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49- 13/12/83 - 2

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Gilles Deleuze - Cinéma Cours 49 du 13/12/83 - 2 transcription : Patrice Perena

(inaudible) par rapport au mode vrai. Au point que suivant Nietzsche, il faut dire :" C’est l’homme véridique qui est le monde vrai". Et si c’est l’homme véridique qui est le monde vrai, alors, encore une fois, la forme du vrai a déjà fait place à la puissance du faux. Le chœur, au sens tragique, éclate en sanglot. L’homme véridique, alors.... C’est-à-dire il faut demander à l’homme véridique : qu’est ce qu’il veut ? A ce point, il ne peut plus nous dire, nous l’avons débusqué, Il ne peut plus nous dire : « bah voyons je veux le vrai », il peut plus nous dire ça. Il peut plus nous dire « je veux le vrai ». Comment est ce qu’il pourrait nous dire ça ?
-  Puisque le vrai, c’est le « sans perspective » et que nous lui demandons : « Toi, dans ta perspective, qu’est ce que tu veux, lorsque tu dis, je veux le vrai ? Et qu’est ce que c’est que cette perspective, qui a besoin de voir, de vouloir le « sans perspective » du vrai ? Quelle est ta perspective ? ».

Je dis à l’homme vrai. Je ne pouvais pas le dire à l’homme véridique, je ne pouvais pas le dire au monde vrai. Si il avait su parler, il m’aurait répondu : « Je suis sans perspective, vois moi. Je suis le cube vu par l’œil de l’esprit de tous les côtés ». Voilà ce qu’il m’aurait répondu, je n’avais plus qu’à me taire. Mais j’ai attendu d’apercevoir l’homme véridique qui se ballade dans le monde vrai, et j’ai dit : « ah mais toi, toi, toi, mais voyons, tu as une perspective ! » Et oui, il avait une perspective. Et cette perspective il ne peut pas ( ). C’est la perspective qui consiste une fois à vouloir le vrai puisque le vrai c’est le « sans perspective ». « Quelle est ta perspective à toi, homme véridique ? Qu’est ce que tu veux, quand tu dis : je veux le vrai ? »

-  Et Nietzsche dit déjà qu’il va commencer à nous répondre en nous disant : « je ne veux pas être trompé ». Cette fois-ci, paragraphe trois cent quarante quatre du « Gai savoir ». L’homme véridique nous répond : « Je veux le vrai parce que je ne veux pas être trompé. ». Et pourquoi, pourquoi est-ce qu’il veut pas être trompé ? Qui est-ce qui ne veut pas être trompé ? On ne peut pas le lâcher comme ça, il dit, « je veux pas être trompé ». Qui est-ce qui veut pas être trompé ? Et Nietzsche montrera dans ce texte que derrière : « je ne veux pas être trompé », il y a encore quelque chose d’autre. Je vous renvoie à ce paragraphe trois cent quarante quatre du « Gai savoir ». Il y a encore quelque chose, c’est : « je ne veux pas tromper, ni les autres ni moi-même, je ne veux pas tromper ».

-  Bien, tu ne veux pas tromper. Vous voyez, c’est un avancement très long là, c’est limpide comme cas, c’est très clair. L’homme véridique, voila que sa perspective est celle-ci : « Je ne veux pas tromper ni les autres, ni moi-même ». Et si il ne veut se laisser tromper, c’est parce qu’il ne veut pas tromper ni les autres ni soi-même. Et bien, et qu’est ce que c’est que ça ? C’est la perspective morale de l’homme véridique. Du moins, c’est la première apparition de la perspective morale de l’homme véridique.
-  Il y aurait donc un présupposé moral. C’est ce présupposé moral qu’il faut, il faut à tout prix, il faut à tout prix, analyser d’où passage à un deuxième ordre de proposition.

-  Et bien, le deuxième ordre de proposition, c’est les textes très variés de Nietzsche où on a l’impression que quelque chose l’indigne toujours. Et ce quelque chose qui l’indigne toujours, c’est un peu ce que j’ai essayé de dire au tout début. Vous le trouverez dans le « Gai savoir » paragraphe trois cent dix neuf et paragraphe trois cent quarante cinq. Le début de ce trois cent quarante cinq est très beau, juste après le texte (...) Voyez en trois cent quarante quatre, il a dégagé que au-delà du concept de vérité, il y avait un problème de la morale.

