaissez tout de suite ce qu’a été d’un bout à l’autre le cinéma expressionniste. Et on y trouverait les mêmes thèmes dans un contexte complètement différent : l’éternité, le temps comme succession, la simultanéité.

Pourquoi ? La simultanéité, c’est celle de l’instant mais cette fois-ci, le mouvement de l’âme est un mouvement d’intensité, c’est l’instant comme saisi de la quantité intensive qui va permettre de définir les simultanéités. L’éternité, vous la trouverez dans le mouvement intensif comme Tout et le mouvement intensif comme Tout, c’est le cercle entier de la lumière qui s’appellera plus précisément le cercle chromatique. Et le temps lui-même, c’est ce qui exprime et mesure intensivement le mouvement de l’âme, c’est-à-dire les dégradations de l’âme et ses conversions qui vont faire l’objet de tout le cinéma expressionniste. Donc je peux dire là aussi, la conception du mouvement est complètement différente. Mais je peux dire dans les deux cas,le temps est conclu, je résume mes conclusions :
-  le temps est conclu de l’image-mouvement.
-  2ème conclusion : il est conclu par le montage.
-  3ème conclusion : dès lors,ce n’est qu’une image indirecte du temps.
-  4ème conclusion : une image indirecte du temps réduit le temps à une simple succession, quelques soient les bouleversements possibles introduits dans cette succession. Ah ! oui,là c’est clair. Vous voulez que je répète, non ?...J’ai oublié alors...
-  1ère conclusion : de quelque côté qu’on se trouve, il y a deux grands côtés dans le cinéma classique. Enfin,je schématise. Alors supposons qu’il y ait deux grands côtés : l’image-mouvement est : ou bien mouvement intensif de l’âme soit mouvement extensif d’un objet dans l’espace.
-  1ère conclusion : ce grand cinéma classique - plutôt devenu classique pour nous car enfin c’était tout ce que vous voulez, c’était pas classique, ça l’est maintenant, c’est devenu, ça fait partie de ce que l’on appelle classique -
-  1ère conclusion - pourvu que ce soient les mêmes ! l’image-temps découle de l’image-mouvement par le montage. Voilà la première conclusion.
-  2ème conclusion : dans de telles conditions, l’image ne peut être et le temps ne peut être, que l’objet d’une image indirecte. C’est l’image indirecte du temps puisqu’en effet, on l’atteint par le montage de l’image-mouvement. Tiens, j’ai l’impression que c’était beaucoup mieux tout à l’heure.
-  3ème conclusion : une image indirecte du temps est aussi une image qui réduit le temps - ah là, c’est mieux cette fois - qui réduit le temps à être uniquement un ordre de successions, quitte à troubler et à bouleverser les successions. Ah ! oui,limpide, c’est le troisièmement et qu’est-ce que c’est mon quatrième alors ? Il y en avait quatre tout à l’heure, maintenant il n’y en a plus que trois.

Allez,donc...Oui ?(question dans la salle)

Ecoutez, ça j’irais volontiers mais là si vous me demandez d’aller plus loin, il me faut des trucs à vous montrer, des grandes images, hein et je le ferai. Simplement, je vous promets, il faut que je le note, je le ferai avec Plotin parce que la mosaïque byzantine et le cinéma, ça va pas bien ensemble tandis que Plotin et la mosaïque byzantine,ça va complètement ensemble. Et,là, j’aurai de l’aide de la part de certains d’entre vous sur ce point,donc...Mais je le note, quand on en sera à la philosophie, vous êtes gentil,vous me le rappelez si j’avais oublié. Voilà, bon, on avance. J’ajoute juste...Quoi ?(Remarque dans la salle) La quatrième conclusion ? J’ai dû l’introduire dans une des trois-là, j’ai dû...Oh,vous savez trois,quatre, bon... Là,je vais très vite. Dans cet état du cinéma classique, qu’est-ce qui assure cette image-mouvement dont le montage va tirer une image indirecte du temps ? Je vais très vite parce que c’est des choses qu’on a vues et revues l’année dernière et je reprends un point là. Je dis, à mon avis voilà : ce qui assure cette image indirecte du temps en tant que conclue des images-mouvements, c’est ce que nous montre l’image et ce que nous montre la succession des images, à savoir c’est fondamentalement des enchaînements sensori-moteurs. Des enchaînements sensori-moteurs qui s’établissent entre trois types d’images. On a vu ça tellement de fois depuis deux ans que je reviens pas dessus. Trois types d’images : les images-perceptions, les images-affections, les images-actions.

