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38- 19/04/83 - 1

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cours 38 du 19/04/83 - 1 transcription : Antonin Pochan

Alors vous voyez bien le problème, hein, le problème c’est encore une fois : quelles images indirectes du temps vont découler de la composition des images- mouvements ? Encore une fois, on procède par ordre, c’est à dire on exclut pas que il y ait des cas où soient donnés des images "directes" du temps. Des images directes du temps qu’on pourrait appeler des images-temps tout comme nous avons parlé d’images- mouvement. Mais il se trouve que ces cas pour le moment nous n’en avons pas l’idée. Alors on se contente de dire, et bien dans la mesure où l’on compose des images-mouvements, on peut espérer qu’une chose, pour le moment, on peut espérer qu’une chose c’est : atteindre à des images indirectes du temps. Et sans doute la composition des images-mouvements et les images indirectes du temps sont identiques, à la limite.

Et voilà qu’on a vu toute une portion toute une première partie, de cette entreprise : faire surgir des images indirectes du temps à partir de la composition d’images- mouvements, on l’a vu a propos du mouvement extensif, c’est-à-dire du mouvement dans l’espace.
-  Et l’on a vu que le temps surgissait sous deux aspects, le temps comme Tout, et le temps comme intervalle. Le temps comme Tout qui nous fait penser l’ensemble du mouvement, et le temps comme intervalle qui nous fait penser la différence la plus petite entre deux mouvements, où le passage, où le passage d’un mouvement vers un autre, en tant qu’il tend vers une limite. Et à tort ou à raison il nous a semblé que c’était ça, que aussi bien du point de vue de la théorie que de la pratique, qui avait fasciné le cinéma français d’avant guerre. Et puis on était passé à l’ autre aspect, le mouvement a un autre aspect, le mouvement intensif. Et si le mouvement extensif renvoie à l’image-mouvement à proprement parler, le mouvement intensif renvoie à l’envers de l’image-mouvement c’est-à-dire à ce que l’on appelé l’image lumière. Et vous vous rappelez qu’en effet que l’image mouvement et l’image lumière était comme l’envers et l’endroit. Donc c’est comme si on retournait l’image-mouvement et maintenant on la met du coté image-lumière. Et l’on se demande quelle image indirecte du temps va surgir de l’image-lumière. C’est donc cette fois ci le mouvement comme intensité.

Or ces deux mouvements sont très différents, bien plus je voudrais que vous sentiez que ils n’ont pas avec l’âme ou l’esprit - parce que, peut importe ce qu’on met là c’est, on emploie des mots traditionnels - n’ont pas avec l’âme et l’esprit du tout le même rapport. Si je me demande où est le rapport du mouvement extensif avec l’âme, je dirais que c’est un rapport objet/sujet, c’est le rapport sous lequel l’âme est conviée à penser et à trouver la raison du mouvement dans l’espace. C’est l’âme comme faculté de penser qui s’adresse au mouvement dans l’espace et c’est par là que je parlais d’un cartésianisme de l’école française. La pensée pense, l’étendue est le mouvement dans l’étendue. Et en tant que pensée quel est l’ordre auquel elle répond ? elle répond à l’ordre ou à l’exigence suivante : penser le Tout du mouvement, ou du moins penser dans un Tout, l’ensemble du mouvement.

Et ça répondait assez à ce que nous avons vu chez Kant être le sublime mathématique. En ce sens que dans le sublime mathématique, c’est la pensée qui se commande, de penser un Tout du mouvement et qui dès lors force l’imagination à se heurter à sa propre limite qu’est l’imagination. Quand il s’agit du mouvement intensif nous pénétrons dans une autre région de l’âme, et c’est pas étonnant, on dirait cette fois ci que l’on pénètre dans la région du vécu de l’âme. Et que son rapport avec le mouvement intensif n’est plus un rapport de penser sujet/objet ou de réflexion, mais que son rapport est devenu un rapport vital, et cette fois ci ce n’est pas la pensée qui donne, ce n’est pas l’esprit qui donne un certain ordre qui serait l’ordre de pensée. Le mouvement dans son ensemble - et c’est comme le mouvement sous sa forme intensive qui pénètre de part en part l’âme et qui la force à penser l’intensité. Non même pas je dirais, qui la force à vivre l’intensité ou à découvrir en elle une intensité qu’elle ne savait pas d’abord. C’est pour ça qu’il faudra pas s’étonner que ce temps, cette autre figure du temps, soit fondamentalement lié à l’âme sous la forme de ses chutes et de ses remontées. Il faut donc concevoir presque, une série de quoi ? une série d’avatars, une espèce d’aventure de l’âme à travers le vécu de l’intensité. Et c’est une tout autre atmosphère que celle que l’on a vu précédemment avec le mouvement extensif.

Dans cette aventure essayons, je disais je voudrais m’appuyer sur beaucoup d’auteurs à la fois, pour retenir certains moments donc certains moments, mais c’est des moments extrêmement flottant c’est extrêmement difficile à raconter cette aventure. Et je la divise en temps comme ça pour essayer d’être plus clair, d’abord je fais une parenthèse sur tout ça, il n’y a pas de question ? il n’y a pas de problème ? Sur le point là où, l’on en est ?

