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75- 15/01/1985 - 2

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Deleuze - cinéma cours 75 du 15/01/1985 - 2 transcription : Nadia OUIS

"Que voulez-vous qu’il fît" ? Le sublime approche. Que voulez-vous qu’il fît ? Je ne dis pas qu’il remuât des montagnes, je dis : "qu’il mourut". Que voulez-vous qu’il fît ? Qu’il mourut, un point c’est tout, un point c’est tout. "Nicomède" de Corneille :
-  " Et que dois-je être ? » Réponse d’une concision absolue :
-  " Roi, roi." "Médée" du même Corneille
-  "Dans un si grand revers que vous reste-t-il" ? Réponse de Médée :
-  "Moi, moi, dis-je, et c’est assez" !

Comme si à un moment, il n’y avait plus lieu de parler par figure, c’est très concis, qui doit être pris à la lettre, littéralement ! Enfin la littéralité s’opère... Et pourquoi avec le sublime ? C’est forcé si vous vous rappelez la si belle théorie du sublime qu’on a vue une autre année - enfin ceux qui étaient là. Encore une fois le sublime, c’est l’acte, c’est la situation dans laquelle l’imagination est poussée à sa limite et dès lors déclenche la pensée qui pense ce qui dépasse l’imagination. Si c’est bien ça le sublime, par exemple devant la tempête. Devant la tempête, voilà que votre imagination est poussée à ses propres limites ou devant l’immensité des cieux, vous regardez devant la voûte céleste. Qu’est-ce-que vous voulez faire des métaphores ou des figures devant des choses comme ça ? Devant la tempête, devant des froids extrêmes qui sont comme le sublime, que voulez-vous faire ? Dire : « j’ai froid ! », « j’ai froid ! »

Alors devant la tempête tout ça, l’imagination elle atteint sa propre limite. Elle force la pensée, atteignant sa limite, elle force la pensée à penser quoi ? A penser ce qui dépasse l’imagination et qui ne peut-être que pensé. C’est ce qui ne peut-être que pensé, qui va s’exprimer dans le mot le plus concis, à la limite le plus abstrait. Ou qui va s’exprimer sous la forme et ce mot le plus abstrait, c’est finalement à votre choix, ou bien : tout ou bien rien. Rien ! Rien ! Je ne peux plus "rien" imaginer, il n’y a "rien" de commensurable à ce que je vois. Rien ! Et dans son article Dominique Noguez essaye d’expliquer de cette manière, commment Marguerite Duras dans tout son cinéma, enfin dans une grande partie de son cinéma, suscite des situations sublimes. Situations sublimes généralement définies par un amour extraordinaire. Et cette situation sublime de l’amour extraordinaire va - comment on dit ?- décharger, désamorcer, d’avance toute figure de réthorique et le seul mot qui correspondra à la situation du sublime, ce sera ou bien des petites phrases très concises ou bien le mot qui revient obsessionnellement comme correspondant à l’amour sublime chez Marguerite Duras, à savoir « rien » !

Dans "India Song",
-  « Vivre aux Indes dépasse les forces humaines, les forces humaines, en tout cas européennes. » et la voix répond
-  « Ce n’est ni pénible ni agréable de vivre aux Indes, ni facile ni difficile, ce n’est rien. Vous voyez : rien ! » Ce n’est rien ! vous voyez rien ! Quoi encore ? Dans le même "India Song"
-  « Ou ils rentrent, ou ils dorment ou rien » Ou bien question :
-  « vous croyez qu’il y a quelque chose que nous pouvons faire pour moi, tout les deux ? »
-  « Non il n’y a rien, vous n’avez besoin de rien ! » Je crois que le "rien" c’est pas du tout le signe d’un nihilisme quelconque, c’est le signe de la littéralité pure. Là où il n’y a plus aucune figure, il n’y a rien ! Et le rien, c’est la réponse à la situation ( ?). Donc je dis :
-  Rupture sensori-motrice qui va dégager l’artificialité. Là aussi le cinéma de Marguerite Duras serait facile à analyser en ce sens sur la montée de l’artificialité dans l’image.