-  Et trois cent quarante cinq s’intitule le problème de la morale. Il nous dit : voilà comment commence le texte : « Le manque de personnalité se venge partout. Une personnalité affaiblie, mince, éteinte, qui se nie et se renie elle-même ne vaut plus rien, surtout pour la philosophie. Le désintéressement n’a aucune valeur, ni dans le ciel ni sur la terre... » Le désintéressement, il le lie très bizarrement avec le manque de personnalité. En effet c’est l’impersonnalité. L’impersonnalité, tout ça, ça vaut rien.
-  « ...Les grands problèmes exigent tous le grand amour... ». Bizarre ça. (Inaudible). Les grands problèmes. On retient au fur et à mesure ce qu’on essaie, ce qu’on a l’impression de comprendre. J’essai de traduire pour faire des liens avec ce qu’on vient de dire. Faites attention, il est en train de nous dire. Si vous considérez les concepts en eux-mêmes, c’est-à-dire de manière impersonnelle et désintéressée, ça va pas valoir cher. Le manque de personnalité ne vaut rien, surtout pour la philosophie. Ne considérez jamais un concept d’une manière désintéressée ou impersonnelle. « Les grands problèmes exigent tous le grand amour et seuls les esprits vigoureux, nets et sûres, d’assiette solide, sont capable de ce grand amour. »
-  Et voilà ce qu’il veut dire. Mais ça a l’air vraiment de platitudes, hein ? Mais quand c’est des platitudes de Nietzsche, euh... après tout peut être qu’elles nous intéressent. « Il y a une différence énorme entre le penseur qui engage sa personnalité dans l’étude de ces problèmes, au point de faire d’eux sa destiné, sa peine et son plus grand bonheur et celui qui reste impersonnel, celui qui ne sait les palper et les saisir que du bout des antennes d’une froide curiosité. » Alors ça a l’air de nous dire enthousiasmez vous, euh... portez de l’intérêt aux choses, etc..... Et ça ne veut dire que ça. Ca va, très bien. Ca veut dire que ça. Simplement, ça donne à « ça » une profondeur que nous ne savions pas d’avance. Qu’est ce qu’il est en train de nous dire, en effet ?

-  Et c’est le second type de proposition que je veux retenir, donc que j’ai déjà largement esquissé.
-  Le concept : Vision sans perspective, je disais,
-  il nous ajoute : Vision désintéressée impersonnelle. Ca ne vaut rien si vous n’y joignez pas le grand amour. « Un grand problème implique un grand amour ».

Alors ça veut pas dire sans doute, éliminons tout de suite ce que ça peut pas vouloir dire. Ca veut pas dire : Ah bah oui le, le savant qui aime beaucoup sa petite... euh..., par exemple le spécialiste des coléoptères qui adore son coléoptère, ou bien le spécialiste de Descartes qui adore le cogito, le spécialiste de Kant qui adore... Ca doit pas vouloir dire ça. Et qui y met toute sa vie - car c’est de la question que l’on sent tout de suite pointer, c’est : Ah oui, ah oui, il faut pas de concept impersonnel et désintéressé. Non, et encore je m’exprime mal, vous voyez, c’est tellement, c’est tellement bien cette histoire.

-  C’est pas que les concepts soient pas impersonnels et désintéressés, ils le sont, c’est le « sans perspective ». Nietzsche nous dit pas il faut pas ça. Nietzsche nous dit si vous n’y joignez pas le grand amour, ça vaut rien.

Bon. Alors, j’essaie de dire qu’est ce que c’est que le grand amour. Le grand amour, ça ne peut être qu’un état de vie. Tout dépend la vie. Je reprends mon spécialiste des coléoptères. Il a mis toute sa vie dans...-Et encore ça peut être formidable). Il a mis toute sa vie dans - je ne peux même pas dire les coléoptères parce qu’il dirait : Mais les coléoptères c’est un monde infini, dans tel coléoptère. Et mieux peut être a t-il mit toute sa vie dans l’articulation de la patrie gauche de tel coléoptère. Peut être, bon. Est-ce que c’est ça ? Ca peut être ça. Ca peut être ça, mais évidemment le grand amour ça désigne un état de vie. Un état de vie ? Qu’est ce que ça signifie là, un état de vie ?
-  Un état de vie, c’est toujours relatif. Je veux dire, un état de vie c’est toujours un passage.
-  En fait y a pas d’état de vie, y a des passages d’état à un autre. Des passages d’état à un autre. Ces passages d’état, ça peut se faire dans deux sens. Je passe à un état qui enveloppe une plus grande puissance de vie, force de vie, ou je passe à un état qui enveloppe moins de force de vie.

