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46- 22/11/83 - 1

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Gilles Deleuze - Cinéma cours 46 du 22/11/83 - 1 transcription : Una Sabljakovic

C’est très facile parce que je n’ai que des histoires à vous raconter. Mais ces histoires, il faut que vous ayez la gentillesse de les suivre sinon vous comprendrez plus rien ensuite. Voilà. Je dis : on a deux tout petits, on a deux acquis pour le moment.

A savoir :
-  premier acquis l’hypothèse de ce qu’on appelle par commodité des formations cristallines qui se définiraient par une indiscernabilité, une indiscernabilité du réel et d’imaginaire, du physique et du mental, etc. Ces formations cristallines ainsi définies par l’indiscernabilité se distinguent, s’opposent à
-  d’une part la forme du vrai, la forme organique du vrai qui, elle, implique la distinction possible du réel et del’imaginaire,
-  et d’autre part se distingue et s’oppose au faux tel qu’il était effectué dans l’erreur qui lui est défini par la confusion du réel et d’imaginaire. Mais nous avons suffisamment insisté que quand nous parlions d’une indiscernabilité des deux, ça ne fait pas du tout la confusion.

-  Notre deuxième point c’est que, dans la formation cristalline, dans le cristal il y a quelque chose. Il y a quelque chose de visible mais que ce visible dans la formation cristalline, ne renvoie pas à une simple vision et sollicite dans l’œil une autre fonction que l’on appelait provisoirement "voyance", fonction de voyance. Et cette fonction de voyance qui donc saisissait quelque chose dans le cristal, dans l’image cristal qu’est-ce que c’était ce "quelque chose" ?
-  C’était un étrange défilé comme une espèce de défilé qui tournerait dans le cristal, dans la formation cristalline et qui nous apparaîtrait comme, toujours en terme d’image, comme le défilé ou la série des faussaires. C’est à dire
-  la puissance du faux tel qu’elle apparaît sous la forme de la pluralité, de la multiplicité des puissances, puissance un, puissance deux, puissance trois, et toujours sous cette voyance notre œil malgré son hésitation se disait : est-ce que dans cette série des faussaires telle que je les voie il n’y a pas "même" l’homme véridique ? Est-ce que l’homme véridique n’en fait pas partie lui-même ? Bon.

On tient donc deux niveaux : l’image cristal, ce qui se laisse voir dans l’image cristal et on avait été un peu plus loin, on disait : "attention, ça peut devenir intéressant pour nous parce que à chaque niveau :
-  au premier niveau correspondra tout un art qui est celui de la description.
-  Au second niveau correspondra tout un art qui est celui de la narration.

Bon, bien. Mais à une condition, à une condition très importante - condition pour la description. C’est que je puisse distinguer deux formes de description, deux types de description. Et en effet, en effet nous avions vu qu’il y a bien deux types de description.
-  Il y a une description que j’appelle par commodité (tout ça ne pourra se justifier que plus tard), que j’appelle par commodité description organique.
-  Et puis il y a une autre description qui est la description cristalline.

Donc la formation cristalline renvoie à une description, à un type de description, la description cristal, la description cristalline. Cette description cristalline, elle est très différente des descriptions organiques et elle s’en distingue sous deux aspects.

-  Je dirais la description organique c’est d’abord une description qui "pose". C’est ce qu’on appellera en philosophie une "thèse" de description. C’est une description qui pose son objet comme indépendant d’elle. Je précise bien - qui pose son objet comme indépendant d’elle pour une raison simple, c’est que peu m’importe que l’objet soit réellement indépendant ou pas. Je prends un roman, un roman de Balzac où vous trouvez une description, description d’un milieu, description d’un lieu, description d’une maison. Il importe peu que cette maison existe, c’est à dire que Balzac a pris un modèle ou que cette maison n’existe pas hors du roman de Balzac. La description même est une description organique dans la mesure où elle pose son objet comme indépendant. Peu importe que cette indépendance soit effectuée ou pas effectuée. Je dirais d’une telle description qui pose son objet comme indépendant, qui suppose l’indépendance de son objet, je l’appellerais description organique.

-  Je dis au contraire, on appellera cristalline une description qui tend à remplacer son objet, à se substituer à son objet et nous l’avons vu Robbe-Grillet nous propose un statut de ce nouveau type de description par lequel il va définir tout un élément du nouveau roman. C’est une description qui au lieu de renvoyer à un objet supposé indépendant, c’est à dire au lieu de poser son objet comme indépendant de la description même, c’est une description qui se substitue à son objet, c’est à dire, nous dit-il, qui à la fois et dans le même acte, le gomme et le crée, le gomme, l’efface et le crée. Si bien que cette description est à la lettre une description infinie puisque en tant qu’elle gomme l’objet elle ne cessera pas d’en recréer un autre à l’infini dans l’opération par laquelle je n’efface pas l’objet sans créer un autre objet ou sans faire des variations d’objet etc. Donc, on voit bien là qu’il y a deux types de descriptions très différentes.

