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8- 03/02/81 - 2

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Deleuze - Spinoza cours 8 du 03/02/81 - 2 Transcription Jean-Charles Jarrell

à savoir, en effet on est tellement compliqué, on est composé d’une manière tellement complexe qu’il se peut très bien qu’une joie m’affecte en certaines parties de moi-même, mais que le même objet qui me donne de la joie en certaines parties de moi-même me donne de la tristesse en d’autres parties. Je dirais que les joies qui interviennent sur les lignes de tristesse sont nécessairement des joies indirectes, ou partielles.

00’35’’ Au contraire, même démonstration pour la ligne de joie. La ligne de joie, c’est quoi ? C’est tout ce qui s’enchaîne à partir de ma rencontre avec un corps qui convient avec le mien. Supposez que le corps qui convient avec le mien... donc ce corps qui convient avec le mien, je l’aime... De même que la haine découlait de la tristesse, l’amour découle de la joie. Alors vous avez un ligne de joie, là : joie, amour pour la chose qui vous donne de la joie, et caetera... Cette fois-ci, en quoi ça c’est des joies d’une autre nature que les joies qui intervenaient sur les lignes de tristesse ? C’est que ce sont d’autant plus des joies que elles seront directes et complètes, par opposition aux joies de compensation, indirectes et partielles, qui intervenaient sur la ligne de haine. Elles seront directes et complètes, c’est à dire que vous éprouverez de la joie pour la chose elle-même. Votre puissance augmentera. Vous vous rappelez, là je ne reviens pas là-dessus, pourquoi, qu’est ce que veut dire chez Spinoza augmentation ou diminution de puissance... Enfin, je le redis très vite, si vous ne l’aviez pas à l’esprit : c’est à la lettre augmentation et diminution de puissance, la joie et la tristesse, puisque dans un cas, celui de la joie, la puissance de la chose extérieure qui convient avec vous propulse votre puissance, c’est à dire fait qu’elle augmente, relativement, tandis que dans l’autre cas, celui de la tristesse, la rencontre avec la chose qui ne convient pas avec vous va investir votre puissance, qui est tout entière immobilisée pour repousser la chose, et cette puissance fixée, immobilisée, est comme soustraite de vous, d’où : votre puissance diminue. Donc là, vous avez bien les deux vecteurs : augmentation, diminution.

2’49’’ Donc vous voyez que ce à quoi Spinoza nous convie, en tant que disciple d’Epicure, c’est vraiment une sélection de... la sélection des deux lignes. Et, qu’il y ait des tristesses inévitables, encore une fois... par exemple la chose aimée meurt, l’objet aimé meurt, ah bon, c’est triste... Et ça veut pas dire, Spinoza dit pas : « faut pas s’en faire... ». Non, mais il faut le prendre comme une tristesse inévitable. Les seules tristesses permises ou conservées sur les lignes de joie, c’est les tristesses que vous vivez comme inévitables. Bon...

-  Alors, voilà : c’est ça que j’appelais le premier effort de la raison avant même qu’il y ait de la raison. C’est se mettre sur ce vecteur augmentation de puissance. Comment se mettre sur ce vecteur ? On a ré ?une réponse : en sélectionnant les joies, en sélectionnant les lignes de joies. Et c’est un art très compliqué. Comment faire cette sélection ? Spinoza nous a donné une réponse, et je disais que cette réponse préfigure un thème qu’on retrouvera ensuite chez Rousseau, à savoir : le premier effort de la raison comme art sélectif, et qui consiste en une règle pratique très simple : sachez de quoi vous êtes capables, c’est à dire évitez de vous mettre dans les situations qui seront empoisonnantes pour vous. Et je crois que lorsqu’il dit « qu’est-ce que peut un corps ? », lorsqu’il lance cette question, ça veut dire entre autres ça... Ça ne veut pas dire que ça, ça veut dire entre autre ça. Ça veut dire : « Mais regardez votre vie, vous n’arrêtez pas... Vous n’arrêtez pas de vous mettre dans les situations que précisément et personnellement, vous, vous ne pourrez pas supporter ». Et en effet, en ce sens, vous les fabriquez, vos tristesses... Bon, pas toujours, mais vous en rajoutez, par rapport aux tristesses inévitables du monde, vous en rajoutez toujours... C’est ça, l’idée de Spinoza : la tristesse, finalement, bien sûr c’est inévitable... Mais, ce n’est pas de ça que l’humanité meurt. L’humanité meurt de ça que, à partir des tristesses inévitables, elle s’en rajoute. C’est une espèce de fabrication de tristesse, d’usine à tristesse fantastique, quoi.... Et il y a des institutions pour engendrer la tristesse... La télé, tout ça, quoi... bon, il y a des appareils... Et c’est forcé qu’il y ait des appareils à tristesse. Il y a des appareils à tristesse parce que tout pouvoir a besoin de la tristesse. Il n’y a pas de pouvoir joyeux.

