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82- 19/03/1985 - 2

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Gilles Deleuze - cinéma et pensée cours 82 du 19/03/1985-2 transcription : Savino Claudio Reggente


DELEUZE : C’est très délicat tout ça. Vous comprenez, pourquoi je vous disais ça ? C’est quelqu’un qui m’avait demandé quelque chose sur Pierre Perrault. ah, tiens, c’était... ah, voilà la réponse courte et brève. Ceci dit, on en donne souvent dans les cinémathèques, du Perrault, il faut aller voir. C’est splendide ! j’aurai l’occasion, d’ailleurs, d’en parler si je traîne pas trop, pas cette fois-ci mais d’autres fois. Moi, c’est un des types que j’admire le plus, actuellement. C’est pas des tout jeunes, je vous parle pas des tout jeunes, mais les tout jeunes, hélas, je ne les connais pas assez. Pierre Perrault c’est un monsieur qui doit avoir dans les soixante cinq ans.

ETUDIANTE : ...du cinéma français parce que j’ai vu un cycle « L’histoire du peuple palestinien »

D : ouais

E : qui disait bien que l’État d’Israël, bon au moins dans ce livre que j’ai lu, est né dans le XX siècle

D : oui

E : le peuple israélien attend que ça

D : oui

E : alors on a fait une lettre en Angleterre, et voilà on a fait la constitution du peuple israélien. Alors maintenant vous dites que le peuple palestinien se met en ( ?) c’est-à-dire que à exister en quelque façon

D : comme peuple

E : comme peuple oui. je sais pas si l’État d’Israël apparaît aujourd’hui dans le XX siècle, ça veut dire que déjà il y avait un peuple qui n’avait pas dit « j’existe » en tant que discours mais..

D : non, mais pardon, je ne dis pas que les palestiniens soient les premiers à faire cette opération de la constitution d’un peuple qui passe par la validation. Il était évident que par exemple - je sais pas si je comprends bien votre remarque - mais il est bien évident que dans de toutes autres circonstances - il y a même un film qui sera pour nous essentiel, quand le moment sera venu, si on y arrive - c’est "Moïse et Aaron" de Straub, c’est dans quelles conditions le peuple juif, s’est lui-même constitué comme peuple. Je ne réponds peut être pas à votre remarque ?

E : c’est pas... vous dites qu’il y a le peuple palestinien avant de ..

D : oui ... mais vous ne mettez pas les nuances ! mais comprenez, c’est tellement difficile tout ça. Ce n’est pas que vous ne compreniez pas, vous comprenez trop à la lettre, alors moi je suis forcé pour simplifier, pour aller plus vite. Il faudrait chaque fois que vous corrigiez - je veux pas dire que le peuple palestinien n’existait pas, et encore, peut être que je veux dire ça. Je sais pas bien, vous comprenez ? "Peuple" a, mettons ça a beaucoup de sens. Alors il faudrait là-dessus, du coup ça nous renverrait, j’en aurai pour une demi-heure, distinguer quatre ou cinq sens du mot peuple. Et je dirais il existait comme peuple en ce sens-là, mais il existait pas comme peuple en ce sens-ci. D’une certaine manière, c’est pour ça que il faut que - je compte sur vous, chaque fois votre travail à vous, c’est relativiser, c’est introduire des nuances, que moi je peux pas introduire, parler tout haut, je peux pas introduire. Il y a des nuances que je peux pas introduire. Il faut que j’y aille à coup de serpe, moi. C’est à vous de faire les arrondis, de faire les arrangements.

Et alors, bien sûr qu’il existait comme peuple mais, mais de quelle manière ? Il existait comme ensemble spécifique de lignage. Oui, si on me dit : c’est déjà un peuple en un sens spécifique de lignage. Je dirais, bon, d’accord, il existait en ce sens. Il existait comme exploitant des terres, il existait donc, je dirais, comme "territorialisé". Bon, mais il n’avait pas la propriété de ces terres, donc il n’existait pas comme peuple. Qu’est-ce que c’est un peuple qui est, qui a comme statut d’être métayers, même pas fermiers. Et les titres de propriété, bah, les palestiniens ils savaient même pas ce que c’étaient ! C’est-à-dire ils existaient mais sur le papier - ce qui a permis aux turcs de vendre beaucoup de terres aux sionistes. Là-dessus les palestiniens apprenaient que - ils ne comprenaient même pas ce que ça voulait dire - pour eux la terre c’était le propriété du lignage. Là-dessus ils apprenaient que la terre c’était pas du tout la propriété du lignage, que c’était la propriété du bout de papier qui était en Turquie, et que au nom de ça, on les vidaient. Ils étaient, si vous me permettez cette expression, à la lettre, ils étaient déterritorialisés. Au moment où ils étaient déterritorialisés, c’est-à-dire, perdaient la qualité fondamentale d’un peuple : "être territorialisés", ils se constituaient comme peuple (coupure)

