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25- 07/12/82 - 1

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Cours de Gilles Deleuze sur le cinéma - 07/12/82 - 1 transcription : Binak KALLUDRA

Parce que tu as dit beaucoup de choses. Je réponds très rapidement, sur la première chose. C’est tout à fait évident que c’est une certaine interprétation conforme au Bergsonisme de ce qu’on appelle la situation sensori-motrice. Ce que Bergson appelait les centres d’indétermination ce sont des centres sensori-moteurs. Donc, il ne faut pas dire c’est béhavioriste, il faut bien dire : le béhaviorisme c’est une certaine interprétation de la situation sensori-motrice.

Si pour en revenir à nos exemples de cinéma je cherche où une interprétation béhavioriste de la relation dont sensori-motrice a été donnée, c’est comme par hasard dans le cinéma américain. Voilà pour la première chose.

Deuxième chose, tu me dis les trois types d’images,
-  image-perception,
-  image-affection,
-  image-action évidement se mélangent. Cette remarque est absolument juste dans une certaine mesure. On général ils se mélangent. Est-ce qu’on peut obtenir ces trois types d’image chacun pour son compte à l’état pur ou presque à l’état pur, c’est à dire dans un état de prédominance telle que l’on peut dire : c’est un ensemble d’images essentiellement affection ou un ensemble d’images essentiellement perception ou essentiellement action, je crois que la prévalence d’un type d’image sur les autres peut-être telle que l’on peut parler d’image-affection pure, d’image-perception pure et d’image-action pure.

Je prends un exemple connu de Dumont toujours, en gardant mes exemples dans le cinéma, il est bien évident que " Le procès de Jeanne d’Arc " de Dreyer est fait presque exclusivement d’images-affection. Il est évident que " L’homme à la caméra " de Vertov est fait presque exclusivement d’images- perception etc. Et puis t’avais dit un troisième point, enfin j’avais distingué dans ce que tu disais, il y avait un troisième point mais je l’ai oublié.

Bon, mais enfin ces deux réponses mais tu as tout à fait raison c’était pas con du tout ce que tu disais.

( Intervention d’un étudiant)

Henry James est-ce que Henry James était le romancier ? William James ça c’est un cas, ça fait partie aussi de tout ce que j’essaye de faire un peu cette année quand je vous dis... moi je tiens à reprendre les histoires sur Pierce pour vous montrer qu’un auteur assez peu connu peut être génial. Le cas de Williams James ça c’est encore un autre cas parce lui, il est très connu mais on l’a littéralement massacré, c’est à dire à force d’avoir retenu dans les manuels, des points de ses théories pas faux qui sont bien chez lui, mais de l’avoir coupé de tout le contexte. William James c’est un auteur prodigieux, génial. C’est un des plus grands philosophes américains et contrairement à ce qu’on dit les américains, ils ont plein de très grands philosophes seulement ils ne les lisent pas, ils ne le savent pas, ils les ont oublié. Et ils les ont oublié à cause de quoi ? A cause de leur connerie de logique formelle, mais les anglais aussi ils ont sacrifié tous leurs philosophes. C’est pas qu’ils en manquaient, ils en avaient de géniaux, de prodigieux.

La logique formelle a joué en Angleterre, et la linguistique d’ailleurs, le même rôle qu’en France, la psychanalyse et la linguistique. Une besogne d’écrasement fantastique. Bon, c’est triste mais enfin ça passera tout ça. Bon, il faut être optimiste. Alors il n’y a qu’à tendre le dos quand ça va mal et puis attendre les jours meilleurs, c’est ce qu’on fait tous. Alors donc je reprends, je voudrai dire, avancer un peu. a donc, je le rappelle très vite parce j’ai quelque chose à ajouter, on a donc ce qui m’importe beaucoup quant à la numération même, à notre problème. En effet toute cette partie qui est
-  notre première partie, c’est je vous le rappelle classification des images et des signes. Or on a commencé, on a vu un premier élément de cette partie là. Ensuite on passera à autre chose mais qui s’enchaînera, j’en ai parlé la dernière fois.

J’ai donc quand même, six types d’image dont vous vous doutez que c’est pas fini parce que, par mimétique il y en a qui sont presque purs, mais il y en a d’autres qui sont très complexes. Et je rappelle c’est donc image-mouvement et puis quand l’image-mouvement est rapportée à un centre d’indétermination j’ai trois types d’images ;
-  image-perception,
-  image-action,
-  image-affection,

et puis on a prévu que ça n’allait pas nous suffire. On a prévu qu’il y avait des images du temps - et que c’était pas la même chose que des images-mouvements ou des images perfection, affection, action. Puisque encore une fois image-perfection, image-action, image-affection, ce sont les variétés que l’image-mouvement prend, quand cette image-mouvement est rapportée à un centre d’indétermination. Je n’ai pas à revenir là-dessus ça c’est acquis.

Mais les images du temps il nous a semblé que c’était encore autre chose, et la manière la plus simple de l’exprimer, c’était de dire : et bah oui les images du temps c’est finalement une soit, ça revient au même, je dirais deux cas,
-  il peut y avoir image du temps soit lorsque je compose des images-mouvements les unes avec les autres, c’est à dire des plans, des plans de coupe, des coupes temporelles comme on a vu,
-  soit - et je peux passer facilement de l’un à l’autre et je n’explique même pas comment vous le comprenez du coup - soit lorsque je combine entre elles des images-perceptions, des images-actions, des images-affections. Ca me donnerait une image du Temps.

Pourquoi je dis image du temps là et pas image-temps ? Parce que forcement je ne tiendrais pas là des images indirectes, des images indirectes qui sont en effet conclues de la composition des images-mouvements ou de la combinaison des trois types d’image, action, affection perception.

Ce sont donc des images "indirectes" du temps, et ça reviendra à dire - si je prends toujours mes exemples dans le cinéma - ça reviendrait à dire le temps : c’est le montage. La notion même de montage indique combien cette comparaison ou cette confrontation dans cette combinaison d’images. D’où ma question ; oh non ! Il nous faudra quelque chose de plus même si on ne sait pas encore où ça nous mène, il nous faudra bien des images-temps. Il nous faudra bien des images qui seront directement des images du temps et qui étant des images directes du temps, mériteront dès lors le trait d’union qui nous permettra de dire image-temps.