Seconde possibilité, seconde distinction entre les deux types de description et on l’a vu - je dirais que la description organique et ça, ça aura à nous servir plus tard, c’est celle qui distingue, c’est celle qui distingue le réel et l’imaginaire sous les espèces suivantes : elle distingue le réel et l’imaginaire de la façon suivante. A savoir que d’après elle :
-  le réel est ce qui se poursuit au-delà de la description ou au-delà de la conscience. Le réel se poursuit hors de la description ou se prolonge hors de la conscience, tandis que l’imaginaire du point du vue de la description organique donc vous voyez le pas que nous faisons : La description, organique n’élimine pas l’imaginaire. Elle le distingue du réel en tant que le réel est supposé se poursuivre hors de la conscience, se confirmer hors de la description, tandis que l’imaginaire se définit par sa pure présence à la conscience.

Et la dernière fois j’ai commenté un texte de Bergson à cet égard fondamental, qui devait nous servir pour l’autre type de description, la description cristalline.
-  La description cristalline c’est au contraire une description pour qui l’imaginaire ne se prolonge pas moins hors de la conscience que le réel lui-même. Et le réel n’est pas moins totalement présent à la conscience que l’imaginaire lui-même. Si bien que sous tous ces aspects la description cristalline se présente comme le circuit du réel et de l’imaginaire, circuit dans lequel le réel et l’imaginaire ne cessent de se réfléchir l’un à l’autre et de se courir l’un après l’autre. Et le statut en effet très bien esquissé dans quelques pages de Ricardou, autre tenant du nouveau roman que je vous avais lu, sous la forme comment dans le nouveau roman par exemple, une scène réelle sort d’un tableau imaginaire ou inversement comment une scène réelle se fige dans un tableau imaginaire ou à l’envers. Bon. Quant à l’autre aspect, ce qu’on voit dans la formation cristalline... Ca c’est la stade de la description cristalline par distinction avec la description organique.

L’autre aspect : ce qu’on voie dans le cristal. Cette fois-ci c’est l’objet de la narration, non plus de la description. Et de la même manière on distingue deux types de narration.. La narration véridique qui repose sur quoi ? La "decidabilité" du vrai et du faux. Tout comme la description organique c’était la discernabilité du réel et d’imaginaire.
-  La narration organique, c’est la décidabilité du vrai et du faux. Et surtout il ne faut pas confondre les deux. Ce n’est pas du tout le même... Et on y opposerait quoi ? La narration "falsifiante" qui se définissait par, cette fois-ci, l’indiscernabilité du vrai et du faux.

Quel est le critère de cette décidabilité ou indécidabilité ? On l’avait vu la dernière fois : il y a décidabilité du vrai et du faux tant qu’un rapport est énonçable entre le sujet d’énonciation et le sujet d’énoncé dans une proposition. Supposez qu’on soit dans la condition où il n’y a plus de rapport entre les deux ? Là vous avez une indécidabilité qui peut s’exprimer sous la forme la plus concrète. A la fois on sait plus du tout qui parle. Il n’y a plus quelqu’un qui parle et on sait plus de quoi il parle. C’est l’écroulement, le double écroulement du sujet d’énonciation et du sujet d’énoncé.

Bien, tout ça, ça va, je suppose que ça va. On se trouve devant un ensemble et ce qui nous intéresse c’est bien : en quoi les descriptions finalement cristallines minent la description organique, en quoi la narration falsifiante mine la narration ...

Et je dis là aujourd’hui, moi, ce que j’ai à dire, c’est une série d’histoires, ça nous est devenu assez familier, c’est à dire que même si on... je veux dire c’est une affaire de sentiment, mais on nage très spontanément dans ces narrations et dans ces descriptions relativement souvent. Je veux dire c’est devenu pour nous comme une espèce de manière .. Je voudrais en donner un exemple, comme ça. Un film récent. je ne donnerai pas un jugement de valeur. "Faux-fuyant" de Bergala. Je suppose - peu importe que certains entre vous l’ont vu, d’autres ne l’ont pas vu. Je raconte une histoire, parce que j’en ai besoin. Et ma question c’est - mais pourquoi est-ce que on se sent tellement à l’aise dans ce genre d’histoires ? Et je prends l’exemple d’un film qui quelque soit ses qualités ne peut pas être initiateur, parce que des récits de ce type il y a très longtemps que on est dedans. Il y a sûrement des choses nouvelles dans ce film, mais ce n’est pas ce que j’en retire. Je dis c’est justement parce que c’est un exemple qui vient après... que... Pourquoi ça marche aujourd’hui ? pourquoi c’est...Voilà. Voilà l’histoire.