... si bien qu’ils allaient s’inventer comme peuple. Et au moment où on leur disait : « vous n’êtes pas des palestiniens, vous n’êtes que des arabes de Palestine », ils pouvaient répondre : « palestiniens nous sommes devenus ». Et pourtant ils l’étaient déjà. c’est ce que dit Perrault très bien. Il s’agit, moi je dis, il s’agit d’inventer un peuple qui manque. Perrault, il dit mieux : « il s’agit d’inventer un peuple qui existe déjà ». Et vous comprenez, s’il s’agit de l’inventer c’est que d’une certaine manière, il a beau d’exister déjà, il manque d’une certaine manière. Et c’est beau la formule de Perrault, "inventer un peuple qui existe déjà". Enfin, c’est très compliqué tout ça

E : non, mais maintenant c’est clair

D : maintenant c’est clair !

E : oui, oui D : Parfait. Il y avait quelqu’un qui, oui

E : [intervention inaudible] je voulais dire que, bon, si on pouvait demander à un arabe (... ?) de l’expulser mais je comprend quand même qu’il y avait dans un sens moins linguistique quand même une ( ?) entre 1948 où les palestiniens étaient des arabes et se considéraient comme des arabes et puis plus tard quand s’est constitué un peuple qui se pensait peuple.

D : Mais là je ne crois pas que je serai de votre avis, mais il faut pas trop continuer là-dessus parce que je ne serai pas de votre avis. Parce que pour moi, comme pour beaucoup de palestiniens, il n’y a pas eu deux guerres, il y eu trois guerres. Et la première guerre est complètement court-circuitée, c’est-à-dire qu’on nie généralement, et on nie autour des raisons très très précises. C’est une guerre que les palestiniens ont mené tous seuls sous la direction du grand mufti et elle s’est enchaînée avec la seconde guerre et la Jordanie. Mais il y eu une première période où la guerre était uniquement entre palestiniens et israéliens, plus anglais. Et donc, les anglais, c’est complexe. Si bien que dès le début, ils se sont absolument, avant tout dans cette première guerre, ils se sont vécus comme en train de se constituer comme palestiniens. C’est pas après qu’ils sont vécus comme palestiniens, ils se sont vécus, c’est dans cette guerre menée par le mufti, que

E : mais en ce moment c’était que une guerre entre les juifs et les arabes.

D : non ! il n’y avait que les palestiniens qui se battaient, c’était pas une guerre entre les juifs et les arabes, c’était une guerre entre les juifs qui établissaient l’État sioniste, et les palestiniens un point, c’est tout. Les arabes sont venus ensuite avec les jordaniens se mêler à cette guerre, et il y a eu une - là j’ai aucune mémoire des dates - mais il y a eu une période très très longue où il y a eu résistance palestinienne uniquement, uniquement. Or ça, ce long moment , il s’est noyé dans l’idée d’une guerre précisément là, ce que vous dites, je crois - c’est pas un reproche - répète la formule toute faite, à mon avis, fausse historiquement. Je ne dis pas que j’ai raison, et c’est très important parce que il était très important pour les israéliens, justement, dans leur idée qu’il fallait surtout nier qu’il y ait eu des palestiniens. Nier l’existence des palestiniens, dans cette entreprise, il importait beaucoup de nier qu’il y a eu une première période où les ennemis en présence étaient seulement les sionistes et les palestiniens, mais pas du tout les autres arabes. Pas du tout ! Si vous connaissez, là, il suffit de se reporter aux dates mêmes : il y a eu tout le mouvement de la résistance qui se réclamait du grand mufti, et qui a été très, très curieux et qui à mon avis a été un des moments principaux dans la constitution des palestiniens comme peuple. Donc c’est pas "après que", c’est en ce moment là, je crois. Voyez vous-mêmes ( ), voyez vous-mêmes

Comtesse : [intervention inaudible] Jean Rouch, dans le sens que dans les films que j’ai vu de Jean Rouch, il n’y a pas simplement une narration, une narration qui en découlerait, même si la narration est relative, à travers la série des films de Jean Rouch, il essaie, dans son espace unique à lui, de casser quelque chose qui est entre les images et justement la narration, même relative, et on peut dire que, par exemple, le premier film de Jean Rouch Le [ ?], c’est un film de 1974 où il a fait un retour à l’Afrique, le dernier film africain, quelques soit la série du film, il casse (.... )dans un espace unique entre les images et la narration, un système, que l’on peut appeler un système de langage, qui peut être un autre statut que celui-ci que tu donnes ( ?) dégager une narration, et le système de langage est toujours un système à trois différences. Par exemple, quel que soit le film, on voit des individus, disons, pris dans ce système de langage, la première différence c’est, toujours la différence sacrée, religieuse entre la vie et la mort, une première différence. La deuxième différence, c’est ce qu’on peut appeler la différence "extrait de filiation" qui passe par exemple dans les îles de l’eau à travers le rythme de la circoncision( ?) différence extrait d’une filiation. Et la troisième différence, c’est la différence hiérarchique, subordinative des hommes et de femmes à travers une division, tout à fait réglée, de classe, de rôle, de pulsion., de statut et d’espace etc. Et ces trois différences, ces trois différences différence-sacrée vie-mort, différence extrait d’une filiation, différence hiérarchique entre hommes et femmes, on peut dire que c’est un système de langage qui, justement, détermine les individus et que la question que j’aimerai poser à partir de là : est-que se fictionner, est-ce que fictionner, est-ce que ça ébranle vraiment ce système de langage que l’espace unique de la série des films ou bien est-ce que c’est une façon tout simplement de la reproduire à travers, justement, un écart, un écart de vue par rapport à ce système que peut-être est lui-même un système d’écarts.