Comtesse : J’aimerais poser une question, une précision plutôt, quand tu, quand à propos de Kant tu nous a parlé du, de l’instant, l’instant comme degré d’intensité par rapport au degré zéro, cet instant c’est pas, ça diffère donc à la fois du présent variable, comme intervalle de temps entre deux mouvement extensif, et donc ça diffère aussi de l’instant égale zéro ( Deleuze : tout à fait ) diffère donc des deux, mais dans la mesure où cet instant qui est un degré d’intensité, c’est donc l’instant d’une remontée d’une reconversion, d’un retournement, par rapport au zéro c’est donc un instant qui est déjà dans une distribution d’intensité, donc dans un ordre possible, une ordonnance des distances, mais si cet instant qui les définit comme l’en deçà d’un futur qui est déjà là et qu’au l’au-delà d’un passé qui recule indéfiniment en lui, est ce que si cet instant diffère d’un présent variable puisqu’il est cet en deçà et cet au-delà par rapport a un futur et a un passé est ce qu’on peut pas l’appellé lui-même cet instant, un nouveau présent ? C’est-à-dire un présent pur ou de césure. Est-ce que autrement dit, l’instant dont on parle comme même si l’on parle de degré d’intensité, est ce que ce n’est pas un nouveau présent intensif, non plus variable mais invariable ? C’est ma question, puisque ce présent finalement c’est le présent d’un instant d’abri, l’instant d’abri c’est-à-dire l’instant qui a recours à la voie du défi, ou de la rébellion de l’esprit donc à une présence d’être spirituel, est ce que cet être spirituel, est ce que ce serait l’intensité lumineuse d’un présent invariable ? Voici les questions.

Deleuze : Elles sont intéressantes, mais leur intérêt c’est pas un mais, c’est pas restrictif, leur intérêt m’apparait avant tout terminologique, je veux dire ça dépend ton but. Je veux dire moi j’aurais tendance à pousser au maximum la différence de nature entre présence et instant, alors on est d’accord sur un point, dans le vécu, présent et instant forme des mixtes. Supposons que l’on soit d’accord aussi sur ceci sur ceci, le travail du concept consiste, ou commence plutôt à partir du moment où l’on analyse un mixte, qu’est ce que voulant dire analyser ? Analyser voulant dire ici, dégager des tendances pures, non pas simplement analyser au sens de dégager des éléments du mixte mais analyser le mixte d’après des tendances, lesquelles tendances sont seules, pures. Alors, si j’essaie d’analyser, nous avons dans notre expérience des complexes de présents et d’instants, il y a deux voies possibles, de toute manière supposons que la différence soit acceptée c’est-à-dire on se dit : il y a une différence entre présent et instant, c’est pas le même concept. Là dessus suivant vos buts vous pourrez vous dire :
-  il faudra finalement que l’instant soit un type de présent c’est-à-dire il y aura deux types de présent ou x types de présent.
-  Ou bien vous vous direz encore une fois ça dépend de la finalité que vous poursuivez, que vous vous proposez, ou bien vous vous direz et bien non je préférerais qu’est ce que veut dire je préférerais - on peut pas non plus préférer n’importe quoi, il faut que ce soit possible.

Je préférerais creuser au maximum la différence de nature entre le présent et l’instant. Moi je dirais quand à ce que viens de dire Comtesse pour moi le présent est inséparable d’une certaine, à la lettre, étendue de temps. Pourquoi j’emploie cette expression "étendue" ? Parce que précisément je crois que le présent, pour mon compte, je dirais le présent est une notion qui renvoie fondamentalement et qui exprime le rapport du temps avec un mouvement extensif, avec un mouvement dans l’espace. En ce sens on dit : un présent est un laps, une étendue de temps dans le présent, dans ce sens en effet le présent implique une durée, et un type de durée, il est lui-même une durée, il est pas dans la durée, il est lui-même une durée. Et je proposais de définir le présent comme l’intervalle. Tout intervalle est un présent. J’essaie de préciser à ce moment là, en quoi c’est assez différent pour moi de l’instant, dans un exemple qui les réunirait tous deux, je reprends toujours mon exemple, le passage de la quantité à la qualité dont j’avais parlé à propos d’autre chose.

-  Vous passez d’un état à un autre. Mettons vous passez de l’état liquide à l’état solide. Je dirais que tout passage en tant que passage déterminé est un présent. Vous passez d’un contraire à l’autre, je dis pas que c’est le seul cas de présent, il y a des intervalles qui sont autre chose que des passages de contraires. Mais prenons comme cas d’intervalle le passage d’un contraire à son contraire, le passage d’un contraire à l’autre. Si tu veux ça c’est un présent, le passage. Le passage d’une qualité dans une autre, et j’appellerais "instant", le surgissement de la nouvelle qualité, qui elle se fait en un coup, qui est donc non pas un intervalle mais l’extrémité d’un intervalle, l’intervalle étant rempli, ou le changement étant accompli. Surgissement de la glace.