6’00’’ Bon...Alors, vous voyez... bon, on en est là. Mais ça nous mène où ? En quoi ça nous fait sortir des signes ? Bon, je sélectionne mes joies, d’accord, mais je ne sors pas des signes, c’est toujours un signe vectoriel, je peux dire simplement que j’y suis mieux... En quoi c’est une petite lueur qui vient briser l’obscurité des signes ?

-  Voilà la deuxième étape de la raison. Donc, sur ma ligne de joie sélectionnée, -et encore une fois, ce n’est pas une recette, hein, il faut les trouver. Mes joies à moi, c’est pas celles du voisin. Bon... Faut les trouver... Vous me direz : « mais vos joies à vous, elles peuvent embêter quelqu’un d’autre... ». Non ! Si vous avez compris la première étape, non. Elles ne peuvent pas embêter quelqu’un d’autre, parce que les joies, à moi, qui embêtent quelqu’un d’autre, c’est les joies des lignes de haine. Tandis que si j’ai fait la sélection de mes lignes de joie, je me tire, finalement, mais j’embête personne. J’peux pas. Je veux dire, c’est pas mon affaire, parce que embêter quelqu’un et la joie d’embêter quelqu’un, c’est très lié aux lignes de haine. Bon, mais enfin, on n’avance pas assez vite... d’accord, d’accord, mettons, supposons, d’accord... Alors, où ça me mène ?
-  C’est ça le deuxième aspect de la raison. Supposez que... Remarquez, hein, je veux dire : j’ai pas triché ! J’en suis resté absolument aux données du monde des signes, à savoir : je ne connais un corps que par les effets qu’il a sur le mien, je ne connais les autres corps que par les effets qu’ils ont sur le mien. Je reste donc dans le domaine de l’affectio. Tant que je ne connais les corps que par les effets qu’ils ont sur le mien, je reste dans le domaine des affections passives -non, pas des... c’est idiot ! -, je reste dans le domaine des affections, et les affects correspondants, que ce soit diminution de puissance mais aussi bien augmentation de puissance, les affects correspondants sont passifs. Ce sont des passions, en effet, puisqu’ils renvoient aux effets extérieurs d’un corps extérieur sur le mien. C’est donc une passion. La joie que je viens de sélectionner est une passion non moins que les tristesses. C’est les deux vecteurs de la passion. Et ben je dis : deuxième aspect de la raison, supposez que... -mais ça suppose le premier aspect -, supposez que vous ayez quand même réussi relativement... -puisque que vous ne pouvez pas réussir absolument, il y a des tristesses inévitables -, supposez que vous ayez réussi relativement à sélectionner les joies, que vous ayez bien fait votre ligne de joie -alors bien sûr elle peut toujours être cassée, paf ! la maladie, la mort, la perte de l’être aimé, et caetera, des êtres aimés, bon, tout ça... Une ligne, elle peut toujours être complètement interrompue, saccagée, tant pis, tant pis, c’est comme ça... bon... et ben, voilà... Et supposez que... vous voyez, c’est pas une ligne droite, c’est une ligne tout à fait... vraiment elle passe entre les choses, quoi... elle va là, elle se brise, elle continue, elle reprend... Mais, comme des vers, vous cherchez obstinément votre ligne de joie. Ce qui veut dire bien autre chose que chercher le plaisir, ça veut dire quoi, finalement ? Ça veut dire : vous cherchez votre rencontre avec des corps qui conviennent, que ce soit le soleil ou l’être aimé... ou les collections de timbres, n’importe quoi, si c’est ça votre affaire, hein... (rires) Bon, alors... ainsi vous ne cessez pas d’augmenter votre puissance, mais vous restez dans la passion.

