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50- 20/12/83 - 2

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Gilles Deleuze - Cinéma cours 50 du 20/12/83 - 2 Transcription : Marine CHOLLET, Cécile MOUSIST, Laëtitia CAPITOLIN

Et l’avoué explique très bien comment l’opération se fait, lui tient l’original, et les - comment on appelle cela, enfin les, voyez, oh, les employés là - les copistes tiennent leurs copies et ils relisent et tout cela [inaudible]. C’est l’opération typique de la philosophie. La réalité organique de la copie doit être rapportée au modèle. Et, donc là comme il y a trois copies, pour une fois, les autres fois il n’y avait que deux copies alors les deux autres, il y a trois copies par extraordinaire, alors l’avoué dit : « Bartelby, venez collationner ». Et derrière le paravent, surgit une proposition extraordinaire - qui a été bien traduite en français, qui répond exactement au texte américain : « Je préfère pas. Je préfère pas. » Et l’avoué croit, le philosophe croit, ne pas avoir entendu, mal entendu : "oui mais quoi ? enfin Bartelby vous m’avez compris, venez".
-  "Je préfère pas". 

Comment vous préférez pas ? » et sur le moment l’avoué dit : « Oh, c’est un caprice » et Bartelby « Bon laissons-le parce qu’il est vraiment animé d’un.. Ca recommence. Un jour on veut envoyer Bartelby faire une course alors non ça recommence, ça recommence et l’avoué s’y fait. Bartelby est un très bon copiste, il copie, mais il ne veut pas collationner, il ne veut pas vérifier la ressemblance interne de la copie avec le modèle. Et, bizarre hein ? Alors l’avoué lui dit : « Faites une course pendant qu’on collationne nous. » Et on entend : « Je préfère pas. » L’avoué s’y fait et il se dit bon : il préfère pas, il préfère pas, bizarrement tout le monde se met à s’exprimer sous la forme « je préfère, je préfère pas ». Les autres, alors là ça met l’avoué hors de lui, les autres disent : « oh je préfère pas déjeuner maintenant ». Alors tout le monde s’exprime comme ça, Bartelby est en train vraiment de les miner. Et puis, un jour, il y a le plus terrible : Bartelby s’installe derrière son paravent et ne copie plus. L’avoué attend une heure et dit : « Mais Bartelby, qu’est-ce qu’il vous prend ? Vous ne copiez pas ! ». Et on entend : « Je préfère pas ». Bon l’avoué qui n’ose pas chasser Bartelby parce qu’il a compris entre temps que Bartelby vivait dans l’étude, n’en sortait jamais, ni pour manger, il couchait dans l’étude, il se faisait porter un biscuit au gingembre pour toute nourriture par jour, tout ça, il habitait l’étude tout cela, dans la terreur et dans l’homme véridique, l’avoué est forcé de changer de bureau pour se débarrasser de Bartelby. Et Bartelby reste, il est expulsé par la police du nouveau propriétaire, de la part du nouveau propriétaire. Voyez comme cette histoire nous touche, alors il est expulsé par la police. Il reste dans l’escalier, on le met dans, on le met euh dans la, on ne sait pas quoi en faire, on le met dans la prison des gens pour dettes, dans la prison pour dettes mais il a un statut spécial d’autant plus que l’avoué paie pour qu’il soit bien, bien entretenu, il est toujours debout, comme ça.

Forme de marbre [inaudible) il est mort - Qu’est-ce que c’est ? C’est le copiste. C’est l’aventure de l’homme véridique. Du début à la fin. Avec Bartelby vous traversez tous les états de l’homme véridique.
-  L’avoué d’abord,
-  la collation, c’est à dire le rapport du modèle et de la copie,
-  la copie qui ne veut plus être collationnée, - et enfin la copie qui se détruit elle-même, il n’y aura plus de copie.

Et le copiste, qu’est-ce que c’est ? Evidemment on peut le comprendre qu’en rapportant un pareil héros à certains autres personnages de Melville qui pourraient peut être nous donner une lueur, mais le moins qu’on puisse dire de Bartelby, a une puissance du faux qui est proprement fantastique. Ce qui nous empêche de croire que la puissance du faux soit méchante [inaudible]. Deuxième temps, l’homme véridique donc on peut dire qu’il est finit on a déjà gagné, il n’y en a plus. Plus d’homme véridique, c’est Bartelby, il est mort. Mort de l’homme véridique alors moi, moi je ne ris pas du tout, c’est Nietzsche qui rit, lui ça le fait rire. Je ne sais plus où est le papier. Mais c’est un autre texte je crois. Non ? Ah oui, "tous les esprits libres font un vacarme d’enfer, tous les esprits libres font un vacarme de tous les diables". Ouais. Le texte de Nietzsche : "c’est le monde vrai, une idée qui ne sert plus à rien, qui n’engage même plus à rien, une idée inutile, superflue, par conséquent une idée réfutée, abolissons-la. Il fait grand jour, petit déjeuner, retour du bon sens et de la gaieté. Platon, le rouge de la honte au front, Platon, le rouge de la honte au front, tous les esprits libres font un vacarme de tous les diables". Voilà, c’est notre première scène.