Et l’expressionnisme foncera dans le domaine des images-perceptions et des images-affections et leur prolongement l’une par l’autre.Et le cinéma d’action foncera sur les rapports images-perceptions et images-actions et le prolongement de l’une dans l’autre. Ce sera de toute manière un ensemble d’enchaînements sensori-moteurs qui va constituer cette opération des images-mouvements en tant qu’elles engendrent une image indirecte du temps.

En d’autres termes, c’est ce qu’on a vu la dernière fois ou l’avant-dernière fois, c’est ce que Bergson appelait la reconnaissance automatique ou habituelle, à savoir la manière dont une situation ou perception se prolonge dans une action, qui se continue dans une autre action, qui se continue dans une autre action chaque fois avec modification de la situation, à savoir une succession de perceptions et d’actions qui s’établissent sur un même plan : représentation linéaire du temps, succession de situations et d’actions enchaînées sur un même plan. Voilà,je crois que c’est la structure sensori-motrice qui donc permet cette opération par laquelle, à partir des images-mouvements et des types d’images-mouvements, thème sur lequel je ne reviens pas encore une fois.

Les types d’images-mouvements, à savoir les trois grands types : images-perceptions, images-affections, images-actions reçoivent dans le montage un traitement tel qu’une image indirecte du temps en découle. C’est l’enchaînement sensori-moteur qui est là-dessous. Bon, d’où éclate une question et c’est là qu’il fallait en venir, éclate une question bien étrange. C’est comme si quelqu’un me disait :« eh bien, oui on peut toujours dire ça mais ça supprime tout ce qui avait de bizarre et d’insolite dans ce grand cinéma en train de se faire, ça en tire une formule une fois qu’il est fait - ben oui une fois qu’il est fait, on peut toujours dire ça puisque tout dans ce que je dis, suggère déjà que ça va être dépassé. Vous comprenez,c’est de la triche tout ça. C’est facile une fois, une fois qu’il y a eu autre chose de dire : ah ben euh,forcément donc, c’est pas qu’ils avaient des insuffisances.

Qu’est-ce que j’ai oublié de dire ? Je voulais dire le concret, tout ce qui était intéressant,tout ce qui était concret. C’est que j’ai l’air de dire, les images-mouvements,c’étaient tout simple et puis avec le montage, ils trafiquaient là-dedans, ils en tiraient une image indirecte du temps. Mais avec le montage ou sans montage,les images-mouvements, est-ce que c’était si simple que j’ai supposé ? Non, non, non. Il y avait et il ne cessait d’y avoir des abérrations et le cinéma se définissait et l’image-mouvement au cinéma dès cette époque, se définissait, beaucoup plus par les abérrations qu’il imposait à ces images-mouvements et par les abérrations de l’image-mouvement, j’emploie abérration en un sens exact parce que vous savez que c’est un terme qui a servi à l’astronomie. Abérrant, abérrant, abérrant, l’abérrance.