D : Tu comprends, tu me dis, si je résume ton intervention très intéressante, tu me dis : il y a d’autres aspects de Rouch. Évidemment, dans celui-ci sur lequel j’insiste, j’ai pas prétendu que résidaient tous les aspects de l’oeuvre de Rouch. Deuxième point, tu me dis les autres aspects que toi tu dégages, sont plus profonds que le tien. Là, je te saute dans le bras, je te reconnais ! Et tu me dis, ce que je dégage moi, attention, ne se laisse pas ramener au processus langagier de la sémio-critique. J’en ne suis pas sûr parce que je m’inquiète lorsque tu as parlé des écarts, qui sont évidemment pas des écarts de mouvement dans ton esprit, et qui me paraissent être des écarts tout à fait de type langagier, au sens où les linguistes parlent d’écart. Mais enfin même si c’était pas ça, je vais te dire, j’ai bien écouté, moi je crois - ça devient comme une bataille d’enfance, si bien qu’il n’y a pas lieu de la poursuivre - tu pourras toujours me dire les aspects que je viens de dire là - je ai bien reconnus tes thèmes favoris - et bien ton acte de fictionner est subordonné à ces aspects. Moi je te dirais j’ai pas l’impression, j’ai impression que c’est l’inverse, j’ai l’impression que tout ce que tu as dit est pour moi très intéressant mais moins important que cet acte fondamental du cinéma, encore une fois du" cinéma vérité", qui consiste à saisir le flagrant, le passage à la fiction, à savoir lorsque que quelqu’un se met à fictionner, parce que lorsque quelqu’un se met à fabuler, c’est la seule manière - vous comprenez, ce que ça veut dire, c’est pour ça que ça me parait important encore une fois :
-  c’est la seule manière de ne pas reproduire le discours des maîtres ou des colonisateurs. Lorsque, c’est là où il me semble que Perrault est très - c’est pour ça que ce pour moi l’acte fondamental.

Alors ce qui serait intéressant c’est que oui, il y a un acte de langage, dans la fabulation il y a un acte de langage - mais ça on verra lequel, je peux pas dire tout à la fois - alors toi c’est que tu indique c’est d’accord, bon, c’est une voie, il me paraît relativement proche d’une sémio-critique, même si tu faisais une sémio-critique originale, t’en as parfaitement le droit, mais je crois une fois de plus au point où l’on est, on ne peut que se dire « ah bah non, c’est moi qui a raison, c’est moi qui a raison », ça t’intéresses pas plus que moi, j’espère, alors c’est deux voies, tu as ajouté, tu a démontré, mais moi je ne suis pas quand même sûr que çà aille de soi et que l’acte de fictionner dont je parle soit subordonné aux aspects que tu appelles plus profonds

Comtesse : ...

D : Non, écoute là je te dis non, ça c’est ton argument favori, c’est dans les films ça y est, c’est l’argument stalinien qui me dégoûte. Bah, non arrête écoute parce que du coup, on est en retard.

Comtesse : comment savoir

D : Il me fait le coup chaque fois, j’en peux plus moi. ça fait dix-ans !

Comtesse : ... il se fictionne comme un jaguar, comme un animal .il se fictionne et lors qu’il revient au village qu’est-ce qu’il dit maintenant, maintenant qu’il est devenu la gloire de grande ville, qu’est-ce qu’il dit à la fille, à la jeune fille du village, il lui dit quelque chose qui appartient, c’est un énoncé du langage ou un énoncé de ce système de différences, dont je parle, il lui dit pas « je vais me marier avec toi, je vais me marier avec toi », il lui dit « je te marrie » ! ça c’est dingue, essayez d’entendre ça !

D : Écoute, tu as le génie de joindre des choses relativement intéressants dans ce que tu dis à des propositions parfaitement désagréables pour tout le monde. Tu prends les gens pour des crétins toujours, c’est ton seul tort, tu prends les gens pour des crétins, alors que tu termines une intervention : « essayez d’entendre ça ! » Moi je t’assure, j’oserais pas parler aux gens comme tu parles ; j’oserais pas, j’ai jamais parlé un étudiant « essayez d’entendre ça ! », mais tu te rends compte, mais tu te prends pour quoi ? tu te prends pour quoi ? Tu oses terminer quelque chose en disant « essayez de comprendre », essayez d’entendre la profondeur insondable de ce que je viens de dire ! Non, ça va pas ! je n’en peux plus, repos ! Cinq minutes de repos !