Deuxième point :
-  Rupture avec les figures et avec la métaphore. Cette littéralité d’une autre manière donc, qui marque la rupture avec la métaphore, vous la trouvez aussi - mais on va voir à quoi ça engage tout ça. Ça me paraît très important. Vous la trouvez constamment chez Godard. Alors il arrive à Godard très bizarrement, parce qu’il est pénétré par un désir profond, de contredire les gens, quoiqu’on dise, alors... ou de les surprendre, il lui arrive de dire que son cinéma est fondé sur la métaphore mais quand même il a de la peine à l’expliquer, car à la base de tout Godard, il y a un refus de la métaphore radical. Refus de la métaphore sous quelle forme ? Sous la forme : vous parlerez ou vous montrerez littéralement ou vous montrerez rien ! Littéralement ! Je voudrais que vous sentiez déjà à quel point cela engage une conception de l’image ; c’est curieux et je maintiens les deux : littéralité de l’image / artificialité de l’image. Les deux sont à maintenir : c’est pas du tout contradictoire. En effet qu’est-ce-que c’est le thème obsédant de Godard ? Qu’est-ce-que ça veut dire ce : « tout est littéral ? » Tout est à prendre à la lettre ! Rien n’est plus irritant que les gens qui distinguent des degrés : au premier degré, au second degré, au troisième degré. Vous savez ce qui est con dans la vie...c’est con au premier degré, le reste au troisième, au douzième, au centième. Il y a absolument aucun degré. Vraiment pas, vous direz pas une bêtise au premier degré et quelque chose d’intelligent au quatrième degré, non, non, non. Il y a qu’un degré, il n’y a qu’un degré, c’est le littéral. Or, ça Godard l’a toujours su et il nous dit ; "mais si vous dites si vous dites les photographes sont par exemple des proxénètes - il dit pire parfois alors j’ose pas répéter ce qu’il dit... - eh bien il faut le montrer. Faut le montrer. En quoi les photographes sont des proxénètes ? Comme il dit ; c’est bizarre : ils payent pas le photographié par exemple. Ils photographient des petits enfants qui meurent de faim, mais à la reconnaisssance de tout le monde ils vendent leurs photos très cher à Match, mais ils payent pas le pauvre petit gamin. Donc, on peut dire, oui c’est une espèce de maquereau quoi. Ça c’est Godard mais ça n’exprime aucun jugement de ma part. Bon...c’est bizarre si vous dites : les écoliers sont comme des prisonniers - vous le dites pas ? Montrez "en quoi" ce sont des prisonniers, "comment" ce sont des prisonniers, montrez-le littéralement, ou parlez autrement. Si vous dites - il a un moment brillant - si vous dites : les patrons enculent les ouvriers, montrez-le, montrez comment ! D’où sa méthode du : comment ça va ? Il ne suffit pas de dire si ça va ou si ça va pas, faut dire comment ça va - c’est la méthode de la littéralité. Le "comment ça va ?" godardien, c’est la littéralité, c’est le refus de la métaphore. Là il y a un point très commun entre le cinéma moderne et la littérature moderne, je crois, dans leur refus radical de la métaphore. Et un des meilleurs moments de Godard c’est dans son passage célèbre je crois bien que c’est "Six fois deux", où il dit :" un hebdomadaire ne tient pas sans publicité". Bon...mais qu’est-ce-que veut dire « tenir » ? Quand je dis :" un hebdomadaire ne tient pas sans publicité", c’est une métaphore. Ça veut dire : il peut pas durer, ca veut dire : ses finances sont déséquilibrées, tenir est donc une métaphore. Et Godard lui, il veut pas que ce soit une métaphore. Alors il fait sa fameuse démonstration que jamais "l’observateur" ne lui a pardonné : il commence à déchirer les pages de publicité, et puis il déchire comme il s’aperçoit qu’il y a des demi-pages de publicité il déchire les demi-pages de publicité. Les images sont très belles puisqu’il y a sa main, il y a son commentaire, où il prend l’accent suisse chaque fois qu’il veut bien marquer la littéralité des choses. Ect...Et puis plus il déchire, et moins que le journal tient debout évidemment, à la fin c’est une espèce de serpillière. Alors Il essaye de le faire tenir debout et puis il dit : "vous voyez un journal ne tient pas sans publicité". Il a traduit la métaphore en littéralité. Or c’est un procédé du « comment ça va ? » comment ça ne tient pas, il faut montrer comment ça va, comment ça ne va pas. Il ne faut jamais dire est-ce-que ça va ? Il faut dire comment ça va ? Bon, alors, voyez dans des conditions très différentes, par exemple que ce soit celles de Duras, que ce soit celles de Godard, ect, l’image cinématographique va être fondamentalement littérale.

Donc rupture sensori-motrice, montée de l’artificiel, fonction de littéralité, et j’ajouterai : écroulement du monologue intérieur. Le monologue intérieur cesse d’être adéquat à l’ensemble du film, ou à l’ensemble du déroulement cinématographique. Et voyez que tout était lié ! Et pourquoi ? Sans doute pour les raisons précédentes mais pour d’autres aussi : sans doute pour des raisons précédentes parce que celui qui a à la fois porté le monologue intérieur à sa perfection, et qui lui a donné le coup de grâce, je l’ai déjà dit dix fois, c’est Dos Passos. Et pourquoi est-ce-que Dos Passos et comment est-ce-que Dos Passos a porté le monologue intérieur à son point suprême et en même temps à sa fragmentation et à son écroulement ? Simplement en montrant que à la lettre, c’était la même misère à l’extérieur qu’à l’intérieur. Et qu’est-ce-qu’on trouvait dans un monologue intérieur ? On trouvait slogan, les mêmes slogans, les mêmes catalogues, les mêmes lieux communs, la même misère que celle qui fait notre monde artificiel. Du point de vue de l’artifice, c’est ça qui est intéressant, peut-être que du point de vue de la nature, il y a une différence entre l’intérieur et l’extérieur, je veux dire qu’il y a en effet un mouvement par lequel la nature s’intériorise dans l’homme et l’homme s’extériorise dans la nature, et que la nature qui s’était intériorisée dans l’homme n’est plus la même que celle dans laquelle l’homme s’extériorise, c’est-à-dire qu’il y a eu transformation dialectique entre les deux.