Bon, pour ces abérrations, reportez-vous à votre petit Larousse ordinaire. Par ces abérrations de l’image-mouvement, qu’est-ce qui transperçait ? Qu’est-ce qui perçait déjà ? Tout ça, ce qui pointait dans ces abérrations de l’image-mouvement, c’était déjà une image du temps qui n’était plus une image indirecte du temps mais qui était une image-temps directe. Et elle nous travaillait déjà, elle était déjà là. Ils la faisaient surgir et ils prenaient des risques pour la trouver, ils savaient pas où aller, ils savaient pas, ils savaient, ils savaient pas, ils reprenaient, ils tentaient tous les moyens. On n’était pas dans la situation tranquille où, à partir d’un statut ferme des images-mouvements, le montage aurait suffi à nous donner une image indirecte du temps, il y avait bien cela. Mais chaque grand auteur, tout en regardant cela, imposait à l’image-mouvement des aberrations qui, traitées ou non par le montage, allaient faire transparaître un tout autre type d’image-temps, qu’il allait falloir appeler "image-temps directe". Et qu’est-ce que fera le cinéma après sa révolution ? Ce serait que : ne l’intéresserait plus sans doute que cette image-temps directe. Et que c’est ça qu’il allait dégager, que c’est ça qu’il allait s’approprier. Si bien que je ne peux pas réduire. Et, à cet égard, je pense à un livre qui me frappe beaucoup que je veux vous raconter avec la réaction,la réaction que j’en ai.

Vous voulez un petit repos ? Pas de petit repos,non. Ah !oui, comme on va en avoir un mais M.Roussel n’arrive pas. Vous êtes sûrs qu’il n’est pas venu déjà ? et que...Qu’il est revenu par la fenêtre ? Ecoutez, un chef de planning ne peut pas entrer par la fenêtre. Ce serait... On a frappé tout à l’heure On a frappé ? On a frappé et vous n’avez pas dit :"entrez ! Non ! Quelle catastrophe, ah ! c’est que vous n’étiez pas au courant.Vous savez, il y a toujours quelque chose qui cloche. J’avais cru prendre toutes mes précautions. Ah ! non, c’est une catastrophe s’il est venu et s’il est reparti. Oh mon Dieu, jetez un coup d’œil si vous voulez bien, voir s’il y a quelqu’un qui attend derrière la porte.

Hein ? Personne ? Il y a du monde ? C’est vrai ? Eh bien, qu’il entre. Grand Dieu. On a frappé ? Et pourquoi vous ne me l’avez pas dit ? Je vous avais tout expliqué pourtant, qu’il fallait dire "entrez !", qu’il fallait dire tout ça. Vous êtes absolument des Judas hein...(Rires) Ah ! non, c’est pas marrant ça. Si on a frappé, c’est sûrement lui. Pourquoi ? Ben non, s’il est très gentil, il a pu croire qu’on voulait pas le voir ; ça m’embête, ça. Ben, écoutez, si on frappe, vous me prévenez maintenant parce que...Pourtant, ça m’étonne parce que.... J’ai l’oreille extrêmement fine.

Bon, je vais vous raconter un livre qui me paraît curieux, très beau. Très curieux. C’est un livre d’un auteur que je ne connais pas, qui s’appelle Jean-Louis Schaeffer. Le livre s’appelle "l’homme ordinaire du cinéma". Il a paru dans la collection "Cahiers du Cinéma", Gallimard. Et ce livre, je le dis tout de suite, ça nous arrive de rencontrer des livres comme ça. C’est un livre qui est à la fois une espèce de poème. Et on sent que dans ce poème, il y a en même temps des idées extrêmement strictes et rigoureuses. Alors ça arrive ça, alors on a envie de, pleinement envie d’en garder le caractère poétique. Mais on a envie aussi, je ne sais pas, de le décortiquer, d’en arracher là des thèses très fermes, on a envie comme ça et puis de les remettre. Je veux pas dire du tout que le caractère poétique du livre est plaqué. Pas du tout. Non mais un peu, quand un poète est un vrai poète, il tient des propositions magistrales qu’on aimerait bien dégager. Et puis de temps en temps, alors là, c’est au choix de chacun, c’est à votre sentiment. De temps en temps, on se dit : ah ! non. Parce qu’il frôle le précipice des dangers. Mais il se rattrape toujours à temps ; c’est une espèce d’équilibriste.Très curieux. Et moi alors, quitte à détruire l’aspect poétique, hélas ! Je retiens de ce livre trois thèses, je le traduis en thèse, c’est une manie.