Deuxième scène : l’homme original. Et qu’est-ce que c’est l’homme original ? C’est l’homme noble, celui qui descend directement des dieux. Et l’homme original, il n’y en a pas beaucoup. Il a une étrange noblesse, il n’a pas la modestie de l’homme véridique. Il est vraiment originel. Et pourquoi je l’appelle l’homme original ? Parce que Melville, dans un chapitre de son autre livre, d’un de ses autres livres, "le Grand Escroc", consacre quelques pages extraordinaires à trois types d’homme qu’il appelle
-  l’homme original, - l’homme remarquable -et l’homme ordinaire.

Il nous dit : vous savez, des hommes remarquables à la rigueur, c’est pas trop difficile à faire. On y arrive. Mais l’homme original, ça, atteindre l’homme original, c’est bien difficile ça, et au mieux il n’y en a qu’un par roman, quand c’est un très très grand roman. Il peut n’y en avoir qu’un. Des hommes remarquables vous pouvez en mettre beaucoup mais deux hommes originaux, ça ne pourrait pas aller ensemble. Donc là il a repéré quelque chose sur l’homme original. Il dit en effet parce qu’il a un pouvoir de réfraction, il a un pouvoir de réflexion, les autres, les autres réfléchissent l’homme original. C’est pour cela qu’il ne peut y en avoir deux dans un roman.

Et je dis, dans l’histoire de la philosophie, il y a eu un homme original. S’il est vrai que Platon c’est l’homme véridique, il y a eu un homme original. Et cet homme original avait précédé Platon et faisait partie des pré-socratiques. Et il était d’une famille divine, comme le disent les Grecs une famille agonale, c’est-à-dire descendant du dieu en fait, et pas de descendance humaine, descendant des dieux. Et cet homme, descendant des dieux, c’était le grand philosophe, faut plus dire philosophe, Empédocle. Et il est évident que, toute philosophie, et là nous allons pouvoir mieux comprendre, la fois dernière j’ai tellement été confus avec ces histoires de concepts, de concepts, d’affects, de percepts en philosophie tous - finalement parmi tout ce que j’essayais de vous dire il y avait ceci, c’est que euh euh... Quand vous lisez la philosophie comme une chose morte il vaut mieux ne pas la lire, il faut la lire comme vous lisez aussi n’importe quoi, un grand roman, un grand poème, une grande pièce comique, un grand... parce que finalement il y a trois lectures de la philosophie, trois lectures coexistantes. Si on me dit et il faut - ce qu’il y a de terrible c’est qu’il faut faire les trois.

Il y a la lecture que l’on pourrait appeler scolastique. C’est quoi ? Bien : il faut bien rendre compte de la doctrine. Si j’essaie de rendre compte de la doctrine je vous dirais et ben voilà vous avez qu’à avoir un dictionnaire à Empédocle ou d’histoire de la philosophie. Seulement ce sera un mauvais compte-rendu ou un bon compte-rendu. On sera dans le domaine encore du véridique, on sera ramené au véridique. Est-ce que ce qui est dit est exact ? Hein ou pas ? Ou vraisemblable ? Des textes d’Empédocle, il n’y en a pas beaucoup, hein ? Et on ne sait pas bien ce qu’il a dit. Alors on essaie de raconter, alors d’après la première lecture je vous dirais ben oui : Empédocle était un philosophe, qui a dit que le monde était perpétuellement la lutte et l’affrontement de l’amour et de la haine. Et que le monde passait par des cycles, une moitié d’un cycle étant régi par l’amour en tant que l’amour tend à réunir, l’autre moitié du cycle étant régi par la haine, en tant que la haine tend à séparer. Vous me direz : « bon c’est intéressant ». Alors si c’est une bonne histoire de la philosophie on vous donne beaucoup de détails, si c’est le petit Larousse on ne vous donne pas beaucoup de détails.

Deuxième lecture possible ; vous essayez pas d’y introduire, vous essayez de, de faire vivre ça. Bon. Car c’est vivant. A ce moment là, je suppose, vous n’êtes même pas professionnel de la philosophie. Il vaut mieux ne pas être professionnel de philosophie, personne. Vous vous appelez par exemple, Romain Roland et, vous écrivez un petit livre, vous avez envie, trouvant qu’Empédocle c’est vraiment beau, vous avez envie d’écrire un livre intitulé le feu d’Empédocle car chacun sait que pour finir il se jeta dans un volcan. Alors cela donne ...,

"il se fuit l’amitié bannie, forme la zone externe du chaos de la sphère. Mais voici que les temps révolus une fissure se produit dans le vase fermé du monde que remplissait la haine. Elle s’égoutte au dehors et fuit très lentement - La haine s’égoutte. Une fissure se produit dans le vase du monde, la haine va s’égoutter. Elle s’égoutte au dehors et fuit très lentement, et à mesure que son niveau baisse accoure pour la remplacer le flot bienfaisant de l’amour immaculé. Sur son passage les éléments séparés se rapprochent et se mêlent. Un sillon de vie se creuse sous le socle. La pression réciproque des deux forces rivales, l’amour et la haine, déclenchent dans l’inerte chaos, le mouvement tombant du tourbillon. D’abord l’amour va droit au centre de ce monde où la haine se retire. Et de ce noyau primitif, premier foyer d’union, il reconquiert peu à peu, pied à pied, tout le reste de son empire".

