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 CINEMA / IMAGE-MOUVEMENT - NOV.1981/JUIN 1982 - COURS 1 À 21 - (41 HEURES)
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49-13/12/83 - 1

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Cours Deleuze /cinéma - Vérité et temps cours 49 du 13/12/1983 -1 transcription : Tatiana Andreeva/ M. Manifacier

Comme la dernière fois... on s’est presque arrangé sur ces distributions de matières de travail et, j’aimerais bien que, après les vacances de Noël ça se forme - ça se forme, c’est-à-dire, de toutes manières : je vais vous faire de plus en plus de philosophie. Un peu, comment dirais-je ? je ne voudrais pas être trop sommaire, mais un peu sommaire, pour que... On fait un retour à la philosophie, cette année, comme ça ! Je veux dire que je voudrais que vous lisiez vraiment du Platon, je voudrais que vous lisiez ou relisiez Nietzsche, tout ça, ça ne peut vous faire que beaucoup de bien... Alors là, quelqu’un vient de me passer une note notamment, je considère, que cette note, heu, elle est très bonne, mais c’est presque votre travail dont j’aurais besoin éventuellement. Alors, quant à cette note, sans même que les autres soient très au courant, vous semblez donc vous intéresser, par exemple - je prends cet exemple parce qu’il peut valoir pour tout le monde. Vous semblez vous intéresser, non seulement à Kant, mais à un point très précis de (...) des conceptions kantiennes. A savoir : vous vous intéressez à la question du monde chez Kant, et à la manière dont Kant essaie de montrer que du monde lui-même, et à propos du monde, on peut tenir des propositions dites antinomiques... Votre problème - et c’est très bien, ça rentre bien dans notre cadre, et votre problème, c’est : est-ce que dans ce cas, où le monde est l’objet de propositions antinomiques, mettons en gros, si vous préférez pour le moment, de propositions contradictoires, est-ce que dès lors l’histoire du monde n’est pas un cas de narration falsifiante ?

Alors je trouve la question intéressante, et je me dis, bon, si vous avez cette idée, faut aller voir. Kant, on aura l’occasion d’en parler. Il faut se dire que la théorie du Monde, elle ne part pas d’elle-même. D’abord, il y a trois choses qu’il ne veut pas séparer : c’est le Monde, mais aussi le Moi et Dieu... Et pourquoi il veut pas les séparer ? C’est parce que, selon lui, voilà, et cela va être un grand apport du kantisme, une espèce de nouveauté très radicale du kantisme, c’est que le Moi, le Monde et Dieu sont en tout cas, inséparables, "d’illusions". Alors les antinomies, dans le cas du Monde, ce n’est qu’un cas de l’illusion. Il y a aussi des illusions du Moi, il y a des illusions de Dieu et il y a des illusions de Monde. Qu’est ce qu’il y a d’étonnant là-dedans ? Je veux dire, où est la richesse de l’idée ? Il s’agit, toujours, quand vous lisez un philosophe, tout comme lorsque vous lisez un poète, - c’est votre affaire d’en extraire la beauté puisque c’est... c’est des choses, c’est comme du minerai quoi... c’est...ou parfois c’est plus subtil encore que du minerai. Mais, lire ou comprendre, c’est toujours véritablement une extraction, hein, et pire, c’est tout ce que vous voulez, c’est une extraction, c’est une absorption, c’est du cannibalisme. Vous en faites quelque chose qui devient vôtre, tout ça, bon - et bien, quand vous lisez de la philosophie, faut, faut aussi le traiter comme ça ! Qu’est-ce que, qu’est-ce qu’il y a là-dessous, toujours ? Et pourquoi est-ce qu’il nous l’a pas dit, ce qu’il y avait là-dessous ? Encore une fois, comprenez : par définition, lorsqu’on écrit quelque chose, on ne peut pas en même temps expliquer ce qu’il y a là-dessous. C’est donc au lecteur de trouver.

Or, qu’est ce qu’il y a là-dessous ? Il y a quand même une idée très, très formidable, je dirai c’est l’idée que le Moi, le Monde et Dieu, c’est des idées de la Raison. Pour Kant, bon, bien, on voit tout de suite, j’ai pas besoin d’expliquer en quoi... en quoi ça peut se dire, au moins, que le Moi, le Monde et Dieu sont des idées de la raison, et voilà que Kant nous dit : "les idées de la raison sont inséparables d’illusions qu’elles engendrent..." Qu’est ce qu’il y a de bizarre à dire ça ? Ben, ben, on le sent tout de suite. Prenez avant, avant Kant, généralement les gens, ils nous disaient toujours : "vous savez, vous vous faites des illusions, mais convoquez la raison, appelez au secours la raison pour dissiper les illusions". Là, ça resterait compréhensible, ça, on nous l’a dit de mille part, je veux pas dire que ceux qui nous le disaient, étaient des auteurs simples, mais enfin on nous l’a dit de mille part... Et, on a un auteur, peu importe son nom, bon, il se trouve qu’il s’appelle Kant, j’allais dire peu importe sa date, sûrement pas, pourquoi est ce que c’est à ce moment là que retentit une proposition aussi étrange que celle-ci ?
-  "Non plus appeler à vous la raison pour dissiper les illusions dont vous allez être victimes, mais : méfiez vous des illusions que la raison en tant que raison engendre. Je fais appel à votre cœur".