Vous direz le passage de l’état liquide à l’état solide est accompli. Ca y est, pieu de la glace. J’appellerais présent le passage de l’état chevelu à l’état chauve. Et j’appellerais instant le surgissement de la nouvelle qualité, ça y est : "tu es chauve". En ce sens, je dis pas que c’est le seul sens du mot instant pour moi, mais quelque soit tous les sens du mot instant, il y aura cet aspect par lequel l’instant lui, se définit comme un intervalle, heu pardon, le présent se définit toujours comme un intervalle variable. Alors Comtesse propose de considérer l’instant comme un présent invariable. Moi c’est pas possible parce que je ne vois pas bien.... Et plus je vais plus je me dis la marque de Comtesse implique qu’il a une idée derrière, dans la tête. Et que donc que cette idée aboutirait à un autre point auquel moi j’aboutis. Parce qu’il pose sûrement un autre problème, tu nous le diras pourquoi toi tu préférerais que l’instant soit un présent invariable ?

Comtesse : Et bien tout simplement parce que dire comme tu l’a fais par exemple de par tes simples mots, discours que tu énoncé à savoir si l’instant comme degré d’intensité il est l’en ça d’un futur c’est l’au-delà d’un passé qui recule indéfiniment en lui, comment donc le définir autrement puisqu’on définit par rapport à un futur et à un passé que comme un présent ?

Deleuze : Et non, pourquoi veux tu qu’il y ait que le présent, le futur et le passé. Y a tant d’autre chose dans le temps.

Comtesse : D’accord et étant donné, étant donné par exemple que l’instant, ça serait peut être par exemple si on prend le temps qui part de l’instant, mais l’instant c’est un instant d’abri, ce qui veut dire que l’évènement catastrophique dont je parlais, c’est à partir d’un poste c’est-à-dire d’une position d’abris il est guéri déjà et de cet instant il ne l’est peut être plus jamais, et il reste dans un certain vide par rapport à cet instant inéffectuable, alors cet instant inéffectuable, on peut peut être appeler ce qu’il n’effectue jamais comme un instant mais d’où il est pour parler ainsi du sublime c’est-à-dire finalement pour prendre au sérieux l’esprit, et pour prendre au sérieux l’être spirituel et la nature spirituelle de l’Homme, comment ne pas voir là une parfaite continuité avec disons, ce que toujours, de toujours, une certaine tradition chrétienne, à penser le sens de l’instant, tout simplement, si on prend par exemple, on prend les, il y a un ancien livre de Georges Gusdorf qui s’appelle mémoire et personne en deux choses. Ce qui est très curieux c’est que dès le début de son livre il insiste énormément sur la sauvegarde, presque en terme Kantien mais sans citer Kant, la sauvegarde absolue ça le pour lui c’est quelque chose qui est essentiel, la sauvegarde absolue du sens du présent c’est-à-dire du présent comme présent d’être, il faut absolument que le présent comme présent d’être ne vacille jamais. Il faut pas qu’il y ait un présent fêlé et surtout pas un éclatement du présent comme présence d’être. C’est la même chose chez Kant, par exemple à partir de ce présent qu’il appelle instant, le passé va reculer indéfiniment, c’est-à-dire que l’instant, l’instant catastrophique, restera éternellement innéfectué par rapport à l’instant de la guérison, je dis guérison, parce que peut être que le mot guérir ça vient de guérite, et guérite ça veut dire se poster à l’abri des intempérie avoir un endroit où se poster à l abri des intempéries, c’est exactement la position de Kant on est donc guérit. Bon on est guérit comment ? on est presque toujours guérit lorsque l’on croit au temps, et surtout pas a n’importe quel temps, la suprême guérison c’est de croire à cet instant, ou à ce présent invariable comme le présent de l’abri qui a recours à l’esprit ou au défi de l’esprit, à la rébellion de l’esprit c’est-à-dire à l’esprit de l’être ou de la présence d’être spirituel. Ca c’est le problème lorsque Kant après par exemple, lorsque Kant il abordera dans l’essai sur le mal radical, lorsque pour la première fois il va approcher, pour la première fois il va approcher par exemple la force de destruction radicale de l’autre en tant qu’autre, le mal radical, le penchant au mal radical. Cette force là c’est une force qu’il va penser peut être à l’intérieur d’un présent invariable puisqu’il va rapporter cette force alors qu’il frôlait une force de désir (...) un désir certainement indicible dans les discours philosophique, mais en tout cas il frôlait une force du désir et il refait le vide du désir, c’est-à-dire le temps, en disant je rapporte cette force à la liberté et donc la liberté va assurer un rapport au présent, et donc va assurer l’idée très conventionnelle, très classique, d’une possibilité soi disant, qui a été introduit d’ailleurs par le discours chrétien, de liberté de l’homme, toujours Kant tente d’assurer ici en fonction, autrement dit, certainement d’ un présent et d’une liberté à l’intérieur d’un certain vide. La question est de savoir si ce vide là, le vide du désir qui détermine le temps, est ce que c’est pas nous engager dans un discours de la névrotisation, ou de la névrose ? Parce que le névrosé se définit fondamentalement par le vide de son désir, qui est un désir bien sûr qui reste indicible. Quel est le rapport du discours Kantien à la névrose, c’était mon arrière pensée ?