-  Et je disais est-ce que la suite de "Matière et mémoire", c’est le premier chapitre de Bergson dans "Matière et mémoire", est un texte fondamentalement matérialiste - est-ce que la suite ne va pas s’ouvrir sur possibilité de l’image temps ? et c’est là que nous trouvons, en effet très bizarrement, une expression de Bergson qui peut nous paraître insolite quand nous lisons Bergson - qui ne l’ait pas pour nous parce qu’on a fait en sorte qu’il ne soit pas - oui une expression très insolite qu’on trouvera dans la suite de "Matière et mémoire", "image-souvenir avec un trait d’union, image-souvenir avec un trait d’union. Je dis c’est très bizarre parce que c’est la première fois que Bergson emploie un trait d’union. Je veux dire, fait une expression aussi insolite qu’image-souvenir. Nous, dès le début, on a flanqué image-mouvement avec un trait d’union. Image-action, image-perception, image-affection avec des traits d’union. Et bien sûr on l’a emprunté à Bergson et j’ai dis les raisons pour lesquelles je pensais être fidèle à la lettre de Bergson. Mais au niveau de la terminologie, lui, il ne flanquait pas ses traits d’union. Donc on avait pris une petite responsabilité mais voilà qu’au niveau du souvenir lui, il le met lui-même son trait d’union.

Image-souvenir. Bon mais en même temps des doutes nous prennent. Est-ce que l’image-souvenir - même avant qu’on sache ce que peut être l’image-souvenir - ce que nous savons c’est que s’il y a une image-temps, s’il y autre chose que des images indirectes du temps, s’il y a une image-temps directe ou des images-temps directes, nous savons qu’elles différent en nature des images-mouvements. Et donc elles diffèrent en nature des images-perceptions, des images-actions, des images-affections. Elles seront d’une autre nature. Pourtant il se peut très bien que ça bouge une image-temps. Comprenons les choses sont juste assez subtiles mais c’est pas très... je ne veux pas dire que c’est nécessairement des images immobiles, ça pourrait être des images qui comporteront du mouvement mais attention ce n’est pas le mouvement qui rendra compte de leur nature. Tandis que dans l’image-mouvement c’est bien le mouvement qui rencontre sa nature.

Bon, alors là ça nous lance, et à ce moment là déjà on a des doutes ! que veut dire est-ce que c’est l’image souvenir qui sera vraiment une image-temps ? Pourquoi on aura déjà des doutes ? Je ne sais pas, parce la mémoire... est-ce que c’est elle qui a le secret du temps ? Pourquoi elle aurait le secret du temps la mémoire ? La mémoire ça fait chier tout le monde. Bah ! C’est pas facile. Non, c’est peut-être important, en tout cas exclue que l’image souvenir rendre compte exhaustivement de l’image temps. Il faudra bien qu’il y ait autre chose. Alors qu’est-ce qu’il pourrait y avoir ? Est-ce que nous ne serions amenés à parler d’image-rêve ? Est-ce que l’image rêve ce serait une meilleure image-temps ? Je n’en sais rien mais pourquoi pas ? et pourquoi ? Est-qu’il faudra encore chercher d’autres types d’image ? C’est vous dire que notre liste n’est pas du tout close et que par image-temps j’ai en fait, un groupement pour le moment non encore rempli, d’images d’un nouveau type. Si bien que c’est pas six sortes d’images, on risque en développant et en avançant de trouver beaucoup, beaucoup de sortes d’images, et de pouvoir ainsi fonder notre table des catégories. J’ajoute encore quelque chose quant au rapport entre l’image-mouvement et les trois variétés que cette image prend par rapport à un centre d’indétermination image-perception, image-affection, image-action. Lorsque l’image mouvement est ainsi rapportée au centre, devient ou bien image-perception ou bien image-action ou bien image-affection, qu’est-ce qui est changé dans le mouvement ?

Quel caractère nouveau prend l’image mouvement ? Bergson le dira dans un autre texte qui cette fois est emprunté à "L’évolution créatrice", et je crois que l’on pourrait établir les correspondances suivantes.
-  Quand l’image devient image-perception qu’est-ce qui se passe ? A ce moment là le mouvement n’est plus saisi comme mouvement, il est rapporté à une chose qui lui sert de sujet ou d’objet, c’est à dire qu’il lui sert de mobile ou de mû. Et c’est lorsque le mouvement de l’image-mouvement est rapporté à un mobile ou à un mû que l’image est une image perception. Ce qui revient à dire, le mobile ou le mû auxquels le mouvement est censé se rapporter s’appellera en général une chose comme objet de perception.

Voyez que ça suppose et ça renvoie au processus de solidification dont nous avons vu la dernière fois, que le monde de l’image mouvement passer par un tel processus de solidification lorsque, rapporté au centre d’indétermination il devient image-perception.
-  Donc je dirais la catégorie qui correspond à l’image perception c’est la chose, la chose en tant que mobile ou mu qui n’apparaissait pas du tout dans l’image mouvement où le mouvement était à l’état pur. C’était pas le mouvement de quelque chose. C’était un ensemble d’actions et de réactions sans que je puisse assigner quelque chose distincte du mouvement. Mais lors que je dis c’était quelque chose qui se meut ou c’est quelque chose qui est mue, à ce moment là c’est l’image perception, et linguistiquement c’est de la catégorie du substantif.

Et si je passe à l’image action : quelle est la transformation d’image-mouvement lors qu’elle devient image-action ? C’est qu’à ce moment là, pensez à ce que vous appelez vous-même une action, ce qui devient intéressant dans le mouvement c’est
-  soit un point provisoire où il va,
-  soit un résultat temporaire qu’il est censé obtenir. A ce moment là je dis : il y a action ou je dis même j’agis. Lorsque je me sers du mouvement pour le rapporter à un résultat provisoire à obtenir, je dirais j’agis. J’ai donc substitué mouvement le dessin d’un trajet vers un point où il va, ou le dessein d’un résultat qu’il est censé se proposer d’obtenir. A ce moment là je dis c’est une image action et la catégorie linguistique qui correspond c’est le verbe.