10’45’’ Alors c’est là où il y a un petit bond, et sans doute un seuil variable pour chacun. C’est comme si Spinoza nous disait : « Eh ben vous voyez... réfléchissez un peu, parce que... ou plutôt ne réfléchissez pas, retrouvez votre vie... ». Pour chacun de nous il y a un moment où cette accumulation de puissance... -il a augmenté sa puissance à travers mille détours, là, en sélectionnant sa ligne de joie -, et bien tout se passe comme si, à un certain niveau, x, puisque variable pour chacun, d’une certaine manière on pourrait dire que celui-là a acquis et possède sa puissance, c’est à dire il a si bien augmenté, il a si bien su augmenter sa puissance -affect passif- que on dirait qu’il entre en possession de cette puissance. Il l’a, ou bien il est tellement près de l’avoir, très près de l’avoir... Il l’a, disons en gros qu’il l’a. Qu’est ce que ça veut dire, ça ? Là, c’est encore un point où il faut que vous fassiez très attention...

12’11’’ Ça veut dire qu’il sort du domaine des passions. Ça veut dire qu’il sort du domaine des passions et qu’est ce que ça veut dire sortir du domaine des passions ? Le domaine des passions, vous vous rappelez, il doit être défini exactement comme ceci : « Il y a passion, mes affects sont des passions tant que mes affections sont la simple perception... sont, dans la rencontre que je fais avec d’autres corps, sont la simple perception de l’effet du corps extérieur sur le mien. Tant que je connais les corps par l’effet que le corps extérieur a sur moi, tant que je connais ainsi les corps, je peux dire que mes affections sont inadéquates, et que mes affects sont des passions, que ce soit des joies ou des tristesses. Donc lorsque je dis tout se passe comme si, à l’issue de la sélection de cette ligne de joie, j’atteignais un point, un seuil variable pour chacun, où là je peux dire : « Ah, celui-là, il la possède, sa puissance »... A quoi je le reconnais, que quelqu’un possède... ? A n’importe quoi... à sa manière de marcher, à sa manière d’être doux, à sa manière d’être en colère quand il l’est... à je ne sais pas quoi... à son charme... j’sais pas... c’est pas à des choses très raisonnables que je reconnais ça... à une espèce d’accord avec lui-même... alors, bon, qu’est-ce que je disais, oui... Donc, quand je dis : « et ben là, maintenant, ma puissance, je la tiens », ça veut dire... si ça veut dire quelque chose, ça veut dire que je ne connais plus les corps par le simple effet qu’un corps extérieur a sur le mien, puisque ça c’était le domaine de la passion, c’était le domaine des joies et des tristesses, tout ça... Tant que je ne possédais pas encore ma puissance, ma puissance simplement augmentait ou diminuait, mais je ne la possédais pas... Quand je la possède il faut que quelque chose ait changé... Qu’est-ce qui a changé, alors ? Et bien plus, c’est ce quelque chose qui a changé qui va me permettre de définir plus sérieusement ce terme... que signifie « posséder sa puissance » ? Qu’est-ce qui peut avoir changé ? Alors, il faut reprendre, là... J’ai comme point de repère :

-  et bien c’est un état, ce deuxième état, c’est un état où je ne connais plus les corps extérieurs simplement par l’effet qu’ils ont sur le mien, par l’empreinte qu’ils ont sur le mien. Par quoi d’autre, que je pourrais les connaître ? Alors là doit se faire en nous tous une illumination... Eh oui, on le sait déjà ! On le sait déjà parce qu’on en a parlé précédemment. Qu’est-ce que j’ai d’autre, comme possibilité ? Je ne connais plus les corps par l’effet qu’ils ont sur le mien mais, mais, mais... Je les connais, sous les rapports qui les constituent, en tant que ces rapports se combinent avec les rapports qui me constituent. Ce que je saisis, ce ne sont plus des effets d’un corps sur le mien, ce sont des compositions de rapports entre un corps et le mien. Différence immense.

16’50’’ Immense, immense différence... Vous me direz, qu’est-ce que c’est que cette connaissance ? On croirait, à lire Spinoza, comme ça, que c’est très abstrait. Alors ça veut dire faire des mathématiques ? Ça peut vouloir dire ça, ça peut vouloir dire faire des mathématiques... mais combien ça déborde faire des mathématiques... Je prends deux exemples : quand est-ce que je peux dire « je sais danser » ou « je sais nager » ? Ces exemples, ils ne sont pas dans la lettre de l’Ethique, ils ne sont pas... mais il aurait pu les prendre, il aurait pu tout à fait les prendre... « Je sais nager dans un canal hollandais »... « Je nage à Amsterdam »... « Je vais danser le samedi soir à Amsterdam »... Bon, qu’est-ce que ça veut dire « je sais nager, je sais danser », si je le sais ? Qu’est-ce que ça veut dire, mettons, qu’est ce que ça veut dire « je sais pas nager », ou « je sais pas bien... » ?