-  Tout passage, dans le sens d’augmentation ou de diminution, s’appellera un affect. Les affects sont des passages.

L’affect qui augmente une force de vie, Nietzsche en parle très souvent et lui donne un nom particulier. Il l’appelle ivresse. L’ivresse, c’est donc pas boire, c’est pas la drogue, bien que boire et la drogue puissent...on sait pas, Nietzsche y fait allusion parfois. Est-ce que ça produit de telles augmentations ou pas ? Est ce que l’on paie ces augmentations d’une diminution aussi considérable, etc.... Et tous ces problèmes ? Faudrait les voir dans chaque cas.
-  Mais, il l’appellera ivresse, toute intensification, tout processus d’intensification qui augmente la puissance de vie. Plus ma puissance de vie.... Alors vous voyez, je choisi pas moi, je.... Tout dépend de chacun. L’important c’est, que.... On décide, comme ça. Vaut mieux qu’une puissance de vie augmente plutôt qu’elle ne diminue. Vous me direz mais y a des cas, y a des cas c’est pas au choix. Par exemple la maladie, votre puissance de vie diminue. C’est pas du tout la question, vous comprenez ? Nietzsche est quand même assez malin, surtout lui qui avait une si petite santé. Il est pas en train de nous dire vive les costauds, il faut se rendre costaud, pas du tout. Il dit que, quelque soit votre état. Quelque soit votre état, il y a des affects qui sont des passages à une moindre puissance de vie et des affects qui sont des passages à une plus grande puissance de vie, y compris quand vous êtes mourant.

-  Si il arrive un jour qu’un mourant, n’est ce pas, sente, sente sur le front la moindre caresse de lumière ou de soleil qui le réconcilie avec la mort, je dis : ce fut une fantastique augmentation de puissance de vie.
-  Si il y a un athlète dans toute la possession de ses moyens qui regarde autour de lui et jalouse chacun en disant je voudrais avoir la forme des oreilles de celui-ci, le regard intelligent de celui-là, etc.... Je dis que cet homme amer, si bien qu’aille son corps, et même au besoin si bien qu’aille son âme, ne cesse de diminuer dans sa force de vie. Peut être est-ce que vous pressentez ce que Nietzsche est en train dire.

-  Il s’agit pas de remplacer, surtout pas. Il ne s’agit pas de remplacer le vrai par l’utile. Parce que l’utile, ça vous donne aucune direction, il est inactif [pour moi].

-  Il s’agit de joindre le concept, c’est-à-dire le « sans perspective » impersonnel et désintéressé, au plus grand amour, c’est-à-dire à l’affect, en appelant affect les passages correspondants aux variations de la puissance de vie, c’est-à-dire les augmentations et diminutions de la puissance de vie.

-  Nous ne cessons de passer, c’est-à-dire notre puissance de vie ne cesse de varier à chaque instant. Pourquoi ? Sans doute pour une raison très simple, c’est que l’affect est un passage un rapport fondamentale avec. Ce que Comtesse appelait très bien la dernière fois la force du temps. Et que c’est ça la force du temps.

-  La force du temps, c’est ce qui fait augmenter ou diminuer une puissance de vie.

-  Bon, ajoutez un dernier point pour comprendre cette seconde sorte de textes de Nietzsche. Plus ma puissance de vie augmente, plus je suis apte à percevoir de choses. C’est vous dire à quel point c’est pas l’utile qui est un critère de tous ça, mais ça me parait très important. Plus ma puissance de vie augmente, plus je suis capable de percevoir de choses. Plus elle diminue, moins je suis capable de voir de choses. Et savoir voir, percevoir le plus de choses, quel gain fantastique.