Et enfin pour l’image affection, quelle transformation implique-elle dans l’image mouvement ? que l’image mouvement ne comportait pas tant je la considérais en elle-même pour elle-même ? Je dirais c’est lorsque le mouvement est saisi et rapporté à une qualité dont il n’est plus que la vibration.
-  A ce moment là je dirais, c’est un affect, c’est une affection, cette qualité est une affection. Oui mais dans les trois cas, l’image-mouvement rapportée au centre d’indétermination prend en effet un caractère nouveau.
-  Le caractère de "chose" dans l’image-perception qu’elle correspond à la catégorie linguistique de substantif,
-  le caractère d’action dans l’image action auquel correspond le caractère linguistique de verbe, et - la qualité dans l’image affection à la quelle correspond la catégorie linguistique d’adjectif.

Tout cela je peux le dire et je le rappelle parce qu’on aura besoin, tout cela finalement..., oh ! J’ai oublié mes craies... , j’avais très besoin de dessiner...,

Je vais dessiner avec mon doigt.. Un petit bout, tu me l’envoies avec adresse ?

vous vous rappelez votre dessin que... le plus simple ce que Bergson nous propose et nous demande car j’en avais besoin tout le temps, voilà P le plan P, c’est donc le plan " matière", notre plan d’immanence, en fait il ne cesse pas de se mouvoir, et sur chaque présentation du plan c’est image-mouvement, on les a là partout sur les plans. S : c’est un centre d’indétermination compris sur le plan d’immanence. Bon pour reprendre ça, en marge de tout à l’heure, c’est là que s’établira grâce à intervalle de rapport sensori-moteur. Excitation reçue, c’est à dire mouvement subi, réaction retardée. C’est ça qu’on appellera : le rapport c’est ça qu’on appellera un rapport sensori-moteur. Donc j’ai là S qui appartient au plan d’immanence, mais là il nous flanque un cône, pourquoi un cône ? Complexe ça. C’est que le cône il a toute une histoire. Il ne le dit pas Bergson, il n’a pas besoin de le dire mais vous lecteurs de Bergson vous avez besoin de vous le rappeler. C’est que les mathématiques, et j’ai assez il me semble prouver la dernière fois que contrairement à ce qu’on dit, Bergson ne peut pas se comprendre uniquement en référence à la biologie qui le passionnait, mais doit être compris également en référence à une mathématique physique dont il a absolument besoin, c’est à dire à laquelle, il a absolument besoin de se confronter sous forme à la fois de la théorie de la relativité mais également sous forme des mathématiques les plus classiques. Oh ! Vous savez même si vous ne savez pas de mathématique, aucune importance, vous savez que les mathématiques à partir notamment du XVII siècle, ont un chapitre particulièrement important qui s’appelle "la théorie des coniques", et que la théorie des coniques qui a été décisive pour la constitution de la géométrie descriptive et de la géométrie projective, laquelle géométrie projective a complètement modifiée et renouvelée toute la géométrie, considère les coupes et les sections diverses opérées sur un cône. Sections et coupes qui vont donner les figures, lesquelles figures semblent ne pas avoir rapport les unes avec les autres avant la théorie des coniques, mais quand on découvre que toutes ces figures, par exemple cercle, ellipse, hyperbole etc. droite, point, sont des cas particuliers de sections du cône, trouvent un caractère unificateur absolument nouveau et original.

En effet pour m’en tenir au plus simple vous comprenez bien que, si je coupe mon cône par un plan,
-  si je le coupe par un plan parallèle à la base, j’aurais un cercle.
-  Si je le coupe par un plan passant par le sommet j’aurais un point, la projection du cône ça a un point, si je fais passer mon plan de coupe par le sommet
-  Si je fais passer par un plan traversal, ce sera une ellipse.
-  Si je le coupe comme ça, je n’ai aucune raison de ne pas mettre un autre cône en pointillé et j’aurais une figure géométrique et qu’en première vue n’a strictement rien à avoir ni avec un point, ni avec un cercle, ni avec une ellipse.

Alors, voilà que des figures jusqu’à là complètement irréductibles ont un élément générateur commun qui sera le cône et ses coupes. Est-ce que c’est par hasard que Bergson nous flanque un cône là ? Il n’a pas besoin de le dire. A nous lecteurs de se pencher là-dessus. Mais je m’en tiens donc toujour sà mon en plus simple parce que tout ça on le retrouvera. En plus simple c’est donc sur le plan de coupe qui passe par le sommet et où donc la projection du cône ça a un point S. Vous voyez que le point S commence à prendre une nouvelle détermination. Il appartient complètement au plan d’immanence, au plan matière, mais il est aussi le sommet du cône. Bon, je dis :
-  premier point sur mon plan de matière ou plan d’immanence P qui coupe le cône au point S, mais le point S appartient au plan, sur le plan j’ai des images mouvements, si je rapporte ces images- mouvements au centre S, au point S, on l’a vu je peux le faire de trois façons et j’ai alors soit des images-perception, soit des images-action, soit des images-affection. Toute cette partie du cône n’intervient pas. Je me suis juste donné S, qui appartient au plan.

Lorsque Bergson nous flanque le cône dans la pointe vient coïncidé dans le sommet et qui a coïncidé avec S, c’est que le cône c’est autre chose que l’image mouvement. Les images-mouvement elles sont sur le plan. Elles deviennent images-action, images-perception, images-affection, quand les images-mouvements sont rapportées à S qui appartient au plan. D’autre part S en même temps, est le sommet de ce cône. Qu’est-ce que c’est ce cône ? On ne peut pas le représenter par ce cône ; c’est le Temps. Puis ce que Bergson appellera le devenir universel ou ce qu’il appellera la mémoire, mais quel drôle de conception de la mémoire il a à se faire, ou ce qu’il appellera le "Tout qui change et ne cesse pas de changer". Le Tout qui change et ne cesse pas de changer. Le Temps ou le devenir universel. La mémoire, c’est ça mon cône. Pourquoi un cône ? Alors là on peut déjà deviner après le peu que j’ai dis. Le plan matière ou le plan d’immanence si je le rapporte maintenant au cône n’a qu’une propriété, je dirais des "coupes temporelles du cône". Pas sûr du tout que c’est simplement cette situation la plus simple. J’aurais sans doute d’autres coupes du cône, et ces autres coupes du cône, est-ce qu ce sera pas les images-temps que je cherche au point qu’il y en aura plein d’images temps ? Des imparfaites, des parfaites. Mais les parfaites ce sera pasrien à avoir. Peut-être qu’il faudra des efforts très spéciaux pour y arriver et l’image souvenir ça sera rien du tout dans cette histoire ça sera peut-être très peu de chose, un chemin vers les images-temps réelles.