18’00’’ « Ah... tu viens nager ? Non, je sais pas très bien, j’ai peur de me noyer... » Bon, vous comprenez, là c’est pas des mathématiques. Quelqu’un qui ne sait pas nager, c’est quelqu’un qui ne comprends rien à quoi ? Il ne comprend rien au mouvement d’une vague, il ne comprend rien au mouvement de la vague. Ça veut dire quoi il ne comprend rien au mouvement de la vague ? Il entre dans l’eau... D’abord, il entre mal dans l’eau, hein... j’en parle parce que je nage très très mal, donc... Il entre mal dans l’eau, ça veut dire quoi, ça ? Vous comprenez, on est constamment réduit à quoi ? A attendre. Attendre avec... en même temps, ça se... précipite, dans ma bouche... attendre avec... -Si j’attends, je suis sûr d’être triste ! Oh, tiens, l’attente, est-ce que ce n’est pas un ressort de la tristesse fondamentale ? Chaque fois que j’attends, je suis fait déjà. Je suis déjà fait, je m’attriste, quoi... Euh bon, forcément, n’attendez jamais. Vous pouvez attendre dans l’espace, qu’est-ce que ça peut faire attendre dans l’espace, vous pouvez être là comme une borne, on peut toujours attendre... Mais n’attendez pas en un autre sens, non.... Faut rien attendre, parce que... Spinoza il dit aussi des choses... n’ayez pas d’espoir... Et en même temps, Spinoza, c’est le contraire d’un monde désespéré, mais l’espoir... C’est complètement... le noyau... C’est de l’analyse de noyau, vous trouverez toujours dans l’espoir un noyau de tristesse, la conjuration de la tristesse. La joie de l’espoir, c’est la conjuration de tristesse, c’est à dire c’est de la mauvaise joie. Bon, mais enfin, j’entre dans l’eau, alors ça mouille ... alors là-dessus bon, je me recroqueville. Pan, je reçois une vague en pleine gueule, bon, oh la la, je commence à pousser des cris, j’étouffe... Une autre vague arrive, bon, en plein... ça m’assomme, tout ça. Je roule... grotesque, en plus... alors, la tristesse du ridicule, qui vient s’ajouter à ça...

20’15’’ Qu’est-ce que j’ai fait ? J’ai vécu sur un rythme où perpétuellement j’attendais l’effet du corps extérieur sur le mien -en appelant corps la mer, hein... Bon, voilà, j’attendais l’effet. Alors je pouvais avoir des joies, en effet, là... J’avais des petites joies : « Oh c’est rigolo, ça », « Oh, t’as vu, t’as vu la belle vague, là ? », « Je l’ai eue, je l’ai eue, cette fois elle m’a pas assommé... ». Très bien... Et on passe tous par là, et apprendre quoi que ce soit... c’est une analyse de ce que signifie apprendre, quoi... Apprendre, c’est ça. Mais... Qu’est-ce que c’est, l’apprentissage ? Quand vous allez peu à peu sélectionner, sélectionner quoi ? Et ben, savoir nager, c’est quoi ? C’est savoir que un corps, ça a des aspects. Ça va être vraiment : organiser la rencontre. Apprendre, c’est toujours organiser la rencontre. Précisément, il n’y a jamais... les mauvaises rencontres, c’est les rencontres de plein fouet. Il faut savoir, quand on entre dans l’eau, je suppose -mais encore faut-il... il y a des gens qui n’y arriveront jamais... Mais à ce moment-là, ils ont qu’à pas aller à la mer. C’est tout simple. Ils n’ont qu’à ne pas se mettre dans la situation impossible. C’est pas mal, de ne pas savoir nager, ce n’est mal que sur la plage... ce n’est pas mal de ne pas savoir danser, sauf dans un endroit : les dancings. Si vous vous mettez dans la situation impossible : vous ne savez pas danser, et en même temps une obscure volonté têtue fait que vous voulez faire chier tout le monde et aller au dancing quand même, c’est la catastrophe ! Alors là, il va y avoir une culture de la tristesse, vous allez faire payer aux autres le fait de les avoir accompagnés au dancing, et puis alors là ça va être la vengeance, ça va être le monde de la vengeance, vous allez vous conduire comme une vraie brute, vous allez...