Deleuze : Ahhhh. Je vais te dire, c’est là ce que tu viens de dire je souligne ça parce que ça me parait très curieux chaque fois qu’on lit des textes. Quand on lit les grands textes, ce qui fait la différence entre les lecteurs, ou une des choses qui fait le plus de différence entre les lecteurs, c’est pas, c’est pas toujours ce que l’on croit. Moi je crois que dans tous les grands textes, et que plus y sont grands plus c’est comme ça, il y a un esprit du comique, qui les parcourent intensément, mais on sait jamais où il est placé. C’est pour ça que la grande littérature est la chose la plus drôle du monde, et c’est pour ça que écrire est une joie, je veux dire écrire c’est toujours à la lettre une manière de rire. Et alors ce qui fait la différence entre les lecteurs, c’est que d’une part, y en a qui ne savent pas cette vérité élémentaire alors évidemment comme on dit il prennent tout au sérieux, ça fait une catastrophe, ça fait des catastrophes, ça fait ce qui pleure en lisant Beckett ou Kafka, vous comprenez ça va plus ! Mais je parle pas de cela. Les autres, c’est ça qui est troublant, entre deux lecteurs on sait bien que à part ceux dont je viens de parler, on sait bien que ces textes sont parcourus de degrés d’humour ou de degrés de comique intense, mais chacun de nous ne les distribue pas de la même manière. C’est pour ça que je dis ça, à propos de ce que vient de dire Comtesse, c’est très difficile, là, on peut pas dire l’un a raison et l’autre a tord si on est d’accord sur ceci il y a quelque chose de drôle la dedans. C’est la base, vous pouvez pas lire un livre sans vous dire il y a quelque chose de drôle la dedans. Et ce drôle ça va être précisément, à mon avis ça ne fait qu’un avec ce que vous pouvez appeler son sens le plus profond, et bien c’est quelque chose de drôle, dans le texte de Kant auquel Comtesse se réfère y a cette histoire où en effet il nous dit il définit le sublime (...) et c’est prodigieux et c’est un texte d’une beauté énorme et il nous dit : voilà bon, vous vous rappelez ? Le sublime dynamique c’est ce qui me réduit à zéro comme être sensible donc erreur mais qui en même temps éveille en moi une faculté sous laquelle je me découvre comme être suprasensible.

Donc la nature me réduit à rien comme être sensible mais ce qui se passe dans la nature éveille en moi une faculté suprasensible par laquelle je me sens la dominer. C’est admirable cette idée du sublime dynamique, et il ajoute : à condition d’être à l’abri, ce qui veut dire littéralement, si je ne suis pas, comme dit Comtesse, dans une guérite, ce qui veut dire littéralement, là on peut voir à quel point une belle phrase dans un texte a toutes sortes de sens, ça veut dire littéralement dans le texte de Kant, en effet si je ne suis pas à l’abri, la terreur va être tellement grande je me sentirais tellement zéro comme être sensible, ma panique sera telle que la faculté suprasensible par laquelle je pourrais me considérer comme supérieur à la nature sera complètement bloquée.
-  Donc dans la tempête, je ne peux éprouver le sublime dynamique de la tempête que dans la mesure où je suis à l’abri, ça c’est le sens littéral. En même temps pour moi, Kant à votre choix, sourit doucement, ou rigole intensément, il est en train de se dire : "tiens je suis en train de réussir un bon passage" et lui-même, il se dit : " bah oui, il se dit, ah la tempête c’est beau ! c’est beau ! mais restez sur le rivage. Et pourquoi il dit ça et pourquoi c’est un comique proprement Kantien ? parce qu’il sait très, enfin je crois, il sait très bien qu’il est en train de boiter, et qu’il a un pied dans le pur classicisme et il a un pied dans ce qui s’annonce, qu’il a un pied dans le passé, qu’il a un pied dans le futur, il sait pas bien ce que sera ce futur, ce sera le futur de ses propres disciples, les romantiques.

Un pied classique, un pied romantique, il fait le clown, il fait le clown, mais à nouveau je dis, c’est le degré d’humour du texte, à nouveau, ça n’empêche pas qu’il y ait un autre sérieux. Le degré d’humour est pris entre deux sérieux, dans d’autre cas c’est une autre figure, quel est l’autre sérieux pourquoi est ce qu’il fait pas ? La il a une raison sérieuse par laquelle finalement il veut qu’on reste à l’abri. Et elle dépend pas du tout à mon avis de l’intérieur du texte, elle est tout à fait extérieure au texte. Il veut pour des raisons, c’est des raisons personnelles à lui Kant, des raisons personnelles non, c’est des raisons philosophiques, il veut surtout pas qu’on puisse éprouver le sentiment du sublime dynamique en pleine action. Supposer que je l’éprouve dans la tempête en tant que je suis secoué par la tempête, à ce moment là la tempête réduit moi à un être physique à zéro et en même temps elle soulève en moi la faculté suprasensible par laquelle je suis comme un être infini, je ne peux l’éprouver que dans le sacrifice.