Mais enfin vous voyez qu’alors Bergson il partait admirablement, mais tout ça il faut le tirer de Bergson, il ne le dit pas tout ça et il le dit. Pourquoi il ne le dit pas, pourquoi il le dit ? Il le dit parce que c’est à la lettre dans ce qu’il dit. Pourquoi il ne le dit pas ? Parce que ce n’est pas son problème. Et vous voyez bien pourquoi ce n’est pas son problème, parce que son problème il est très curieux, il est très connu mais il est très curieux quand même. Son problème à lui c’est les rapports de la matière et de l’esprit.

Bon, on ne peut pas tout faire. C’est un problème très important. Encore une fois, Bergson est à ma connaissance le seul philosophe qui ait changé quelque chose dans une discipline absurde scientifique, à savoir dans la psychiatrie."Matière et Mémoire", son problème c’est imposer à la psychiatrie un renouvellement nécessaire. Et en effet les psychiatres après"Matière et Mémoire" ils n’ont plus pu parler comme ils parlaient avant. Mais son problème c’est matière et esprit notamment au niveau du cerveau. Or vous voyez pourquoi je dis ça, c’est bien le problème de "Matière et Mémoire" puisqu’il va faire un coup assez fantastique, lui le philosophe qui passe pour un des philosophes les plus spiritualistes suivant la tradition française. Il s’en cache pas, bon il est spiritualiste : et oui, il croit à l’esprit tout ça. C’est son affaire. Mais c’est ce philosophe spiritualiste qui à ma connaissance crée ce premier chapitre de "Matière et Mémoire" qui est le texte le plus matérialiste qu’on puisse imaginer, qui à mon avis dépasse sur le plan même du matérialisme tout ce que les plus grands matérialistes ont écrit.

Mais pourquoi il peut faire ça ? Sans doute parce qu’il a du génie. Mais pourquoi il se lance là dedans ? Parce que si son problème c’est bien les rapports matière/esprit c’est essentiel pour lui de rendre à la matière le maximum de ce que la matière peut capter. Le maximum de ce qui appartient à la matière, même des choses qu’on ne prêtait pas à la matière avant. D’où son idée de la matière lumière, d’où son accord avec Einstein sur ce point : c’est la lumière, il va destituer la lumière à la matière. Il va faire tout, enfin à fond. Il écrit cet extraordinaire chapitre pour pouvoir précisément poser son problème :"une fois dit qu’on ne me reprochera pas de ne pas avoir donner à la matière ce qui lui ". Et même plus que ce qu’on lui a jamais ( voix effacée ). Qu’est-ce qu’il lui revient ! On comprendra comment l’esprit s’insère à la matière. Mais vous avez déjà deviné que toute sa thèse ça va être : montrer commeny l’esprit, représenté par le cône s’insert dans la matière contre S et comment la matière a par rapport à l’esprit le rôle exactement suivant ; opérer des coupes diverses du cône spirituel. Et ça va être toute la grandeur et tout le développement de "Matière et Mémoire". Mais je dis que ça montre bien, qu’occupé par un tel problème, c’est là le mystère qui m’a toujours fascine toute la philosophie. Qu’est-ce qui justifie, qu’est-ce qui fait que ? Ca c’est le problème de Bergson. Alors c’est pas au niveau des grands philosophes, c’est au niveau chacun de vous. Qu’est-ce qui fait que vous avez un problème ? Ca c’est mon problème. A non c’est pas comme ça que moi je poserai leproblème. Au niveau des problèmes il n’y a pas de réponse préfigurée.
-  Le problème encore une fois ça s’invente. Ca s’invente. Si n’avait pas inventez, les questions ça ne s’invente pas, une question c’ est du type quelle heure est-il ? c’est pas un problème.

Là ça ne s’invente pas. Mais un problème ça s’invente. Avec des risques, il y des faux problèmes. Seulement qu’est-ce qui définit un faux problème ? Ca, ça c’est un problème ! Parce que une fausse réponse c’est pas difficile à définir. Je dis quelle heure est-il ? vous me dites 10h du soir, c’est faux . D’accord, mais ça ne suffit pas, mais enfin on voit qu’on arriverait à définir facilement une fausse réponse. Mais un faux problème voilà c’est pas facile à définirce qui fait faux dans un problème si l’on consent à dire c’est pas simplement la contradiction. En effet il y des problèmes qui sont des faux problèmes et qui sont pourtant pas contradictoires, mais je ne rajoute pas, c’est pas ça qui définit un problème. Mais enfin son problème, qu’est ce qu’il fait ? Quand vous aurez trouvez ça vous saurez ce que c’est que la philosophie. C’est ce que j’appelais quel est le rapport du concept avec le goût ou avec le tact.

Vous savez, il y a une étymologie de Nietzsche qui se lance dans le sage "sapiens". C’est le dérive sapiens de sapere - goûter. Ah bon ! En effet qu’est-ce que c’est que ce tact des problèmes ? Qu’est-ce que c’est que cette construction ? Qu’est-ce que c’est construire un problème ? Vous direz : les mathématiciens ils le font, oui, c’est-ce qu’il y a de commun entre la philosophie et les mathématiques : la construction des problèmes. Mais évidement ce n’est pas le même domaine. Bon, alors je dis vous voyez : lui son problème c’est matière-esprit. Le nôtre, si je me permets de m’identifier à vous et donc inversement, le notre c’est pas ça du tout. Notre problème à nous, c’est image et signe. Et ce qu’on veut parce que et pourquoi et au nom de quel "vous" ? Parce que ça nous amuse on dirait, c’est ça, c’est un amusement.

