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76- 22/01/1985 - 2

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Deleuze- cinéma cours 76 du 22/01/1985 - 2 transcription : Nadia OUIS

Ce cours est, dans sa majeure partie, un exposé de Pascale Criton. Il y a des questions, des réponses, un dialogue qui s’installe entre Gilles Deleuze et les élèves. La transcription est problématique dans la mesure où une bonne part de ce que dit, répond, questionne, G.D., placé loin de l’enregistreur, est dans l’ensemble peu audible.

G.D. : et encore vous n’êtes...(inaudible)

P.C. : Tout à fait un son devient une masse orchestrale, la série ne s’applique pas seulement à la...au traitement des hauteurs.

GD : il peut servir au cas..

P.C. : Il peut s’appliquer au timbre au rythme, au....Et il peut s’appliquer à des façons de faire circuler des règles de composition, qui ne sont pas forcément sur la hauteur des sons. Donc pour moi, ça c’est vraiment un moment crucial pour la musique et pas dans un sens restrictif du tout...

G.D. : Alors le deuxième point : est-ce qu’on peut dire qu’il n’y a plus de ( ?) (inaudible)... P.C : oui G.D. : Ce qui découle presque du premier point (... ?) Non seulement des séries ou entre deux modifications des séries, à l’intérieur des séries (... ?) P.C. : Oui G.D. : sauf des cas où il faut regarder le côté irrationnel( ?)....(inaudible)

P.C. : Oui, ça ouvre d’autres centres positifs, ce ne sont plus les mêmes. Et puis moi j’insiste. Ça a une conséquence formelle puisque Schoenberg l’expliquait bien, que le mouvement tonal était complètement lié à la forme de la musique tonale, que c’était absolument conséquent donc il y a un changement visible de la forme. Mais il y a aussi ce dont j’essaye de parler là : qui est le changement carrément de la façon d’analyser un son et ça c’est....le fait de de prendre toute...de s’occuper plus maintenant à partir de ce moment-là des... il y un gros, il y a une très forte attention sur les conséquences des différents constituants des sons. Si on a plus cette espèce de ligne que sont les lois harmoniques, ça se porte sur autre chose qui se constitue. Donc ce qu’il faudrait, c’est comprendre si on remplace, si on substitue, ou si mettons on ajoute la conception des partielles aux harmoniques, on entre dans un nouveau monde. Mais il faudrait aussi qu’on arrive à tenir compte de ce que c’est que l’analyse spectrale du son qu’on a aujourd’hui. Je crois que ça c’est une chose qui nous aiderait pour ne pas dire : là il y a des harmoniques et là il y a pas d’harmoniques mais dire ce qu’il y a à la place.

GD : Ce que tu me reproches finalement c’est d’être centré uniquement sur la resonnance (inaudible) et que donc plutôt que de dire sérielle, il vaudrait mieux dire ce qu’il y a. Au lieu de dire harmonique il vaudrait mieux dire ce qu’il y a. Alors je voudrais là, en effet, (Inaudible). il faudrait que tu redises (inaudible) m’intéresse beaucoup...

(Coupure dans l’enregistrement.)

P.C. : Cas fondamental : c’est-à-dire une note heurtée, un son heurté, donner la hauteur d’un son, c’est-à-dire que s’il y a séries d’harmoniques qui sont aussi constituantes de ce son, ou qui se déploient dans sa durée, le son fondamental donnait la fréquence. Or aujourd’hui on sait que la hauteur d’un son, on peut très bien retirer le son fondamental, on peut retirer des tranches entières d’harmoniques. Il suffit qu’il y ait le rapport, l’écartement entre deux, entre trois harmoniques pour qu’on ait la hauteur. On n’est pas, il n’y a plus donc, le sentiment, d’abord de l’étagement logique, comme ça, progressif, fondamental, des émanations du fondamental. Mais un constituant qui se fait en terme de rapport simultané. Je sais pas si c’est compréhensible ? G.D. : (inaudible) P.C. : Non parce que c’est même dur à concevoir. Et donc de ce fait, les sons sont constitués par des choses qui ne sont plus forcément majeures, c’est pas une chose qu’on croit...C’est une multitude de choses qui constituent un son et non pas une donnée dominante. On s’est aperçu que de ces idées dominantes, on pouvait se passer et garder le sentiment, la sensation du résultat.