-  Là on rejoint le cinéma, je pense par exemple, on aura l’occasion d’en reparler tout à l’heure, à Hélène dans Nosferatu, elle s’offre en sacrifice, elle donne sa vie comme être sensible, elle donne sa vie au Vampire mais en même temps elle se découvre comme être suprasensible, et elle découvre la pure lumière. L’esprit de sacrifice, l’esprit de sacrifice prend très bien en acte les deux aspects du sublime dynamique, la réduction à zéro de mon être physique et l’élévation d’un être supra, supra suprasensible. Pourquoi est ce que Kant il veut pas de ça ? Pourquoi est ce que dès lors il veut qu’on reste à l’abri ? Parce que pour lui cela ne peut être réalisé que par et dans la loi morale. Et que donc se serait très grave pour lui d’accorder au jeu de la nature dans le sublime dynamique, quelque chose qui n’est réservé qu’à la pure moralité, à savoir l’histoire de l’esprit de sacrifice.

Alors moi je serais pas comme Comtesse, au niveau du texte même, c’est-à-dire c’est pour ça qu’un commentaire de texte c’est infini chacun peut non pas y mettre ce qu’il veut mais les textes par exemple, ce sur quoi lui il insiste et sur lequel il met un accent sérieux, faudrait qu’il y ait, il y avait des signes typographiques dans le temps, il y avait le fameux point d’ironie, pour bien montrer que ce qu’on disait n’était plus sérieux, enfin c’est pas bien non plus de mettre des point d’ironie, allez dont savoir, dans ce que dit quelqu’un. Je crois que les degrés d’humour, les degrés de rigolade, les degrés de comique sont des charnières et pas seulement des charnières, sont des passages, sont, jouent un rôle fondamental dès que quelqu’un parle c’est pour ça que parler c’est fondamentalement à la limite c’est fondamentalement non sérieux, écrire c’est fondamentalement non sérieux tout ça mais c’est très important, très important.

Alors moi ce qui m’amuse la dedans, par exemple, je ne doute pas que Comtesse mettent ses points d’ironie, ses points de comique dans les textes, mais c’est pas au même endroit que moi, alors lui il va mettre un accent de sérieux sur tel passage du texte et moi je vais mettre au contraire un accent comique en disant : bah oui évidemment, si bien que, ouais, mais enfin pour en revenir à l’histoire de l’instant, c’est toutes les aventures que j’ai à raconter qui vont voir en quel sens, j’aimerais alors que l’on reprenne avec Comtesse c’est aujourd’hui que j’ai à parler de l’instant et que, et de cette histoire du recul du passé, de l’imminence, du futur.

Comprenez, pour moi l’instant, pour moi le présent il est fondamentalement lié au rapport de l’âme avec le mouvement dans l’espace, avec le mouvement extensif, encore une fois, je vois, vos présents c’est quoi ? moi ce que j’appelle vos présents et quand je vous disais vous êtes constitués d’une infinité de présents, vos présents c’est tout les intervalles qui vous composent, et vous êtes composés d’intervalles. Intervalle entre deux pas, intervalle entre deux respirations, intervalle entre deux battements de cœur, les présents c’est pas autre chose.
-  Un présent c’est ça, c’est un intervalle, je vous disais le présent de l’oiseau, c’est son intervalle entre deux battements d’aile.

Alors c’est un présent fondamentalement variable, et comme je ne conçois pas d’intervalles qui ne soient pas variables, bien plus je ne conçois pas d’intervalles qui tendent vers une différence infiniment petite c’est-à-dire à la limite le vecteur du présent c’est la précipitation, c’est l’accélération. En somme je peux dire le présent tend vers l’instant, mais à coup sûr l’instant est une limite, et je dirais jamais que l’instant lui est un présent. Alors ça je voudrais que quand j’en aurais fini avec l’aventure de l’intensité on revienne avec Comtesse sur l’histoire de l’instant. Et y a quelqu’un qui voulait parler aussi.

Etudiant : S’il vous plais, je vais (on entend très mal)..........

Deleuze : J’ai essayé d’annoncer déjà que j’oppose le mouvement intensif au mouvement dans l’espace. Donc s’il y a dans l’intensité comme j’ai essayé de le montrer, une chute et une montée c’est évidemment pas dans l’espace mais dans le temps. Heu alors si vous me dites comment que l’âme elle tombe et elle remonte dans l’espace ? je dis la question n’a pas lieu de se poser puisque l’âme ne peut tomber et remonter que dans le temps. Heu donc la question me semble n’a pas d’objet. Etudiant : (on entend mal)

-  Deleuze : C’est quoi .... Quand vous me dites vous vous voulez dire l’âme, est ce que c’est l’âme qui produit elle-même. Euh bah non, puisque si vous aviez suivi, vous étiez là je me rappelle la dernière fois, si vous aviez suivi ce qu’on a vu sur le sublime dynamique, si vous avez un peu saisi ce que Kant appelle le sublime dynamique vous voyez très bien que c’est un mouvement qui affecte à la fois la nature et l’âme. C’est pas l’âme qui fait les tempêtes par exemple, c’est la nature qui fait les tempêtes. En revanche que quelque chose à la vue d’une tempête, à l’abri ou pas c’est une autre question, que quelque chose se passe dans l’âme oui. Alors à votre question c’est t’ y l’âme ou c’est t ’y autre chose que l’âme qui fait les chutes et les montées euh je dirais ici aussi la question ne se pose guère puisque c’est la rapport intensif de l’âme avec quelque chose d’autre qui fait les chutes et les montées.