Mais, du point de vue de l’artifice il n’y a plus aucune différence entre l’intérieur et l’extérieur. Ce que nous avons dans la tête ; c’est des bouts de journaux. C’est des formules toutes faites. Et quand il portait le monologue intérieur à cette même misère de l’intérieur et de l’extérieur, l’artifice étant dès lors la misérable unité des deux par là même le monologue intérieur se fragmentait. Il se fragmentait en quoi ? Comme en pages de catalogue, en bribes. Le monologue intérieur de quelqu’un, ça devient une l’enfilade de tous lieux communs, de toutes les stéréotypies, de toutes les vitrines de tout, ect... Et Dos Passos avait justement besoin d’évoquer dans le roman des moyens déjà cinématographiques : Actualités, Oeil de la caméra, ect...Pour montrer comment au niveau d’un monde défini par l’artifice, l’intérieur et l’extérieur s’égalisaient, mais pas au sens de la belle identité nature / homme, au sens du même désastre qui allait rompre la totalisation du monologue intérieur. Ce sera repris par Godard : "Une femme mariée". Et la grande critique du monologue intérieur où Godard il me semble, va aussi loin qu’allait Dos Passos, puisque toutes les pensées de la femme mariée sont précisément présentées comme identiques au bout de l’Illustré là, au bout de l’hebdomadaire, aux morceaux de l’hebdomadaire qu’elle feuillette, ou au catalogue qu’elle regarde ou au contenu des vitrines devant lesquelles elle passe. Il va de soi que cette espèce de déroute du monologue intérieur cache quelque chose de plus profond. A savoir la cassure, la cassure qui fait que quoi ? Qui fait que les images ne seront plus totalisées en fonction de leurs harmoniques. Les images et les séries d’images deviennent indépendantes les unes des autres. Elles deviennent indépendantes les unes des autres, chacune renvoyant à quoi ? On ne sait pas encore. On ne sait pas encore Mais chacune menant sa propre affaire, menant son langage, et sa vision, renvoyant à une manière de voir et de penser.

En d’autres termes au monologue intérieur se substitue un pluri-linguisme. Il y aura une série puis une autre série et indépendance des séries entre elles. Bon c’est-à-dire des suites d’images indépendantes. Si nous partons de ça, qu’est ce qu’on peut en tirer ? Je voudrais dire, là, c’est très, très...ça renvoie aussi à l’avenir, supposons que si vous avez compris ce que j’entendais par "cinéma structural" chez Eisenstein, je dirai donc supposons que le cinéma aie cessé d’être structural pour devenir quoi alors ? Mot commode ! il est devenu sériel. Bien ! Qu’est ce que ça veut dire un cinéma sériel ? Après tout, tout s’arrange, tout ce que je dis c’est moins désordonné que ça n’en a l’air !

Puisque le cinéma structural - Eisenstein, pris comme exemple privilégié - ce cinéma structural renvoyait perpétuellement à une confrontation musicale. Est-ce qu’on peut dire ? ma question est : le mot sériel reçoit une acception très stricte de la musique, de la musique dite sérielle ou duodécaphonique, ou dite parfois - mais suivant un mot récusé par Schoenberg - atonale. Est-ce-que je peux dire : les images cinématographiques sont sérielles ou atonales dans le cinéma moderne ? Sans généraliser, parce que... dans le meilleur du cinéma moderne, et qu’est-ce-que ça peut vouloir dire ? Comment faire pour que ce soit pas faux ? Ou bien une simple métaphore ou bien une application ? est-ce qu’il est possible de construire un concept de sérialité propre à l’image cinématographique ? Bien, essayons très progressivement...