-  Qu’est-ce que c’est que cette merveille ? Qu’est-ce qu’il faut dire des gens trop amers et malheureux ? Sinon d’une certaine manière, comme on dit, ils ont fait leurs malheurs, ils ont secrété leurs tristesses. Ils ne voient rien, ils ne savent pas voir. Tiens, il y a des gens qui ne savent pas voir. Oui, c’est les mêmes que ceux dont la puissance de vie ne cesse de diminuer, de décroître. Plus ma puissance de vie augmente, plus je suis apte à percevoir et à percevoir plus de choses. Qui a dit ça ? (Auditeur : Spinoza).
-  Spinoza n’a cessé de dire ça et c’est sur ce point que Nietzsche dira : « Je n’ai qu’un prédécesseur, c’est Spinoza. » Je n’ai qu’un prédécesseur, c’est Spinoza et tous les deux ils ont, enfin là vraiment, ils ont une petite santé, hein ? Une toute petite santé, hein ? Donc il s’agit vraiment pas de... D’être en bonne santé, c’est pas, c’est pas leur problème.
-  C’est augmenter sa force, sa puissance d’exister. Augmenter la puissance d’exister de telle manière que l’on soit apte et que l’on devienne apte à percevoir le plus de choses possibles.

-  Devenir apte à percevoir le plus de choses possibles, c’est, c’est un thème qui n’a pas cessé, qui n’a pas cessé de hanter la littérature anglaise. Et c’est pour ça on retrouve les directions de recherche que je vous proposais les autres fois.

-  Si je reprends trois grands écrivains de littérature américaine Herman Melville, Virginia Woolf... J’en avais un troisième, je ne l’ai plus, il a disparu. Ah ! Henri James. C’est pas par hasard que c’est le frère du philosophe. S’il y avait quelqu’un de lecture anglaise ou américaine qui voulait faire un travail original, moi je crois que ça n’a jamais été fait, ce serait euh.... Une étude comparée des deux frères, le philosophe et le romancier, euh... car euh... Font partie des idées toutes faites que Henri James est génial et que le frère est un grand débile, euh... que... Qu’il vaut ce que les manuels de philosophie en ont fait, or William James est un philosophe de génie. Les deux frères ne s’aimaient pas beaucoup mais c’est justement d’autant plus intéressant. Ils étaient quand même en rapport et la comparaison de James en tant que philosophe et de.... De William James en tant que philosophe et de Henri James en tant que romancier, à mon avis serait passionnante et je ne crois pas qu’il y ait jamais eu un anglais ou un américain pour se lancer là dedans.

-  Mais euh...., ceci dit, ceci dit, considérer pour ceux qui connaissent un peu l’œuvre de Virginia Wolf, l’œuvre d’Herman Melville, l’œuvre d’Henri James.
-  On pourrait dire d’une certaine manière que c’est un inventaire, un inventaire fantastique des états et moyens de perceptions. Et que la grande leçon ou une des grandes leçons du roman anglais américain, c’est que vous ne savez pas percevoir. A mon avis c’est une des raisons pour lesquelles les anglais et les américains ont jamais cru bon de faire la division ruineuse en France de la philosophie et la littérature. C’est pas par hasard que c’est des littérateurs qui sont leurs plus grands penseurs. C’est forcé, c’est forcé.

-  Je m’explique un tout petit peu. Virginia Woolf, elle a une idée simple et tous ont une idée simple, y a que Bergson qu’il aura aussi chez nous. Nous ça va encore quand c’est des solides, hein ? On arrive à percevoir toujours le cube, la perspective La perspective, là, c’est une perspective simple. Les perspectives solides, c’est-à-dire les perspectives spatiales. Ca, la perception elle s’en tire. Mais.... c’est, c’est vraiment, non seulement c’est, c’est... C’est l’embryon de la perception, ce qu’on perçoit. C’est, c’est, c’est l’embryon et c’est... Bien plus ça nous empêche de percevoir ce qui compte. Alors appelez ça ce qui compte, c’est quoi ? C’est ce qui a pas de forme.