Rendez-vous compte, mais qu’est ce que c’est que cette histoire, qu’est ce que c’est ? Je veux dire, c’est comme ça qu’il faut lire la philosophie, c’est comme un roman quoi, c’est comme, ça se distingue des romans par d’autres caractères mais c’est, voilà... mais qu’est ce que c’est ?

Voilà un homme, en tant que philosophe, qui vient vous dire : non plus dissipez les illusions dont vous êtes victimes à l’aide de la raison, mais vient vous dire : la raison dans sa vigilance, la raison en tant que raison, la raison en tant que raison droite, engendre des illusions dans lesquelles vous tombez nécessairement. On peut appeler ça une fantastique révolution. Alors, est-ce que ça veut dire : "soyez contre la raison" ?... Non, il y en a d’autres qui pourront en tirer cette conséquence, Kant pas du tout... Ces illusions sont inévitables, mais vous devez en prendre conscience, à charge pour lui de donner un certain statut de l’illusion. Bon, très bien, si on se dit : mais, alors voilà ce qu’il fallait faire ! si vous voulez, il ne suffit jamais quand un philosophe, et là, j’ai déjà commencé ce dont je veux parler aujourd’hui - il ne suffit jamais, quand un philosophe veut lire, pas plus que quand un poète ou quand un n’importe qui - il suffit jamais de lire la lettre du texte, et même de comprendre cette lettre, c’est vrai que la lettre est morte... C’est vrai que la lettre est morte, tant que vous avez pas saisi quelque chose - appelons le, pour le moment, de l’ordre de l’affectif- ce que j’appelle de l’ordre de l’affectif, c’est l’étrangeté, une espèce d’étrangeté - il faudra se demander ce que signifie une telle étrangeté - l’étrangeté sous-jacente à des propositions philosophiques.

Que c’est bizarre, hein, et d’où vient cette idée, d’où peut venir cette idée que la raison engendre des illusions ? Que la raison dans sa vigilance, encore une fois, c’est pas le sommeil de la raison qui engendre des monstres, - c’est la vigilance de la raison... qui engendre, des hallucinations, des illusions. Il va de soi que tout le problème de la vérité en est bousculé. Si je me demande d’où ça vient, ça sera encore une confirmation pour notre recherche, mais on n’a pas à avoir ce problème - Si je peux là, pourquoi pas, mais ça m’avancerai même pas, puisque ça vous est égal, vous ne perdez pas le fil, hein ? Bien - Et ben, si on se demande d’où ça vient cette idée... des illusions de la raison. On verra que ça vient d’une nouvelle conception du temps... C’est une nouvelle conception du temps. C’est parce que Kant se fait et impose une nouvelle conception du temps... que, dès lors, la raison ne peut plus être considérée, ne pourra plus être considérée comme la simple garantie ou comme la simple dénonciation des illusions, mais comme elle-même génératrice d’illusions...

Et l’illusion comme illusion de la raison, comme illusion engendrée par la raison, c’est quoi ? C’est avant tout l’illusion comme engendrée par la raison, c’est je dirai, c’est ce que, bien plus tard, la phénoménologie devait appeler : l’horizon. L’horizon, le Monde, le Moi, Dieu sont trois formes de l’horizon et par là même, inséparables. Les illusions, c’est toujours les illusions de l’horizon, voilà que tout le réel est plongé, tout le réel implique un horizon ; mais cet horizon, il se confond avec les illusions de la raison.

Alors, en effet, c’est pas faux votre point de vue, mais nous sommes en plein dans une narration falsifiante... Kant, il ne peut pas dire ça, il ne dira jamais ça. Il dira qu’il ne faut pas dissiper l’illusion, mais en prendre conscience en tant que telle. c’est-à-dire "en tant que telle", ça veut dire quoi, prendre conscience de l’illusion en tant que telle ? En tant qu’elle est engendrée par la raison. Le Moi, le Monde et Dieu sont les trois illusions que la raison engendre.