Trois thèses que j’essaie pas de rendre plus claires. Il dit : le secret du cinéma - il me semble qu’il dit quelque chose comme ça - c’est que le cinéma, c’est l’image-mouvement ; donc, il prend la question où on la prend aussi. Mais voilà, c’est un mouvement pas ordinaire. Et j’aime bien, il faut maintenir ce « pas ordinaire ». Je ne veux pas dire extraordinaire. C’est un mouvement pas ordinaire. C’est un mouvement pas ordinaire pour un homme ordinaire, d’où le titre :"l’homme ordinaire du cinéma". C’est un mouvement pas ordinaire pour l’homme ordinaire, c’est-à-dire l’homme ordinaire du cinéma. Mais l’homme ordinaire du cinéma n’est peut-être pas l’homme ordinaire, c’est amusant. Et pour exprimer que c’est pas un mouvement ordinaire, il nous dit - là je cite un peu au hasard : "ce n’est pas le mouvement qui frappe d’abord mais l’inquiétude ajoutée à ce mouvement".

Ce n’est pas le mouvement qui frappe d’abord mais l’inquiétude ajoutée à ce mouvement, c’est-à-dire que c’est un mouvement pas ordinaire. Et pourquoi c’est un mouvement pas ordinaire ? Là, il procède par variations, il accumule des choses même en désordre, ça lui est égal de mettre de l’ordre là-dedans. Il dit que c’est un mouvement par exemple qui s’éloigne pas forcément par rapport au spectateur immobile. Tantôt il s’éloigne mais tantôt le spectateur immobile le suit ce mouvement qui pourtant s’éloigne de lui. C’est pas ordinaire, ça ! Je bouge pas et je suis le mouvement. Oui, c’est un mouvement pas ordinaire. Il ne s’éloigne pas du spectateur immobile. Et puis, ajoute-t-il, c’est un mouvement qui a de perpétuelles, qui est inséparable de disproportions dans l’image. Il peut nous présenter comme très gros un mouvement minuscule, comme minuscule un mouvement très gros en perpétuelle disproportion. (coupure) "Démesure des images, bruits de tonnerre des voix, baiser de géant et sourire de nain". Là, je vois pas. Baiser de géant dans un gros plan, je vois bien mais sourire de nain, je vois pas bien là, ce à quoi il pense ; ça ne fait rien. ça fait rien, on va pas.. Bien, vous pourriez continuer comme ça. Il y a quelque chose de pas ordinaire dans l’image-mouvement. L’image-mouvement cinématographique nous donne un mouvement pas ordinaire, c’est-à-dire un mouvement abérrant - ça c’est le premier point tout simple.

Deuxième point : à qui s’adresse ce mouvement abérrant ? Non, j’ajoute pour le premier point, il donne un exemple typique :"la Chienne de Renoir". Vous savez que le héros va tuer la femme mais on assiste pas au meurtre ; suivant une grande technique Renoir, on rentre. La caméra est sortie de la pièce où le meurtre se fait et rentre par la fenêtre où le meurtre est déjà fait. Le commentaire de Schaeffer c’est :"je découvre le forfait accompli lorsque je rentre par la fenêtre. Je suis donc sorti de ce lieu sans garder la mémoire de ma fuite".

Là on voit bien ce qu’il veut dire et il le dit très bien. Je suis sorti de ce lieu et je rentre par la fenêtre sans garder la mémoire de ma fuite. C’est une abérration de mouvement. C’est ça. Voyez ! Où il va glisser à ce premier niveau, Schaeffer, il va en conclure d’une manière qui va nous faire frémir. On est déjà, ça nous plaît. L’image-mouvement la plus simple au cinéma est une abérration par rapport au mouvement. C’est très plaisant, on sent que c’est une idée forte même si elle est simple. Il dit : "c’est parce que finalement" et ça revient à dire,"c’est pas le mouvement qui frappe d’abord mais l’inquiétude ajoutée au mouvement, c’est que ce mouvement est toujours celui d’un crime".