Gilles Deleuze : Mais si le mouvement est la donnée immédiate de l’image, il n’y a pas de fait de la narration. La narration découle d’un procès particulier qu’il faudra appeler le procès de spécification des images, c’est-à-dire la manière dont l’image-mouvement se spécifie en un certain nombre de types d’images, la manière dont l’image-temps se spécifie en un certain nombre de types d’images. Voilà pour le premier point.

Je passe au second point.
-  Qu’est-ce que peut vouloir dire « l’image cinématographique est un énoncé, ou l’équivalent d’un énoncé analogique », c’est-à-dire opérant par ressemblance ? Cela suppose évidemment que l’image analogique, et le texte de Metz le confirme, que l’image analogique est rapportée par la ressemblance à un objet qui est son référent, comment on dit. Mon point de vue est très simple et je le donne comme proposition générale donc très obscure à première vue : ce serait vrai précisément si l’on pouvait faire la mise entre parenthèses du mouvement, si l’on pouvait faire la mise entre parenthèses du mouvement dans l’image, alors oui, l’image pourrait être considérée comme un énoncé analogique se rapportant à ressemblance, à un objet qui serait son référent. Mais le mouvement a pour propriété de rendre indiscernable l’image et son objet. On me dira « alors c’est propre au cinéma ». Non, c’est pas propre au cinéma. Je dirais exactement la même chose dans d’autres conditions de la peinture. Je reviens toujours à cette histoire : peut-on dire que la peinture dite classique est figurative ? Si on peut le dire, ça revient à dire « le tableau est un énoncé analogique qui se rapporte par ressemblance à un objet qui est son référent ». Tout le monde sait qu’il n’en est pas ainsi. Pourquoi ? Parce que la peinture figurative ou non, ne procède pas par ressemblance ; la peinture, qu’elle soit figurative ou qu’elle ne soit pas figurative, procède par modulation. Modulation, tantôt modulation de la lumière, tantôt modulation de la couleur, tantôt les deux.

Je dirais de la modulation, exactement ce que je disais du mouvement, à savoir que la modulation, comme le mouvement, et c’est pas étonnant, suffisent à rendre indiscernable l’image et son objet. Ce qui est tout à fait normal puisque le cinéma ne procède pas seulement par images-mouvement mais que, font partie du mouvement cinématographique et la modulation de lumière, et la modulation des couleurs, lorsque les couleurs sont employées. Et les années précédentes nous avons étudié les modulations de la lumière qui peuvent être très différentes, par exemple dans l’expressionnisme allemand, dans l’école française d’avant-guerre ou même la modulation de la couleur chez des auteurs comme, des auteurs grands coloristes du types Minelli ou du type Antonioni.

Bon, alors j’en suis là, vous voyez que c’est pour les mêmes raisons, je veux dire : si ce que je dis a un sens, c’est évidemment pour les même raisons que la sémio-critique a mis entre parenthèses le mouvement comme donnée immédiate de l’image cinématographique et a pu conclure que l’image cinématographique était assimilable à un énoncé par analogie, car si vous réintroduisez le mouvement dans l’image, vous voyez que le mouvement dans l’image rend indiscernable l’image et son objet. Qu’est-ce que ça veut dire alors ? et qu’est-ce que c’est cette indiscernabilité de l’image et de l’objet, du point de vue de l’image cinématographique ? Voilà que Pasolini nous dit, et on revient à une thèse aussi bizarre de Pasolini, voilà que Pasolini nous dit : l’objet est exactement une partie de l’image. Et il ne nous dit pas seulement « l’objet est une partie de l’image ». Voyez, il en a déjà contre l’idée d’image- énoncé analogique. L’objet est une partie de l’image. Pourquoi ? Parce que. Bien plus, l’objet est la seconde articulation de l’image. Ça, du coup, ça devient très important, pourquoi ? En nous disant « l’objet est la seconde articulation de l’image », il nous dit « l’objet est l’équivalent du phonème ». Vous vous rappelez : le phonème c’était la seconde articulation de la langue. Il ajoute : quelle est la première articulation ? la première articulation c’est le plan. Le plan c’est l’équivalent du monème, l’objet, l’objet quoi ? et bien l’objet cadré, l’objet cadré dans le plan.
-  Le plan c’est l’équivalent du monème
-  et l’objet cadré dans le plan, c’est l’équivalent du phonème.