Et, pourquoi je dis, mais ça vous ennuie pas que je commence par là plutôt que relier à ... je voudrais, là alors en finir puisqu’on est lancé, je voudrais reprendre un point. Il y a quelques années, j’avais essayé, oh, y a longtemps, j’ai l’impression qu’on était encore à Vincennes, et comme en ce moment je m’en réoccupe, je voudrais bien en retirer à nouveau quelque chose. Je n’arrivais pas avec l’idée de parler de Kant - c’est à cause de la note qu’on m’a passée - mais j’arrivais avec l’idée de la manière de faire la lecture des philosophes. Car, encore une fois, et vous allez voir en quoi ça se rattache pleinement à notre sujet. Voilà en gros tout le thème sur lequel je voudrais tourner aujourd’hui, c’est qu’on comprend pas du tout ce que c’est que la philosophie quand on la définit simplement comme un art ou une discipline des concepts... et pourtant elle est cela. C’est alors que je me raccroche à ce que l’on disait la dernière fois sur Nietzsche, mais la philosophie, c’est bien autre chose, parce que un concept - si vous traitez un concept tout seul, bon, ça a pas grand intérêt - c’est satisfaisant pour l’intelligence et puis voilà, et encore il faut aimer ça.

Mais, à mon avis, jamais les concepts n’ont été séparables de deux autres choses et ces deux autres choses, il faut les appeler - ne serait ce que pour l’harmonie de la comparaison - il faut les appeler des affects et des percepts. Et un concept, c’est zéro, mais zéro, zéro, zéro, si ça ne change pas la nature de vos affects, premièrement et deuxièmement, si ça ne vous apporte pas de nouveaux percepts... Qu’est ce que ça veut dire ? On aura l’occasion de le revoir. Sentez que c’est très nietzschéen, là... Donc un concept, supposons, c’est quelque chose d’intelligible, c’est une intelligibilité... Je dis : tout concept doit être référé à un affect, et à tout concept, il faut demander... quels nouveaux affects m’apportes-tu ? Mais, ce ne serait rien ça encore, et vous verrez, il faut - seulement il ne le dit pas, vous avez un concept, bon, il ne le dit pas, les nouveaux affects qu’il apporte - C’est à vous ! Les concepts, ils sont de différentes sortes, ils peuvent êtres scientifiques, ils peuvent être philosophiques. Bon, j’entre pas dans la question : quelle différence il y a, mettons, voilà... mais de toute manière, même quand c’est des concepts, scientifiques... tant que nous ne savons pas ce que ça change dans nos affects, on n’a pas encore compris le sens du concept.

Je dirai qu’est-ce que c’est, la question, si je reprenais la question du sens ? Qu’est-ce ça veut dire le sens ? le sens d’une proposition ? Pour trouver le sens d’une proposition, à mon avis, il faut d’abord la ramener à un concept, ou il faut désigner le concept dont elle dépend, et ensuite, il faut découvrir deux choses :
-  à quels affects ce concept est lié ?
-  et qu’est-ce que ce concept me fait percevoir ? Sous entendu, que je ne percevais pas avant de cette façon.

En d’autres termes, tout concept est inséparable d’un affect et d’un percept... ou de plusieurs. Je veux dire : ce que vous êtes en droit de demander à la philosophie, si la philosophie vous intéresse, c’est que, lorsque l’on vous propose, ou ce que vous êtes en droit de demander à la science également, c’est de vous donner, de vous inspirer de nouveaux affects, car de toutes manières elle le fera, même si vous ne le savez pas, alors il vaut mieux le savoir et vous faire percevoir de nouvelles choses, vous inspirer de nouveaux affects. Là, je voudrais prendre des formules, des formules très fréquentes chez certains philosophes, c’est : augmenter, finalement, c’est" augmenter votre puissance d’exister". j’emploie là, comme un terme qui serait comme commun à Nietzsche et à Spinoza : "modifier votre puissance d’exister".

Sûrement vous pouvez vous décaler, pour laisser, hein, non. C’est pas possible ?

Si bien que j’arriverais presque à une définition très, très bizarre, d’apparence très bizarre du concept. C’est curieux, je me retrouve en train... quoi ? Ah ! La salle est pleine. C’est bien, elle ne peut plus recevoir de personnes, hein, bon, heu, heu, vous la fermez, alors, la porte ? Il faut mettre un écriteau c’est plein, quoi, comme au cinéma...

Bon ben voilà... L’inspiration, j’ai plus d’inspiration... ... Donc, vous voyez, vous comprenez, je vous en supplie, essayez ... heu ... Un concept, ce serait un quelque chose qui modifie...