Faire un tableau. Il a bien le droit, un tableau des images et des signes. Je dis évidement Bergson il ne pouvait pas se lancer là-dedans puisqu’il était occupé par autre chose. Mais moi, l’esprit et la matière se coupent, ça ne me passionne pas. Pourquoi ça ne me passionne pas ? Mais j’ai pas tort c’est comme ça ? En revanche les images et les signes ça me intéressent. Ah bon ! Du coup je peux faire tout un décentrement : Bergson au niveau des images et des signes. D’accord c’est ce qu’on a fait jusqu’à maintenant. Du coup il nous faut un relais. Il nous faut un relais et comme j’ai comme même le souci à la fois, que vous vouliez bien suivre ce que je dis mais aussi le souci bien légitime, pédagogique de vous apprendre quelque chose, on reprend ce que j’avais beaucoup trop vite fait l’année dernière à savoir ? je me suis servi de Bergson, j’ai commencé de classification des images on ne sait toujours pas ce que c’est que les signes, on ne sait pas. Et dans notre classification des images on ne peut plus rien tirer de Bergson pour le moment, on l’a provisoirement épuisé.

On a six types d’image avec le pressentiment que notre sixième qui contient des tas d’images différentes, donc on est content, on est ravi on se dit pour le moment. Fini comme ça. Mais voilà que nous nous adressons à un auteur qui lui n’a pas cessé de s’occuper, qui avait le même problème que nous, c’est plutôt nous alors qui avons le même problème que lui, à savoir

-  faire une classification des images et des signes. Et ça, il paraît l’idée que ça pouvait venir qu’à un anglais. Et donc c’est auteur dans ce dont je parlais, là que je tiens vraiment à reprendre, qui s’appelle Pearce. Il vit à la fin du XIX siècle, il écrit à la fin du XIX siècle. Bizarre il est pauvre. Il ne publie presque rien. Ce qu’il publie c’est de l’astronomie où il est très compétent, et de la pure logique formelle. Notamment quand on a connu mieux ses textes on s’est aperçu que une découverte très importante dans la logique formelle à savoir l’invention d’une logique trivalente, c’est à dire il n’y a plus seulement deux valeurs le vrai et le faux, l’invention d’une logique trivalente ne date pas de ceux à qui on l’a prêté vers 1910-1920 et est pleinement chez Peirce. Il n’arrive pas à publier, il est en un sens trop en avance trop insolite ou bien il ne veut pas, ça ne l’intéresse pas tout ça.

Si bien que son œuvre sera publié très tard en Angleterre sous la forme papiers réunis, sous le titre de "Papiers réunis" et en 8 tomes, en huit volumes. C’est une oeuvre très extraordinaire qui quand elle a été connue en plein XX siècle a évidemment été extrêmement frappant pour les jeunes. Il était trop tôt pour son époque, il venait à point ensuite. Et voilà qu’on s’est aperçu que sa théorie des signes faisait partie de ce qu’il appelait lui-même une nouvelle discipline "la sémiologie". Et toutes les tentatives de sémiologie qui ensuite ont encombré la pensée moderne, ont eut se rapporter à Pers soit pour le discuter soit pour lui rendre hommage, mais du coup son importance dans la philosophie moderne devenait fondamentale. En plus l’existante d’une logique trivalente chez lui, prenait l’importance non moins fondamentale. En revanche, sa théorie des images, qui à mon avis est à la base de tout, restait un peu comme si elle avait été trop simple. Mais vous savez à quel point il faut se méfier de la simplicité anglaise.

Les anglais n’ont jamais conçu le concept. Ils ont toujours conçu le concept d’une manière extrêmement profonde, mais ils l’ont toujours conçu sous le double aspect d’une espèce de feinte naïveté, c’est leur truc ; et bah ! vous voyez pas que c’est comme ça dans le monde.

Ils vous racontentdeschosesextraordinairesetpuis les philosophes anglais il sont tous du type les frères Marx ou plutôt Groucho.

Groucho est le type du philosophe anglais. Ah bon ! Ils vous lancent un monde complètement dément et vous disent mais vous ne voyez pas ? Mais c’est vos habitudes ! D’où chez eux le thème de l’habitude. Mais c’est le monde auquel nous somme tous habitués. Et puis ils vous lancent en correlation avec ce monde. Ils vous lancent des non-sens dont ils ont la plus haute spécialité et vous disent, mais vous ne voyez pas ? c’est ça que vous appelez signification ! Et avec ça ils font une espèce de philosophie que la France n’a jamais su digérer. Le premier à avoir fait ça c’est Hume. Ca n’a jamais marché, c’est des types qui ne peuvent pas "prendre" en France. C’est curieux. Enfin, j’exagère mais ça prend mal.

Nous, on préfère dire, là aussi il y a un génie des nations, il y a un ton de la philosophie anglaise, c’est pas le même que le temps de la philosophie allemande, c’est pas le même, mais quand on réduit le temps de la philosophie anglaise à l’empirisme, rien du tout c’est des fous, c’est des fous du concept. Alors là vraiment, ils n’ont pas la même conception du concept qu’un allemand comme Kant ou qu’un français comme Descartes. Non, c’est tout à fait autre chose, c’est un autre monde. C’est bizarre. Alors ils savourent.

Voilà c’est qu’on va se faire relayer par Pierce.. Et je dis là, parce que ça va nous occuper peut-être pas jusqu’à Noël mais ça va nous occuper sûrement aujourd’hui et la semaine prochaine, je dis le plan que je vais suivre exactement quant à cette analyse de Pierce. Et bien notre étude va porter sur trois points :
-  1) Classification des images selon Pierce.
-  2) Comment Pierce passe-il de la notion d’image à celle de signe ? ou si vous préférez en prenant les choses à la lettre, d’une phénoménologie qui est la sienne et qui n’a rien à avoir avec celle de Russell, d’une phénoménologie puisque le phénomène c’est l’image on l’a vu, c’est l’apparaître - d’une phénoménologie à une sémiologie ? Comment passe-il des images aux signes ?
-  3) Quelle classification des signes on découvre chez Pierce !

Et avec ça nous n’aurons pas fini, nous n’aurons pas fini, et là il y aura une chose qui me gênera beaucoup, qui j’espère vous gênera beaucoup. C’est que nous aurons entre guillemets "des objections" à faire à Pierce. Et nous aurons hélas trois sortes d’objections, que nous ferons avec le respect et l’admiration suffisante, mais enfin,
-  une objection sur la manière dont il conçoit les images,
-  une objection sur la manière dont il conçoit le passage des images aux signes
-  et une objection sur la manière dont il conçoit les signes, c’est à dire on aura trois objections qui portent sur le Tout.