Qu’est-ce que je peux dire ? Ben oui, c’est un poète qui parle, il a poétisé le texte. Non. Il a mieux fait ; il l’a dynamisé du dedans. Au lieu de ces deux termes abstraits, séparer, unir, il nous a mis des dynamismes violents ; le mouvement centripète, le mouvement centrifuge, la fissure du vase, etc. A mon avis, il nous a fait comprendre déjà quelque chose d’autre. Mais peut-être qu’il fallait la première lecture aussi, j’en sais rien.

Et puis je veux juste dire : il y a une troisième lecture, c’est que encore la poésie ne suffit pas. Il faut aussi la philosophie. Il ne faut pas seulement, ce serait trop facile mettre un peu de poésie dans l’histoire de la philosophie, ça ne suffit pas. Il faut la philosophie. Mais la philosophie ça consiste en quoi ? Ben, euh... Ca consiste à dire non pas du tout est-ce que c’est vrai tout ça ? mais pourquoi est-ce qu’ils disent cela ? C’est poser cette question fondamentale. : Pourquoi ça plutôt qu’autre chose ? Pourquoi sommes-nous empédocléens ? Si nous comprenons pourquoi il a dit ça d’une certaine manière... on ne va pas lui dire non ce n’est pas vrai, hein. Qu’est-ce que c’est cet appel à une nécessité absolue que Empédocle avait de dire cela, en tant qu’était l’homme le plus noble et le plus original ? Qu’est-ce que c’est cette histoire du cycle de l’amour et de la haine ? C’est que Empédocle, bien sûr il est avant, il est avant Platon donc, mais j’espère que je ne ferais pas une erreur catastrophique mais je suis prudent, il est, il a affaire avec Parménide. Mon dieu, tout d’un coup il n’y a personne qui se rappelle les siècles, les dates, les dates présumées [inaudible], peu importe, il a affaire avec Parménide. J’espère qu’il est après. Oui. Enfin vous vérifierez dans votre Larousse habituel. D’ailleurs ça n’a aucune importance. Il a affaire avec Parménide. Et Parménide c’était vraiment la formation du monde vrai et de l’homme véridique que Platon donc reprenait ensuite.

Mais Empédocle nous dit une chose très simple, très belle et très simple : « Arrêtez de croire à des modèles. Moi qui suis de famille divine je vous dis : "sacrifiez vos vénérations." » et en effet Nietzsche qui fait un très grand portrait d’Empédocle, précisément parce qu’il est philosophe, Nietzsche nous apprend : de famille divine, on ne peut pas dire qu’Empédocle était athée [inaudible]. On lui reprochait son impiété. Le texte admirable de Nietzsche commence comme ceci : « Empédocle est de famille agonale, à Olympie il fit sensation. Il se montrait vêtu de pourpre, ceinturé d’or, des sandales d’airain aux pieds, une couronne delphique sur la tête. Il portait les cheveux longs et son visage était immuablement sombre. Il se faisait toujours suivre de domestiques. Il tenta devant [ion s’en fiche c’est pour plus tard), où est-ce qu’il est dit, qu’il est pas du tout, qu’il est accusé d’impiété, peu importe. Euh, ben, euh, je comprends pas. Bon euh qu’est-ce que ouais... Oui,

l’idée d’Empédocle c’est : il n’y a pas de modèle. Il n’y a pas de vrai. Tout ça, cessez de penser en termes de modèle et de copie. Mais alors il y a quoi ? Il n’y a qu’une chose qui compte : c’est pas l’organique n’est pas la copie d’un modèle supra-organique, il n’y a d’être et de réalité que organique. L’organique c’est toute la réalité, c’est l’être entier. Parménide était partie de "l’être est". Empédocle y ajoute quelque chose de très simple : "l’être organique est", "l’être vivant est". En d’autres termes ce que Empédocle, de famille noble veut de toutes ses forces c’est : l’unité de tout ce qui vit. Et tout ça c’est pas des idées bien philosophiques, c’est pas des idées bien bien nouvelles etc. Essayez, essayez d’écouter un discours, qui était nouveau.
-  Il y a une unité de tout ce qui vit, ça veut dire quoi ? Ca veut dire, qu’il n’y a plus de différence entre modèle et copie, il n’y a plus de différence entre essence et apparence. Il y a l’essence et qu’est-ce c’est que l’essence ? L’essence est l’apparence en tant qu’unifiée par le vivant, c’est à dire qu’est-ce qui est force d’unification ?
-  L’essence, c’est l’apparence en tant qu’unifiée par l’amour. L’apparence unifiée par l’amour, ça c’est l’essence du maître. Dès lors le mot philos change radicalement, je dirais que c’est un immense, mais un immense retournement. Philos, toute à l’heure, désignait ce qui venait après. La philias est l’amour ou l’amitié, peu importe, c’est l’amour-amitié, on ne sait même plus quoi.

Dans tout ce qu’on a vu précédemment de Platon, c’est pas par hasard que philosophie se dit philosophie, c’est parce que le philosophe" n’est que" philosophe et les Grecs distinguaient les très anciens sophos- messages, les sophoïs et ce qui est venu après : les philosophoïs, les philosophoïs. Le philosophe et le sophos ce n’est pas du tout la même chose.
-  Parménide est un sage, lui qui se meut dans les formes immuables, dans les formes de marbre.
-  Mais Platon n’est pas un sage, Socrate n’est pas un sage. Ce sont des philosphes, c’est à dire, ils copient les modèles, simplement ils les copient du dedans. On a vu ce sont des hommes véridiques. Voyez que "philos" dans cette interprétation, c’est une dérivation, c’est la dérivation de la copie à partir du modèle.
-  Le philosophe ne fait qu’aimer la sagesse, il n’est pas le sage.