GD : ...Là maintenant du son comme concept.

P.C. : Oui, oui, oui.

GD : (inaudible) proposition..

P.C. : Alors un partiel, les partiels, c’est ce qui constitue une même hauteur, une même fréquence va changer de couleur, de timbre, de... Passer à ce qui peut-être aigu, nasillard, rond - par exemple sur un son de piano, ce qui fait que le piano sonne rond quand il est bien accordé, ce sont les partiels. Ce sont des fréquences comme les harmoniques mais qui ne se situent pas dans le rapport des nombres entiers de la période, de la vibration. Mais ce sont des constituants tout aussi...Voilà.

GD : (Inaudible)tout aussi important mais à la limite on peut dire mais ce ne sont pas des harmoniques.

P.C. : Par exemple, si on divise la vibration d’une corde en fuseaux, c’est-à-dire en section aliquote, on a des partiels. Cette division-là de la vibration donne ce qu’on appelle les partiels.

GD : Ça rentre dans les composantes du tempérament ?

P.C. : Non, non, pas du tempérament, c’est une composante des instruments. Par exemple certains instruments comme une... qui sont percutés, n’ont pas de hauteur, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas de hauteur unie, les partiels parfois refusent de plus de fusionner, de se mélanger, et on entend, si une oreille est pas habituée, elle entend alternativement une hauteur, une autre, une autre, une autre, X, enfin, de trois mais elle n’arrive pas à faire parce qu’il n’y a pas de consonance, elle n’arrive pas à faire un synthèse de hauteur. Donc les partiels - par exemple - peuvent produire ça qu’à coup de gong, ou à coup de cloches qui sont vraiment des instruments à partiels, ont des hauteurs multiples et qui ne se résolvent pas les une les autres. Qui restent présentes et indépendantes.

GD : C’est bien ça, oui

P.C. : parce que ça nous éloigne...

GD : Et....(inaudible) est-ce que tu peux nous redire un peu...(inaudible) sur l’histoire des rapports simultanés ?

P.C. : Oui je me souviens plus comment j’ai introduis.

GD : Ça a un rapport avec les partiels ?

P.C. : Oui. c’est-à-dire que le fait de devoir considérer le son comme ayant des constituants multiples, change la... la...la, change beaucoup de choses quoi, ça change tout ! Donc pour nous, présentement, je pense que c’est quelque chose, lorsque Schoenberg dit : "on prend le son pour lui-même, on va vers un entendement de tous les constituants du son et non pas le son régit par une fonction, c’est-à-dire la fonction des harmoniques, on entre peu à peu dans cette, cette façon de prendre le son pour lui-même. C’est là qu’on était. Et pour les coupures, il y a une chose, si toi tu dis : dans l’écran, il y a la montée de l’écran noir et de l’écran blanc. Moi je dirais, en termes, pour faire le pendant des harmoniques, je dirais qu’il y a la montée de l’inharmonicité dans le milieu des sons.

GD : L’in-har-mo-ni, l’in-har-mo-ni-ci-té étant équivalent de la coupure ( ?) le monde musical . Oui ou non ?

P.C. : Oui .

GD : Alors écoute, (...) D Dernier point : est-ce qu’on peut dire qu’une série est susceptible (...) faut vraiment pas parler de la sécheresse de Schoenberg, une série est très susceptible de beaucoup de variations...(...) de variations (...) de variations (...), et cette récurrence de programmation (Inaudible) Est-ce-que entre ces variations de séries, il ne peut y avoir que ce qu’on a appelé le réenchaînement ? Tout enchaînement opère un réenchaînement, dans une position que le réenchaînement...(inaudible)

P.C. : Oui, oui.

GD : Musicalement on peut le dire ?

P.C. : Oui c’est tout à fait... ça fonctionne par....

GD : En effet, il y a reprise de la série là. De deux variations à l’autre il y a reprise de la série, même si l’on constate des sons différents. Il y a quand même réenchaînement, peut-être même qu’il n’y a pas de coupure rationnelle qui permettrait un réenchaînement (...) Ça serait ça, ça irait ?

