THEMES COURS
 ANTI-OEDIPE ET AUTRES RÉFLEXIONS - MAI/JUIN 1980 - DERNIERS COURS À VINCENNES (4 HEURES)
 SPINOZA - DÉC.1980/MARS.1981 - COURS 1 À 13 - (30 HEURES)
 LA PEINTURE ET LA QUESTION DES CONCEPTS - MARS À JUIN 1981 - COURS 14 À 21 - (18 HEURES)
 CINEMA / IMAGE-MOUVEMENT - NOV.1981/JUIN 1982 - COURS 1 À 21 - (41 HEURES)
 CINEMA : UNE CLASSIFICATION DES SIGNES ET DU TEMPS NOV.1982/JUIN.1983 - COURS 22 À 44 - (56 HEURES)
 CINEMA / VÉRITÉ ET TEMPS - LA PUISSANCE DU FAUX NOV.1983/JUIN.1984 - COURS 45 À 66 - (55 HEURES)
 CINEMA / PENSÉE - OCTOBRE 1984/JUIN 1985 - COURS 67 À 89 (64 HEURES)
 - CINEMA / PENSÉE + COURS 90 À 92
 - FOUCAULT - LES FORMATIONS HISTORIQUES - OCTOBRE 1985 / DÉCEMBRE 1985 COURS 1 À 8
 - FOUCAULT - LE POUVOIR - JANVIER 1986 / JUIN 1986 - COURS 9 À 25

9- 02/02/82 - 1

image1
50.1 Mo MP3
 

Gilles Deleuze - Cinéma cours 9 du 02/02/1982- 1 9A

[...] Et bien, je continue. Vous vous rappelez, peut-être, que nous avons commencer l’analyse de la seconde espèce - de la seconde comme ça, c’est un ordre arbitraire - de la seconde espèce d’image-mouvement que nous avions définie comme étant l’image-affection. L’image-perception, c’était fini, puis nous étions passés à l’image-affection.

-  Et, la dernière fois, si j’essaie de résumer le peu que nous avions acquis, cela consistait à dire : bien oui, d’une manière encore toute confuse, on a l’impression que l’image-affection c’est le gros plan, et le gros plan c’est le visage. Ce qui, encore une fois, implique que le gros plan ne soit pas le gros plan "du" visage. Encore une fois on le sentait confusement, mais c’était confus puisque on n’était pas encore qu’on n’était pas encore pas de justifier. L’image-affection, c’est le gros plan, et le gros plan, c’est le visage. Et on était parti d’une analyse très simple consistant à découvrir comme deux pôles, aussi bien du gros plan que du visage et ces deux pôles, c’étaient d’une part :

-  des traits matériels que l’on appelaient - par commodité alors pour chercher une formule capable de grouper ces phénomènes - des traits matériels de visagéité, susceptibles d’entrer dans une série intensive : par exemple tous les degrés de l’horreur, tous les degrés de l’horreur. Ces traits de visagéité capables d’entrer dans une série intensive peuvent concerner des organes différents. Par exemple un trait de l’œil, un trait du nez, un trait de la bouche, peuvent constituer une série intensive ou une graduation, série intensive s’entendant aussi bien dans le sens d’une croissance ce que d’une décroissance. Mais si ça était le premier pôle du visage,

-  le seconde pôle du visage, c’était : l’unité qualitative d’une surface réfléchissante. L’unité qualitative d’une, donc, série intensive de traits de visagéité, unité qualitative d’une surface réfléchissante et, les deux étant strictement complémentaires, c’est vraiment les pôles vivants du visage. Les pôles vivants impliquant évidemment une tension polaire, tension d’après laquelle il y a toujours un risque dans un visage pour que les traits de visagéité s’enfuient, filent, échappent à l’organisation qualitative du visage. C’est même ça qu’on appellera un tic. Le tic, le tic de visage, c’est très précisément le mouvement par lequel un trait de visagéîté échappe à l’organisation réfléchissante et rayonnante du visage : tout d’un coup quelque chose qui file, la bouche qui part, un œil qui s’en va qui bascule tout ça, qui tente d’échapper à l’organisation qualitative.