Bon... Non c’est très important que philos soit un dérivé. Quel est le coup d’Empédocle ? Bien c’est le premier à avoir fait de l’amour-amitié, l’original. L’original se substitue au modèle, l’original va désigner quelque chose de tout à fait autre que le modèle. L’original c’est l’apparence unifiée par l’amour. C’est l’amour qui est constituant. L’amour a cessé d’être une dérivée, c’est devenu le constituant.
-  Il ne s’agit plus d’être philosophe, il s’agit d’être à la lettre philanthrope. Au sens large de anthropos l’homme, ça veut dire homme, hein, faudrait dire ami de tout ce qui vit, l’unité de tout ce qui vit, le philanthrope se réclame de l’amour de tout ce qui vit.

Et en effet, nous savons - heureusement il était temps - nous savons par les rares documents qui nous sont parvenus sur Empédocle, que Empédocle était très inspiré des pythagoriciens et se réclamait de la fameuse société pythagoricienne. Je dis fameuse parce qu’on ne sait pas grand chose sur elle, qui se dénommait "société des amis", la société des amis. Ca fait déjà roman, presque roman policier la société des vrais amis qui était évidemment qui avait tout un côté société secrète. Et voilà qu’Empédocle voulait la société des amis. Il n’était plus déjà, voyez, on est bien dans une seconde période, il n’était plus philosophe, il était devenu philanthrope. Et ce passage d’une philosophie à une philanthropie est quelque chose de très curieux. Vous pressentez que ça ne va pas tenir longtemps en équilibre cette histoire. Et encore une fois, cette philanthropie, c’était simplement, ça consistait à saisir l’essence ou l’être comme identique à l’ensemble des apparences unifiées par l’amour. Et c’était ça l’homme original. L’homme original.

Celui qui nous dit ça, qui nous raconte tout ça, qui nous dit ça, c’est celui qui fait le renversement de l’amour, l’amour n’est plus le dérivé, mais est devenu le constituant de l’échange. C’est l’amour qui est promis... Il a complètement renversé philosophie. Dans philosophie il y a une sagesse supposée première et amour ensuite. Les philosophes c’est ceux qui aiment. L’amour dérive de la sophia. Empédocle c’est le contraire : c’est la sophia qui dérive de l’amour. Vous me direz : bon ! puis aprés c’est fantastique un renversement comme ça c’est ça qui définit un grand philosophe. On peut dire aisément que si si peu qu’il nous reste d’ Empédocle - en tous cas Platon a rien compris à cela. Platon il dit c’est ou alors ou alors, il a trop bien compris, non je retire pardonnez-moi, je retire tout ou alors Platon a fait un contre Empédocle fantastique, en, en, en renouvelant complètement la soumission, en réaffirmant la soumission de l’amour et de la sagesse, c’est-à-dire un contre Empédocle à l’état pur. Bien, mais alors ? on est en plein drame déjà. C’est-à-dire le guignol, le second guignol a commencé depuis longtemps.