P.C. : Oui, oui, et j’associerais avec ça le fait de travailler, je constitue moi ma ligne avec les constituants du spectre du son. Il y a là aussi une possibilité, parce que c’est une chose qui a été dans le jeu, dans le jeu des des post-sériels, par exemple de travailler sur des modes d’attaque, de travailler sur des modes...beaucoup plus sur la façon dont le son apparaît et qui en fait, fait découler des matières, fait découler des, des... Ce n’est pas que l’articulation formelle. C’est...Et que donc on arrive de plus en plus à des dosages et des fabrications de sons qui sont presque paradoxaux par rapport à la logique...Enfin qui sont pas presque ! Qui sont tout à fait paradoxaux : de faire monter quelque chose alors que ça descend...

GD : C’est ça !

P.C. : De faire accélérer des choses alors que ça ralentit, enfin je veux dire des choses qui sont tout à fait irrationnelles.

GD : Pour moi, ça répond exactement à ce qu’on a essayé de définir comme le processus de réenchaînement. Si vous comparez des processus de réenchaînement avec des processus d’enchaînement, les processus de réenchaînement sont fondamentalement (inaudible). Ils sont anormaux fondamentalement. On ne réenchaîne pas comme on a enchaîné dans le cas de ( ?) on a pas enchaîné, on ne peut que réenchaîner. C’est un très beau cas où (inaudible ) Quelque chose de complètement autre. Un réenchaînement c’est (...) donc aucun enchaînement (inaudible).

E2 : Est-ce-que je peux poser des questions ?

G.D. : Des questions ? A elle ou à moi ?

E2 : Non à elle ! C’est une question qui portait sur les partiels, elle disait que les partiels deviennent indépendants. Or ma question est la suivante : quand ils deviennent indépendants, gardent-ils des relations malgré tout entre eux ou bien ils se réalisent dans un domaine qui lui-même devient indépendant ? Tu disais que les partiels sont des instruments.

P.C. : Non, certains instruments produisent des partiels .

E2 : oui

P.C. : Tous les instruments. Mais plus ou moins, si tu veux dans ce qu’on appelle la consonance, qui n’est pas que le propre de la tonalité : la consonance ça existe dans des tas de musiques et ça n’est pas forcément la tonalité. Donc dans la consonance, le principe c’est que des sons entrent en sympathie, et qu’en fait ils ont un degré de parenté, de similarité qu’il faut qu’ils fusionnent. Quand ils fusionnent ça veut dire qu’ils se mettent à former une synthèse qu’on traduit nous à l’oreille, de la façon dont on perçoit les choses, par une unité. Les partiels n’ont pas cette qualité d’attraction et de fusion du son. Voilà, c’est pour ça qu’ils peuvent rester indépendants et simultanés.

(intervention inaudible)

P.C. : Donc je dis que les partiels n’ont pas de degré d’harmonicité donc ils ne fusionnent pas comme les harmoniques.

E2 : Donc elle serait (... ?) sans s’orienter vers quelque chose ?

P.C. : Et là on se trouve devant le problème justement du réenchaînement.

GD : Quand un son meurt, (... ?) comment un son meurt au lieu de naitre ? (Inaudible)

P.C. : Oui, tout du long de la durée d’un son, c’est ce qu’on appelle les transitoires d’attaque, et les transitoires de fin, il y a un mot, de terminaisons, il y a un déroulement du son avec certaines composantes qui apparaissent ou qui disparaissent et donc vers la fin d’un son mais alors ça, ça dépend complètement...

GD : (Inaudible) ça dépend alors ?

P.C. : Ça dépend, ça dépend du son. Il y a quand même des partiels qui se substituent aux harmoniques où il y a un échange de plus en plus irrégulier. Le début d’un son et la fin d’un son ont un grand taux d’irrégularité.

GD : Eh oui ! pour moi ça serait rudement bien, parce que ça expliquerait ( ?) On pourrait dire (...) la coupure ne fait plus partie de la fin (...) si bien que la manière dans la première série meurt et la manière dont la seconde série qui manque prend nécessairement des figures de paradoxe ( ?).