Est-ce que ce sera des objections ? et je ne cesse pas de vous dire les objections ça n’a aucun intérêt. Non évidemment ce ne sera pas des objections, ce sera des essais pour montrer que Pierce a évidemment entièrement raison dans les conditions du problème qu’il s’est donné, mais que nous, nous avons d’autres conditions d’un problème qui exige un remaniement de la classification de la double classification des images et des signes, ce remaniement ayant pourtant beaucoup à conserver de Pierce. Vous voyez donc mon plan que j’annonçais là pour que vous puissiez suivre d’une manière très...

Donc aujourd’hui et la prochaine fois je ne parle plus du tout en mon nom mais appuyé par autre chose, je parle ou j’essaie de parler au nom de Pierce.

Je signale qu’en France nous n’avons que quelques textes de Pierce traduits sous le titre "Ecrits au pluriel - "Ecrits sur le signe" aux éditions du Seuil. C’est pas lourd mais le type qui a fait ça, que je ne connais pas d’ailleurs s’appelle Gérard Deledale, et à mon avis c’est une présentation et un commentaire tellement exceptionnel que ça pallie au moins en partie, à l’insuffisance des textes traduits, c’est l’exemple d’un travail de présentation fantastique.

Donc je vous demande, comme je vous demandais de lire le premier chapitre de "Matière et Mémoire", je vous demande très vivement de lire ou parcourir ce livre de Pierce. Là-dessus je commence et voilà ce que nous dit Pierce, il nous dit une chose très simple alors à laquelle nous sommes déjà habitués. Encore une fois ce n’est pas un parallèle, ne cherchez pas de rapport pour le moment entre Pierce et Bergson, ils ne se connaissent pas. Ils ne se connaissent pas l’un et l’autre. S’il y a des correspondances c’est vous qui les trouverez à vos risques et périls. D’ailleurs on les verra mais elles seront involontaires. Ca arrive tout le temps qu’un philosophe rencontre un autre sans le connaître. Pierce nous dit, et bah voilà :
-  partons de ce qui apparaît. Nous partons de ce qui apparaît et ce qui apparaît c’est l’image, l’apparaître, puisque l’image on l’a vu c’est pas quelque chose que nous avons dans la tête et là aussi Pierce l’avait tout à fait comme Bergson, il tient énormément à cela, pas un truc que vous avez dans la tête ou dans la conscience, pas du tout. Ce qu’ils appellent image, l’un comme l’autre c’est "l’apparaître" en tant que tel. Je ne dis même pas ce qui apparaît, ce qui apparaît ça suggère qu’il y a quelque chose derrière l’apparaître. Non, c’est l’apparaître en tant qu’apparaître. Voilà ce qu’on appelle image. Où que ce soit. Que ce soit dans une conscience, que ce soit dans le monde, que ce soit ailleurs, que ce soit n’importe ou. Sur un panneau publicitaire, dans votre tête, n’importe où. Dès qu’il y a de "l’apparaître", c’est une image. Et lui donne..., alors c’est ce que tout le monde appelait "phénomène", Bergson appelait ça "image". Il avait raison. Les gens appellent ça "phénomène" très souvent. Lui, il appelle ça parfois "phénomène" mais plus souvent voilà qu’il commence avec ces noms extrêmement compliqués qui vont abonder, comme chez tous les anglais qui ont besoin d’inventer un nom.

Problème là aussi, parce que j’ai l’air de tourner autour, tout ça c’est des problèmes auxquels je voudrais tellement que vous réfléchissiez vous, dans la mesure où vous vous intéressez à la philosophie. Problème :
-  dans quel cas un philosophe a t il besoin de créer un mot, dans quel cas un philosophe peut-il se contenter de se servir des mots courants quitte à renouveler leur sens ?

Un concept est toujours désigné par un mot, je dis bien "un mot". Je crois qu’un concept a toujours un nom qui le désigne. Même si c’est un mot composé. Un concept n’est pas propositionnel. La proposition c’est autre chose.

-  Le concept est d’abord désigné par un mot. Il y a des cas où il y a des concepts qui se contentent ou qui sont adéquatement désignés par un mot courant, avec beaucoup de surprise. Il y a des concepts qui nécessitent à tout prix à mon avis la création de nouveaux mots. Entre les deux il y a évidemment des coquetteries possibles. A savoir, il n’avait pas tout à fait besoin de nouveau mot mais ça faisait rigoler d’inventer un nouveau mot. Mais quand on reproche à la philosophie d’inventer des mots, et qu’on suggère que ce n’était pas nécessaire ça montre une très grande incompréhension de cette discipline, d’ailleurs qui reste indifférente aux incompréhensions qu’elle suscite.

Et bah ! Mais qu’y faire ? Moi je vois très bien des concepts si quand on me laissait de les créer. Et bah ! On n’a pas le choix. Il y a un besoin de créer un mot. Voilà, on n’y peut rien. Et bien le mot on le créera. Je prends un exemple parce que j’en aurai besoin. Chez justement un non-philosophe. Mais il devient philosophe dès qu’il suit la situation. J’invente un concept, il me faut un mot. On va voir parce qu’on retrouvera ce mot. Et c’est un auteur dont je vous ai parlé parce que j’aimerais bien aussi que vous lisiez.

C’est Péguy. Péguy dont vous oubliez tout sur cette histoire de Jeanne d’Arc, Bon Dieu, quoique Dieu ce soit ça. Ce soit lié et on verra pourquoi c’est lié. Voilà qu’il nous lance tout à coup une idée finie. Oh ! Il n’y pas simplement l’éternel et le temporel, il y a "l’internel". Alors ça, si vous êtes philosophe votre cœur se réjouit. S’il y a un lieu ou la poésie et la philosophie ont quelque chose à voir, c’est déjà à ce niveau. L’internel, il dit. Bon, là il a trouve le mot il ne l’a pas raté bien sur. Mais c’est déjà un problème d’art. C’est comme une couleur en peinture, trouver le mot d’un nouveau concept.