Voilà que l’essence, l’être, c’est l’être organique, il n’y a d’être qu’organique, l’être organique c’est l’apparence en tant qu’unifiée par l’amour. Qu’est-ce que c’est que ce monde là où je patauge ? Qu’est-ce que c’est que ce monde là Qu’est-ce que ce monde abominable ? Comment se fait-il que le monde ne soit pas unifié par l’amour ? Quel problème hein ? Voyez, j’ai répondu déjà à la question, pourquoi parce que si c’est pour tomber sur une question comment... Pourquoi ? Pourquoi Empédocle nous raconte toute son histoire ? Il nous raconte son histoire parce qu’il a une grande idée, opérer le renversement de l’amour. Ca on vient de le voir. Mais qu’est-ce qui se passe ? Comment expliquer, qu’alors que l’être c’est l’apparence unifiée par l’amour, justement nous serions dans un monde où l’amour manque. C’est pas du tout, vous prenez ça pour une autre forme quand on le présente comme ça, c’est-à-dire comme Nietzsche le présente d’ailleurs dans son compte-rendu d’Empédocle. Il s’agit plus de dire abstraitement ben d’après la théorie d’Empédocle il y a un monde, il y a deux cycles, euh, il y a deux cycles que traverse le monde, non il y a un cycle composé d’une période d’amour, d’une période de haine et puis ça recommence, etc... Et en un sens on apprend ça par cœur et on se dit bon très bien c’est beau c’est bien oui c’est bien ça c’est... c’est rigolo qu’est-ce qu’ils avaient dans la tête tout ces Grecs ? C’est plus que ça. Les deux idées ont pas du tout le même sens, pas du tout au même niveau, l’amour et la haine chez Empédocle. Comprenez que, une fois qu’ il a fait son renversement, qu’il à défini ’l’Être comme l’apparence unifié par l’amour", il tombe sur la question : "mais comment ça se fait que l’apparence ne soit pas unifiée par l’amour". Où est l’amour ? Il a fuit ! Il a fuit. Qu’est-ce que c’est ce monde ? Voila un passage admirable de Nietzsche. Parce que là c’est vraiment faire sentir la vie, une vie à l’intérieur d’une pensée de philosophe. "Il chercha à inculquer à tous l’unité de tout ce qui vit. Expliquant que manger de la chair était une sorte d’autophagie. ( inaudible) Le meurtre de ce qui nous est proche voila l’unité de tout ce qui vit. Il voulait faire passer les hommes par une purification inouïe. Son éloquence se résume dans cette pensée, que tout ce qui vit est. Un, les dieux, les hommes et les bêtes. L’unité des vivants est la pensée parménidienne ; là c’est obscure, la traduction est obscure, aussi écoutez bien. L’unité des vivants est la pensée parménidienne de l’unité de l’Etre sous une forme infiniment plus féconde. Comprenez ? Parménide a conçut l’unité de Être mais Empédocle lui conçoit l’unité de l’Être vivant et c’est beaucoup plus fécond que Parménide : voilà ce que veut dire la mauvaise traduction de Nietzsche. Une sympathie profonde avec toute la nature, une compassion débordante s’y ajoute. Le but de son existence à lui, Empédocle, lui paraît de réparer les maux causés par la haine. De proclamer dans une monde de haine la pensée de l’unité et porter un remède partout où apparaît la douleur, conséquence de la haine. Il souffre de vivre dans ce monde de tourments et de contradictions. Où est l’amour ? C’est la pensée obsédante d’Empédocle, beau comme un dieu, descendant lui-même des dieux, qui se promène et qui dit : Où est l’amour ? Sous la plume de Nietzsche, Zarathoustra aura des promenades semblables, cela va de soi. Et Zarathoustra aussi, sera empédocléen en ce sens qu’il aura fait le renversement. Amour, Sagesse. Poussez plus loin l’amour qui dérive de la sagesse et la sagesse qui résulte de l’amour.

Et bien et bien. Qu’est-ce qui a pu empêcher l’unification demande Empédocle ? C’est là qu’intervient le thème de la haine. Il a fallu que la haine s’empare de l’apparence Il a fallu que la haine s’empare de l’apparence pour que l’apparence ne soit pas unifiée par l’amour c’est-à-dire : ne nous donne pas l’unité de tout ce qui vit. En d’autre termes, derrière l’apparence il y a une volonté mauvaise. Derrière l’apparence il y a une volonté mauvaise, obtuse qui l’empêche d’être unifié par l’amour. Il faut traquer cette volonté obtuse, il faut attaquer cette volonté mauvaise derrière l’apparence. On n’est plus derrière l’apparence, il y a des essences, il y a des modèles au delà. On n’est plus au delà ! Derrière l’apparence, la haine travaille et empêche l’amour d’unifier l’ensemble des apparences. Et moi Empédocle, je prendrai ma lance et mon épée et j’atteindrai derrière l’apparence, cette volonté têtue, mauvaise qui s’appelle la haine. Sentez le drame. Certains d’entre vous on déjà mis sous le nom d’Empédocle un autre nom et même plusieurs autres noms. Et je prendrais ma lance pour traquer le... Je ne cite pas, rien. C’est dans votre... dans.. "Et je prendrais ma lance pour traquer derrière les apparences cette volonté têtue qui empêche l’apparence d’être unie par l’amour". Vous comprenez, ça devient... Vous pouvez trouver ça complètement fou cette idée, vous ne pouvez pas la trouver médiocre. Dans une histoire de la philosophie, Empédocle, vous vous dites, bon cela en est un de plus, il y a la liste, y a Parménide, y a Empédocle, y a Héraclite, tout ça. Ici c’est la même chose c’est le même boulot qui faut faire pour tous. Retrouver le pourquoi, le comment de leurs pensées. C’est pas ce que dit quelqu’un qui compte, c’est pourquoi il le dit, comment il le dit, quelle raison il a de le dire, qu’est-ce que c’est que son affaire à lui. Si vous comprenez pas ce que c’est son affaire à lui, pas lui comme individu, ce que c’est que son affaire à lui plus profond,comme Individu. C’est-à-dire quel est le problème dont il meurt, quel est le problème dont il vit, le problème dont il meurt. Vous avez rien compris et vous avez rien compris de vos propres problèmes à vous. Alors je dis - Je n’ai qu’a prendre un texte. Vous allez reconnaître. Une fois de plus écoutes moi et un ton encore en dessous mon gars. Gars, tout les objets visibles ne sont que des mannequins de cartons. Tous les objets visibles ne sont, C’est mieux dit que des apparences. Tout les objets visibles ne sont que des apparences tout les objets visibles ne sont que des mannequins de cartons et dans chaque évènement, dans l’acte vivant, derrière le fait incontestable... Vous suivez le texte, tout ça c’est des synonymes de mannequin. Ce ne sont que des mannequins de cartons, tout les objets visibles sont des mannequins de cartons aussi bien des actes vivants, des faits incontestables. Derrière les mannequins de cartons, derrière les faits incontestables, quelque chose d’inconnu et qui raisonne se montre. Quelque chose d’inconnu et qui raisonne se montre derrière le mannequin qui lui ne raisonne pas. Traduisez ! Tout est mannequin, tout est apparence. Seulement attention, cette apparence que je voulais unifier par l’amour et n’est pas unifiée par l’amour. Elle est séparée, elle est fragmentée par quelque chose de fondamentalement mauvais, la haine. Derrière le mannequin y a quelque chose qui raisonne. "Si l’homme veut frapper - Si l’homme original, si moi homme original je veux frapper, si l’homme veut frapper - qu’il frappe à travers le mannequin". C’est une phrase sublime, tout est sublime dans ce texte. "Derrière les objets visibles, les mannequins de cartons, il y a quelque chose d’inconnu et qui raisonne derrière le mannequin. Si l’homme veut frapper, qu’il frappe à travers le mannequin". Ça continue... "Comment le prisonnier pourrait-il s’évader, atteindre l’air libre sans percer la muraille ? Vous allez reconnaître tout de suite.. Pour moi cette baleine blanche est cette muraille, c’est le mannequin de carton. Pour moi cette baleine blanche est cette muraille tout près de moi. Parfois je crois qu’au delà il n’y a rien. Parfois je crois qu’au delà des apparences il n’y a rien. Mais tant pis ça me travaille, ça m’écrase je vois en elle.. C’est-à-dire à l’intérieur, derrière elle, une force outrageante avec une ruse impénétrable. C’est cette chose impénétrable que je hais avant tout et que la baleine blanche soit l’agent ou que la baleine blanche soit l’essentiel j’assouvirais, j’assouvirais cette haine sur elle. Ne parle pas de blasphème mon gars, je frapperais le soleil s’il m’insultait car si le soleil peut faire une chose, moi je puis faire l’autre puisqu’il y a toujours une règle au jeu et que les combats de la jalousie président à toutes les créations".