Qu’est-ce-qui se passse ? Pascale Criton elle n’est pas là ? Personne ne connaît Pascale Criton ici ? Vous la connaissez ? vous avez son numéro de téléphone ? Parce que c’est elle que j’aurai voulu interviewer, il faut que je l’appelle, vous me le donnerez tout à l’heure si vous voulez bien ? Il faut que je la joigne. On reviendra sur ce point. Je vous ai expliqué la méthode que j’avais que je puisse faire des interviews de certains d’entre vous, et je voulais elle, justement et là depuis deux fois elle n’est pas là. C’est le destin ! J’aurai besoin d’elle mais enfin je me contente alors du plus sommaire. Donc ceux qui connaissent un peu de musique, ne m’attaquez pas. Je veux tirer de la musique sérielle uniquement le minimum qu’il me faut pour essayer de construire un concept de séries au niveau de l’image visuelle. Je dis dans la musique dite classique, mettons dans la musique dite tonale, qu’est-ce-qu’il y a ? Il y a deux aspects dont l’un prime sur l’autre. Il y a un aspect de la résonnance qui nous mène aux harmoniques. C’est ça le premier aspect, aux harmoniques du son. Aspect de la résonnance qui nous mène aux harmoniques du son. Bon, vous vous rappelez, je n’ai pas besoin de rappeler, l’application, l’utilisation qu’en fait Eisenstein. Il y a un second aspect qui en dépend : la tonalité. Ce qui me paraît très important c’est que dans la musique dite tonale, en fait la tonalité dépend de la résonnance et des harmoniques du son. Et l’aspect tonalité c’est quoi ? C’est pas le son par rapport à ses harmoniques, c’est le pouvoir plus ou moins grand d’un son, de former des agrégats plus ou moins stables avec d’autres sons. Voyez c’est deux aspects très différents. Un son a des harmoniques plus ou moins proches ou éloignées. Vous vous rappelez que l’harmonique c’est un son dont le nombre de vibrations par seconde est un multiple du son considéré. Du premier son considéré. Donc vous aurez des harmoniques proches ou éloignées d’un son. Je dis que ce phénomène de la résonnance est premier par rapport à la tonalité. C’est pas une idée originale, la plupart des théoriciens de la tonalité le disent. La tonalité c’est quoi ? C’est la capacité variable d’une note, généralement d’un son, de former avec d’autres sons une entité plus ou moins stable, d’après quoi ? D’après son pouvoir ou son potentiel attractif. On parlera de centre "tonique" et la musique tonale est dite tonale parce qu’elle comporte des centres toniques. Comprenez bien ? Comment va se définir la musique sérielle ? Ça me suffit ça, si Pascale Critton revient là, je voudrai l’interviewer plus pour aller plus loin dans ... mais retenez pour le moment juste ces deux déterminations très élémentaires de la musique tonale. Je dis la musique sérielle, elle se présente comment ? D’accord Schoenberg refuse l’expression "atonale". Parce qu’il dit : il s’agit forcément de tons dans la musique, de quoi voulez-vous qu’il s’agisse sinon de tons ? Donc toute musique est tonale. Bon ça n’empêche pas, la question est-ce-qu’il y a ton ou pas ton, la question est si il y a centre tonique. Le 1er caractère très élémentaire de la musique sérielle c’est qu’elle met en jeu en principe -je dis bien en principe, concrètement ça pourrait être plus compliqué que ça- elle met en principe les 12 ½ tons de l’échelle chromatique sans aucun privilège de l’un sur les autres. En d’autres termes destruction de l’idée de centre. C’est ça qui est fondamental, à savoir dans la série des 12 ½ tons, chacun vaut pour lui-même, par rapport à celui qui le précède et celui qui le suit dans un ordre constant, qui sera la série duodécaphonique : 12 ½ tons. D’accord ?

Je dis donc :
-  le 1er caractère de la musique sérielle : c’est destruction des centres toniques. Ou si vous préférez : destruction des dominantes définies par leurs potentiels attractifs.
-  Deuxième point du point de vue de la résonnance : quel est le caractère de la musique sérielle ? Alors en principe, je termine, une série c’est les 12 ½ tons dans un ordre donné. Qu’est-ce-qui varie ? L’ordre doit rester le même. Il n’y en aura pas moins des variations. Concrètement c’est plus compliqué que ça puisque la série dans la musique sérielle ne prend pas nécessairement les 12 ½ tons. Il peut en manquer. Et, elle est d’autant plus riche qu’elle procèdera à des changements d’ordre, soit de nature rythmique, soit de nature mélodique. Par exemple en faisant des rétrogradations, ou en faisant des renversements, ou en modifiant les intervalles : mille possibilités de variations. Donc on retient ce premier aspect. Même si, moi ce qui m’intéresse, c’est je m’adresse là à ceux qui ne savent rien, rien rien rien. Même celui qui ne sait rien, peut très bien comprendre dans la musique tonale, il y a d’une part des harmoniques d’un son lesquelles vont être ou bien proches du son ou bien éloignées du son et qui vont définir - je précise, j’avais oublié ça c’est pourtant essentiel - et qui vont définir les accords dits consonnants et les accords dissonnants.