Qu’est-ce qu’il veut dire par, l’éternel et le temporel ça ne me suffit pas il me faut de l’internel. Bon, je veux dire vous le sentez bien. Internel par opposition à éternel. Bien, ça veut dire c’est pas l’éternel ou du moins c’est une éternité très spéciale, c’est une éternité intérieure au temps. Internel. Cette éternité très spéciale qui est à l’intérieur du temps et qui n’existe qu’à l’intérieur du temps il va l’appeler l’internel. Quitte pour lui, il ne suffisait pas d’un mot parce que ce mot désigne un nouveau concept par rapport au temps.

Bon, voilà un cas d’un mot apparemment absolument bien fondé, nécessaire. Et bah ! Pierce lui il ne se contente pas du mot "image" ou du mot "phénomène", je ferme la parenthèse sur ce qu’il dit, il nous dit, il emploi parfois phénomène, il emploie parfois image mais le plus souvent il emploie alors un mot grec faneron, le faneron. Il dit les images c’est l’étude des fanerons. Ca m’intéresse parce qu’à mon avis il n’a aucune raison. C’est bizarre. C’est un cas où il fait de la coquetterie. En effet il ne justifiera jamais à ma connaissance. Il ne justifie pas son emploi du mot "faneron". Sinon qu’il est astronome. Il a peut-être une raison. Pourquoi "faneron" plutôt que phénomène ! Je suggère que si vous compariez les deux mots dans l’usage grec, je dis pas dans leur étymologie, cela ferait des problèmes beaucoup plus compliqués. Mais dans l’usage grec courant chez les anciens grecs, il me semble bien, je ne suis pas tout à fait sûr mais enfin je vais citer comme sûr, phénomène c’est beaucoup plus l’image au sens cinétique, En d’autres termes c’est l’image-mouvement avant tout. Le phénomène avant tout il est en devenir, il bouge, il se meut pour les grecs. C’est une image cinétique qui ne cesse pas de se mouvoir. Le "faneron" même étymologiquement c’est apparaître, le faneron c’est le lumineux, ce qui apparaît à la lumière. C’est moins une image cinétique qu’une image lumineuse.

Du coup alors c’est très gai, pour nous c’est rien tout ça mais on acceptera les deux termes. Phénomène ou faneron ça nous va effectivement puisque pour nous, on l’a vu, je ne reviens pas là-dessus, l’image est inséparablement image-mouvement et image-lumière. En tant qu’image-mouvement elle est phénomène, en tant qu’image-lumière elle est faneron. Donc ça nous va. Alors on y va.

Et Peirce nous dit, il y a trois catégories faneron, c’est à dire il y a trois catégories de ce qui "apparaît". Et voilà qu’il leur donne des noms insolites. Ils les appellent,
-  la première la catégorie de priméité, tout ce qui apparaît sera sous l’une ou l’autre de ces trois catégories. La catégorie de priméité. Il connaît très bien le Moyen-âge vous voyez, c’est la "primeitas". On ne parlait pas de ça au moyen-âge mais c’est un nom dérivé du latin. Dans la scolastique si on avait eu un correspondant, ils en avaient avec toute une théorie des attentions premières, attentions secondes, attentions tierces, mais lui, il transforme ça évidemment. C’est la primeitas et la priméité.

-  Et puis la seconde catégorie c’est la secondéité.
-  Et puis la troisième catégorie c’est la tiercéité et il n’y a rien d’autre.

Vous direz, à bon un, deux, trois. Un, deux, trois. Qu’est-ce que ça veut dire ça ! Tout ce qui apparaît se divise en trois catégories ; priméité, secondéité, tiercéité. Qu’est-ce que veut dire ce un, deux, trois ! Dans l’édition française, je lis page 22. Est-ce qu’il va nous montrer déjà que... c’est plus compliqué que ou tous les .. qu’est-ce qui veut dire ? "La priméité est le mode d’être - il dirait aussi bien apparaître, aucune importance. C’est le mode d’être ou d’apparaître - La priméité est le mode d’être de ce qui est, tel qu’il est, sans référence à quoique ce soit d’autre".

On sent un logicien formel là. Il nous vole des définitions de logique formelle là. Il peut dès lors y affecter un symbole enfin, le symbole de la priméité. Ce qui est tel qu’il l’est sans référence à quoique ce soit d’autre. Cette image là, qui apparaît telle qu’elle apparaît sans référence à quoique ce soit d’autre, c’est à dire sans référence à une autre image. On l’appellera priméité. Bon. Est-ce qu’y on a ! Pas besoin de le savoir ça. Pas encore.

-  "La secondéité est le mode d’être ou d’apparaître de ce qui est ou apparaître, tel qu’il est ou apparaît, par rapport à un second, mais sans considération d’un troisième quel qu’il soit". La secondéité est le mode d’être de ce qui est, tel qu’il est, par rapport à un second, mais sans considération d’un troisième quel qu’il soit. Ca on dira, c’est un autre type d’image. C’est une image ou un apparaître, qui n’apparaît telle qu’elle apparaît, que par référence à une autre image.

-  "Et la tiercéité est le mode d’être de ce qui est, tel qu’il est, en mettant en relation un second et un troisième". En mettant en relation un second et un troisième.

Voilà les trois catégories dites "faneroscopiques". Il dit : personne n’a vu ça. Il y a bien des gent qui sont allé par un, deux, trois, Hegel, mais Hegel il n’y a rien compris. Rien. Il a cru que c’était de la dialectique. Il n’a pas du tout vu que c’était de la logique et que c’est très différent. Il n’a pas du tout vu que c’était une classification des images.

Alors, vous voyez un, deux, trois ça a régulièrement changé de sens. C’est pas une manière de numéroter des catégories
-  mais la priméité c’est ce qui est un par soi-même, c’est à dire ce qui ne se réfère à rien d’autre que soi.
-  La secondéité c’est ce qui est deux par soi-même, c’est à dire ce qui n’apparaît pas tel qu’il apparaît sans se référer à quelque chose d’autre.
-  Et la tiercéité c’est ce qui est trois par soi-même.