22’23’’ Il y a une nouvelle de Tchekhov admirable, admirable... C’est dans un petit district russe, je m’en souviens mal, elle me vient à l’esprit... Et il y a un petit fonctionnaire amer, tout ça, tout à fait amer, et il va au bal donné par le général du district, et sa femme s’est faite belle. Et il se dit déjà sur le chemin de l’aller, il se dit : « Oh... elle est belle... », et il se sent de plus en plus miteux, lui, de plus en plus minable. Et elle est belle, elle est belle quand même... mais, bien loin que ça lui donne une espèce de fierté, de joie, ça lui donne de la haine : « t’es belle, toi... oh, salope, t’es belle... ». Et il va au bal. Et il s’aperçoit que sa femme, là, est lumineuse. Elle est lumineuse pas du tout pour de mauvaises raisons inavouables et honteuses, mais parce qu’elle est heureuse, elle est heureuse pour un soir. Alors il se dit dans son coin : « toi, je ne vais pas te manquer... ». (quelqu’un demande à Deleuze de parler plus fort. Deleuze répond : -oui, mais une histoire comme ça, qui est très intimiste...). Alors...voilà qu’il se dit : « tu vas voir, tu vas voir... ». Alors, elle, elle est transformée, elle est transformée... Alors il lui dit « viens, viens, j’ai quelque chose à te dire... », qu’il lui dit, dans la panique, lui, dans la panique... Ça ne peut pas durer, ça... Il lui dit : « Tu as flirté avec le capitaine, là... », et elle dit : « non, non... », elle ne sait même pas qui est le capitaine, elle a rien fait, rien fait... « si, si... » et il commence à élever la voix, et elle, dans la panique à son tour, lui dit : « non, non, pas de scandale, fais pas de scandale... ». Ah bon, qu’il dit, et bien partons tout de suite ! Elle dit : « je t’en supplie, je t’en supplie, je ne t’a jamais rien demandé de ma vie, laisse moi encore une heure... ». Alors, il la tient bien, il la tient bien, et il dit : « non, non... non, je fais un scandale ». Elle part, elle part, et elle marche, et lui se met un peu derrière, et elle pleure... et il est un peu derrière, et il la regarde, et à mesure qu’elle marche sa silhouette s’affaisse, et lui connaît une joie, une joie intense : « j’l’ai eue, j’l’ai eue, j’l’ai eue... ». Alors évidemment, c’est le monde de Tchekhov, c’est jamais très... il ne les rate pas, Tchekhov... or, c’est le même Tchekhov... enfin, peu importe.

25’10’’ Bien, et ben vous voyez... vous voyez... Je disais ça à propos de la danse, mais savoir quelque chose, c’est pas savoir les mathématiques, je dirais c’est... beaucoup plus, c’est des mathématiques vivantes. Savoir nager, c’est savoir présenter d’abord à la vague l’aspect de son corps sous lequel ce corps se conjugue dans son mouvement avec le mouvement de la vague. Vous voyez... prendre... Chez un auteur grandiose, qu’est-ce que c’est être capitaine de bateau ? Un bon capitaine ? Un bon capitaine... -je pense à un auteur si admirable, parce que j’en ai relu il n’y a pas longtemps, polonais-anglais, qui est Conrad. Dans les romans de Conrad, vous avez toutes les tempêtes possibles, puisqu’il était marin de métier et qu’il en tire son œuvre. Il y a toutes les tempêtes possibles, dont on apprend, en lisant Conrad, qu’elles sont extraordinairement diverses. Un bon capitaine c’est, suivant la nature de la tempête, celui qui met son bateau à la vitesse et dans la position par rapport à la vague la meilleure, pour que le mouvement de la vague et le mouvement du bateau se composent, au lieu que le mouvement de la vague décompose le mouvement du bateau. Savoir danser, c’est la même chose... Savoir danser, c’est précisément présenter son corps sous l’aspect sous lequel il se compose, en termes de danse, avec le corps du ou de la partenaire. C’est généralement ça qu’on appelle un rythme. Bon, si c’est une mathématique du rythme, personne n’a rien contre, c’est pas faire des mathématiques... C’est vraiment, donc, saisir les choses non plus sous l’effet qu’elles ont sur mon corps, en attendant cet effet, mais saisir les choses sous les compositions de rapports entre elles et mon corps. Quand vous atteignez ce savoir-vivre, vous pouvez dire : « je possède ma puissance ». Avant, vous ne pouviez dire qu’une chose : « je tends à augmenter ma puissance ».