Etudiant : on entend mal.

Deleuze : Ce que vous dites est très intéressant car c’est très légitime ça revient à dire et ça j’y suis toujours très sensible et un ensemble de questions auxquelles quelqu’un est fermé. Ce que vous dites, ce que vous me dites, ça revient à dire ce que tu es en train de raconter c’est pour moi non (quelque chose d’inaudible, ou en langue étrangère) alors je dis très ça c’est bien alors, ça c’est très bien. On peut pas être perméable à toutes les questions parce que ce que vous dites semble indiquer que vous êtes très ouvert sur les questions du mouvement dans l’espace. Alors bon on peut pas être ouvert à tous les problèmes, moi y a des problèmes aussi qui me disent absolument rien, quand je les entends je me dis tiens mais qu’est ce que c’est que ça. Il y a moi, il y a des problèmes ça m’intéresse pas euh, tout ce que vous revient à dire que l’intensité si c’est pas une chose qui vous intéresse, ça. C’est légitime, c’est légitime, c’est la preuve que c’est autre chose qui vous intéresse, mais alors faut pas forcer, faut pas trop s’épuiser. Oui.

Etudiant : J’ai eu l’impression que cette façon de mettre en place ces trois termes présent/ temps/ instant. Vous partez que pour lui le présent était la réintroduction de l’instant dans quelque chose de plus global, et que le plus important ce serait le temps. Alors que moi j’aurais tendance comme ça peut être, à partir d’un pressentiment, à penser que, j’ai l’impression que le présent qui perdant qui avec l’instant perdant toute dimension temporelle, gagne quelque chose beaucoup plus important peut être en temporalité, qui est l’intemporalité. Deleuze : ouais. Etudiant : attends je veux dire l’intensité, l’intensité comme absolument quelque chose qui n’est pas rapporté au temps. Deleuze : Ca ça c’est autre chose encore, ça dans une telle perspective ça reviendrait à dire une véritable analyse de l’intensité ne peut pas se faire en fonction du temps car l’intensité est en rapport avec heu,on aura beau l’appeller avec d’autres noms une certaine sorte d’éternité.

Etudiant : Est-ce que le l’a de (...) le l’a pas la mais l’a, n’a pas encore autre chose que l’éternité.

Deleuze : D’accord vous pouvez toujours, vous pouvez toujours distinguer y à un intemporelle qui doit pas être confondu avec l’éternité, de toute manière ça aura en commun avec l’éternité d’être hors du temps. C’est possible, c’est possible, moi je sais pas, c’est a vous de construire vos propre problème.

Etudiant : C’est-à-dire que lorsqu’un présent, un moment, un présent privilégié par (...) deviendrait profondément présent il cesserait de d’être présent pour devenir l’instant. Pour effectuer l’idée même d’instant.

Deleuze : et oui. Je veux bien je veux bien mais pourquoi vous dites la dessus.

Etudiant : ... l’effectuation temporelle.

Deleuze : C’est là que je comprends pas commentvous en tirez la conclusion que dès lors il n’y a pas de rapport avec le temps ? Si je reprends mes exemples qui sont typiquementdes exemples d’intensité, passage de l’eau à la glace, on appelle instant le surgissement de la qualité nouvelle la glace, mais tout ça implique un tout autre temps que le mouvement extensif, il me semble que c’est inséparable d’un temps, il me semble que l’instant est aussi profondément inscrit dans le temps que le présent lui-même, je veux dire à première vue comme ça. Je dirais simplement c’est sûrement pas un intervalle. Pourquoi est ce qu’il vous semble que l’instant et le temps c’est pas en rapport direct ? Etudiant : Je le sens comme cela.

Deleuze : Vous le sentez comme ça c’est très légitime, oui vous avez un sentiment, une orientation, finalement vous souhaitez, vous le souhaitez, bah c’est possible.

Etudiant : Il me semble que c’est un peu la différence qu’on trouverait, j’ai l’impression de sentir quelque chose comme ça dans la dialectique de la durée de Bachelard, dans ce type de différents tirets justement à partir d’une problématique de l’instant comme purement différentiel de la durée dans son ancien maître.

Deleuze : Mais son ancien maître Bergson il en a des malices, je veux dire Bachelard et c’est de bonne guerre quand il s’en prend a Bergson il en donne une image si réduite et se fait de la durée Bergsonienne une image si sommaire, et il a raison parce que il a autre chose à dire, faut donc qu’il simplifie.