Je termine là parce que ça me fera citer mot à mot Empédocle. Le combat de la haine préside à toute création. Et vous voyez pourquoi il préside à toute création. Ceci c’est le texte fameux, le discours fameux du capitaine Achab dans mober, dans Moby Dick. Lorsque Achab dit : Non, je ne cherche pas ma vengeance contre Moby Dick. Je dirais Achab c’est Empédocle. Un autre célèbre fut Empédocle. Empédocle a vécu à mon avis trois fois, oui c’est suffisant, trois fois surtout qu’il croyait à la réincarnation Empédocle alors...
-  il a vécu une fois sous l’apparence célèbre de Don Quichotte - et une seconde fois sous l’apparence célèbre du capitaine Achab.

Don Quichotte, qu’est-ce que c’est ? C’est pas du tout un type qui se trompe. C’est pas du tout le type qui a des hallucinations, du moins il a des hallucinations mais c’est un grand voyant, c’est un visionnaire. Ça ne l’empêche pas d’être très drôle hein ! Tout ça c’est très drôle tout ce que je vous raconte. Je sais pas si vous y êtes bien sensible mais c’est extrêmement drôle. Un visionnaire.... Oui il est halluciné ! Évidemment quand on voit ce qu’il y a derrière les choses, on est hallucinés.Leur problème à ses gens la, l’homme original c’est pas de voir ce qui a au dessus ! Ça c’est bon pour Platon enfin c’est... (rires)C’est bien, c’est pour ça qu’il y aura un christianisme platonicien. Tandis qu’il ne peut pas y avoir de christianisme empédocléen. Pour Empédocle, y a rien au dessus des choses !! On peut s’arranger entre chrétiens et platoniciens parce que... lui disait "les idées" mais on peut y glisser du Dieu dans les idées.. Non mais...Pour Empédocle il lui vient même pas l’idée que y a quelque chose au dessus ! Le ciel ! Le ciel c’est du vivant, les dieux c’est du vivant comme les bêtes comme un Nietzsche a bien du lui faire dire. Il aurait pu ajouter le ciel, le ciel, les astres, les bêtes, les dieux, tout ça c’est l’unitéduvivant.
-  C’est l’unité du vivant que seul l’amour assure.

or nous sommes dans un monde de la désunion. Nous devrions avoir l’Être c’est-à-dire pas autre chose que l’apparence, pas quelque chose de la haut. Nous devons avoir l’Être ici bas. Empédocle dit c’est ici. Et l’Être ici bas c’est l’apparence unifiée par l’amour. Nous demandons que ça. Ça impliquait le renversement de l’amour. Le renversement du concept d’amour tel que... Nous ne l’avons pas ! C’est que derrière l’apparence y a quelque chose qui empêche cette unification par l’amour. Ce quelque chose c’est la haine, bah il faudra la traquer cette volonté de la haine, cette volonté haineuse. Il faudra que l’homme originel euh original prenne sa lance et derrière l’apparence, c’est-à-dire le mannequin de carton. Derrière les mannequins de carton dont on attend et dont on voudrait tant qu’ils prennent vie autonome et qu’ils prendront vie autonome dès qu’il seront unifiés par l’amour et dès qu’ils pourront être unifiés par l’amour, il cesseront d’être mannequins de carton.