("chut", "taisez vous")

Ben, vous savez, hein, moi, bon sang, je l’ai déjà dit mille fois pourquoi je ne pouvais pas souhaiter une salle plus grande, je sais que tout le monde est mal ici, quand c’est plein, c’est plein, et puis tant pis, je ne peux pas, je ne peux pas, je le répète une fois de plus, je ne veux pas aller en amphithéâtre. Bon, je n’irai pas en amphithéâtre pour une raison très simple, que je répète pour la dixième fois, mais il y en avaient qu’étaient pas là, les autres années, si je vais en amphithéâtre, je suis foutu, c’est-à-dire ce que je souhaite depuis des années et arrive parfois à obtenir et à sauver, à savoir la possibilité, que n’importe qui intervienne, et dise quelque chose, la possibilité que je sois interrompu, même si ca me gêne - tout ca disparaît en amphithéâtre.
-  Mon rêve, je ne l’ai jamais caché, c’est vraiment, et c’est un rêve qui me paraît humain, c’est vraiment de pouvoir faire cours, devant cinquante personnes. Il est pas question que je les choisisse, je ne ferai pas de fermeture, mais tout le monde ici sait bien que, ou bien je fais un numéro de clown, ce que je fais depuis plus de dix ans - ou bien, un jour, un jour, je me dis ça, j’aurais les conditions de travail et que les conditions de travail c’est pas être en amphithéâtre, c’est travailler avec cinquante types au maximum. Alors, à cet égard, il faut pas que ceux qui sont mal m’en veuillent le moins [...] Tout est fini, tout est fini, à ce moment là, je vous ferais un cours, heu, je vous ferais un cours, voilà tout fait. Et encore vous ne savez pas à quel point un cours ça peut être, vous ne savez pas ce que ça peut être, hein, mais, je vous l’apprendrais à ce moment-là, ce que ça peut être. C’est pour ça que je tiens à cette salle, c’est pas par sadisme que je m’enferme ici.

Alors, ce que je demande comme convention, c’est que je sais que c’est injuste - il n’y a pas pour moi d’autres moyens de travailler - et encore une fois, déjà, moi je trouve que les conditions où je suis dans une salle, petite, sont déjà lamentables. Il me faudrait, il me faudrait ce que l’on appelle dans les autres pays, un séminaire, c’est-à-dire, trente, trente, quarante types avec qui je travaillerai. A ce moment-là, ça me ferait faire à moi des progrès très considérables. En enseignant ici, dans les conditions où j’enseigne, ça continue à me faire faire des progrès pour moi. Donc, j’espère que ça en fait faire à ceux qui viennent, mais je sais que en amphithéâtre, je n’ai plus rien à foutre, absolument plus rien, ça me fera pas faire des progrès, pas le moindre progrès dans ma recherche. L’amphithéâtre et la recherche sont deux choses qui s’opposent. Si je prétends vous donner, et je trouve que c’est un peu mon honneur - je suis pas le seul, généralement les profs font ça - si on enseigne, c’est ça, si je prétends vous tenir au courant ou vous parler d’un état de recherche dans lequel je suis et je ne vois pas sinon pourquoi je ferai des cours, si c’était pour vous raconter des choses déjà toutes faites - et bien, je ne peux pas le faire en amphithéâtre, j’peux pas, c’est pas, c’est pas faisable. Tout ceci pour donner une justification à ceux qui s’étonnent, mais il y en a eu tous les ans pour s’étonner, de cette situation, de cette situation ; mais pour moi, elle est vitale, voyez, elle est, je suis aussi mal que vous, accordez-le moi, mais elle est vitale, je ne peux pas, je ne peux pas aller dans une salle plus grande, à ce moment là c’est pas le même travail.

Alors j’essaie de dire, oui, je reviens à cette histoire, vous comprenez. Les concepts dont je dis : tant que vous n’avez pas trouvé quelles affections leur sont liées, quels affects leur sont liés, en quoi et de quelles manières ils vous affectent et en quoi et qu’est-ce qu’ils vous font percevoir. C’est ça les deux problèmes. En d’autres termes, pour parler tout simple, il faut que votre manière de sentir en soit changée, même sur des points minuscules, il faut que vous voyez des choses, que - mais que vous voyez au sens de la perception, des choses que, avant, vous ne voyez pas.

Je veux dire en ce sens, que tout concept est quoi ? pulmonaire et visionnaire, enfin je trouverai un mot meilleur, c’est-à-dire qu’il est inséparable d’affects et de percepts. Et les Anglais, les Anglais, ils ont vu ça très bien. James, par exemple, le frère de Henri. William James, proposait une philosophie qui réellement se taillerait sur des percepts et il disait : pas de concept sans percept. Bien plus, il disait les concepts, lui il disait que ça ne l’intéressait même pas. Ce qu’il lui fallait, c’était de nouveaux percepts, de nouvelles manières de percevoir. Or moi, je crois qu’il y a plutôt une trinité concept/affect/percept qui est fondamentale, mais un concept, c’est une intelligibilité qui ne prend son sens que par les affects auxquels il est lié en tant que concept et les percepts, les nouveaux percepts qu’il nous donne.