E3 : C’est difficile à saisir...

GD : Non ! difficile à saisir, difficile à saisir, tout dépend de...il faut de l’oreille. (inaudible) comme en peinture c’est pas facile de voir, de voir un tableau.

E3 : ...paradoxal par rapport à l’autre d’accord, mais paradoxal par rapport au centre ? (...inaudible)

Intervention de Deleuze inaudible sur un long passage, avec des interventions d’élèves inaudibles également, sauf une.

G.D. : Les deux ! Les deux à mon avis doivent se dire, parce que (inaudible). Il n’y a pas de raisons que l’analyse sérielle ne soit pas (inaudible). Ce sera défini de tel ou tel point de vue simplement chaque fois...

E4 : les séries se déterminent par le montage (... ?)

GD : Pas seulement, en principe (inaudible) pas des formules simples (...)

Bruits métalliques..

Interventions inaudibles sur un très long passage encore.

G.D. : C’est pour ça que je réagis seulement à ta remarque sur l’indéterminé. Ce n’est pas du tout une indétermination, c’est un type de détermination très très...(inaudible) il y en a qui procèdent avec une grande (...) autre exemple : ( ?). De même quand Godard se met à la pédagogie, sous la formule : leçon de choses et leçons de mots (inaudible) leçons de choses seraient les sciences naturelles (inaudible) rires.

31’05 - G.D. : A e i o u, (...) des choses et des sons, mais le génie de Godard à mon avis n’est pas là. (...) C’est très difficile à dire, dans la plupart des films de Godard, une coupure qui serait plus importante que (inaudible) à l’intérieur de l’image ( ?)... Inaudible.

Comtesse : Godard veut faire naître un cinéma ni tout à fait structural, ni même tout à fait (.). Parce qu’il me semble que ce que tu appelles ( ?) une coupure irrationnelle, une image coupure irrationnelle, vous parlez, par exemple, de la répétition, de la répétition du quatuor dans "Prénom Carmen". Et justement, cette image-là à un certain moment le retour, la répétition de cette coupure fait que à un certain moment, cette image-là elle-même, cette image devient, elle, image coupure irrationnelle, est comme une sorte de point de surgissement d’un espace filmique, de traduction, mais d’une coupure qui serait dans l’image elle-même. C’est-à-dire, ça ne serait plus une coupure irrationnelle entre une suite d’images qui les réenchaînerait, ça serait dans l’image coupure irrationnelle que cette image-là traduirait justement une coupure qui serait inexpressive, insensée, insignifiante, indicible. Par exemple dans la fameuse scène du quatuor, il est dit à un moment : il n’y a pas simplement dans cette image coupure, il n’y a pas simplement l’image musicale c’est-à-dire les (inaudible) qui est presque en gros-plan, il y a l’image musicale et une sorte de gouaille de l’appel. La voix dit : « montre-toi ! Puissance du destin ». Mais entre la coupure insensée, insignifiante, entre la coupure dans l’image, ce serait entre justement l’image musicale et justement cette voix. Premièrement on ne montre pas la puissance du destin, la musique non plus, le réenchaînement se refait et puis les coupures irrationnelles reviennent sans cesse. Donc il me semble que Godard est en train d’inventer un cinéma un petit peu comme Xenakis avait (...) à une certaine période même de la musique sérielle, il est en train d’inventer un schéma qui n’est ni tout à fait structural ni tout à fait sériel, mais qui pourrait d’une certaine façon opérer la traduction et du cinéma structural et du cinéma sériel.

GD : Moi, je crois que tu as complètement raison (inaudible).