Et, là aussi, tout comme Pasolini avait besoin d’introduire le thème de la mort, il éprouve le besoin d’introduire l’idée d’un crime primitif. On dit ça y est, c’est toute la psychanalyse qui rapplique, c’est la scène primitive puisque la grande idée de la psychanalyse sur le cinéma, c’est que, il n’y a qu’un seul film et que, à travers tous les films, le cinéma n’a jamais fait que tourner éternellement la scène primitive. Comme ça c’est plus simple, n’est-ce pas ? Alors là, c’est la scène primitive version cowboy, version tout ce que vous voulez,version...De toute manière,c’est la scène primitive,c’est pas compliqué. Euh ! bon. On se dit, on n’est pas loin de mêler le cinéma, dire que l’image-mouvement est fondamentalement celle d’un crime au point que Schaeffer va jusqu’à dire et ce serait ça l’inquiétude qui s’ajoute au mouvement ; "crime à la fois perpétré sur personne et constamment suspendu". Une espèce de crime à l’état pur qui serait comme l’acte de naissance du cinéma. Là aussi,c’est une manière de relier l’image cinématographique à la mort. Bon,eh ! ben,ça peut se dire sûrement,ça peut se dire mais il me semble que ça nous suffisait, il nous en donne trop là. Nous, ça nous suffisait. On était rudement contents de savoir. Me paraît beaucoup plus important que l’idée d’un crime, c’est l’idée d’une abérration du mouvement. Que le mouvement, que dans l’image-mouvement, le cinéma est un mouvement abérrant.

D’où, seconde thèse, je dirais de Schaeffer, à qui s’adresse ce mouvement pas ordinaire ? Si l’image-mouvement est l’image d’un mouvement pas ordinaire,à qui s’adresse ce mouvement pas ordinaire ? A un spectateur, oui, qui sera l’homme ordinaire du cinéma. Le mouvement pas ordinaire de l’image-mouvement du cinéma puisque l’image-mouvement est l’image ordinaire mais l’image-mouvement est l’image d’un mouvement pas ordinaire, elle s’adresse à un homme ordinaire qui est l’homme ordinaire du cinéma. Mais, qu’est-ce que l’homme ordinaire du cinéma ? ça n’est ni vous ni moi. Ce n’est pas une moyenne, c’est pas non plus un spectateur idéal c’est quelque chose comme l’homme sans qualités de Musil ? Peut-être, par certains points dans le texte de Schaeffer, il ne fait pas le rapprochement bien sûr mais son homme ordinaire est singulièrement proche de l’homme sans qualité. Vous voyez, les deux thèses s’enchaînent très bien à travers l’atmosphère poétique. Poésie et rigueur. Encore une fois, c’est normal que le mouvement, que ce qu’il y a de pas ordinaire, le mouvement pas ordinaire l’image-mouvement s’adresse à l’homme ordinaire du cinéma. Il nous dit : qu’est-ce que c’est ? Est-ce que c’est un enfant ? est-ce que c’est l’enfant en nous ? Et là encore,on refrémit pour la seconde fois.On se dit :oh là là,c’est encore la scène primitive qui revient,est-ce que c’est l’enfant en nous ? Bien sûr, pas l’enfant que nous avons été mais l’enfant-fantasme. Il frôlera toujours ce danger mais parfois il parlera infiniment mieux et plus beau. Il dira, non, c’est la levée en nous, l’homme ordinaire du cinéma, c’est la levée en nous d’une existence fantômale. C’est un homme que nous avons derrière la tête. D’une certaine manière, c’est un mannequin qui fait partie de l’agencement cinématographique. C’est un second corps - là j’emploie,je cite exactement - "c’est un second corps dans l’ignorance duquel nous vivons. C’est un ludion en nous".