Un auteur comme Bergson, aussi, a énormément, énormément insisté quand même sur ceci : un concept, c’est une nouvelle manière de découper le monde. Dans un concept, vous rassemblez des choses qui jusqu’alors, étaient, étaient désunies, étaient étrangères les unes aux autres et au contraire et en même temps, vous en séparez, qui jusque là étaient réunies. Si vous sentez une nécessité de réunir ce que l’on a séparé jusqu’à vous et de séparer ce que l’on a réuni jusqu’à vous, à ce moment là vous pouvez vous dire : je tiens un concept. C’est-à-dire que vous induisez une nouvelle manière de percevoir, vous faites voir quelque chose mais de même, un concept c’est pas innocent : ça modifie une puissance d’exister ; ça peut la diminuer, ça peut l’augmenter.

-  C’est ça un affect. Un affect, c’est une variation de la puissance d’exister, c’est une variation de la force d’exister. Donc la véritable trinité philosophique c’est le concept/ l’affect/ le percept... Alors, je reviens un tout petit peu à Kant. D’où ça vient, vous comprenez, quelqu’un qui nous dit : mais vous pensiez jusque-là que la raison allait vous aider à combattre les illusions, les illusions venant des sens, c’est un certain découpage, il y avait les illusions - je schématise - mais c’était un certain découpage, il y avait les illusions venant des sens et puis il y avait la raison qui allait dissiper les illusions, en dissipant les illusions, bien, la raison, elle augmente notre force d’exister, notre puissance d’exister et elle nous fait percevoir les choses telles qu’elles sont, tout ça est très cohérent. Vous aviez un système et voilà que Kant, pour des raisons, mais quelles raisons, quelles raisons avait il ? Il faut de graves raisons, parce que l’on peut pas lancer ces choses là comme ça, n’importe comment, vous vous rendez compte, quelle responsabilité ! C’est pas très grave tout ça, mais, hein, il faut bien avoir des raisons pour bouleverser les choses à ce point là, c’est pas pour rigoler ! Il nous dit, eh bien non : c’est la raison dans sa vigilance qui engendre les illusions. Il change tout, mais alors on ne va pas percevoir le monde de la même manière, on va pas être affecté de la même manière, son changement de concept renvoie à de nouveaux affects et de nouveaux percepts et je dis, sans encore m’expliquer sur le pourquoi - et bien oui, c’est avec Kant que pour la première fois on va percevoir l’horizon. Jusque-là, l’horizon, ça intéressait pas tellement les philosophe.
-  Avec Kant : tout ce qui apparaît dans l’expérience est rapporté à un horizon.

Il y a un horizon, bon, on dira : un horizon, mais qu’est-ce que ça veut dire ? Ben... Alors, il y a quelques années, je me souviens, là je... pour en finir - comme on est lancé là dessus, mais on va retomber sur nos pieds, c’est à dire sur le point où l’on en était la dernière fois - j’avais dit, il me semble qu’ on était encore à Vincennes, c’est dire, j’avais essayé de trouver une formule pour résumer l’ extraordinaire nouveauté de Kant, des espèces de formules, des formules venant d’ailleurs, pour dire, bien oui, on pourrait présenter la grande nouveauté du kantisme sous ces quatre ou cinq grandes formules venues d’ailleurs, pour nous faire comprendre précisément en quoi concept et affect et percept sont fondamentalement liés. Je crois que c’est vrai chez tous les philosophes, les philosophes que j’aime moi, c’est ceux qui, non seulement le savent, mais en tirent des conséquences, à savoir : savent que dès lors la philosophie ne peut pas se contenter d’être un simple exposé des concepts, tandis que les autres, ils font leur exposé des concepts, et puis, c’est à nous d’en tirer les... Non, il faut que la philosophie elle-même se batte, avec les affects, et avec les percepts, il ne faut pas qu’elle les laisse, faut pas, faut pas qu’elle les laisse comme des conséquences que le lecteur est supposé tirer.

Donc, je cherchais des formules, là, comme, qu’est-ce qu’on pourrait dire ? Comment, comment on aurait pu présenter la ? Et je disais : oui, si vous essayez de comprendre un petit peu Kant, si vous l’avez lu un peu, voilà, moi je dirais,
-  la première formule, c’est : "le temps sort de ses gonds". " Le temps sort de ses gonds", c’est quoi ? C’est Hamlet ? C’est Hamlet !...

Bon, et bien, Kant, c’est la figure philosophique de Hamlet, et "le temps sort de ses gonds", ça veut dire quoi ? Et bien, ça veut dire une chose toute simple : le temps cesse d’être circulaire... le gond c’est autour de quoi quelque chose tourne, c’est l’axe autour duquel la porte tourne, les gonds de la porte : elle tourne autour de ses gonds. Lorsque Hamlet lance cette formule splendide, je peux vous la dire en anglais, mais enfin (rires dans la salle) heu, c’est... ce serait inutile, en anglais français, le texte à la lettre, "c’est le temps est hors du joint", "le temps s’est mis hors du joint", c’est exactement sort de ses gonds. "Le temps sort de ses gonds", il s’est mis hors du joint, bon, ça veut dire, voyez ce que ça veut dire, ça veut dire quelque chose de très précis la formule d’Hamlet, ça veut dire : le temps a cessé - pour employer des choses dont on parlait encore l’année dernière - le temps a cessé d’être la mesure du mouvement.
-  Voilà, le temps ne mesure plus le mouvement, le temps n’est plus le nombre du mouvement circulaire. Le temps s’est libéré de l’astronomie et de la cosmogonie et de la psychologie, c’est-à-dire il s’est libéré du Moi, du Monde et de Dieu.