Ca s’appelle "Faux-fuyant". Bon ça nous intéresse, ça. Ca fait bien partie de cinéma qui invente la puissance du faux. Pourtant ce n’est pas le premier. Et ça nous raconte quoi ? Tout part d’un délit de fuite. Quelqu’un écrase un autre et fuit. Ca c’est ce que nous montre l’image - quelqu’un écrase un autre et fuit. Je voudrais que vous sentiez la différence entre le monde organique et le monde cristal. Bien. Ca pouvait faire partie en effet de ce qu’on appellerait un récit réaliste. Quelqu’un écrase un autre et fuit. Et puis le film se développe. Le film se développe, en un mot, le type, l’écraseur va chercher un peu qui c’est, sa victime. Il apprend que sa victime à une fille, une fille jeune et il se rapproche de la fille. Il la fréquente, il tourne autour, on ne sait pas ce qu’il veut. Il semble qu’il ne veuille rien. Comme dit Narboni, quand il rend compte le film, Il dit c’est très, très proche à l’atmosphère (pour ceux qui aiment cet auteur) c’est très proche de l’atmosphère de Gombrowicz, notamment de la pornographie. On dirait que il est fasciné par l’immaturité, comme disait Gombrowicz. Alors il traîne autour de cette jeune fille, il colle vraiment, il est collant, mais il lui demande rien. Il est là, comme s’il regardait, il rôdait, il flairait. Certaines images le montrent flairant des livres. Vous connaissez, c’est les personnages qui nous sont familiers... Pourquoi est-ce que on parle tout le temps des gens comme ça ? C’est très curieux tout ça. Mais pendant tout le courant du film et de ce rodage, j’ai compris quand même. Moi j’en vois, (mais on doit voir peut-être plus) s’opèrent huit délits de fuite et sous les formes les plus bizarres. Il y a eu donc un premier délit de fuite qui paraissait un premier. Et là, ça fait bien partie presque, je dirais, de la description, de la narration véridique. La narration véridique, ça commence : il y a un délit de fuite qui est quelque chose qui est premier, un événement premier. Mais le délit de fuite va se répercuter partout. En même temps dans notre tête se pose la question - est-ce qu’il était le premier ou pas ? Et moi, si j’en conte neuf. Oui, neuf. Vous vous rendez compte ? Donc, pour ceux qui n’ont pas vu le film je ne voulais pas vous raconter, parce que... J’en indique quelques-uns :

-  Donc le premier, c’est ce personnage qui fuit après avoir écrasé quelqu’un. Délit de fuite. Mais ensuite, lui-même attiré par la fille de la victime, par cette jeune fille autour de laquelle il rôde, il va fuir son domicile conjugal. Donc, il redouble son délit de fuite. Il le recommence.

-  Deuxième délit de fuite. Et tout ça pour s’installer près de la fille, près de l’endroit où la fille habite.

-  Troisièmement, la fille, elle le trouve plutôt sympathique, elle ne comprend pas, mais ça lui est complètement égal de comprendre. Il est là elle dit oui, il est plutôt sympathique. Alors il lui propose de s’en aller avec elle. Il lui propose de partir un peu en vacances avec elle et au dernier moment il se dérobe. Troisième délit de fuite. Bien sûr, le délit n’est pas le même , il lui donne un rendez vous et n’y va pas.

-  Quatrième délit de fuite. La fille, elle fait du baby-sitting pour gagner des sous et elle garde un enfant, un petit enfant très triste qui va se suicider. Il va fuir la vie en se suicidant. Nouveau délit de fuite.

Une fois l’enfant mort, la mère qui est folle de chagrin supplie la petite jeune fille qui a gardé l’enfant, qui surveillait l’enfant, supplie de venir pour lui parler de l’enfant mort, pour parler avec elle de l’enfant mort. Et la jeune fille craque et s’enfuit en courant.
-  Cinquième délit de fuite.

-  Sixième : le père de l’enfant ne supporte pas sa femme hurlante et l’idée de l’enfant mort et s’enfuit de chez lui. Sixième délit de fuite.

-  Septième : le petit ami de la jeune fille casse la gueule du personnage. Et s’en va. Et l’autre tout géniard, téléphone à la jeune fille en disant : " Ton copain, il m’a cassé la gueule et il a pris la fuite". Le dialogue insiste fort sur le sixième délit de fuite. Non, septième délit de fuite.

-  Huitième délit de fuite. On va voir - c’est le beau-père de la jeune fille car elle a un beau-père. Le beau-père de la jeune fille coince le personnage bizarre et lui dit : j’étais avec la victime, je t’ai vu, alors tu vas foutre le camp et laisser tranquille la jeune fille ou bien je te donne à la police". Et l’autre répond : "C’est toi qui l’a poussée sous la voiture". Il est embêté, l’autre, ordure tout ça. Si c’est vrai on n’a même pas à se le demander.