Qu’est-ce que ça veut dire tout ça, cet homme que nous avons derrière la tête ? L’homme ordinaire du cinéma auquel s’adressent les caractères pas ordinaires du mouvement dans l’image-mouvement. Il devient plus précis. Il dit : c’est que nous spectateurs, devant l’image cinématographique et à cause des abérrations, nous avons perdu notre centre de gravité. Ou du moins, ce que nous voyons ne renvoie plus à notre centre de gravité. Vous voyez ce que ça veut dire en effet. Quand je vois quelque chose, par exemple la table de loin, dans ma perception naturelle, elle renvoie bien à mon centre de gravité. C’est parce qu’elle renvoie à mon centre de gravité que je peux concevoir que je peux faire le tour pour vérifier que c’est bien une table de telle forme et de telle couleur. C’est mon centre de gravité qui rend possible mon déplacement et mon exploration de la perception naturelle. Devant l’image-cinéma d’après l’analyse de Schaeffer, j’ai perdu mon centre de gravité au sens que j’ai rien à en faire pour appréhender l’image-mouvement. Il invoque un texte splendide de Kafka qui ne disait pas ça à propos du cinéma :« je n’ai plus le corps qui va avec le centre de gravité. Alors,l e centre s’enfonce en moi comme une balle de fusil ». C’est beau, je n’ai plus le corps qui va avec le centre de gravité, alors ce centre s’enfonce en moi comme une balle de fusil, c’est-à-dire que je n’ai plus rien à faire avec mon centre de gravité. En revanche, il y a des centres de gravité à l’extérieur.

-  Vous laissez entrer surtout,vous laissez bien entrer.

Oh, Jalila, entre, entre. Si, je m’interromps...Bien. Je vais aller voir la salle....

C’est un palais où nous allons connaîttre le bonheur. Imaginez une petite cour avec, là je ne vais pas exagérer, au milieu une touffe d’herbe. Rires...Petite cour carrée, autour des bâtiments à étage unique, à rez-de-chaussée. Tous très coquets d’ocre et de vert, je crois, le souvenir transforme. Porte qui s’ouvre à l’extérieur, ce qui pour tout accident de feu, sauve notre vie. Parce que tous ceux qui resteront ici, premier jour d’incendie, ils sont foutus vu que les portes ouvrent de l’intérieur et des portes qui ouvrent de l’intérieur créent la panique et que c’est illégal dans tout chose publique. Donc tout ça, c’est illégal. Je vais faire un procès à l’étage pour que Mme Rondeau vire les portes qui sont inadmissibles. Là-dessus, la salle est nettement plus grande qu’ici. Elle est plus basse de plafond, ce qui favorise la concentration. Elle a de grandes baies en double fenêtre, pas de problème de bruit. Pas de problème de chauffage. C’est là que nous serons vraiment bien et si on nous chasse de là, nous nous installons dans le parking. Voilà !
-  Et, c’est la salle quoi ? - H ? - Tout est prévu, je ferai des arrêts toutes les heures. Les fumeurs allant fumer autour de la touffe d’herbe en rond et enfin on connaîtra des jours heureux sains et sans surveillance policière autour de nous. Nous serons libres. Le seul problème, c’est de traverser le boulevard. Evidemment parce que, il y a des feux oui mais il y a des camions, il y a tout ça. Enfin ceux qui viendront, faitestrés attention au boulevard. Comment y aller ? T’arrives ici enfin ici, parce que ça tournerait mal si on nous revoit ici, vaut mieux pas. En bas, tu passes par la grande entrée.Tu t’arrêtes au niveau de la plus grande entrée et tu ressors. Tu vois devant toi le passage clouté. Tu traverses le boulevard et juste sur la gauche,des bâtiments tellement charmants qu’on les identifie tout de suite, genre Sécurité Sociale, genre comme ça, enfin préfabriqués, des pavés préfabriqués. C’est là, tu entres et tu te trouves immédiatement devant des salles absolument studieuses où personne ne traîne. C’est pas comme dans le hall d’en bas où il y a des fainéants et c’est une atmosphère qui vous prend tout de suite de travail et de sérénité. Génial ! Et, dire que ça existait et qu’on ne le savait pas. Qu’est-ce que c’est que ça ? Ah ! j’oubliais : H comme une hache, H je crois, 5. J’en suis absolument pas sûr mais enfin on se retrouvera dans la cour, l’important c’est la petite cour carrée. Voilà. Oh, c’est bien.