Ecoutez on va voir peut être qu’il y aura moyen de s’arranger tous et Comtesse et vous et moi, si on suit ses aventures ça dépend, moi je dirais à chaque fois, dans un texte comme je parlais des degrés d’humour présent dans tout texte, vous savez un texte c’est écrit en apparence en deux dimensions, mais il y a une profondeur du texte. Il y a en fait une troisième dimension qui en fait a plusieurs degrés là et il a l’air homogène comme ça mais y a une phrase qui renvoie à telle dimension de profondeur, une autre phrase qui renvoie à un autre niveau de profondeur etc.... C’est pour ça qu’il est toujours difficile, une page ça implique toujours à une perspective, et c’est pas au même niveau. Les phrases ou même parfois lorsque vous avez un rapport principal subordonné, bah la subordonnée n’est pas au même niveau que la principale. Et c’est ça, c’est ces effets de perspectives qui font la beauté d’un texte, qui font la beauté d’un grand texte, quand on parle d’auteur comme Proust qui multiplie les subordonnées, vous voyez nettement non seulement les subordonnées renvoient à d’autres temps que la principale ça, mais ils renvoient à d’autres niveaux de profondeur, à d’autres effets de perspectives que. Bon alors écoutez j’essaie de vous raconter, j’essaie de vous raconter cette histoire mais sans m’attacher à un seul auteur, parce que j’aurais pu essayer de vous raconter Böhm, essayer de vous raconter Schelling, tout ça je me suis dit bon, mais c’est tellement c’est des textes tellement subtils tellement, ils sont pas trop subtils pour vous mais ils sont... J’en retire quelque chose, j’en retire quelque chose de très sommaire, et je dirais voilà comment tout commence dans cette histoire de l’image lumière et de son intimité avec l’âme.

-  1er Stade on va mettre comme ça par commodité, 1ere étape : Et bien la lumière qui ne fait qu’un avec l’esprit, on l’a vu, puisque elle n’est pas avec l’esprit dans le rapport d’un objet par rapport à un sujet, d’un objet de pensée par rapport à un sujet pensant, elle est réellement la vie de l’esprit, elle est l’esprit comme vie, ou la vie comme esprit peu importe. Là nous partons de cette lumière et nous disons, cette lumière nous pouvons l’appeler Dieu. Dieu c’est la lumière, chez Böhm y a des textes très beaux, qu’on retrouvera chez Schelling, y a des textes de ce type, faut se laisser aller là, c’est (...) c’est vraiment pas, vous comprenez qu’est ce que voudrait dire une objection à non Dieu, c’est pas la lumière ? Bon Dieu c’est la lumière, mais, mais, mais, Bergson n’est pourtant pas leur disciple il retrouve ça à sa manière à lui ça nous étonne pas, mais par la même, malgré cela, par la même Dieu ou l’esprit c’est l’invisible. C’est l’invisible, la lumière en elle-même c’est l’invisible, c’est l’état de diffusion perpétuelle. Et dans tout son parcours elle se heurte à rien qui pourrait la rendre visible. Donc je crois que c’est Bergson qui retrouve un thème du romantisme et même d’une certaine mystique, quand il reprend ce thème il nous explique, une lumière qui diffuse, une lumière à l’état de diffusion pure et par nature invisible elle se transmet dans toutes les directions et ne révèle pas et ne se révèle nulle part. Cette lumière esprit Dieu, appelons le comme les Allemand, le Gründ. C’est le fondement, c’est le fondement ou le premier principe, tout ça c’est une histoire de principes. Voilà et quel est le problème ? Le problème c’est qu’il faut qu’il y ait dans l’esprit lumière, il faut qu’il y ait en Dieu quelque chose qui ne se confond pas avec Lui et qui est quoi ? Qui est la volonté de se révéler, encore plus profond que Dieu il y a en Dieu une volonté de se révéler, de se manifester. Dieu lui-même ne se manifeste pas, j’insiste là dessus parce que vous savez c’est une "idée" il faut la réfléchir un petit peu, il faut rêver autour de cette idée. Vous voyez déjà, il ne s’agit pas encore une fois, il s’agit vraiment pas de discuter, il s’agit d’essayer de comprendre dans quoi il se lance, dans quoi c’est romantique ou dans quoi un auteur comme Jacob Böhm est déjà en train de se lancer, il faut quelque chose au-delà du fondement. La lumière fondement, elle est partout, partout diffuse et par la même invisible, non manifestée, non révélée. Il faut qu’il y ait en Dieu une volonté qui ne se confond pas avec Dieu même et qui est la volonté, de Dieu de se révéler, ou la volonté par laquelle Dieu se révélera et se manifestera. En d’autre terme il faut que le Gründ renvoie à un Ur Gründ. Ur Gründ, c’est-à-dire un plus que fondement un au-delà du fondement.