Mais ça serait un autre délit de fuite qui met en question le premier. Quel était le premier délit de fuite ? Est ce que c’était la fuite de celui qui aurait poussé la victime sous la voiture ou est-ce que c’est la fuite du chauffard. En fait, c’est huit alors.

-  Neuf. Dernier délit de fuite. Dans la tension entre la personnage qui tourne autour de la jeune fille et le beau-père il y a une étrange partie de ski ou le beau-père est diabétique, il a sa crise, il tire de sa poche sa boîte à sucre, il prend ses sucres, il veut les manger etc. Et là, la petite jeune fille (c’est son beau-père) et un copain du type, un jeune ami du type qui (là les images sont très belles) font tomber la boîte, avec leurs pieds écrasent et dispersent dans la neige les sucres. Donc, le condamne à mort et s’en vont. Dernier délit de fuite. Et ils vont téléphoner au personnage inquiétant : ils ont fait un délit de fuite qui rejoint le premier. Mais quel était le premier ? Si ce n’était que ça, ça ne m’intéresserait pas .....

On peut dire c’est un bon film, mais on ne peut pas dire absolument que ce mode de récit nous rappelle quelque chose, qui nous rappelle beaucoup de choses, qui est une narration moderne. C’est un type de narration moderne. Je ne dis pas du tout que ça copie Robbe-Grillet, je dis Robbe-Grillet est passé par là, il y a eu Robbe-Grillet, il y a eu un certain cinéma qui était celui de Resnais. Il y a eu beaucoup de choses. Il y a eu la nouvelle vague, je veux dire c’est un film post-nouvelle vague. Oui, d’accord. C’est un film dont on sent bien à certains égards qu’il est héritier de la nouvelle vague. Bien, très bien. Et c’est très curieux que quelques épisodes qui nous laissent réveur.

Voyez que ce que j’appellerai la narration falsifiante, c’est par opposition à une narration véridique. C’est ces délits de fuite qui ne cessent de se faire épauler les uns les autres et qui vont constituer finalement autant de puissance du faux tournant dans une image. Autant de puissance du faux : vous avez d’où le titre : "Faux-fuyant ". Tout est faux-fuyant. Il n’a pas de délit de fuite qui soit le premier. Il y a une série de fuites qui s’enchaînent les unes les autres et qui forment sous la puissance du faux, la série de fuyants. C’est à dire les faux fuyants. Bien. Donc, le contraire d’une narration véridique c’est une narration falsifiante. Mais ce qui m’intéresse c’est de curieux épisodes qui viennent rythmer tous ces échos de délit de fuites. Voilà le titre est bizarre ce héros gombrowiczien, Il semble avoir un gout, Il est tellement collant qu’il téléphone à la fille tout le temps. Il téléphone tous le temps. Même quand elle surveille le petit gamin, même quand elle fait son baby-sitting.Il téléphone. Il lui téléphone pour lui dire quoi ? "Décris- moi l’appartement ". On croit même que c’est un peu forcé... Et la fille, elle a l’air de trouver ça absolument normal. Elle dit : "Ben écoute, je vais essayer, tu vois, alors tu vois (elle parle moderne), tu vois..." Et en même temps elle n’a pas beaucoup de mots à sa disposition. C’est une fille vraiment moderne. Elle n’a pas beaucoup de mots. "Tu vois ", Et là, l’image cinématographiquement est intéressante parce que c’est cadré. On voit un petit bout de l’appartement, elle téléphonant, coincée dans le petit bout. Et elle décrit ce qu’elle voit, elle va passer au hors champ. On ne verra pas. Elle... "Tu vois, c’est une espèce de peinture là dans les rouges, est ce que c’est du velours ?" . Bon, elle décrit. Premier cadre.

Deuxième exemple. Il y en a peut-être plus que je n’ai pas remarqué. Le type, l’homme collant, il dit un jour à la jeune fille : "Ecoutes, si tu veux bien tu vas être ce soir au cinéma (c’est un cinéma de banlieue), tu va être ce soir au cinéma et tu verras. Je vais venir avec une femme ". Elle dit : "Ah bon, pourquoi que j’irais te voir au cinéma avec une femme" ? Il dit : "Pour rien, comme ça ". Elle dit : "Ah bon si tu veux". Et on le voit arrivé, faisant la queue au cinéma avec une femme qu’il connaît très peu, qui n’a aucune importance dans l’histoire. Voilà. Et elle le regarde et puis c’est tout. Voilà. Et elle a compris quelque chose parce qu’elle lui fait le même coup. Elle se dit : "Tiens, ça lui plaît ça. Bon, très bien ". Et elle dit : "Ecoutes, mets toi dans la rue tel jour, tu vas me voir passer avec une des mes amies". Il dit : "Ah, oui, très bien". Et il se met dans la rue tel jour et il la voit passer avec une amie.