Je voulais terminer cette histoire de Schaeffer. Vous voyez pourquoi il dit que l’homme ordinaire du cinéma, c’est pas un homme-moyen, c’est pas un homme idéal même ; c’est ben oui, sinon l’homme sans qualité, c’est l’homme sans centre de gravité. Pourquoi ? Parce qu’il se trouve devant ses images pas ordinaires qui sont sans pesanteur. Il les définira comme, alors là toujours très poétiquement, il les définira... J’ai perdu. Granit mince gesticulant. Monde sans dehors euh, je ne sais plus quoi. "Ces images, les images-mouvements du cinéma ne s’ajoutent à aucune perception passée ou possible, elles la remplacent". Alors ce monde autonome, ce monde d’images-mouvements qui est autonome précisément par les anomalies, par les abérrations de mouvements qu’il nous présente, d’où vient-il ? Ou c’était ça ?"Il s’adresse à quoi ou à qui en nous, c’est-à-dire à quel autre centre de gravité ?" C’est-à-dire,c’est comme si notre centre de gravité qui allait répondre à ces images-mouvements n’était plus le centre de gravité de notre corps. « Je n’ai plus le corps qui va avec le centre de gravité ». Le centre de gravité est ailleurs, lui-même : il est flottant, hors de moi suivant le défilé des images-mouvements et c’est lui qui va définir cet homme ordinaire du cinéma qui à votre choix ou un homme derrière vous ou un homme en vous ; çà c’est le deuxième aspect de l’idée. Vous voyez que là aussi, il a frôlé le thème psychanalytique, le cinéma et l’enfance, tout ça. Seulement,c’est un enfant qui n’est d’aucun âge, dit-il, c’est un enfant monstrueux, c’est un enfant au sens de quelque chose en nous, derrière nous.

Troisième et dernier point qui m’intéresse dans ces thèmes poétiques de Schaeffer,c’est que, bon alors qu’est-ce que c’est que ce lien entre l’image pas ordinaire du cinéma et l’homme ordinaire du cinéma ?
-  Et il répond : c’est le temps. Aller au cinéma, c’est aller dans le temps. « Le cinéma, je cite exactement, est la seule expérience dans laquelle le temps m’est donné comme une perception. » Qu’est-ce que c’est ? Là, à nouveau, ça retombe sur des choses peut-être qui ne nous conviennent plus. ça nous convient très bien. Voyez ce qu’il est en train de dire - ce qui me convient énormément là-dedans - il me semble qu’il dit à peu près ceci :l’image-mouvement au cinéma est telle que vous pouvez en tirer, en déduire une image indirecte du temps. Mais, attention ! - et la thèse de Schaeffer consiste à ajouter ce "mais attention - s’il est vrai que l’image-mouvement cinématographique est telle que vous pouvez en tirer une image indirecte du temps par montage, attention, elle présente aussi des anomalies ou des abérrations qui elles, vous donnent une image-temps directe. C’est comme à travers les anomalies du mouvement dans l’image-mouvement.

L’image-mouvement aurait comme deux aspects,l’image-mouvement du cinéma classique aurait comme deux aspects.

-  En tant que qu’image-mouvement, elle ne peut nous donner qu’une image indirecte du temps par l’intermédiaire du montage.