Deuxièmement il y aura des centres toniques capables de composer des entités sonores stables, définies par leur potentiel attractif. Bon, faut vraiment pas, je veux dire que même un sourd comprend ça. Je dis deuxième caractère du point de vue des harmoniques. Si les sons sont indépendants les uns des autres, chacun pris pour lui-même par rapport à celui qui le suit et par rapport à celui qui précède, si les sons sont indépendants et les séries indépendantes entre elles, il n’y aura plus aucune différence de nature entre un accord consonnant et un accord dissonnant c’est à dire (..) tout se passe comme si elle n’en tenait aucun compte. En quel sens ? Pour résumer tout, je dirai : il n’y a plus de centre tonique et il n’y a pas davantage d’harmoniques. Pourquoi est-ce-que je me permets de dire ça ? Alors que là peut-être ça paraîtrait stupide cette proposition à un musicien. Je dis pour une raison très simple c’est que : si vous supprimez toute différence de nature entre un accord consonnant et un accord dissonnant, c’est-à-dire toute différence de nature entre harmonique proche et harmonique éloignée. Les accords dissonnants ne réclament aucune - comme on dit en musique - « résolution ». Les accords consonnants n’ont aucun privilège bien plus ! Là alors, les textes de Schoenberg sont formels : la musique sérielle pendant longtemps, tant qu’elle ne se sera pas affirmée réellement, la musique sérielle devra éviter les accord consonnants. Ce qui est pas une nécessité ou un principe, ce qui est une commodité. Parce que les accords consonnants risqueraient de nous faire croire à l’existence de centres toniques. En fait, c’est pas vrai, il peut y avoir un accord consonnant, le centre tonique ayant disparu. Donc vaut mieux, dit Schoenberg, se passer le plus possible d’accords consonnants. Je dirai alors avec prudence, que de la même manière que la musique sérielle supprime les centres toniques, parce que elle fait valoir les sons pour eux-mêmes, indépendamment les uns des autres, de même elle supprime, pas les harmoniques, mais elle supprime la fonction des harmoniques. A la limite, c’est une musique sans centre et sans harmonique. Bon c’est par là que ça m’intéresse de dire : "le cinéma est devenu sériel .

Richard Pinhas : Gilles ?

GD : Quand on dit... Ouais ?

Richard Pinhas : sur la musique il y a pas besoin d’être prudent puisque le sérialisme est en principe non seulement impuissant (pas entendu) mais conjure les harmoniques pour des raisons techniques en plus. ça fait partie de la notion même de sérialisme de conjurer les harmoniques.

G.D : C’est-à-dire ?

Richard Pinhas : Le principe reste très simple c’est que les harmoniques forment un continuum et qu’on a pas en fait le double du spectre, d’intensité mais on a un continuum qui foutrait un bordel monstre ( ?) par rapport à une construction sérielle.

G.D. : Oui...

Richard Pinhas : alors autant le - ça va tout à fait dans ton sens même si je l’explique pas très bien - autant le système tonique est un système d’arbre , l’accord tonique étant l’arbre de référence, autant alors je sais pas si le terme est exact, le sérialisme de ce côté-là serait plutôt du côté de l’abstrait (... ?) mais il est pas possible d’utiliser les harmoniques de toutes façons.

G.D. : Donc je peux dire...

Richard Pinhas : Tu peux le dire ah ouais

G.D. : je peux dire

Richard Pinhas : ah oui

(Ils parlent en même temps inaudible)

G.D. : Ce qui me trouble c’est que jamais Schoenberg ne dirait ça.

Richard Pinhas : Il a le sommeil un peu lourd( ?)

GD : c’est ça il doit le dire mais d’une autre manière. De même qu’il veut pas entendre parler de musique atonale, il veut pas entendre parler de musique sans harmonique. Et que ce qui l’intéresse le plus c’est les harmoniques les plus éloignées.

Richard Pinhas : Il peut pas utiliser des harmoniques parce que au lieu d’être codées comme les notes c’est-à-dire faire le double en hertz sur le spectre,

GD : OUi

Richard Pinhas : c’est un continuum, il n’y a pas d’articulation d’une note à l’autre. Il ya un continuum de Xhertz à X+1. Donc les notes ne sont pas définies en fait les harmoniques et on peut tomber une fois sur 10 ou sur 20 sur le double, c’est-à-dire sur l’harmonique supérieur, et en fait on a toutes les chances de tomber automatiquement sur une harmonique pas fausse mais enfin au milieu du continuum, qui n’est pas réglé. Or le principe même du sérialisme c’est le réglage. Donc y’a conjuration complète des harmoniques.

GD : pas de centre tonique, pas d’harmonique, (... ?inaudible) Il a surgit. Eh bien je voudrais qu’il en raconte plus non ? Ça suffit ? Ça suffit. Oui ça suffit. Bon !Mais c’est une vraie chance. Tu peux en raconter plus, non, moi je l’avais gardé pour l’avenir mais un proche avenir je te dirai, pour l’histoire analogique. Analogie et synthétiseurs hein ?