Je dis, vous voyez comme venant hacher cette série de narrations falsifiantes, toutes ces puissances de délits de fuites se faisant échos, vous avez trois moments de descriptions, les descriptions qui sont à la lettre, des descriptions qui ne valent que pour elles-mêmes. Ce que j’appelais l’année dernière et on retrouvera ce thème d’une autre manière, les descriptions purement optiques et sonores qui n’ont aucun prolongement dans l’action, qui n’ont aucun prolongement moteur, qui ne définissent aucune action. Les descriptions pures.

Vous trouvez donc un rythme là. Descriptions pour elles-mêmes et c’est ça qui..., ces descriptions qui n’ont aucune importance pour l’action. Ces descriptions sonores que je pourrais appeler des descriptions cristallines qui constituent à elles-mêmes leurs propres objets, qui ne renvoient pas à un objet supposé indépendant. Je dis voilà un cas, j’aurais pu dire aussi bien un roman de Robbe-Grillet ou vous avez l’alternance et vous avez l’entrelacement des descriptions cristallines et des narrations falsifiantes.

Bon, alors maintenant, il est temps de buter sur l’exemple, sur le problème que nous devions.. et sur lequel nous terminions la dernière fois. C’est que on rencontrait un problème brut. C’est à dire j’appelle problème brut lorsque on se heurte à un problème qui n’a pas été au préalable préparé. Il y a deux états de problème. Le problème pas préparé sur lequel on butait à l’issue de nos deux dernières séances. Il est extrêmement simple. A supposer que cette histoire des puissances du faux auxquelles nous avons consacré deux séances. A supposer que cette histoire des puissances du faux marche. Je veux dire qu’il en soit bien ainsi. Comment expliquer que ce sont les mêmes auteurs qui développent la série des puissances du faux et qui se heurtent le plus purement au problème du temps ?

Et je disais, revenons aux exemples de cinéma qu’on a commenté pour se contenter pour le moment de cinéma. Revenons aux exemples. Welles, Resnais, je disais accessoirement Robbe-Grillet.
-  Comment se fait-il que ces auteurs aient posé dans le même mouvement et fondamentalement, le problème du temps dans l’image et le problème de la puissance du faux d’image ? Ca ne peut pas être quand même par hasard. Comment expliquer que le cinéma du temps chez Resnais soit inséparable des puissances du faux sous la forme de l’hypnotiseur ou sous la forme du grand escroc, Stavrinsky. Comment expliquer que Welles qui encore une fois (je ne pourrai le justifier que plus tard) me semble être le créateur d’une image qu’il faut appeler l’image-temps au cinéma et avoir été le premier à faire des images-temps directes ? Comment expliquer que Welles soit en même temps celui qui interroge un rapport supposé fondamental entre le cinéma et les puissances du faux, entre l’image et les puissances du faux ? Alors est-ce que c’est le temps, le développement des séries, de la série des puissances du faux ? Est-ce que c’est le temps "la" puissance du faux comme telle et qu’est-ce que ça veut dire ? Qu’est-ce que ça voudrait dire la chose comme ça ? Quel rapport il y a-t-il entre le faux comme puissance et le temps ?

Bon. On se trouve butés là-dessus. Quel rapport entre la puissance du faux et le temps ? C’est à partir de là Vous voyez on a quand même progressé dans nos deux premières séances. On a progressé, encore une fois, on se préparait un problème et on bute sur un autre. Tout va très bien pour nous. C’est une très bonne nouvelle parce que on se préparait un problème et on bute sur un autre. On va peut-être buter sur un autre qui nous permettra de résoudre l’autre, de résoudre le premier. Alors aujourd’hui encore une fois... Aujourd’hui je n’ai que des histoires, des petites histoires à vous raconter. J’en ai raconté une et puis j’en ai encore beaucoup à raconter. Donc pour vous, c’est peut-être reposant ou bien c’est insupportable. Ca veut dire si vous n’aimez pas les histoires...

Voilà, je dis, on a parlé un peu cinéma, on a parlé un peu roman dans ce qui précède, on a parlé un peu de Melville, on le retrouvera Melville parce que j’y tiens beaucoup cette année. Je vous rappelle que ce que j’essaie de faire : c’est réunir l’ensemble de directions de recherche que j’ai présenté, que je vous proposais... Bon, mais on n’a pas beaucoup parlé philosophie. Si bien que l’heure est venue d’histoire un peu plus philosophique et je dis une chose très simple. Ce n’est pas compliqué. Si l’on cherche un rapport et pourquoi le temps est-il immédiatement en rapport avec et fait lever le problème même des puissance du faux. La réponse, il faut la demander à la philosophie, il n’y a quelle qui peut la donner. La réponse comme ça, évidement, c’est que le temps est le plus profondément mis en question en concept de vérité. Et là je dis une chose enfantine. On commence une histoire philosophique, c’est une petite histoire..... c’est évident que le temps, c’est la mise en question la plus profonde de concept de vérité.