Le temps sort de ses gonds, il n’y a pas de formule plus belle que ça, que cette formule de Hamlet... Donc si le temps sort de ses gonds, s’il n’est plus circulaire, il se déplie, en même temps, il ne mesure plus la forme du mouvement, c’est : il ne mesure plus le mouvement cyclique, bon, trés bien, c’est... il est devenu... ligne pure du temps, il s’est à la lettre, déroulé, il est devenu la ligne pure du temps... Le labyrinthe a cessé d’être circulaire, le labyrinthe est devenu ligne droite - c’est ce que nous disait, si vous vous rappelez, c’est exactement ce que disait Borges dans un récit dont j’ai parlé précédemment - lorsqu’il fait dire à un de ses personnages "je vais vous parler d’un labyrinthe qui se confond avec la ligne droite", et il précise, "un labyrinthe que les Grecs ne connaissaient pas". Maintenant, le labyrinthe c’est la ligne droite, c’est la ligne du temps comme "pure forme" , que Kant appellera et dont Comtesse, à quoi Comtesse se référait la semaine dernière - avec le temps comme forme vide et pure. Mais le temps comme forme vide et pure, comprenez ce que ça veut dire, ça veut dire : il est devenu ligne droite. Et bien, voilà un concept : le temps sort de ses gonds, sentez à quel point c’est chargé d’affects, et sentez que vous n’allez pas percevoir les choses de la même manière, que tout concept est un réservoir de percepts possibles et d’affects virtuels.

Et pourquoi ? Ce temps ligne droite, qu’est-ce qu’il fait ? Forme pure et vide , il traverse ! Qu’est-ce qu’il traverse ? Il traverse quelque chose, notre rapport avec le temps a complètement changé. Si vous prenez cette phrase à la lettre, notre rapport avec le temps change complètement. Et il change sous quelle forme ? Je suis dans le temps, mon mode d’existence même est d’être dans le temps et en même temps, en tant que je suis dans le temps, je vais prendre conscience de ceci : que je suis fondamentalement séparé, séparé de quoi ? Mais cette séparation, c’est aussi ma manière de me rapporter à, sans doute séparé et de l’Âme et du Monde et de Dieu. Donc, il ne faudra pas s’étonner que les romantiques tirent de Kant un splendide concept qui est celui du double détournement. A savoir, l’homme se détourne de Dieu, Dieu se détourne de l’homme. Pourquoi ? De part et d’autre de cette ligne du temps. Qu’est-ce que ça veut dire ? Ben, je disais : quelle serait la seconde splendide formule attribuable à Kant ? Je disais, je me rappelle, je disais, j’esssaye de le dire trés vite mais vous savez c’est presque le premier à avoir suggéré, cette fois ci, non plus une formule qu’on irait chercher chez Shakespeare, mais une formule qu’on irait chercher chez Rimbaud : "Je est un autre"... Je est un autre. Pour une raison très simple, pour une raison très simple, ça serait vrai à la lettre de Kant.

Et avant Kant, là aussi, il faut penser à l’état des concepts avant, je veux pas dire que c’était mal, hein, pas du tout, c’était, au contraire très bien, il y avait une fameuse formule de Descartes : "je pense donc je suis" et cette formule de Descartes, c’était " je pense donc je suis, je suis une chose qui pense"- "je pense donc je suis, qu’est-ce que je suis ? Je suis une chose qui pense". Vous me direz c’est pas.. moi, ce qui m’intéresse, admirez quand même le progrès du raisonnement.
-  Je pense, c’est ce qu’on appellera "une détermination". "Je pense", c’est une détermination.
-  "je suis", c’est une existence, comme toute existence, quand j’en dis pas plus, je suis, c’est une existence déterminable, à déterminer : indéterminée. Je suis, mais je suis quoi ?

Donc : je pense. La pensée c’est une détermination. Je suis, oui, position d’un quelque choses d’indéterminé.
-  Qu’est-ce que je suis ? Réponse : je suis une chose qui pense.