-  Si l’on appelle lumière l’intensité pure, il faudra dire que l’intensité pure renvoie à une intension encore plus profonde. L’intension de l’intensité c’est cette volonté de se révéler, de se manifester. Le fondement renvoie à un plus que fondement. Je dirais la dessus parce qu’on pourrait confondre, on pourrait dire mais ça c’est très connu, les platoniciens disaient déjà quelque chose comme ça. Les platoniciens en effet, ils ne cessaient pas après Platon et même après Plotin, toute l’école platonicienne, ne cessait pas de se lancer dans une tentative qui à la lettre n’avait pas de limite. Dans leur théorie de l’Un avec un U majuscule, de l’Un pur, ils ne cessaient de constituer une série régressive où ils leur fallaient toujours atteindre à une unité plus pure, de plus en plus pure. Et c’était déjà une tendance de Platon mais c’était très discret, c’est avec les néoplatoniciens que ça se développe.

Et ils disent il y a d’abord l’Un-Tout, avec un petit trait d’union, il y a d’abord l’Un-Tout. Et puis il y a l’Un au delà du Tout, l’Un dont le Tout procède. Et puis une fois encore un Un encore plus pur, car après tout que quelque chose procède de l’Un c’est une impureté de l’Un. Il faudrait un Un, là dont rien ne procède comme ils disent l’Un imparticipable. Mais l’Un imparticipable, rien ne participe à lui mais c’est lui qui donne à participer, l’Un participable. Alors il faut encore un Un encore plus pur, bon ils se lancent dans une théorie là qui va animer ce que l’on va appeler ensuite la théologie négative, c’est une idée si pure qu’on ne peut plus rien en dire, bon. Je dis cette histoire dont je pars elle a l’air de ressembler un peu à cette lumière qui renvoie plus profondément, et vous comprenez déjà qu’en fait c’est trop vite fait, car en fait c’est juste le contraire.

Et là Jacob Böhm et je crois là que ça date comme même de Jacob Böhm ça. Ah non ça devait avoir, je retire ce que j’ai dit, ça doit avoir déjà dans la Renaissance des germes, Jacob Böhm c’est début XVIIème siècle. Il renverse complètement le problème ; pour les platoniciens il s’agissait à partir du visible de trouver quelque chose qui serait de plus en plus invisible, de plus en plus caché. Tandis que là le mouvement est inversé, il s’agit de chercher ce qui va forcer l’invisible à se laisser voir, à cesser d’être invisible, qu’est ce qui va rendre la lumière visible ? Il faut un Un Gründ qui soit la volonté de se révéler, de se manifester.

Bien je dirais ce premier stade où la lumière invisible la, diffuse, diffuse partout, on peut l’appeler, on pourrait l’appeler aussi bien l’esprit infini ou la distance infinie dans toutes les directions. Voilà, je tiens donc à cette première étape uniquement : ma lumière invisible et c’est bizarre et une volonté en elle mais qui ne se confond pas avec elle, une volonté de se manifester. Pourquoi Dieu a-t-il la volonté de se manifester ? bah ça, devant un tel mystère on recule, c’est ce vous retrouverez ça en plein XVII ème siècle dans la formule leibnizienne : "pourquoi quelque chose plutôt que rien" ? Et voyez pourquoi ce renversement par rapport au platonisme parce que là, et Comtesse aurait tout à fait raison, c’est une pensée chrétienne, c’est une pensée de la création, pourquoi est ce qu’il y a eu création c’est-à-dire pourquoi Dieu s’est t Il manifesté ? Il avait pas besoin de se manifester, Il n’avait qu’à rester pure lumière.

Donc si Il s’est manifesté, c’est qu’il y avait en Lui, c’est que Lui était le Gründ mais qu’il y avait un Un Gründ. Un plus profond que Dieu, qui était la volonté de Dieu de se manifester, comme un présupposé de Dieu par lui-même, ça se complique.

-  Fuyons cette étape complexe, deuxième étape : Et bien cette lumière ou l’esprit infini va rencontrer sa première condition de manifestation. Nous sommes dans le problème : comment va t’elle devenir visible la lumière ? La première condition de manifestation c’est qu’en tant que force infinie elle se scinde en deux forces infinies. C’est l’opposition infinie. La distance infinie dans toutes les directions est devenue "l’opposition infinie". Elle s’est scindée en deux forces également infinies, dont l’une est comme la lumière avec la volonté de se manifester et l’autre force infinie elle vient d’où ? elle vient précisément de la volonté de manifestation, si vous voulez plutôt la première force infinie c’est la lumière, le Gründ, la seconde force infinie, cette fois elle est passée en second, c’est la volonté de se manifester en tant qu’elle suscite la condition de la manifestation. Et la condition de la manifestation c’est quoi ? c’est l’abîme ou les ténèbres.

C’est donc la scission en lumière et ténèbres. Cette seconde force infinie, appelons la, car là les textes sont tellement difficiles, et tellement variables, appelons là d’un mot de Jacob Böhm la "Ab Gründ", le Ab Gründ, c’est ce qui est comme privé, séparé de son fondement. Chez Böhm il va y avoir, et c’est repris chez Schelling, toute une série de jeu de mots, que seul l’Allemand permet et là aussi quel degré, quel espèce d’humour......

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