Pourquoi ? Je peux dire au moins pourquoi pas. On pourrait me dire oh, oui je vois ce que tu veux dire. Ca veut dire que dans le temps la vérité varie. Oui, la vérité varie dans le temps. Dans l’espace aussi. Vérité dans un pays, vérité dans un pays... Non. Est-ce que ça veut dire ça ? Evidement non. Aucun intérêt ça. Pourquoi ? Parce que il s’agit du contenu, la vérité. On peut me dire à tel endroit et à tel moment on croyait que ceci était vrai et puis à tel autre moment et à tel autre endroit on croit que quelque chose d’autre est vrai. Je dis ça a fait que le contenu, c’est une variabilité du contenu de la vérité. Aucun intérêt, rien à en tirer Mais c’est évident que...Qu’est-ce qui est important ? Je dirais en plus, on en reste au contenu de la vérité on en reste au simple rapport vrai/faux. On ne s’elève pas au problème de la puissance du faux. Ce qui compte c’est quoi ? C’est que c’est la forme du temps, c’est le temps comme forme pure et vide. Ce n’est pas ce qui se passe dans le temps, c’est le temps comme forme pure et vide. qui est la mise en question du concept de vérité. Alors ça concerne beaucoup plus la philosophie du coup. Il ne s’agit plus de donner les exemples comme quoi la vérité changerait dans son contenu avec le temps. Il s’agit de dire la forme du temps comme temps vide et pur. Peut-être que ça n’existe pas une chose comme ça. C’est la forme du temps comme temps vide et pur qui met en question le concept de vérité.

Sous quelle forme ? Sous la forme la plus simple de la ligne du temps, de la ligne pure du temps en tant qu’elle comporte un présent, un passé, un futur. Quelconque, quel qui soit. Je ne m’intéresse plus du tout au contenu.

Si bien que la crise du concept de vérité, elle ne date pas d’hier. Elle commence avec la philosophie elle-même. Elle commence avec la philosophie elle-même pourquoi ? Parce que tout va bien le temps que la vérité concerne ce qu’on appelle en philosophie les essences. C’est à dire ce qui est soustrait au temps. La vérité sera définie comme universelle et nécessaire. Pas de problème. Quand est-ce que la vérité connait sa crise fondamentale ? lorsque l’on prétend appliquer vrai au domaine de l’existant. C’est à dire - lorsque l’on confronte la notion de la vérité à la forme du temps.

Cette confrontation elle s’effectua très vite en philosophie et donna lieu à un problème dont la philosophie n’est jamais sortie, qui lui est très essentiel et qu’elle aime beaucoup et qui a reçu le nom classique - de problème des "futurs contingents". Le problème des futurs contingents est l’expression d’une historiette pour la petite histoire qui marque l’affrontement de la forme du temps et du concept de vérité et les malheurs qui en sortent pour le concept de vérité. En effet, en d’autres termes qu’est-ce que peut bien vouloir dire "vérité d’existence" ? Est-ce qu’il y des vérités d’existence ?

Voilà. Et l’histoire commence chez les Grecs, chez les vieux Grecs, chez les Grecs anciens. Il y aura une bataille navale demain. Cet énoncé est sur le mode du possible. Il se peut qu’il y ait une bataille navale demain. Il se peut qu’il n’y ait pas de bataille navale demain. Bon, vous me dirait et puis après ? oui, voyez ce qu’on appelle un futur contingent. Il y aura-t-il une bataille navale demain ? Pourquoi déjà on sent que les ennuis arrivent, les ennuis tout philosophiques ? Pourquoi des ennuis arrivent au philosophe ? Il y a des ennuis abondent parce que je peux dire - imagine tout ce qui peut arriver. Un philosophe arrive et dit : "Ah, non, attention. Il n’est pas question d’appliquer à ce genre de proposition le principe de contradiction".

-  Le principe de contradiction nous dit de deux propositions contradictoires une et une seule est vraie. L’existant, c’est à dire, le futur contingent. Il y a aura une bataille navale demain, il n’y aura pas de bataille navale demain. Si je dis ce qui est nécessaire - je peux m’en tirer en disant ce qui est nécessaire c’est l’alternative, c’est le ou bien ou bien. Et nous savons, bien que nous ne connaissions pas grande chose à la philosophie antique, nous savons certains philosophes antiques, non des moindres, par exemple Aristote sera paqrtisan de cette solution. Ce qui est nécessaire c’est l’alternative des deux propositions. C’est tout. Ca n’est ni l’une ni l’autre. L’une comme l’autre sont possibles.
-  Seulel’alternative est nécessaire. Si non, c’est une catastrophe. Pourquoi c’est une catastrophe ? Parce que c’est introduire une exception fantastique. C’est introduire un cas au principe de contradiction qui n’est pas applicable. Principe de contradiction qui veut que de deux propositions contradictoires l’une et une seule sont vraie.