Bien oui : l’indéterminé "je suis" est déterminé par la détermination d’où le progrès cartésien, le raisonnement cartésien ;" je pense donc je suis", "je suis une chose qui pense", à savoir mon existence indéterminée "je suis", est déterminée par la pensée, "je suis donc quelque chose qui pense". J’essaie pas d’expliquer pourquoi Descartes disait ça, à quel problème ça répond, tant pis. Or, voilà que Kant, ça paraît, ça paraît imparable comme raisonnement, je pense, je suis, je suis une chose qui pense. Kant, lui, il dit : mais non, ça ne va pas du tout, et pourquoi ça va pas ? Je pense donc je suis, il dit oui, ça va, pourquoi ? Parce que si je dis "je pense", j’enveloppe par là même l’existence d’un quelque chose d’indéterminé qui pense. Si je dis "je pense" ça implique une existence indéterminée, je pense implique "je suis". Il dira d’accord, "je pense" est une détermination, elle implique l’existence d’un quelque chose d’indéterminé, "je suis". Là dessus Descartes arrive et il disait, bien oui, donc :" je suis une chose qui pense c’est à dire la détermination détermine l’indéterminé".

Vous me suivez ? c’est pas difficile la philosophie, hein, c’est vraiment du type A plus B égal, je ne sais pas moi, vous me suivez, la détermination détermine l’indéterminable. Kant il dit : non, non, non, non, bon, bon, il dit, non, je veux pas, c’est pas possible ça. Il y a une faute de raisonnement, il y a une faute de raisonnement , vous ne pouvez pas dire "la détermination détermine l’existence indéterminée" , vous ne pouvez pas ! On dit ah bon, mais pourquoi ? Réponse de Kant : parce que, en fait, il n’y a pas trois choses, il y a quatre choses : vous n’avez pas vu - tiens, il y a quelque chose que vous n’avez pas vu - vous n’avez pas vu la quatrième chose : c’est que s’il est vrai que la détermination implique quelque chose d’indéterminé, ça ne nous dit pas encore sous quelle forme, l’indéterminé est déterminable par la détermination.

Il n’y a pas trois choses :
-  la détermination, -l’indéterminé -et le déterminé. Il y a quatre choses :
-  la détermination
-  l’indéterminé ,
-  le déterminable, c’est à dire la forme sous laquelle l’indéterminé est déterminable,
-  et enfin le déterminé.

Je ne peux pas dire : " je pense donc je suis, je suis une chose qui pense", je peux dire : je pense donc je suis - bon, d’accord, je dis : " je pense donc je suis". Mais "je suis", c’est une existence indéterminée. Sous quelle forme est-elle déterminable par le "je pense" ? C’est ça que Descartes a oublié de demander. Sous quelle forme est-elle déterminable par le : "je pense" ? Et, la réponse splendide de Kant c’est : "sous la forme du temps". - Mon existence n’est déterminable par le "je pense" que sous la forme du temps. Voyez en quoi ça s’enchaîne sous la forme du temps, comme temps devenu ligne droite, devenu forme pure et vide. Mon existence n’est déterminable que sous la forme du temps. Mais sous la forme du temps, qu’est-ce que je suis ? Sous la forme du temps, je suis fondamentalement, un être passif, réceptif, j’attends. Sous la forme du temps, mon existence est celle d’un être passif, réceptif. Mon existence n’est déterminable que comme celle d’un être passif et réceptif, mais en même temps la détermination "je pense" est celle d’un "je" actif.

En effet, penser, c’est être actif ou spontané, dira Kant. Dés lors, moi, la conclusion de Kant sera : "moi existant dans le temps comme un être passif réceptif, je ne peux pas faire autrement que me représenter, que me représenter ma propre existence active et spontanée comme celle d’un autre". - "Je est un autre" signifierait, d’un point de vue Kantien, que entre moi et je, il y a la ligne du temps qui passe et qui fait que, moi, je suis dans le temps un être passif qui se représente sa propre activité et sa propre spontanéité comme celle d’un autre.

Quelle transformation ! moi être passif existant dans le temps, je me représente mon activité et ma spontanéité comme celle d’un autre. Je dis, la seconde formule que Kant aurait pu d’une certaine manière inventer, c’est donc le fameux "je est un autre", et il y en a bien d’autres qu’il aurait pu inventer... ... Et bien, j’en reste là, j’en retiens pour l’avenir, j’en retiens pour l’avenir pour mes - nos problèmes futurs, comment chez Kant une nouvelle conception du temps, c’est-à-dire le temps déroulé, le temps devenu ligne droite va engendrer une espèce d’illusion, va être à la base de toutes les autres illusions, comme illusion fondamentale, illusion fondamentale liée non plus à nos sens, mais à notre condition d’être dans le temps. À savoir : nous,"êtres dans le temps", nous ne pouvons nous représenter notre activité et notre spontanéité que comme celles d’un autre. Je suis un "moi" dont le "je" est un autre.