Le cinéma a deux articulations, ce qui revient à dire quoi ? - vous voyez en quoi c’est, là aussi, il faut que vous ajoutiez toutes les nuances, en même temps que vous m’écoutez - ce que veut dire d’abord, « le cinéma est une langue » ; on a vu en effet que la double articulation définissait la langue, ce qui veut dire dès lors qu’il veut aller plus loin que la sémio-critique en apparence sur le terrain même de la sémio-critique. La sémio-critique nous disait « le cinéma n’est pas une langue car il n’y a pas double articulation et seule la double articulation définit la langue. Mais le cinéma c’est un langage », nous disait la sémio-critique. Pourquoi ? parce que l’image cinématographique est soumise à des codes dont en premier lieu la syntagmatique qui définit un processus de langage d’où la formule : « le cinéma n’est pas une langue, c’est un langage ». Il n’a pas de double articulation et il n’est donc pas une langue, il est un langage parce qu’il est soumis à des syntagmes - vous vous rappelez, ça on l’a analysé dans tous les sens.

Alors ça paraît différent la position de Pasolini il dit, tranquillement : « le phonème c’est les objets cadrés dans le plan, les monèmes, ce sont les plans. Le cinéma a deux articulation, le cinéma est une langue ». Immédiatement, c’est en zigzag ce qu’il nous raconte, on bondit, on dit : Pasolini, revient à la vieille thèse dénoncée par la sémio-critique : le cinéma langue universelle, et toute la sémio-critique s’était constituée pour dire « non, le cinéma n’est pas une langue, c’est un langage », - « langage sans langue », disait Metz - et voilà que, comme s’il ignorait tout de cette critique du ciné-langue, Pasolini nous dit calmement, patiemment, le cinéma est une langue. Nouveau code, le cœur des sémioticiens ou bien s’indigne ou bien se moque. Comment peut-il venir à l’idée de Pasolini d’assimiler les objets cadrés dans le plan avec des phonèmes ? Car vous vous rappelez ce que c’est un phonème, je le dis encore une fois pour pas sortir de mon exemple, je dis bien le phonème B, c’est B sur P, mais c’est pas un objet un phonème, ça n’a rien à voir avec un objet. Ça a à voir avec quoi ? bien plus un objet cadré dans le plan ; il s’agit de quoi ? Ou bien c’est l’objet référent, c’est-à-dire l’objet montré, le revolver tel que le montre par ressemblance l’image du revolver. Ou bien...Ça c’est pas le référent : un phonème n’a jamais été l’objet qui sert de référent. Ou bien c’est l’objet en image, l’objet tel qu’il est cadré dans le plan. Et là, c’est ce que les linguistes appelleront : « une portion de signifié » ; jamais un phonème n’a été une portion de signifié, un phonème c’est une unité distinctive sans aucune signification ; c’est une unité distinctive et non pas significative. Alors en aucun sens, l’objet cadré dans le plan ne peut être assimilé à un phonème, semble-t-il. Si bien que Eco, Umberto Eco, je vous disais, se moque beaucoup de Pasolini. Il est très tenace . Pasolini a plus d’un tour dans son sac. Et voilà qui continue, voyez, c’est perpétuellement avec des coudes : « vous voulez pas, vous voulez pas que le cinéma soit une langue ? » Voyez, il s’est servi du thème de la double articulation et voyez comment il procède parce que les textes de Pasolini là dans "les Expériences Hérétiques" sont tellement difficiles que je souhaite vous aider dans une lecture de vous éventuelle. Il se servit du thème de la double articulation pour arriver à dire « et si le cinéma est une langue ? » contre la sémiotique. Et alors, on lui dit « non, mais, tu es bien naïf Pasolini » il répond ! laissez-moi finir, laissez-moi finir c’est une langue mais c’est quoi ? » Il ajoute « oui c’est même la langue de la réalité, c’est la langue de la réalité ».

Ça devient de plus en plus curieux parce qu’il va même jusqu’à dire : « vous, les sémiocriticiens, vous n’avez jamais rien compris à la sémiotique », il est en train de se venger : « vous comprenez pas la sémiocritique, parce que vous comprenez pas la sémiotique car la sémiotique, dit il, c’est "la science de la réalité", la sémiotique c’est la science de la réalité. » Mettons, mettons que ça se vaille, science de la réalité, langage du réel, langage de la réalité. C’est la sémiologie de la réalité qu’il faut entreprendre, voilà le slogan que je me crie à moi-même depuis des mois. Je cherche la citation, la citation sur la science de la réalité : « ce qui n’est pas arbitraire, ce qui n’est pas arbitraire c’est de dire que le cinéma est fondé sur un système de signes, différent du système des langues écrites parlées »c’est-à-dire que le cinéma est une autre langue, ,une autre langue, en effet, tu sais, la langue de la réalité. en quel sens un autre langue ?... Mais non pas une autre langue au sens où le bantou est différent de l’italien, non pas au sens où une langue est différente d’une autre langue, mais au sens où la langue de la réalité est différente de quoi ? est différente du langage. Bon le cinéma c’est la langue de la réalité au sens où la langue de la réalité n’est pas une langue distincte des autres langues, mais une langue différente de tous les langages, qu’ils soient verbaux ou non verbaux.