27’45’’ A ce moment-là, vous ne voyez plus tellement des choses, des objets. C’était au moment des affections inadéquates, c’était au premier moment où vous voyiez des objets. A ce second moment, vous ne voyez plus guère que des rapports et des compositions de rapports à l’infini. C’est à dire, d’un être aimé, d’une femme ou d’un homme, vous n’êtes plus dans l’état où vous vous dites... et en un sens, l’autre chose ne peut plus rien contre vous. D’une certaine manière, vous êtes invulnérable... -compte tenu de ce que j’ai dit, il y a toujours des tristesses inévitables-, d’une certaine manière, vous êtes invulnérable. Parce que même si vous mourrez, même si le très bon nageur meurt, ce n’est pas de la même manière qu’il meurt qu’un mauvais nageur. Il meurt dans une espèce de... je suppose, de... bon, c’est là que prend un sens : « ah ben oui, c’était inévitable... ». Il meurt dans une espèce d’accord avec soi-même. Il n’a pas raté sa vie. C’est important, ça, après tout... Alors c’est toujours embêtant de mourir, tristesse, c’est triste, c’est toujours triste... Mais il y a bien des manières de mourir content, sans le faire payer aux autres d’abord... C’est terrible les gens qui meurent en le faisant payer aux autres...alors non, là non, non... Là ça se passe beaucoup mieux, le nageur qui n’a pas vu arriver une vague particulièrement sournoise, il meurt dans une espèce... -je suppose, je suppose, parce que...-, il meurt dans une espèce, là, de... d’étonnement : « oh...oh ben celle-là, alors ! ». Bon, il se dit « ah bah oui.. . ». Le capitaine qui a raté sa tempête, il a une espèce de sérénité qui fait qu’il reste le dernier à bord, pas par devoir, pour mieux regarder ce truc là, quoi... comme si il s’agissait d’arracher un dernier secret sur la composition des rapports. C’est plus un homme, c’est plus une femme, c’est quoi ? C’est pas que ce soit devenu impersonnel, au contraire, ça reste extraordinairement personnel, c’est une personnalité qui a complètement changé de sens.

30’14’’ Je vois quelqu’un entrer, je ne le vois plus comme un objet délimité, je le vois comme un ensemble de rapports ambulants. C’est à dire, Spinoza dira : « une proportion de repos et de mouvement, de vitesse et de lenteur ». Et je le reconnais à cette proportion que je ne confonds avec aucune autre proportion. Ainsi ma danseuse préférée, qu’est-ce que c’est ma danseuse préférée ? -je dis « ma » pour signaler que c’est un exemple, n’est ce pas, c’est un exemple tout à fait général. Qu’est-ce que c’est que la danseuse préférée, si il y a une danseuse préférée, n’est-ce pas ? Si il y a une danseuse préférée, c’est précisément la danseuse dont les rapports de vitesse et de lenteur se composent le plus naturellement, le plus directement, le plus immédiatement avec les miens, et j’aurais une danseuse préférée peut-être, tout comme j’ai une mer préférée... - m.e.r -, là où ça se compose le mieux. Et voilà que le monde va être une composition de composition de composition de rapports à l’infini. Et voilà que aucune individualité ne s’y perdra, puisque chaque rapport, chaque proportion de mouvement et de repos a son style, qui me fait dire, alors : « ah ben oui, c’est Untel », « c’est Telle chose », « Ah oui, c’est l’Atlantique, c’est pas la Méditerranée », « Ah oui, c’est ceci, c’est pas cela ». Mais vous voyez, je n’attends plus l’effet d’un corps sur le mien, je saisis un corps comme ensemble de rapports, et je ne peux saisir un corps comme ensemble de rapports que lorsque je suis déjà apte à composer mes rapports avec les siens. Pourquoi est-ce que alors -là on tient quelque chose de solide -, pourquoi est-ce que ça ne marche pas avec la tristesse ?

32’33’’ Ça ne peut pas marcher avec la tristesse. Si j’en reste à des lignes de tristesse, je ne passerai jamais à ce second état de la composition des rapports. Pourquoi ? Là, pour une raison enfantine, voyez : il y a tristesse lorsque je rencontre un corps qui ne convient pas avec le mien, donc bien sûr il y a toujours des rapports qui se composent, mais pas le mien ! Le mien, au contraire, il est détruit. Donc, à partir d’une tristesse, je ne pourrais jamais m’élever. A partir d’une tristesse - passion, je ne pourrais jamais m’élever à la notion d’une composition de rapports. Sauf très abstraitement, à savoir : que ce corps qui ne me convient pas, c’est à dire qui détruit mes rapports à moi, se compose avec d’autres corps. Mais ce ne sera pas avec le mien. Donc à partir d’une tristesse, je ne peux pas m’élever à l’idée de rapports communs entre le corps extérieur et le mien, puisque la tristesse c’est l’effet d’un corps qui, précisément, ne convient pas avec le mien. Tandis que, à partir des joies-passions, je peux m’élever, parce que, précisément, les joies-passions augmentent ma puissance, je peux m’élever, par une espèce de saut, de bond, à cette compréhension d’un quelque chose de commun, qui est un rapport composé, entre le corps extérieur et le mien, et à ce moment là quand je me suis élevé, tout change : je possède ma puissance.