C’est vraiment enfantin, quoi. C’est bien la philosophie, c’est comme ça..... C’est embêtant. Dès que vous appliquez la vérité à l’existant vous n’avez pas fait un pas, vous vous trouvez déjà devant des embarras, des ennuis. On peut toujours dire : l’existant n’a pas de vérité. Oui... C’est quand même embêtant. On est très malheureux si l’existant n’a pas de vérité. Et enfin dès qu’on fait un pas dans l’existant, dès que je dis il va avoir une batailledemain, voilàque le ciel me tombe sur la tête.

C’est à dire je ne peux plus appliquer le principe de contradiction. A moins que quoi ? A moins que j’essaie. Je renonce à la fausse solution, je renonce à cette espèce de recul qui consiste à dire seule l’alternative est vraie. Je vais essayer de maintenir en tant que philosophe grec,je vais essayer de maintenir que le principe de contradiction est valable même pour les propositions d’existence. A savoir que des deux propositions l’une est nécessairement vraie et une seule est nécessairement vraie. Comment je vais faire ? Mes autres histoires, elles seront plus simples. Celle là, c’est la plus difficile. Mais en même temps, ce n’est pas très difficile, suivez moi bien.

Supposez un philosophe... Voyons. Des deux propositions - il y aura une bataille navale demain et il n’y aura pas de bataille navale demain. Laquelle est vraie ? Pour le moment on ne le sait pas et ça c’est question de manque de connaissance en nous. Ca n’a aucune importance. Attendre et on dira, on apprendra qu’il y a eu ou pas la bataille navale. Et on dira : s’il y a eu une bataille navale, si le temps de demain est devenu aujourd’hui la bataille navale s’est effectuée. Je dirais : était vraie, la proposition qui disait : il y aura une bataille navale demain ? Et seulement celle-là était vraie. Ca commence à être fatiguant. C’est bien, c’est bien ça, parce que le philosophe grec qui lance ça, il nous réserve des surprises. Il nous dit quand l’événement s’est effectué, quand l’événement bataille navale s’est effectué. Elle a eu lieu où elle a eu lieu. Quand l’événement, la bataille navale, s’est effectué, la proposition est devenue nécessairement vraie en changeant de modalité. Passons au passé : il y a eu une bataille navale. Ca c’est une proposition nécessairement vraie. Elle rend impossible,vous comprenez bien, elle rend impossible l’autre proposition, la proposition contradictoire - il n’y a pas eu de bataille navale.

Bien. Et là, c’est quand même embêtant. En apparence j’ai sauvé le principe de contradiction en disant une de des deux propositions et une seule est vraie. Celle qui s’effectue, parce que quand elle est effectuée, elle est nécessairement vraie. D’accord. Mais qu’est-ce que je dois lâcher ? A quel prix je viens de sauver le principe de non-contradiction ? A un prix fou. C’est que lorsque j’avais mes deux propositions possibles - il y aura une bataille navale demain, il n’y aura pas une bataille navale demain. Les deux étaient possibles. L’une seule est nécessairement vraie. Celle qui donne - il y a eu une bataille navale. L’autre est nécessairement fausse - il n’y a pas eu de bataille navale. En d’autres termes, elle est impossible. Nécessairement fausse, c’est impossible.

-  Catastrophe. Du possible est sorti l’impossible. Je ne peux pas appliquer, je ne peux pas sauver le principe de contradiction en l’appliquant à l’une des deux propositions seulement. C’était l’exigence pour sauver le principe de non-contradiction. Je ne peux pas sauver le principe de non-contradiction sans contredire à une autre forme du principe de non-contradiction à savoir du possible on ne peut pas faire sortir l’impossible. Du possible sort l’impossible. Si le principe de contradiction s’applique au vérité de l’existant c’est à dire à la forme du temps, Le passage du futur au passé sous la forme du temps. Du possible vous faites sortir l’impossible, c’est la catastrophe. Vous avez sauvé d’une main le principe de non-contradiction et vous vous perdez de l’autre main. A moins que vous fassiez tous vos efforts pour montrer que oui, du possible peut sortir l’impossible. Mais ça va être difficile. Comment est-ce que du possible sortirait l’impossible ? C’est contradictoire.