E : Pour la série...

GD : Je t’expliquerai tout à l’heure...

G.D. : Je peux affirmer

Richard Pinhas : Oui complètement

GD : Ouf Bon bien !

Richard Pinhas : On peut trouver des textes

GD : mais pas de Schoenberg ! Ni de Boulez. Alors de qui ?

Richard Pinhas : Moi j’ai le souvenir des harmoniques dans les textes de Schoenberg. (inaudible) Non mais il tient à la notion d’harmonique...

GD : Il tient à l’idée qu’il n’y a plus aucune différence qui confirme l’idée d’un continuum. Qu’il n’y a plus aucune différence entre harmonique proche et harmonique éloignée.

Richard Pinhas : Mais elles sont plus utilisables en tant que telles les harmoniques. C’est pour ça (inaudible) qu’ils en veulent pas.

GD : Elles ne sont plus utilisables... Est-ce-qu’on en peut pas dire quand même que les harmoniques les plus éloignées, relativement les plus éloignées sont utilisables sur les accords dissonnants

Richard Pinhas : Les accords dissonnants c’est plus facile il n’y a pas de référence avec ( ?)....

GD : c’est vrai

Richard Pinhas : A la limite, la règle générale ce serait qu’on peut pas les utiliser, mais maintenant il est vrai que le système de filtrage que vont employer certains compositeurs vont tirer profit de telle ou telle harmonique dans ce cas là ce sera plus le jeu des harmonqiues en soi qui sont utilisés, c’est...

GD : C’est ça que je dis !

Richard Pinhas : Certaines fonctions.

GD : C’est ça ! Donc en effet même dans ce cas ce serait une manière de se passer des harmoniques. Bon Bon Bon alors tout va bien. Car faites encore l’effort. Qu’est-ce qu’on a vu pour l’image, pour l’image cinématographique dite moderne dans notre premier trimestre ? Je vais pas tout reprendre ? Je reprends uniquement ce qui m’est nécessaire. On oublie là juste puisqu’il vient de nous donner la confirmation qu’il fallait, on oublie la comparaison avec la musique sérielle, on retient de la comparaison avec la musique sérielle : ah ben oui, sur ces deux bases et uniquement sur ces deux bases,
-  suppression des centres toniques,
-  refus de la fonction des harmoniques. Peut-être que en effet les images visuelles peuvent entrer dans des rapports sériels qui leurs seront propres.
-  D’où ma question devient : quel pourrait être le sens propre d’une série d’images visuelles ?

Et je dis puisons ! Je signale que cette tentative a déjà été faite. Cette tentative a déjà été faite par Château et Joste au niveau d’un cinéma très précis, au niveau du cinéma de Robbe-Grillet. Où il pense que le cinéma de Robbe-Grillet peut-être dit, justement, un cinéma sériel. Mais il donne à la série deux critères qui ne sont pas du tout les miens. Donc je cite là par... les deux critères étant quand ils distinguent structures et séries, ils disent : dans la structure le message renvoie et présuppose un code - primat du code sur le message - tandis que dans la série, c’est le message qui construit son propre code. Deuxième différence : dans la structure les choix sont déterminés, dans la série il y a polyvalence des choix. Vous pouvez voir tout ça dans un chapitre du livre de Château et Joste sur Robbe Grillet "Nouvelle sémiologie, nouveau cinéma" ou "Nouveau cinéma, nouvelle sémiologie". Je sais plus. Comme moi mes critères les critères que je vous propose sont - lisez-le ça me paraît très intéressant quoique très obscur, bien plus obscur que moi alors, mais c’est très bien- mais comme mes critères sont tout à fait autres. je ne le cite que pour ...Je me dis si on on puise dans notre programme du premier trimestre. Bon est-ce-que je pourrai pas dire aussi bien pour l’image visuelle que l’image sonore que pour l’image musicale ?