Là ça se complique de plus en plus, vous vous rappelez la thèse de la sémio-critique : « le cinéma n’est pas une langue, mais c’est un langage, c’est un langage qui, à la fois, n’est pas lui-même un langage verbal mais auquel on peut appliquer certains caractères des langages verbaux, à savoir la syntagmatique ». Pasolini assure sa prise, sa position en nous disant : « le cinéma n’est pas un langage verbal ou non verbal, le cinéma est une langue, mais attention ! ce n’est pas une langue qui diffère d’une autre langue comme l’italien diffère du bantou, c’est une langue qui est une langue qui est la langue de la réalité et qui donc diffère de tout langage verbal ou non verbal ».

On comprend toujours pas ce que dit la thèse mais ( ?) splendide et on voit bien qu’il ne s’agit pas d’un retour. S’il s’agit d’un retour la thèse classique du cinéma langue, langue universelle, ça va être un retour tellement renouvelant et enrichissant. Qu’est ce qu’il veut dire ? Essayons de l’interpréter là librement. Tout ça, tous les textes auxquels je fais allusion sont entre, dans les Expériences Hérétiques dans la traduction française, entre les pages 160-199, 160- 200, vous trouverez tout ça.

Mais je reviens à mon histoire telle qu’on l’a vue, ça fait déjà deux ans, trois ans - j’en sais plus -, à mon histoire de l’image-mouvement. tout va s’illuminer et c’est toujours pour la même raison, c’est parce que la sémio-critique a éliminé le mouvement dans l’image, qu’elle a pu enchaîner avec le langage etc. Si on part de l’image-mouvement, peut être qu’on va s’apercevoir que Pasolini est extrêmement simple et très rigoureux. Le mouvement a deux faces, le mouvement dans l’image a deux faces : d’une part - l’image-mouvement a deux faces
-  d’une part elle exprime un Tout qui change, elle exprime un changement dans un Tout ;
-  d’autre part elle se repartit entre différents objets dont les uns sont dits immobiles et les autres mobiles.

Exemple : « les oiseaux s’envolent », c’est le départ des oiseaux. Donc, c’est le départ des oiseaux, vous êtes dans votre maison et vous dites « les cigognes s’en vont », « vous aviez votre cigogne là, ma cigogne s’en va » : c’est une image-mouvement. Cette image-mouvement a deux faces. Elle exprime un Tout, un Tout qui change. Ce Tout qui change, c’est ce qu’on appelle une variation saisonnière. Elle se repartit entre différents objets dont les uns sont dits mouvements ou mobiles et les autres immobiles. La cheminée où la cigogne avait fait son nid demeure, est immobile, l’oiseau s’en va : il y une répartition de mouvement.

Bien, je dis que toute image-mouvement a ces deux faces, toute image-mouvement est
-  d’une part, tournée vers un Tout dont elle exprime un changement qualitatif : le changement de saison
-  et d’autre part tournée vers des objets dont elle exprime les positions respectives, les mouvements et les immobiles.

J’ajoute : l’image-mouvement est la circulation des deux, des deux niveaux ; j’ai bien deux niveaux, deux niveaux : un niveau où l’image-mouvement implique elle-même deux niveaux, un mouvement par lequel elle est tournée vers le Tout qui change et exprime le changement du Tout - le départ de la cigogne exprime le changement saisonnier - et un autre niveau où elle est tournée vers les objets entre lesquels le mouvement se répartit. J’ai mes deux niveaux, il y a circulation entre les deux, ça veut dire quoi ? ça veut dire que l’image-mouvement ne cesse pas de se différencier d’après les objets entre lesquels le mouvement se repartit, et en même temps de s’intégrer dans le Tout qui change, que l’image exprime.

Peut-être certains entre vous se rappellent, on est restés plusieurs mois là-dessus, il y a longtemps, qu’est-ce que vous voulez de plus ? Remarquez que j’en suis à ma seconde remarque ; ma première remarque était fondée sur la découverte d’un procès propre aux images que j’appelais le procès de spécification : comment une image-mouvement donne lieu à des espèces ? Là, au niveau de ma seconde remarque - et c’est pour insister sur la cohérence de tout ça - je me trouve devant au second procès de l’image-mouvement, procès tout à fait diffèrent que j’appellerais procès de différenciation et d’intégration. Il ne faut surtout pas confondre les deux :
-  le procès de spécification de l’image-mouvement c’est le procès par lequel l’image-mouvement donne lieu à des espèces d’images-mouvement : image-perception, image-action, image-affection.
-  Le procès de différenciation-intégration c’est le procès par lequel l’image-mouvement donne lieu à deux niveaux : l’un défini par les objets entre lesquels le mouvement se repartit, l’autre défini par le changement du Tout que le mouvement exprime.