-  Deuxième aspect : en tant qu’elle nous présente des anomalies ou des abérrations de mouvement,là elle devient capable de nous faire pénétrer dans le temps, c’est-à-dire de nous donner une image-temps directe. Une image-temps directe, ça veut dire que l’homme ordinaire du cinéma entre dans le temps, pénètre dans le temps. C’est une bonne thèse,ça. C’est juste ce qu’il nous fallait. Exemple : un faux raccord de Dreyer. Il y a les deux chez Dreyer. Dreyer, il sait faire comme personne un travelling, c’est une image-mouvement d’un certain type. Cette fois,le mouvement est un mouvement d’appareil mais une image-mouvement. Il y a un montage chez Dreyer, montage qui nous donnera une image indirecte du temps, ça empêche pas que chez Dreyer constamment procédaient de faux raccords. Qu’est-ce que c’est que ces airs ? Un faux raccord, c’est typiquement une abérration du mouvement. L’image-mouvement continue à être une image-mouvement mais elle est saisie et nous la saisissons sous cet aspect quand nous comprenons et quand nous appréhendons le faux raccord. Elle est une abérration par rapport au mouvement, c’est pas une abérration par rapport à l’image-mouvement, c’est une abérration par rapport au mouvement. Encore une fois, comme dit Narboni, où est passée Gertrude ? Elle est passée dans la cohue, elle est passée dans le faux raccord. C’est quelque chose, passer dans le faux raccord. Voilà,voilà une abérration du mouvement. Vous voyez, l’image-mouvement donc si je la prends en tant que telle comme image-mouvement et il faut - il y a une tout autre dimension, je la prends en tant que telle, je dois la prendre en tant que telle - eh ! ben je ferai du montage sur les images-mouvements et j’obtiendrai une image indirecte du temps. Mais il se peut aussi que mon montage introduise délibérément de véritables abérrations par rapport au mouvement.

C’est toujours l’image-mouvement mais saisie cette fois-ci en fonction des abérrations du mouvement qu’elle présente. Et à mon avis, toute image-mouvement chez les grands auteurs classiques et de l’avant-guerre a ces deux aspects, plus ou moins. Chez Dreyer, à un niveau fantastique. Au niveau de l’image-mouvement où l’image-mouvement présente des abérrations du mouvement, c’est comme si nous étions aspirés par le temps. Nous entrons dans le temps, nous éprouvons une image-temps directe. Je dis que ça soit exactement ce que dit Schaeffer mais, en tout cas, il me semble que ça se tire de ce qu’il dit. C’est pourquoi, je suis en droit de maintenir ces deux conclusions : comment définir le cinéma classique du coup, non... ? Comment définir le cinéma devenu classique ? Encore une fois, comprenez à quel point la révolution du parlant c’est pas une révolution, c’est pas ça, ça passe par là. Le parlant, il aurait une importance énorme s’il entraîne une redistribution des éléments de l’image mais c’est pas en tant que parlant. Ce qu’il faut dire, c’est ce qui pourrait nous permettre de définir un cinéma devenu classique et qui correspond à en gros jusqu’à l’avant-guerre, hormis le cas très spécial d’Ozu que nous verrons,c’est les deux caractères suivants :

- 1er caractère : l’image-mouvement est prémière par rapport au temps si bien que, à partir des images-mouvements, dérive par l’intermédiaire du montage, une image du temps qui ne peut être qu’une image indirecte du temps.

- 2ème conclusion : toutefois et constamment, les images-mouvements du cinéma classique présentent des abérrations ; c’est pour cela qu’ils expérimentent dans tous les sens les possibilités du cinéma y compris les possibilités de laboratoire. Et ces abérrations du mouvement, elles, nous font pénétrer ou presque pénétrer, dans une image-temps qui serait directe. Mais, toujours pour aller par trois dans mes conclusions, mais attention hélas, le premier aspect....

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