Mais il faudrait montrer que ce n’est pas contradictoire. Et nous savons pour autant que nous puissions savoir quelque chose dans ce domaine, qu’un vieux philosophe, un des premiers stoïciens soutenait cette thèse paradoxale - "du possible sort l’impossible". Et nous savons son nom, nous savons qu’il s’appelait Chrysippe. C’était le grand Chrysippe dont il nous ne reste que quelques livres. Et encore ses livres nous sont rapportés par d’autres et le plus souvent par ses ennemis. Quelques lignes qui nous sont rapportées par un ennemi d’ailleurs bien postérieur. Non seulement le côté... mais du côté très loin déjà dans le temps, qui nous est rapporté par Cicéron dans "Du destin". Dans son livre intitulé "Du destin". Et puis qui nous sont rapportés cette fois-ci par un membre de l’école stoïcienne donc trés sympathisant mais encore plus tard, Epictète. Donc qu’est-ce que pouvait dire Chrysippe lorsque il soutenait la thèse paradoxale du possible sort l’impossible ?

On a qu’un renseignement donné par Cicéron. Chrysippe donnait un exemple, un exemple de sorcier c’est à dire - un exemple de devin. Il disait oui, du possible sort l’impossible et vous voyez bien. Le devin a dit : "celui qui est né au lever de la canicule (très belle histoire) celui qui est né au lever de la canicule ne mourra pas en mer". C’est très émouvant pour nous, on sent que pour les Grecs c’était très, très important, de savoir qui allait mourir en mer. Ca continue l’histoire de la bataille navale. Chrysippe disait ou aurait dit - si quelqu’un est né au lever de la canicule - possibilité - il ne pourra pas mourir en mer - Impossibilité. Vous voyez - du possible sort l’impossible. On se dit : non. Pas besoin d’analyser beaucoup pour dire - on sent qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Pourquoi il nous raconte tout ça ? Avec cette absence de texte, les textes ont disparu, tout ça... C’est que ça n’a pas cessé de poursuivre l’antiquité. Et toutes ces discussions ont tourné autour d’un argument ou d’un paradoxe célèbre dans l’antiquité qu’on appelait le dominateur. Le dominateur, pourquoi le dominateur ? Pas du tout parce que il était encore plus important que les autres paradoxes de l’Antiquité, mais parce que, vous voyez, il posait la question de savoir si les actes du lendemain étaient dominés par le principe de contradiction et donc par la nécessité.

Et un historien de la philosophie Pierre-Maxime Schuhl a essayé de reconstituer à travers les témoignages qu’on a, les raisonnements de l’antiquité à cet égard dans un petit livre très curieux qui s’appelle "Le dominateur et les possibles". Bon. Vous sentez que du côté de Chrysippe il y a quand même quelque chose... Aussi on apprend qu’un autre stoïcien, du même ancien stoïcisme, de la première grande génération des stoïciens. Un vieux stoïcien prenait le problème par l’autre bout toujours pour sauver le principe de contradiction. Voyez, vous suivez.

-  Premier cas : lorsque la vérité affronte l’existant, c’est à dire la forme du temps.

-  Première possibilité : elle est forcée à renoncer au principe de non-contradiction en disant seule l’alternative des propositions, seule l’alternative des propositions futures est nécessaire. C’est très ennuyeux. Il y a des graves inconvenients. Inconvenients qui sont, encore une fois limiter le principe de contradiction, c’est à dire exiger le logique trivalente. La logique ne sera pas une logique bivalente vrai-faux, mais une logique trivalente vrai-faux-possible. Probable, vraisemblable. Donc, c’est embêtant.

-  Deuxième possibilité : sauver le principe de contradiction. Par quel tour de magie ? Dire : la proposition vraie c’est celle dont l’événement s’effectue, car le passé est nécessairement vrai. On a sauvé le principe de contradiction. Catastrophe, on se trouve devant un paradoxe. Il faudrait que du possible puisse sortir l’impossible.

-  Alors la troisième combinaison, vous pouvez l’inventer. Sauver le principe de contradiction mais de quelle manière ? On niant que le passé soit nécessairement vrai. Et ça, c’est un très grand, je crois, un très grand philosophe stoïcien dont on n’a pas plus, hélas, de textes parce que tout ça a disparu et qui s’appelait Cléanthe. Non plus Chrysippe mais Cléanthe. Il semble, c’est bien que dans l’école stoïcienne il y a eu la tendance Chrysippe et la tendance Cléanthe. Et ce Cléanthe lui disait : "Non, non, non, du possible ne sort jamais l’impossible". Donc, il disait : " Chrysippe a tort". Ca voulait dire : moi, je prends l’autre chemin. Pas qu’ils se disputaient. Je prends l’autre chemin. "Ce que je vais vous montrer c’est que le passé n’est pas nécessairement vrai". Et en effet, c’était une autre manière de s’en sortir. Mais comment est-ce que le passé ne serait pas nécessairement vrai ? D’après ce qui nous est rapporté Cléanthe s’en tirait lui aussi tant bien que mal mais d’une manière très intéressante. Il distingue le nécessaire et le fatal.

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