Mais ce qui les empêchent de prendre vie ces mannequins de carton, c’est qu’il y a une volonté sournoise située derrière eux dont-ils sont où l’agent, où l’essentiel, qu’importe, il y la haine. Et bien il faut prendre nos épées contre cette haine, pour vaincre cette haine et Don Quichotte fonce derrière les mannequins de carton pour atteindre quelque chose derrière les mannequins de carton et le capitaine Achab lance son navire qui périra tout comme Don Quichotte qui finira euh le capitaine Achab périra dans cette tentative pour atteindre derrière le mannequin de carton quelque chose qu’il appellera finalement le Léviathan. Quand on voit ce qu’il y a derrière les choses on est halluciné ! Leur problème à ces gens là, l’homme original. Cette tentative, pour atteindre derrière le mannequin de carton quelque chose qu’il appellera finalement le Léviathan. Seulement vous comprenez le drame, qu’est-ce que c’est le drame ? Mais c’est que l’homme original, il était parti comme étant le philanthrope, l’amoureux faisant la révolution de l’amour. Il se retrouve dans quoi ? Il se retrouve face à face avec la haine, en proie à la haine, il est passé de l’autre côté, il a été entraîné derrière le mannequin de carton. Et il se retrouve quoi, haine contre haine. Il suscite la haine. Il rend la haine, et Empédocle le méprise.

Non seulement le monde, mais les Hommes qui se dérobent à l’unification par l’amour. Et il est pris de ce que Nietzsche appellera le « grand dégoût ». Il a cessé d’être le philanthrope pour devenir ce que Melville dans " Le grand escroc" appelle un philanthrope amer, le philanthrope amer. Pas tout à fait la même chose que le misanthrope, mais il finira d’une certaine manière misanthrope. Le philanthrope amer, c’est déjà en effet celui qui dit : « il n’y a que des mannequins de carton. Et derrière eux, une volonté obtuse ». Il est passé de l’autre côté.(inaudible) Il suffit pas de définir les formations cristallines ! il y a quelque chose dedans. Il est passé. Et c’est vrai du capitaine Achab, et c’est vrai d’Empédocle, et Empédocle se jette dans un volcan. Et c’était vrai de Don Quichotte, [inaudible] Ca continue à être on vient de le voir, au niveau de l’Homme Original. Vous tenez ? je vais aller trés vite je e vais plus developper que le shéma- Il faudrait beaucoup développer, hein.

-  Troisième scène ! Voilà. On en est où pour le moment ? Je disais, vous voyez la première scène c’était : « l’Homme véridique s’est écroulé ». Il est tombé en fragments. Le marbre s’est tout fragmenté, hein. Et c’est Bartelby. Tout fini en Bartelby quoi. C’est l’aventure de l’Homme véridique. Là on en est à l’Homme original, il s’est pas écroulé. Il s’est pas écroulé mais il est passé de l’autre côté, hein. Il a été entraîné, hein. Sa lance l’a entraîné, hein. Il est passé de l’autre côté du mannequin de carton. C’est-à-dire, il est passé dans la haine. Qu’est-ce qui pouvait lui arriver de pire ? Il avait élevé la philosophie à la hauteur de la philanthropie et il est devenu "philanthrope amer". Il a plus qu’une ressource, se jeter dans le volcan ou bien livrer un combat de la dernière chance. Le capitaine Achab. Fin du deuxième acte.

Et après il est passé de l’autre côté, et faut pas l’oublier, hein. Parce qu’on va le retrouver ça. 3éme acte : Là, tout légèreté. Ce sera un ballet. Faudrait faire un ballet avec ça. Il y aurait tout pour faire un ballet. Je vais arrêter, je vais arrêter tous ces trucs là ; et au second semestre on va faire un ballet avec. On verra les costumes, tout ça. Tout ce qu’il faut. Imaginez déjà le costume de l’Homme original ! (rires) C’est pas facile, hein. L’Homme de marbre tout ça. L’Homme de marbre, faudra demander à Chéreau et c’est très bien parce que il y a tout, hein. Bon on fera tout ça, hein ? On fera un atelier de couture. Il y aura tout, hein. Un atelier de couture, un atelier dramaturgie. Tout ça. On fera tout ça.

Alors troisième acte ! C’est tout en, tout en comment dire ? C’est Tout repos. C’est d’étranges voix, c’est d’étranges voix bonasses qui vous disent :  « Allons, allons. Faut pas exagérer ! Mais qu’est-ce qu’il y a ? Qu’est-ce qui y’a qui va pas ? Hein ? C’est pas si terrible que ça ! Bah, qu’est-ce qui vous prend ? Oh, écoutez ! Mais non, regardez. Mais non. L’Homme n’est pas si mauvais que ça. Mais non. Le vrai bien sûr, le vrai on l’a pas ! Mais on s’en approche. On peut s’en approcher. Faut faire des efforts, faut aussi faire des efforts pour s’apercevoir que l’Homme est bon. Puis quand même, il y a des lois. Les gens malgré tout, oui bien sûr ils seraient méchants si il n’y avait pas les lois, mais y’a des lois. C’est quoi ça ? Toutes ces voix qui, qui nous calment et dont on a très besoin ? Je peux dire aussi bien qu’elles émanent de l’Homme ordinaire ; ou qu’elles portent sur l’Homme ordinaire.