Comtesse : (...) et même intervenir à travers une catégorie réflexive de pensée ressortie à un ancien Cahier du cinéma où Godard parlait en 1959, à propos d’"A bout de souffle" il parlait de Franju, il en a fait une relecture ( ?) où il disait que le film se divise en trois catégories : réalité/ folie/ réalité. Et il disait Franju est celui qui, plus on s’approche du réalisme, plus on sent que le réalisme, ou le réel étant le réalisme, est du théâtre, plus autrement dit le réel éclate, deuxième partie, plus on va vers la folie. Et il découvre, il disait que Franju, la folie derrière le réalisme ( ?) Godard, il ajoute mais en même temps il retrouve le réalisme derrière la folie, troisième partie. Mais il disait et voilà la chose importante, déjà au niveau.., comme une sorte de préfiguration virtuelle de l’idée de la coupure, il disait en fait ce qui est important ça n’est pas les catégories, ça n’est pas l’enchaînement ou le désenchaînement des catégories, ça n’est pas simplement de passer de la réalité à la folie et à partir de la folie de donner à voir la réalité à nouveau sous un autre aspect - ça n’est pas ça. Il disait l’important, c’est ce qu’il y a "entre" justement les catégories. Il appelait ça "la loi obscure" qu’il y a entre ( bruit du magnéto) qui n’est ni dans la folie, ni dans la réalité, ni dans la réalité vue à travers la folie, et il disait Franju, cette loi obscure c’est ce que son cinéma tente de traduire mais qui n’y parvient pas ( ?) c’est déjà comme une sorte de respiration de ce qu’il appelle une coupure insignifiante qui se fait à l’intérieur même de l’image une coupure irrationnelle et applique...

E6 : ( ?) justement le rôle de ( ?) dans Prénom Carmen

G. D. : ( inaudible) je ne pourrais y répondre, non pas cette fois-ci mais la prochaine. (Inaudible).

E7 : Epuisé !

Dialogue inaudible entre un élève et G.D.

GD : Eh bien mille mercis, Pascale (suite inaudible).

Bruits métalliques. Changements de place semble-t-il, puisque G.D. devient audible. Il s’est rapproché de la prise de son.

GD : Eh bien, écoutez ! Moi je trouve que c’est bien ça, enfin c’est bien pour moi. Alors, on le refera. Dès que j’aurai besoin, et comme ça tardera pas, j’en aurai à nouveau besoin. Bien ! Là-dessus c’est quand même un point confirmé. Voyez comment j’appelle, ce que j’appelle, cette méthode de propos, des cases à remplir, là on a confirmé là quelque chose qu’on avait abordé la dernière fois. Donc maintenant on peut réenchaîner. Ah ! Oui ! Pascale, je voudrais que tu me dises, c’est pas pressé, hein ? Si tu trouves un livre ou un article sur les partiels dont j’aurai besoin, si y’a ça, si tu connais ça, tu me donnes la référence.

Pascale : (inaudible)

G.D. : Il y a un livre clair en France ? Tu m’indiqueras ? Si on se reposait ? J’en peux plus, d’avoir changé de rôle là, j’en peux plus. (Rires). C’est plus fatigant, là je vous comprends mieux ! Je trouve que c’est très fatigant de parler, mais c’est encore plus fatigant d’écouter, je suis liquidé, moi. C’est tuant ! Alors, repos !

Comment Godard si nous le considérons comme exemple privilégié, comment Godard constitue-t-il ses images sérielles, ou ses séries d’images ? Et la dernière fois, j’avais proposé une réponse.
-  Une série : ce sera une suite d’images en tant qu’elles se réfléchissent dans un genre ou une catégorie qui joue le rôle de limite.

Il faut tout de suite préciser. C’est relativement clair, après les exemples que j’ai donnés. Oui, non, d’abord l’exemple que j’ai donné la dernière fois : une suite d’images qui vont se réfléchir dans un genre ou une catégorie qui leur sert de limite. Je crois qu’il faut attacher de l’importance à chaque mot. Je vous rappelle les exemples. Sinon...comment en effet, c’est presque une signature Godard, quand vous trouvez cette manière, cette manière-là. Je dis, ben pour comprendre il faut voir ce que c’est qu’un genre ou une catégorie. Et je vous dis chez Godard ça peut-être à la lettre n’importe quoi. Ça désigne donc une fonction plus qu’une nature de choses.
-  Ça peut être n’importe quoi qui joue le rôle de catégorie. Et je disais bon ça peut-être des genres esthétiques. Genre esthétique, au sens où l’on dit que "Une femme est une femme" est une comédie musicale, genre comédie musicale.
-  Ça peut-être le genre théâtre, et en effet des scènes de théâtre, de théâtre improvisé -sans doute ça compte beaucoup - interviennent très souvent chez Godard. Exemple : "Pierrot le fou".
-  Ça peut-être des genres plus classiques et respectables : ça peut-être l’épopée. Au sens où l’épopée homérique intervient fondamentalement dans "le Mépris". Ça peut être des genres.
-  Ce peut-être, je disais, des graphismes. D’où l’importance des annonces graphiques avec même les effets électroniques sur le graphisme, qui vont introduire un changement de catégorie par le jeu de l’électronique.