Parlons crimes, puisque je vous signalais l’utilisation psychanalytique des crimes au cinéma d’après la sémio-critique : un homme entre et fait entrer une femme dans sa chambre, la caméra l’accompagne jusqu’à la porte, la caméra recule, redescend l’escalier, etc.. et cadre la fenêtre du dehors. C’est un mouvement, ce mouvement se repartit entre certains objets dont les uns sont fixes, les autres mobiles. Ce mouvement exprime un Tout qui change ; on n’a pas besoin de nous faire un dessin : entre les deux, la femme a été assassinée. C’est un célèbre travelling de Hitchcock. Mouvement de caméra, le mouvement étant forcément de caméra, il peut être des personnages, il y a toutes les formules que vous voulez. Un autre exemple du même genre, exactement le même d’ailleurs non moins célèbre, Renoir dans "La chienne" et la caméra quitte le couple lorsque l’homme est à bout, est à bout de nerfs et rentre par la fenêtre - dans un travelling fantastique à la Renoir - rentre par la fenêtre pour découvrir le cadavre de la femme dans la chambre. Entre les deux, tout a changé : la femme est morte.

Bien, voilà, qu’est-ce que je veux dire là ? Je dis que l’image-mouvement est donc porteuse non seulement d’un procès de spécification mais d’un procès de différenciation-intégration. Dans ce procès de différenciation-intégration il y a deux niveaux, ce sont les deux articulations de Pasolini. Ces deux articulations consistent en quoi ? Eh bien oui :
-  le plan, l’image-mouvement exprime un Tout qui change - et Pasolini rigole : « laissez-moi appeler ça une unité significative » -, seulement voilà, c’est une unité significative du "réel", unité de l’image et du réel. L’image se fait réalité, dans le cinéma l’image se fait réalité, pour autant que l’image-mouvement exprime le changement d’un Tout. Et d’un.

-  Deuxièmement : l’image-mouvement n’exprime pas le changement d’un Tout, c’est-à-dire ne se fait pas réalité sans se distribuer entre objets, sans se repartir entre objets - c’est la différenciation. C’est la différenciation de l’image-mouvement qui n’a rien à voir avec sa spécification qu’on a vu tout à l’heure, qui est un tout autre procès. Pasolini ajoute : « laissez-moi appeler seconde articulation », ce second aspect par lequel le mouvement ne peut pas exprimer un Tout qui change sans se distribuer entre objets cadrés dans l’image.  Laissez-moi appeler première articulation - pardon, deuxième articulation ce deuxième aspect et laissez-moi dire : le cinéma est une langue ! Oui ! Mais une langue qu’on n’a jamais parlée, une langue qui ne se ramène à aucun langage quel qu’il soit, ni verbal ni non verbal.
-  C’est la langue de la réalité c’est-à-dire c’est le processus par lequel l’image se fait réalité et l’objet se fait image.
-  L’image se fait réalité, c’est la première face de l’image-mouvement ;
-  l’objet se fait image, c’est la deuxième face.

En d’autres termes, le cinéma est la langue de la réalité précisément parce qu’il n’a rien à voir avec un langage, c’est une langue sans langage, verbal ou non verbal. Une langue sans langage verbal ou non verbal qu’est-ce que c’est ? La langue de la réalité. Il parle avec quoi ? il parle avec des objets - et il parle avec des objets parce que l’image même, c’est le réel qui parle par l’objet. [interruption dans l’enregistrement]

...même monème, il avait besoin de tout ça pour arriver, à mon avis, tout mettre en l’air de la thèse « langage sans langue » pour y opposer « langue sans langage ». Et le mouvement de Pasolini est tellement compliqué finalement, il me semble que bizaremment, il se laisse prendre. Des discussions naissent sur Pasolini disant : « ah bah oui, il y a des points où je suis d’accord mais il y a des points où je ne suis pas d’accord », tout ça, mais en fait, il ne s’agit pas de ça. C’est que Pasolini pense vraiment sous un tout autre horizon, absolument sous un tout autre horizon. Il n’est plus, absolument plus question dans sa langue de la réalité, il n’est plus question de processus langagier quelconque. Ni syntagmes ni paradigmes et pourtant il en parlera ! oh, il fera tout, il fera tout. C’est cela qui est bien, seulement tous les codes, tous les codes syntagmatiques, paradigmatiques, il poussera la coquetterie jusqu’à les mettre sous la domination d’un "our code", comme il dit, d’un code d’au-delà des codes, qui précisément consiste à les décoder, à les décodifier.

Alors, c’est beau, c’est une très belle idée,voilà qui nous renvoie à l’idée : Mais si, vous pouvez dire d’une certaine manière que le cinéma est une langue, pas à la manière des premiers cinéastes qui voyaient une langue universelle, c’est-à-dire une langue qui était une langue. Non, c’est plus que ça, c’est encore une fois c’est "la langue de la réalité", c’est la réalité qui parle dans le cinéma. Alors, bon, nous voilà renvoyer à une langue.