Et à l’autre pôle de la tension l’effort perpétuel du visage comme surface réfléchissante pour récupérer les traits de visagéité qui, comme des oiseaux, tentent constamment de s’en aller, de fuir. En d’autres termes, "le visage est un animal en lui-même". C’était donc nos deux pôles

Et je disais, la première chose dans notre analyse, c’est essayer de fonder cette identité du visage et de l’affection, puisque on tourne autour. perpétuellement de trois termes qui vont circuler, qui vont être dans une espèce de cercle mobile : visage, affect, gros plan.

Et donc notre première tache que j’avais commencé la dernière fois, c’était "comment faire sentir cette identité du visage et de l’affect" ? Alors que l’affect qui traverse tout le corps évidemment et il traverse tout le corps il concerne tout le corps, bien sùr !. Et pourtant, il y a bien une identité du visage et de l’affect. Et j’avais commencé ce premier terme en m’appuyant sur la conception bergsonienne de l’affect. Et en reprenant la définition très belle que Bergson donne de l’affect, à savoir : "l’affect, c’est une tendance motrice s’exerçant sur un nerf - nervosité - s’exerçant sur un nerf sensible". J’avais cru pouvoir y trouver les deux pôles du visages, et fonder ainsi une espèce de communauté substantielle de l’affect et du visage. Et puis je cherchais dans une toute autre direction. Et je disais, si on regarde un texte très curieux d’une autre époque, à savoir, du dix septième siècle, Le "Traité des passions" de Descartes.

Laissons nous conduire un petit peu, on oublie pourquoi même on regarde ce texte, c’est en concluant que ça se révèlera pourquoi on s’est servi de ce texte, mais le "Traité des passions". C’est un texte très très curieux, très beau. Alors si ça donne à certains d’entre vous l’envie de le lire, cela ça sera encore mieux. Et Descartes, il donne, comme le titre l’indique, sa théorie des passions, c’est-à-dire des affects. Et voilà qu’il distingue trois sortes de mouvements corporels - mais il faut jamais rien croire de ce je dis, il faut aller vérifier. Vous pouvez voir "Théorie des passions". Il distingue trois sortes de mouvements corporels intérieurs.

Je précise trés vite pour Descartes (j’en dis vraiment le minimum) que...il conçoit des choses de telle manière que le sang qui circule dans le corps a des parties très subtiles. Les parties du sang très subtiles, Il les appelle "esprit animaux". Voyez que "esprit animaux", l’esprit ne désigne pas du tout une âme ou des âmes, mais désigne des particules matérielles. Les esprits animaux sont les parties très subtiles comment on dit de l’esprit de gens, comment on dit l’esprit de, je ne sais pas quoi ... Particules très subtiles du sang, ces particules très subtiles du sang et en mouvement par la circulation du sang vont émouvoir mais purement matériellement le cerveau, et notamment une partie du cerveau que Descartes nomme "la glande pinéale". qui est le lieu, avec toutes les obscurités que ça comporte, le lieu de l’union de l’âme et du corps.

Bon, ceci, c’était nécessaire pour que vous compreniez le shéma. Et bien, voilà que les objets d’extérieurs qui nous impressionnent, qui impressionnent notre corps mettent en mouvement les esprits animaux, lesquels esprits animaux sont amenés par la circulation du sang à frapper le cerveau et à orienter la glande pinéale d’une certaine manière. "D’après la manière dans la glande pinéale est orientée par le mouvement des esprits animaux qui la frappe, L’âme se représente tel ou tel objet".