Vous me direz, "comme on est loin de nos images". Mais tout à l’heure vous allez tout de suite comprendre, pour vous montrer qu’on est tout près mais qu’il va y avoir de ces problèmes. Des problèmes très bien pour nous. Car maintenant voyons dans le concret. Et c’est mon premier objet. Nous allons avoir dans le concret, ces trois catégories faneroscopique. Et évidemment, il faut se donner la tâche la plus facile, vu que c’est compliqué tout ça ou ça va devenir compliqué. Et donc, on devrait partir de la priméité, mais on ne va pas le faire. Parce que la priméité c’est tellement difficile. Et il vaut mieux partir au moins d’une catégorie, presque de la plus facile des trois. Or la plus facile des trois c’est la secondéité. Parce que là tout le monde comprend de quoi il s’agit. Tout le monde comprend.

En effet, qu’est-ce qu’il existe tel qu’il existe que par rapport à un second ? Et bah ! C’est la force. Une force n’existe en tant que force que par rapport à une résistance. Force/ résistance. Elle n’existe en tant que force que par rapport à une résistance, et je pourrai ajouter mais ça revient au même, elle n’existe en tant qu’action que par rapport à une réaction. Je dirai que la force dans son couplage nécessaire force-résistance ou action-réaction, définit le domaine de la secondéité.
-  L’image est deux par elle-même, force-résistance, action-réaction.

Bon ! C’est simple ça. Ca nous suffit pas comme même. Inutile de dire que vous y reconnaissez un autre type d’image. C’est l’image-action. En effet, une action renvoie à une force qui s’oppose une résistance ou à une action à laquelle repond une réaction. Ce que nous appelions image-action couvre à peu près le domaine de la secondéité. Pierce nous dit : "c’est la catégorie du réel ou c’est la catégorie de l’actuel ou c’est la catégorie de l’existant".

Bien, sans doute sous des aspects variés. Quel sont ces aspects, si j’essaie de dégager parmi le... Parmi les différents exposés de Pierce, Je dirai, on pourra dégager de la secondéité ainsi définie trois caractères :
-  premièrement le caractère du fait, c’est un fait que. Et le fait c’est quoi. On voit bien que c’est de la secondéité. Le fait c’est toujours l’expression d’un duel. Duel de la force et de la résistance, duel de l’action et de la réaction. Je tape sur la table, force-résistance. Le fait est que. Bon. Donc, vous voyez bien pourquoi ce type d’image est dit "secondéité". C’est des images de duel. Ou dit-il encore en employant le mot, il multiplie les mots, le mot de "dyade". Mot dérivé du grec pour désigner ce qui est de pour soi-même. Le grec a trois mots :
-  Monade, monade ce qui est unique par soi-même.
-  Dyade ce qui est deux par soi-même.
-  Triade ce qui est trois par soi-même.

Bon. Voilà le premier caractère de la secondéité, c’est "le fait" ou le duel. Mais est-ce que "le fait" ou le duel n’implique pas quelque chose d’autre ? Si, il implique quelque chose de préalable. Force-résistance, action-réaction. Cela implique un milieu dans lequel le duel s’opère. Deux forces opposées impliquent un milieu. Toute opposition se fait dans un milieu. Toute riposte se fait dans un milieu. Bon. Ce second aspect, le duel supposant un milieu ce n’est plus "le fait", le duel comme fait, mais c’est cette fois-ci, "l’état de chose". Tout fait suppose un "état de chose". C’est de la terminologie. Mais comme ça on groupe des mots. On essaie de voir et puis on voit où ça nous mène. Qu’est-ce que c’est "un état de choses" ! Ah ! Ca va nous faire peut-être progresser. Parce que comprenez, j’ai pas le choix tellement. Ou plutôt Peirce n’a pas le choix. Il nous a montré que le fait était par lui-même un duel, donc faisait bien partie de la secondéité. Quand il dit ou quand il nous montre le fait ou le duel renvoie et présuppose un état de choses, il va falloir qu’il nous montre que l’état de choses lui-même est par lui-même une secondéité. Il faut que l’état de choses soit deux sinon ça n’irait pas. "Le fait" est deux par lui-même, puis qu’il est rapport de la force et de la résistance ou de l’action et de la réaction. Mais l’état de choses en quoi est-ce qu’il est deux par lui-même. Et bah il est deux par lui-même. Qu’est-ce que j’appelle un état de choses !

-  C’est une ou plusieurs qualités. Vous vous rappelez notre introduction précédente du terme de qualité ! C’est une ou plusieurs qualités en tant qu’effectuées, en tant qu’actualisées dans un milieu déterminé, dans un espace temps déterminé ou dans telle ou telle chose individuée.

Le rouge de cette rose. Bon. C’est un état de choses. Pourquoi c’est un état de choses ! Parce que le rouge de cette rose il implique aussi un milieu. Il implique la terre sur laquelle pousse cette rose. La graine que j’ai planté etc., etc. Il implique tout un milieu. Bon. Ce rouge qui ne ressemble à aucun autre rouge. Le rouge de cette rose. Et bien, la qualité de "rouge" est considérée comme actualisée. Actualisée dans l’objet, cette rose avec tout le milieu qui porte cette rose. Je dirai c’est un "état de choses". Je dirai dès lors que la catégorie de secondéité contient le secret, c’est pas une solution, c’est tout ça un groupement de problèmes. C’est au niveau de la secondéité que je serai en droit de poser le problème de l’individuation. Pourquoi ! Parce que tout état de choses est individué. Il n’y a pas d’état de chose en général. Un état de chose est toujours individuel en quel sens ! En ce sens que, il est composé d’un milieu-déterminé, d’un espace-temps déterminé, tel espace tel temps, ici et maintenant - qu’il est composé de choses ou de personnes individuelles.

J’entends bien, ça peut être des collectifs - un peuple mais il a une individualité. Un groupement mais qui sera individué. Donc c’est le domaine de l’individualisation. Je dirai l’état de choses est de la secondéité. Pourquoi ! Parce qu’on lui-même l’état de choses comprend deux : une qualité ou plusieurs qualités, telle couleur, telle odeur qui sont des qualités pures mais cette qualité, je la considère comme actualisée dans un milieu, dans un espace-temps, dans des choses ou des personnes. J’ai donc d’un coté la qualité, d’un autre côté ce dans quoi elle s’actualise. C’est une secondéité. Donc, non moins que le fait est en lui-même premier aspect de la secondéité, était en lui-même une secondéité puis qu’il était duel.
-  L’état de choses est une secondéité par lui-même, puis qu’il est la corrélation d’une qualité et de ce qui actualise la qualité.

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