Je dirais, j’en tire juste les conclusions : si je ne me trompe pas dans cette interprétation que je vous propose de Pasolini - et aussi vous avez tout droit de penser, à vous de le dire, de penser que je me trompe, c’est pas facile encore une fois - si je ne me trompe pas, notre second point est réglé.

À savoir, je ne vois aucune raison de traiter l’image cinématographique comme l’équivalent d’un énoncé analogique, elle n’est ni un énoncé, ni analogique. Simplement, elle est inséparable d’un procès qui n’est plus celui de la spécification, mais qui est celui de la différentiation et de l’intégration. Et que je peux résumer maintenant de la manière suivante pour réunir tous les procès : les images spécifiées, c’est-à-dire selon leurs trois espèces, les images spécifiées s’enchaînent, mais en s’enchaînant s’intègrent dans un Tout qui ne cesse, de son côté, de se différencier d’après les objets de l’image. J’ai mis à la fois les deux procès de spécification et de différentiation et d’intégration qui sont irréductibles à tout processus langagier.

D’où, troisième et dernier point : si le cinéma est une langue en ce sens, qu’est-ce que ça veut dire une langue ? On revient à notre thème, même du cinéma classique : le cinéma classique qui se réclame avec Eisenstein du monologue intérieur. Mais qu’est-ce que c’est un monologue intérieur par rapport au langage, ? Qu’est-ce que c’est ? Lorsque Eiseinsten nous dit « c’est pas le roman, c’est le cinéma qui est apte à réaliser toute la puissance du monologue intérieur », qu’est-ce que ça veut dire, qu’est-ce que ça peut vouloir dire ? Bien voilà, ça peut vouloir dire bien des choses, c’est notre dernière point.

Donc là, vous oubliez, comme ce point va être encore bien compliqué, j’ai pris tellement de retard cette fois, vous avez, c’est, c’est, c’est la dernière fois où c’est difficile, à partir de la prochaine fois c’est tout facile. Je comptais que ce serait facile aujourd’hui, puis je sais pas ce qui s’est passé,je me suis mis en retard mais après ce point-là, plus de difficultés. Mais celui-là alors, qu’est-ce qu’il est difficile ! je vais vous dire en première réponse, on peut se dire bon, bah, et oui le cinéma c’est pas un langage soit langue de la réalité. Qu’est-ce que c’est ? c’est le monologue intérieur la langue de la réalité ? En fait, mais qu’est-ce que c’est le monologue intérieur ? Première réponse : ce serait une langue primitive, primitive ; Pasolini nous a déjà dit « non ! c’est pas le bantou ! » Est-ce que le bantou est une langue primitive ? Pas sûr, mais en tout cas, non ! Langue primitive où pas primitive, non ! C’est pas une langue primitive. Alors il vaudrait mieux risquer : protolangage, un protolangage, le cinéma comme langue intérieure, comme monologue intérieur ou comme langue de la réalité serait un protolangage.

Et après tout, des contemporains de Eisenstein essayaient dans cette direction. Un protolangage, il faudrait montrer en quoi ça se distingue d’un langage. Il y avaient des linguistes, il y avaient déjà des linguistes - ils sont pas nés de -, il y avaient déjà des linguistes et ces linguistes ont été assez loin, et" Les cahiers du cinéma" ont publié leurs textes, ont publié une partie des textes, du numéro 220-221, notamment, de deux linguistes importants, soviétiques, un qui s’appelait Eikhenbaum- vous l’écrivez comme vous voulez, au hasard, vous tomberez toujours juste puisque c’est arbitraire tout ça - et l’autre s’appelait Vigotsky, Vigotsky, V-i-g-o-t-s-k-y. Il tournait autour de, il disait : « c’est très compliqué, attention ! ça veut pas dire qu’on visualise des données linguistiques, non ! C’est plutôt comme s’il y avait des valences linguistiques dans le défilé des images visuelles. Le monologue intérieur, ce serait comme l’enchaînement de valences linguistiques d’après les images visuelles, qui retentissent dans la tête, qui se passent sous nos yeux et retentissent dans notre tête ». Et Vigotsky disait « il faudrait presque, ce serait pas des, ce serait pas phonique », dit Vigotsky, il propose une notion très bizarre de « endophonie » : il y auraient des endophonies liées au défilé des images visuelles, et c’est ça qui constituerait le monologue intérieur ou qui constituerait un espèce de protolangage, dont on aurait l’équivalent non pas chez les bantous mais chez l’enfant. Bon, comme ça ils essayaient de s’en tirer, mais je vais très vite, mais leurs études sont très intéressantes.

Ça va pas, ça va pas, pourquoi ça va pas ? je sais pas, on sent que ça va pas, quoi. Non finalement, ils sont sur quelquechose, je veux dire le problème serait qu’ils nous laissent : quel est le rapport entre le protolangage et le langage. Peut-être que le rapport à chercher n’est pas entre le protolangage et le langage, c’est quoi ? c’est quoi ?

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