34’18’’ Vous comprenez ? ... Alors, quoi que vous appreniez, c’est ça, je crois... Apprendre c’est toujours pénétrer dans des ... Il n’y a que ça, on n’apprend jamais abstraitement. Alors, en un sens, il faut que la joie gagne. En quel sens ? Il faut qu’elle gagne jusqu’à nous propulser à ce niveau, où ce que je saisis ce ne sont plus les effets d’un corps sur le mien, mais les rapports composés entre un corps et le mien. Vous voyez que je ne suis plus dans le domaine des affectios... Voilà, j’avais un premier domaine, affectio, tel que je l’ai défini : rencontre d’un corps, effet d’un corps extérieur sur le mien, d’où découle des affects -affectus-, qui sont des passions. Maintenant je suis à un tout autre niveau : compositions de rapports et rapports composés, d’où découle quoi ? Et bien, il suffit de comprendre encore deux points. Lorsque j’en arrive à compositions de rapports et rapports composés, à ce moment là, mes idées sont nécessairement adéquates. Sont nécessairement adéquates : premier point à comprendre. Pourquoi ? Deuxième point à comprendre : des idées découlent toujours des affects, mais cette fois-ci ces affects ne sont plus des passions, c’est à dire des augmentations ou des diminutions de la puissance d’agir, ces affects sont des actions. C’est des affects actifs. Les affects qui découlent d’une idée adéquate sont des affects actifs, des affects-actions, c’est à dire : des expressions de ma puissance, et non plus des augmentations ou des diminutions de cette puissance. Donc le second état de la raison, c’est : conquête des rapports et des compositions de rapports d’où découlent des affects actifs, qui ne peuvent être que des joies, dès lors.

26’40’’ Euh... Repos ! Vous réfléchissez, parce que vos me direz si il y a des choses que vous ne comprenez pas. Alors on a donc deux problèmes, là : pourquoi idées adéquates, et qu’est-ce que c’est que... oui, pourquoi est-ce que c’est le domaine de l’adéquat, ça ? Vous sentez que on est déjà entrés dans un monde de l’univocité. Bon, réfléchissez, j’avais demandé pour la semaine prochaine qu’est-ce qui se passe.... (arrêt de la cassette)

37’13’’ (reprise de la cassette) On était perdus dans les signes...Tout à l’heure, en effet, on était livrés aux perceptions, au sens de : la perception, c’est l’idée de l’effet d’un corps extérieur sur le mien. Maintenant, on en est à quoi ? Et bien on en est à un genre d’idée tout à fait différent. En un sens, ce n’est plus le domaine des perceptions, c’est un domaine... et pourtant c’est pas un domaine d’abstraction du tout. Nous en sommes maintenant à l’idée des compositions de rapports entre les deux corps dont l’un est le mien, dont l’un est un corps extérieur et l’autre est le mien. Et ma question, c’est : pourquoi est-ce que cette idée est claire et distincte, et nécessairement adéquate ? Si on répond bien à la question, on va faire un nouveau bond. On ne cesse pas de faire des bonds. Ces idées de composition de rapports qui, donc, diffèrent complètement des idées d’effet... Pourquoi est-ce qu’elles diffèrent des idées d’effet ? Parce qu’elles nous donnent la cause des effets. Si un corps a tel effet sur le mien, c’est bien parce que dans ses rapports, il se compose avec les miens, de rapports, ou bien décompose mes rapports. Si l’arsenic a tel goût, et si la pomme a tel autre goût, c’est bien parce que l’arsenic décompose certains de mes rapports. Bon... Comprenez... Donc, je tiens la cause : la cause des effets d’un corps sur le mien, c’est la nature de la composition des rapports entre les deux corps, ou de l’acte par lequel le corps extérieur décompose mes rapports. C’est ça la cause. Si l’idée inadéquate c’était une idée d’un effet séparé de sa cause, à savoir je reçois l’effet et je n’ai aucune idée de la cause, on voit bien que ce nouveau type d’idée est nécessairement adéquat. Comment Spinoza va-t-il l’appeler ? Encore une fois, les autres idées, c’est les signes. Quel nom, est-ce qu’il y a un nom, chez Spinoza, qui nous permet de reconnaître ? Oui ! Il donne un nom, très intéressant, on va voir pourquoi... Il appelle cela, ces idées de compositions de rapports, il les appelle des notions communes.