-  Percevoir ce qui a pas de forme, ah tiens, ça commence à être intéressant, c’est plus difficile. Qu’est ce que c’est ce qui a pas de forme ? Ba par exemple, c’est ce qui est entre deux choses, percevoir entre les choses. Ah bon, percevoir entre les choses ? Pas facile, je sais bien percevoir les choses mais percevoir entre les choses ? Puis si je commence par là, percevoir entre les choses, j’ai pas fini, hein ? Alors y a la phrase rendue célèbre par... Godard, la phrase fameuse sur Vélasquez : « Il ne peignait pas les choses, il peignait entre les choses ». Bon, qu’est ce qu’il y a à percevoir entre les choses ? Est-ce que tout a une forme ? Qu’est ce que c’est que percevoir un nuage ? Qu’est ce que c’est que percevoir ce qui ne cesse de changer de forme ?

-  Qu’est ce que c’est que la promenade de Mrs Dalloway dans Virginia Woolf ? Ca va être la découverte de toute une graduation des échelles, toute une échelle des modes et degrés de perception. Qu’est ce que c’est que toutes les nouvelles de Virginia Woolf sinon d’extraordinaires études perceptives ? Qu’est ce que c’est que l’art sinon ces deux aspects à la fois ? Je veux dire, l’affect et le percept, augmenter la puissance d’exister, ou la diminuer on verra, on verra, on verra... Et vous rendre apte à percevoir.

-  Qu’est ce que vous êtes censé apprendre avec la peinture, ce que vous ne saviez pas et ce que vous ne sauriez jamais si il y avait pas de peintre ? A savoir vous êtes censé apprendre à percevoir. Apprendre à percevoir le tableau ? Pas du tout, pas du tout. Vous êtes censé à travers un tableau apprendre à percevoir le monde. Est-ce que ça veut dire ce que représente le tableau ? Evidemment non, évidemment non. Vous êtes censé devenir apte à percevoir de plus en plus de choses. Qu’est ce que c’est que les gens qui perçoive rien ? C’est pas rien. Pour parler à leur morale ou pour parler Nietzsche, c’est en effet des gens désintéressés. Finalement, ils s’intéressent bien à quelque chose mais c’est à eux-mêmes, tout peut leur passer sous le nez, à commencer par le plus beau, le plus simple. C’est quoi ? Le plus beau, le plus simple, ça peut être un courant d’air, un vent. Les anglais, c’est des spécialistes de ça. Mais percevoir l’entre deux choses, percevoir ce qui n’a pas de forme, tout ça, qu’est ce que ça implique ? Ca implique peut être des... Alors, de singulières variations dans la puissance d’exister.

-  Pourquoi Mrs Dalloway dit-elle : « jamais plus je ne dirais moi je » ? C’est peut être que « moi je », bah.... Y a un drôle de lien avec les solides. Et qu’est ce que c’est que toute cette échelle d’un monde de la perception à découvrir ? Je dirais le plus bas dans le monde de la perception, c’est quoi ? Bah, vous savez, c’est pas difficile. En effet, c’est le solide parce qu’il est objet de perspective spatiale.

Et ce que nous savons percevoir, c’est les objets qui s’offrent à une perspective spatiale. Mon cube, je le saisi sous un profil, je tourne autour de lui pour saisir un autre profil ou bien je tourne pas comme disaient très bien, comme disaient les phénoménologues qui n’ont pas cessé, qui n’ont pas cessé quand ils faisaient une phénoménologie de la perception d’en rester à ce stade de la perception.
-  Comme disait Merleau-Ponty, bah oui, « j’intentionne le cube, la totalité du cube à travers le profil qui m’est donné ».

Et puis après, et puis après. Et puis après quelle importance de dire... ? C’est le plus bas degré de la perception. Qu’est ce qui arrive si je m’aperçois que percevoir c’est pas ça ? Et c’est en même temps très simple, que percevoir c’est devenir apte à percevoir de plus en plus de choses qui d’abord n’étaient pas perçues. Bah, ce qui se passe, c’est.... C’est que je substitue de plus en plus, j’abandonne de plus en plus le monde des perspectives spatiales pour atteindre à quelque chose de tout à fait différent dont on parlait l’année dernière, à savoir, je deviens l’homme de la perspective temporelle.