Evidemment, aucun de ces termes ne s’exclut. Ça peut-être un genre esthétique et ça peut-être un graphisme en même temps. Je disais troisième cas :
-  ça peut-être des personnes. En quel cas la catégorie est personnalisée. Le genre est personnalisé. Et je précisais, les personnes peuvent être de trois sortes :
-  personnes interviewées en raison de leurs compétences. Exemple typique : Vivre sa vie . Mais, tantôt c’est plus du tout des personnes en vertu de leurs compétences, c’est des burlesques. C’est le burlesque qui jouent le rôle de catégories, que Godard introduit. Notamment "Pierrot le fou", je le disais comportait beaucoup de scènes de théâtre, de théâtralisation, qui comporte également du burlesque, deux grands burlesques : l’intervention de Devos, et l’intervention de la Reine du Liban.

-  Et enfin ça peut-être, ce qui est très intéressant, des personnages secondaires ou anonymes, de simples figurants qui se présentent. Tout d’un coup se présentent à l’écran et déclinent leur identité.

-  Ou bien encore ce peut-être des couleurs. Et je terminerai là-dessus. Sur l’analyse de la très belle "Lettre à Freddy Buache" : qui est un film et non pas une lettre. Qui est un film de Godard, un petit film de Godard sur Lausanne, où la définition même que je donne de la série se trouve entièrement justifiée, puisque la suite des images - c’est un film de commande - qui devait être, qui aurait dû être sur Lausanne et que Godard va transformer, comment ? Il va le transformer d’une manière sérielle. C’est-à-dire : il va réfléchir la suite des images de Lausanne dans deux couleurs. Dans deux couleurs individuées, pas deux couleurs générales. Le bleu de la Lausanne haute, le vert de la Lausanne terrestre et aquatique, la Lausanne céleste, et la Lausanne terrestre et aquatique. Et c’est la réflexion des images dans la couleur, avec en plus le problème d’une troisième dimension qui va être le gris, le problème de l’urbanisme qui sort de la série.

Je ne reviens pas là-dessus, mais je voudrais apporter les suites nécessaires. Si vous m’accordez cette définition de la série, il faut faire très attention à quelque chose et même à plusieurs choses. La première chose à laquelle il faut faire attention c’est que : à quoi ça sert ? Quel est l’avantage ? Je vais vous le dire, l’avantage. C’est : tout art, par définition, a toujours lutté contre son sujet. Et là, c’est peut-être la première fois que nous rencontrons ce thème mais qui va prendre pour nous une importance mais qui s’insère très bien dans son sujet, c’est-à-dire ce dont il traite. Et sans doute tout art - je crois - éprouve le besoin de porter sur quelque chose, quoi que ce soit. Et en même temps, d’une certaine manière de se détacher, ou d’empêcher que ce sur quoi il porte, soit son sujet. On n’écrit pas, on ne peint pas, on ne fait pas du cinéma sur un sujet. Comment rompre avec le sujet ? Prenez au sérieux ceci, à la lettre : on a commandé à Godard - il est spécialiste des commandes non remplies sa vie, je crois, est remplie de commandes non remplies- pas parce qu’il les fait pas, au contraire il les fait, mais les types ils reconnaissent pas ce qu’ils ont commandé. Ce qui, évidemment, met Godard en joie, mais d’une joie méchante. On a commandé à Godard un film sur Lausanne. On a commandé un film sur Lausanne. Il dit moi, je peux pas faire un film sur quelque chose. Alors il a fait quoi ? Il n’a pas fait de film sur Lausanne, c’était trop pour lui. Il a réfléchit Lausanne, en bleu et en vert, dans le bleu et le vert.

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La voix de Gilles Deleuze en ligne
L’association Siècle Deleuzien