Bon, s’il y a une critique de la vérité dans le kantisme, c’est là sa base, et lorsque, ensuite, il s’adressera aux trois grandes idées : le Moi, le Monde et Dieu, comprenez que les illusions qu’il cherchera à dénoncer comme illusions constitutives, comme illusions venues de la raison même, vient précisément de notre situation par rapport au temps. Alors tout ça c’est difficile évidemment, mais enfin il faut donc, il faut calmer tout ça, oui, toujours parce qu’aujourd’hui, c’est mon centre - quand je dis ce que j’ai traduit - j’ai traduit deux concepts kantiens en deux affects, le temps "le temps est hors de ses gonds", et "je est un autre". Encore une fois, c’est ça que vous devez demander, et je vais essayer là, alors, je reviens à mon projet tel qu’il était, là, j’enchaîne avec la dernière fois. Puisque, il s’agissait pour nous de regarder de plus près dans un certain nombre de textes, justement nietzschéens, concernant la vérité, et vous allez voir en quel sens c’est tout à fait pareil.

Notre thème au point où l’on en est, c’est exactement ceci : la vérité entre en crise dès qu’elle se confronte avec le temps, et dès lors ce que j’ai dit de Kant, si obscur que ce soit, va dans le même sens. D’une certaine manière, c’est de tout temps qu’elle s’est confrontée avec le temps, je faisais allusion aux plus anciens stoïciens pour parler, déjà, d’une crise de la notion de vérité.
-  Donc, c’est en tant qu’elle se confronte avec le temps que la vérité entre nécessairement en crise et nous ajoutions : mais qu’est ce qui la force à se confronter avec le temps ? Et notre réponse est - quitte à la justifier mieux - c’était finalement, ce qui la force à se confronter avec le temps c’est "la morale" ou quelque chose d’approchant. Et j’invoquais les textes là, les textes d’Antonioni parce que ça me paraissait des textes de très haute valeur philosophique, consistant à nous dire, et bien oui, nous sommes toujours prêts à remanier nos connaissances scientifiques, mais nos croyances morales, on croit qu’on ne les a plus, elles continuent à peser sur vous, elles nous rendent inaptes - vous vous rappelez nous sommes malade d’Éros, parce que Eros est malade - nous rend inapte, comme si tout le poids d’un passé - et que, on se croit libéré de temps en temps, mais comme dit Antonioni, quand on se croit libéré, c’est pour quoi ? C’est pour de minables petites astuces, là dans lesquelles on s’en sort pas.

Bon, tout ça, et on essayait de se débrouiller. Donc je retiens mon thème : - la vérité rentre en crise dès qu’elle se confronte avec le temps, mais c’est quelque chose de l’ordre de la morale qui la force à se confronter au temps. Je repars, je repars d’une première proposition : le vrai, c’est quoi ? Je disais dès le départ le vrai c’est la forme. C’est la forme ! Ce que les Grecs appellent éïdos, bon, le monde vrai, c’est donc le monde pris dans sa forme . Remarquez que je m’accorde que le monde est une forme, si le monde n’a pas de forme, évidemment, est-ce que la notion de vérité peut même se lever ? Sans doute pas ! Je vous rappelle que dès le début, nous étions partis de l’hypothèse d’une forme du vrai, si il n’y a pas de forme,il n’y a pas tellement de problème. Bon, mais justement, la forme c’est quoi ? L’éïdos, je peux dire aussi bien le concept. A première vue, j’en donne une définition très concrète si vous voulez, mais c’est le "hors" perspective. C’est le "sans" perspective. C’est le hors perspective - on nous l’a dit, même ça a été repris par des philosophes modernes. Quelle est la différence entre une image de triangle et un concept de triangle ? Quelle est la différence entre un concept de cube et une image de cube, ou une perception de cube ? Quelle est la différence entre un concept et un percept ?

Ben, on nous dit, par exemple, qu’un percept implique "perspective" ; ça signifie que vous ne percevrez jamais un cube que d’après une loi qui est celle de l’horizon et des profils. En d’autres termes : si vous voulez percevoir les six faces du cube, il faudra bien que vous tourniez autour, et que vous le fassiez lui-même tourner. Sinon vous l’appréhenderez toujours sous certaines perspectives. Alors vous pourrez multiplier les perspectives, vous pouvez très bien vous dire : tiens, oh tiens ça, oh ça, ça a l’air d’un cube, mais c’en est pas un, il faut que j’aille voir derrière - vous allez voir derrière, vous voyez qu’une face manque, vous vous dites : et ben non, c’est pas un cube ça. Vous voyez, qu’une face est bonne, vous l’avez sous une autre perspective, bon, le percept, on vous dira le percept est fondamentalement perspectiviste, c’est pas très fatiguant. Bon, mais ça ne vaut, une telle remarque plate - elle n’a d’intérêt que si, provisoirement au moins, elle nous permet de dire : mais faites attention, un concept, c’est ça qui distingue le percept de cube et le concept de cube, parce que le concept de cube, qu’est-ce qui se passe ? Quand vous pensez un cube, vous le pensez comme une figure avec ses six faces carrées, dans quel rapport de parallèles et de perpendiculaires....

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