-  C’est le temps qui agit comme perspective. Et seul le temps agit comme perspective, la vraie perspective, c’est le temps.
-  Il n’y a pas de perspective dans l’espace ou ce sont de fausses perspectives. Seule compte la perspective ...euh...temporelle. Mais atteindre la perspective temporelle, c’est devenir apte à percevoir ce qui ne se laissait pas percevoir d’abord. Or je dis, là je reviens un peu à des choses plus raisonnables.
-  C’est par là que les anglais et les américains ont toujours été Spinozistes et Nietzschéens même sans le savoir. Le grand texte de Spinoza, c’était déjà à la fin du livre trois, la définition générale des affects. Et dans la définition générale des affects, vous trouverez trois thèmes.

-  Un premier thème : La représentation ou le concept.
-  Un deuxième thème : Ma force d’exister ou ma puissance d’exister éminemment variable. Chaque représentation ou concept est en relation avec une variation, c’est-à-dire fait varier ma puissance d’exister. Je dirais la représentation en elle-même, c’est le concept, la représentation prise en elle-même, et considérée pour elle-même de manière désintéressée, etc.... C’est le concept.

-  La représentation considérée comme faisant varier ma puissance d’exister à chaque moment. Y a toujours, j’ai toujours des représentations et.... C’est l’affect. Et la représentation en tant que me rendant plus ou moins apte à percevoir un plus ou moins grand nombre de choses, c’est le percept. Le premier aspect, le concept, je dis, pas de problème. Joignons le à tous ce qu’on a vu et disons une fois de plus c’est le forme du vrai. Mais le doublet, affect et percept.

-  L’affect, c’est : Augmentation ou diminution de ma puissance d’exister.

-  Percept, c’est : Un certain état ou une certaine aptitude à percevoir plus ou moins de choses.

Ca, c’est plus la forme du vrai, c’est quoi ? C’est le domaine de la puissance. Et de la puissance, là, on retrouve la cohérence de tous ce qu’on a fait, là, aujourd’hui, la puissance comme... ? Qui vaut aussi bien comme morale ou comme éthique.
-  Dès lors, morale, morale, j’en ai même plus besoin, bon, disons éthique. Qu’est ce que c’est éthique ? Ca veut dire, et Spinoza l’a toujours défini comme ça,

-  éthique ça veut dire que chacun de nous, autant qu’il est en lui, fasse en sorte que sa puissance d’exister augmente au maximum et en même temps que chacun de nous, autant qu’il est en lui, c’est-à-dire autant que (inaudible) en vertu des circonstances objectives.

Mais je veux dire ça vaut pour un mourant aussi bien, qu’on fasse plus l’objection, ça vaut pour un malade, ça vaut pour euh....
-  Pour chacun de nous autant qu’il est en lui s’efforce de devenir apte à percevoir le plus de choses. Je dirais que ça, c’est le domaine de la puissance. Comment définir ces deux aspects de la puissance encore une fois, affect et percept ? Et ben voilà, restons, là, nietzschéen, essayons de rester nietzschéen. Voyez bien que tous ce qu’il appelle volonté de puissance, Nietzsche, on commence à le comprendre. C’est bien la même chose que l’ivresse, c’est-à-dire l’augmentation de la puissance d’exister.

-  Évidemment ça ne veut pas dire conquérir le pouvoir, parce que conquérir le pouvoir ça vous donne pas une augmentation de la puissance d’exister et surtout ça vous fait pas percevoir de plus en plus de choses, au contraire, ça restreint beaucoup votre vision. Il est connu que les hommes de pouvoir ils voient strictement rien. Il faut même être singulièrement en dehors du pouvoir pour voir quelque chose.

-  Bon, alors... Comment définir ces deux aspects de la puissance, l’affect et le percept ? Vous comprenez ? Je suis pas en train de dire donc... Euh... A bas les concepts. C’est presque une courbe que je voudrais faire, euh dans tant d’années sur « Qu’est ce que la philosophie », je... Ca consisterait à dire... Mais y a, Il y a une intimité très spéciale du concept, de l’affect et du percept qui constitue la philosophie, euh....C’est...Bon, oui. Qu’est ce que je veux pas dire du tout ? Il faut abandonner le concept. Comme Nietzsche dans les textes que je commente, mais alors de loin, « Gai savoir » trois cent dix neuf et trois cent quarante cinq, paragraphes trois cent dix neuf et trois cent quarante cinq (...)

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