On nous dit : « Mais non, qu’est-ce que vous racontez ? Votre histoire. L’amour, la haine, mais vous êtes des Don Quichotte ! Vous êtes des Don Quichotte ! Faut pas ! C’est pas si grave ! » En d’autres termes, c’est la petite voix du gros Sancho qui parle là ; ou bien c’est la voix des seconds du capitaine Achab qui disent : « Mais Moby Dick, c’est une baleine plus terrifiante, mais c’est une baleine comme les autres ! Chassons les autres ! Restons dans l’ordinaire. » Ou bien c’est ce que, dans une page splendide de Moby Dick, toujours Melville appelle : « le désespoir sans façon ». Mais dans "Le grand escroc" , il a un mot non moins aussi satisfaisant. Il appelle ça : « le misanthrope jovial ». Voyez que c’est très normal que "le misanthrope jovial" vienne après "le philanthrope amer". Alors le misanthrope jovial c’est celui qui dit : « Ah oui. Ca d’accord, ça les hommes ils valent pas cher. Mais la peur du gendarme vous savez, faut pas en faire des drames ! Tout ça, c’est très ordinaire. » Mais, vous entendez ce discours, du : « mais c’est très ordinaire » ? Je vous rappelle que c’est là qu’il faut mettre et reprendre ce roman dont je vous ai parlé, tant il me plaisait. Ce roman feuilleton de Maurice Leblanc, dont le héros « Balthazar » était professeur de philosophie quotidienne, dans des pensionnats de jeunes filles. Et la philosophie quotidienne du professeur Balthazar, consistait à dire : « Quelles que soient les aventures qui semblent vous arriver, elles s’expliquent très simplement. Attendez un peu. Vous verrez, tout ça est très ordinaire. Et il tombe. Et comme Balthazar est, à tous les niveaux - Comme il arrive à Balthazar les catastrophes les plus étranges , les plus insolites (que il) est aussi du côté d’Empédocle, (que il) sera finalement de tous les côtés, Balthazar. Et ben, sous cet aspect-là, il appartient bien à l’Homme ordinaire et le professeur de philosophie quotidienne, hein.

Et puis, si j’en reviens toujours à ce grand et étrange roman de Melville Le grand escroc ; est-ce par hasard que Le grand escroc a comme trois niveaux ? Un discours tenu uniformément par une série de personnages que nous ne pouvons pas encore qualifié. Et ce discours, est un discours étrangement arrangeant. Philanthropique pas au sens d’Empédocle. Un discours philanthropique au sens misanthrope jovial. A savoir, tout ça n’est pas si grave, et toute cette série de personnages qui traverse le grand escroc, tiennent et s’enchaînent les uns aux autres, à partir des fragments d’un discours total sur : « Mais non, c’est pas si grave que vous croyez. » Ce discours de l’ordinaire est adressé au misanthrope, et dirigé contre les misanthropes. C’est dit explicitement dans le texte, hein. C’est le discours "contre" la misanthropie, ou "contre" les philanthropes amers. Et ce discours dirigé contre la misanthropie ou contre les philanthropes amers c’est le discours des philanthropes joviaux ou des hommes - C’est le discours ordinaire. Qu’est-ce que sont ces hommes qui le tiennent ? C’est une autre question que je laisse pour le moment. Bon. On pourrait dire que ; il s’agit de quoi ? D’une certaine manière, le discours de (, ; ce discours ordinaire ce serait quoi ? Ce serait le discours qu’on pourrait appeler : « le discours de la loi ». L’homme ordinaire tient le discours de la loi. Mais il faut bien comprendre.
-  La loi c’est quoi ? C’est arranger les perspectives.

La loi, c’est la combinaison des perspectives pour que les perspectives ne se heurtent plus. Il y a un art de composer les perspectives, pour que les gens s’arrangent entre eux. Ce sera l’art de distinguer les rapports différents sous un certain rapport, sous un autre rapport. Ce sera un art du discours c’est le discours qui fera la loi - c’est pourquoi l’homme ordinaire s’exprime par discours le discours de la vie ordinaire. Il se propose d’arranger les perspectives, de composer les perspectives entre elles et c’est ça la loi. je vais très vite parce que j’ai pas le temps faudrait prendre des exemples pour analyser ces euh en d’autres termes il impose des perspectives communes et les perspectives communes c’est très intéressant à analyser ça nous fait un nouveau type de perspectives un troisième grand type de perspectives hein euh les perspectives communes. Il faut voir leur rapport avec les, les perspectives particulières c’est pas n’importe quelle perspective qui se laisse arranger y’a les perspectives combinables bon ça c’est l’opération de la loi... (inaudible) qu’est-ce que les grecs, comment ils faisaient les grecs pour eux c’était tout simple : c’était le discours du « nomos » c’est le « nomos » qu’on traduit ordinairement par, en très gros par la loi. Et les grecs opposaient, à partir d’un certain moment, opposaient le « nomos » à la « physis » et voilà que d’après ce que nous savons l’un des plus grands sophistes semble t-il même je crois bien à vérifier dans le Larousse aussi, le premier dans la date se réclamait et fut] le philosophe du « nomos » et son discours était, il s’appelait Protagoras et son discours était à peu près celui-ci : "oh ben écoutez du point de vue de la nature les choses elles vont plutôt mal hein parce qu’il y a pas de vrai, il n’y a pas de faux, il y a ni vrai ni faux et finalement il y a rien du tout - expression parfaite de ce que Nietzsche appellera plus tard le « nihilisme. »

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