-  Premier caractère l’image structurale est fondée sur des commensurables et des points rationnels. Exemple même de commensurable, on vient de le voir : l’harmonique dans la musique classique, dans la musique tonale. Puisque c’est un son dont la fréquence est un multiple de celle du son premier. Alors je peux dire là ; c’est un aspect sur lequel cette musique à plus forte raison quand le tempérament intervient, quand il y a homogénéisation des intervalles au niveau des 12 ½ tons. Donc je veux dire : l’image de la musique classique est fondée à certains égards sur des commensurables et ce qu’on avait appelé des points rationnels. Et les harmoniques dépendent pleinement de cette conception. Ça va encore ? ça va ? On a vu que une certaine tendance de l’image moderne au cinéma c’était quoi ? L’instauration des coupures irrationnelles. Vous vous rappelez que la coupure irrationnelle, c’était une coupure qui ne faisait partie d’aucun des deux ensembles qu’elle répartissait. Je dirai la coupure irrationnelle, elle détermine deux séries indépendantes. Vous vous rappelez ? Tandis que la coupure rationnelle ou bien elle était le plus grand de la série antérieure, c’est-à-dire la fin de la série antérieure, ou le début de la série postérieure. C’est la différence entre les coupures rationnelles et les coupures irrationnelles, ça il faut que vous le gardiez à l’esprit complètement. Donc je dirai voilà la première distinction. Or s’il est vrai que à la fois entre deux séries, et à la limite, c’est pas impossible entre un terme et un autre d’une série, il y a des coupures irrationnelles, lorsqu’il y a des coupures irrationnelles entre des termes d’une série donnée, il faut dire que la série est composée de deux sous-séries. Les coupures irrationnelles, elles peuvent essaimer, voilà un premier caractère. Par quoi je finirai ? L’image sérielle. L’image est sérielle lorsque les coupures entre deux suites d’images sont irrationnelles et non pas rationnelles, au sens mathématique du mot irrationnel.

-  Deuxième caractère qu’on a vu : dès lors les images sont désenchaînées. Je répète une des meilleures formules de Godard dans "Ici et ailleurs" encore une fois : « on n’est pas à la chaîne ». Il s’agit de désenchaîner le spectateur et de désenchaîner les images les unes des autres. Ce qu’il exprime par : « il ne s’agit pas d’une image après une autre, il s’agit d’une image plus une autre ». Une image plus une autre et non pas une image après l’autre. Ça, ça répond à la perte du centre et du pouvoir attractif. Mon premier caractère, c’était la perte de la fonction des harmoniques, les harmoniques étant des commensurables, mon deuxième caractère, c’est : perte du centre et du pouvoir attractif. Donc ça correspond aux deux grands aspects de la musique sérielle, uniquement à cet égard. Et ça culmine évidemment : chaque image vaut pour elle-même par rapport à celle qui précède et par rapport à celle qui suit. C’est le régime de l’indépendance des termes de la série. Que les coupures soient irrationnelles, ça veut dire quoi au cinéma ? On l’a vu ça veut dire : le règne du faux raccord. Le raccord est fondamentalement un faux raccord. C’est la coupure irrationnelle.

Troisième caractère et dernier, pour définir la suite des images sérielles : les images sont désenchaînées et ça a quelle conséquence ? Voyez on a :
-  perte des harmoniques dans l’image sérielle,
-  perte du centre tonique attractif, c’est-à-dire désenchaînement des images.
-  Conséquences, qu’est-ce-qui va faire la série ? A première vue, on l’a vu aussi dans notre programme, les images ne sont plus enchaînées, les unes avec les autres. Qu’est-ce-qui remplace l’enchaînement des images les unes avec les autres ? On l’a vu même on a souffert sur ce point. On a eu bien de la peine. Ce qui remplace c’est le réenchaînement. Au lieu de enchaînement des images les unes avec les autres, en fonction d’un centre, on a un "réenchaînement" des images par-dessus l’interstice, par-dessus le faux-raccord ou la coupure irrationnelle. Et j’insiste - parce qu’à mon avis c’était une des choses nouvelles que j’avais à dire cette année : cette différence fondamentale entre l’enchaînement en fonction d’un centre et le réenchaînement par-dessus un interstice. Car, j’insiste beaucoup sur le point suivant : le réenchaînement n’est pas un enchaînement second ; c’est un mode primaire. Le réenchaînement n’est pas moins primaire que l’enchaînement classique. Le réenchaînement est le seul mode d’enchaînement qui peut se produire des deux côtés d’une coupure irrationnelle.
-  L’enchaînement c’est le mode, l’enchaînement proprement dit - c’est ah la la ! je suis d’une clarté ! - L’enchaînement proprement dit, c’est un enchaînement qui se produit en fonction d’un centre d’attraction, et qui procède par coupure rationnelle. L’un fini, l’autre commence.
-  Le réenchaînement, c’est le seul enchaînement qui puisse se produire lorsque la coupure est irrationnelle, c’est-à-dire lorsque l’enchaînement se fait des deux côtés d’une coupure irrationnelle. C’est ce qu’on appellera un régime de "morcelage réenchaîné". Et le morcelage réenchaîné s’oppose au centre d’enchaînement. Et j’essayais de montrer comment notamment - peut-être moins chez Godard aussi, mais beaucoup plus chez Resnais - l’enchaînement des images faisait place à un morcelage perpétuellement réenchaîné.

Bon. j’ai là mes trois caractères de ce qui me permettrait de définir des séries d’images. Trois caractères qui me permettent de définir des séries d’images.
-  Coupures irrationnelles qui s’opposent aux harmoniques,
-  désenchaînement qui s’oppose à centre tonal,
-  et réenchaînement des deux côtés de la coupure irrationnelle qui s’oppose à l’enchaînement en fonction d’un centre.