40’32’’ Notions communes... Vous voyez, le terme, il n’a l’air de rien. D’une part il a une tradition dans la philosophie mais, chez les autres, il veut dire autre chose. Par exemple, il remonte aux stoïciens, les stoïciens parlaient déjà des notions communes. Mais généralement, c’étaient des notions communes à tous les esprits. Chez Spinoza, les notions communes, elles seront bien communes à tous les esprits... -et encore, on verra avec quelles nuances -, mais ce n’est pas ça le sens essentiel de la notion commune. En effet, ce n’est pas à tout l’esprit qu’elle est d’abord commune, elle ne l’est que par voie de conséquence. Mais, elle est dite commune pourquoi ? Prenons une notion commune, alors là, reprenons... un exemple très précis pour que vous saisissiez que il ne s’agit pas simplement de... il peut s’agir de science, mais il peut s’agir aussi de vie pratique. Dans mes exemples, la danse, la nage, il s’agissait de vie tout à fait pratique et pourtant, il y avait un savoir. C’est un domaine du savoir, mais un savoir qui ne fait qu’un avec la vie. Prenons alors un exemple plus scientifique. Voilà un corps que j’appelle le chyle, c.h.y.l.e... voilà un corps que j’appelle le chyle... Voilà un autre corps que j’appelle la lymphe. Voilà un troisième corps que j’appelle le sang. C’est des corps, tout ça, c’est des corps qui rentrent dans ma composition, le chyle, la lymphe, le sang... Je vous rappelle, je l’ai déjà dit, que au dix-septième siècle, dans la biologie du dix-septième, le chyle et la lymphe ne correspondent pas à ce qu’on appelle, nous, chyle et lymphe aujourd’hui, mais correspondent beaucoup plus à ce qu’on appelle globules blancs et globules rouges. C’est à dire, le chyle et la lymphe sont des composantes du sang. Le chyle se définit donc par un certain rapport de mouvement et de repos, de vitesse et de lenteur. De même la lymphe. Ils composent leurs rapports pour former le sang. Le sang, c’est le rapport composé, mettons, du chyle et de la lymphe. D’autres rapports interviennent, mais peu importe, j’en reste à l’exemple le plus simple. Donc il y a un rapport composé. Le rapport composé, il est commun à quoi ? Il est commun aux composants -aux parties composantes-, et au tout composé. Il y a un rapport qui fait que le chyle et la lymphe sont les parties du sang, et que le sang est le tout du chyle et de la lymphe. C’est ce même rapport sous lequel le chyle et la lymphe se composent pour former le sang, et sous lequel le sang se décompose pour donner le chyle et la lymphe. Je dirais que ce rapport composé, il est à la lettre commun au tout et aux parties. C’est comme une loi de la composition des rapports : il y a un rapport dans une composition, il y a un rapport commun au tout, c’est à dire le sang, et aux parties, c’est à dire le chyle et la lymphe. Vous voyez... Dès lors, la notion commune, elle n’est pas simplement commune parce que commune à tous les esprits, je veux dire douée d’objectivité, d’invariabilité, et caetera, elle est commune avant tout parce qu’elle est commune à la partie et au tout. Là, il transforme tout à fait le sens traditionnel de notion commune, Spinoza.

44’52’’ Elle est commune à la partie et au tout. En d’autres termes, la notion commune, je dirais que les deux caractères de la notion commune c’est que : elle exprime la cause, premier caractère, deuxième caractère elle est commune à la partie et au tout. Dès lors, elle ne peut pas être inadéquate. Là, c’est mathématique : elle ne peut pas être inadéquate, puisqu’une idée inadéquate c’est l’idée d’un effet séparé de sa cause d’une part, et c’est l’idée d’une partie séparée du tout auquel elle appartient. Les notions communes... De même que les affections première manière étaient nécessairement des idées inadéquates, les notions communes sont nécessairement des notions adéquates. D’où : les affects qui découlent des notions communes sont des affects - actions, ce sont des joies actives.

46’12’’ Si bien que je dois, pour finir ce point, faire une espèce d’avertissement. La théorie des notions communes, elle est introduite dans l’Ethique au livre deux. Or, au livre deux -si vous lisez le livre deux, comme c’est sûr...-, vous serez surpris, vous allez avoir l’impression que vous ne vous y retrouvez pas par rapport à... (fin de la cassette)

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