Ce serait pour mon compte, mes trois critères de l’image sérielle. Seulement voilà on tombe devant un problème concret : comment obtenir de telles images sérielles ? Comment les obtenir ? Comment les obtenir au cinéma ? Je vois bien que celui qui a le plus, il me semble, réfléchi là-dessus, c’est ça que je...c’est sur lui que je voudrai terminer aujourd’hui, de même que je prenais mais ça ne vaut pas que pour lui, de même que je prenais Eisenstein comme exemple privilégié au niveau d’un cinéma sériel, je voudrai prendre - bien qu’à certains égards Resnais soit beaucoup plus typique. A la question : comment produire de telles images ? - je voudrais prendre l’exemple privilégié de Godard. Comment il fabrique ses séries, Godard ? A supposer qu’il procède par série. En effet c’est lui qui nous annonce la bonne nouvelle : vous ne serez plus à la chaîne. En allant au cinéma vous ne serez plus à la chaîne ; comme un ouvrier, les images doivent être désenchaînées. Eh bien comment fabrique-t-il ses séries ? Et voilà qu’on va avoir la plus grande surprise.

Il y avait un article de Sartre très brillant, très très bien, sur Giraudoux. Remarquez que Godard a toujours adoré Giraudoux. C’est pas seulement "Prénom Carmen" qui est un grand hommage à Giraudoux, "cela s’appelle L’Aurore", pas seulement. Il a toujours eu de tout temps un amour très grand pour Giraudoux. Sartre dans un article, dans cet article sur Giraudoux dit : c’est très curieux ; Giraudoux à première lecture, on a l’impression qu’il est schizophrène. Et puis à seconde lecture, on a une autre impression. Ce schizophrène n’est rien d’autre qu’un aristotélicien. Il dit : c’est quand même curieux, comment est-ce-qu’on peut-être aristotélicien par hasard ? Car Giraudoux n’est pas philosophe - il doit pas avoir d’Aristote, aussi cultivé qu’il soit, on n’a aucune raison de supposer qu’il avait d’Aristote une très grande connaissance - donc comment ça peut se faire ça ? C’est un peu comme - la question me semble très intéressante - parce que c’est un peu comme si je vous disais : comment peut-on être spinoziste sans le savoir ? Moi je crois que quand on est quelque chose sans le savoir, on l’est beaucoup plus profondément que quand on croit le savoir. Je veux dire qui est vraiment spinoziste ? Est-ce-que c’est les gens qui lisent et relisent Spinoza ou qui au besoin écrivent des livres sur Spinoza ? Ou est-ce-que c’est des gens qui au besoin l’ont lu, ont eu le coup de foudre ou même l’ont pas lu et se rencontrent spinozistes. Je veux dire qui est spinoziste ? L’historien de la philosophie, Victor Delbos ou l’écrivain anglais, Lawrence ? Moi je dirai : c’est Lawrence qui est spinoziste. Alors il se peut très bien que Giraudoux soit le meilleur aristotélicien du monde ! Pour tout ça je peux toujours dire si quelqu’un parle, je peux toujours dire : il est complètement kantien ! Il ne le sait pas mais ça fait rien, il est complètement kantien. Ou parfois, on dit pire, quand ça va pas là c’est plus Kant, ni Spinoza, mais bon !

Bon, l’idée de Sartre, elle est toute simple : ce qui nous donnait l’apparence schizophrénique chez Giraudoux, une impression schizophrénique, c’était une sorte de maniérisme. Tout ceux qui ont lu une phrase de Giraudoux reconnaissent ce maniérisme qu’il avait signé... Mais si on va à fond de ce maniérisme, dit Sartre, vous comprenez ce qu’on s’aperçoit c’est que pour Giraudoux, chaque être est aussi parfait qu’il peut l’être en fonction de sa forme. Chaque être est ce qu’il est, éminemment, plutôt en fonction de sa forme et de sa matière. Alors l’enfant est une quintessence d’enfant, l’amoureux est une quintessence d’amoureux, C’est pourtant pas un monde platonicien. Car c’est pas des idées pures, c’est l’ensemble forme / matière, c’est un monde de formes substantielles, dit Sartre. Le monde de Giraudoux, c’est un monde de formes substantielles. Même le cornichon. Il cite un texte extraordinaire, un texte très frappant de Giraudoux où quelqu’un choisi un cornichon dans un bocal et prend le cornichon plus cornichon que tous les autres cornichons. Mais tout est comme ça chez Giraudoux. Les choses décrites, il ne décrit la chose que dans la mesure où elle est la plus, cette chose que toutes les autres choses de la même classe. C’est-à-dire où elle est la forme substantielle à l’état pur. Et bien plus tous les caractères, le sourire de quelqu’un, ect...sont des propriétés qui découlent de la forme substantielle.

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