Voyez, c’est très simple. Je dis juste : la première espèce de mouvement distinguée par Descartes, ce sont des mouvements invisibles, intérieurs au corps et qui consistent en ceci : "mouvements par lesquels les particules du sang viennent frapper le cerveau, et par là, déterminent l’âme à se représenter tel ou tel objet".

Je suis content parce que c’est une définition possible de ce qu’il faudrait appeler une image-perception : "L’âme se représente tel ou tel objet sous la détermination des esprits animaux qui viennent frapper Le cerveau et notamment la glande pinéale".

-  Deuxième sorte de mouvements également intérieurs au corps. Il nous dit et le texte est admirable d’autant plus qu’il est écrit merveilleusement, donc voyez tout ça. Il nous dit - c’est des récits très précis, c’est des chemins trés précis répondant à la médecine du temps, mais même Descartes invente, invente beaucoup de choses, "le Traité des Passions", il invente même énormément, et dire, et ban, alors la seconde sorte de mouvement, c’est ceci, c’est que tous les esprits animaux ne vont pas frapper le cerveau, bien même il y a une petite quantité, il y a une certaine quantité qui, par intermédiaire des nerfs vont dans les muscles. Et suivant la nature de l’objet que l’âme se représente le corps va avoir telle attitude motrice. C’est bien une seconde sorte de mouvement.

Ce n’est plus le mouvement perception, c’est quoi ? C’est le mouvement action.. Exemple. Je vois un objet terrifiant. C’est l’exemple que donne Descartes lui-même. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu’un objet frappe, mobilise mes esprits animaux de telle manière et telle condition que la glande pinéale recevant des mouvements, dans ce cas là, des mouvements très très bouleversés, de bouleversements, l’âme se représente l’objet terrifiant. C’est l’image-perception.

Mais, en même temps, une certaine partie des esprits animaux se précipitent vers les nerfs moteurs des jambes et qu’est ce qu’il peut se passer là ? mille choses. Eh bien, il y en a peu, tellement tellement tellement qui se précipitent vers les nerfs moteurs des jambes que se forme un engorgement. J’ai tellement peur que je suis paralysé. Bon. Eh bien, alors quand même, c’est pas...j’ai tellement peur que je me demande pas mon reste, comme on dit. Je m’enfuis, c’est-à-dire, mes jambes me portent loin. Voilà le seconde type de mouvement. Voyez que celui-là, j’ai peux l’appeler l’image-action.

-  Et voilà que Descartes nous dit : il y a un troisième type de mouvement. Et celui-là, sans doute, il dépend tout comme les autres, il dépend de l’action des esprits animaux du cerveau et des nerfs et des muscles, tout ça. Mais, il est différent des autres pourquoi ? parce qu’il a beau passer à l’intérieur du corps. Il devient visible. Il devient visible à la surface du corps. Et dire, c’est un type de mouvement qui ne sera ramener ni au mouvement à la perception, ni au mouvement à l’action. Il dit : "le premier type de mouvement, on peut dire qu’il précède l’affection". La vue de l’objet terrifiant et du second type de mouvement, on peut dire qu’il suit l’affection. Je vois quelque chose terrifiant, j’ai peur que je sens, je cours, je m’enfuis. mais de ce troisième type, qui seul est saisi dans un mouvement de l’apparaître, va devenir visible. De ce troisième type de mouvement (il faut dire) qu’il accompagne, il est consubstantiel à l’affection, à la passion, à l’affect.

Et lorsque Descartes essaie d’expliquer qu’il y a différence de nature entre ce mouvement et les deux précédents. Il va nous dire, il va en donner la liste, il est assez géné pour les définir. C’est des mouvements qu’on appellera quoi ? Des mouvements expressifs. Ce sont des mouvements expressifs. Il les découvre, c’est divisé en articles, le "Traité des passions", il les découvre article 112.

Il les appelle, ces mouvements expressifs, ce troisième type de mouvements. Il les appelle des signes. Il termine l’article 112 par : "les principaux de ces signes sont les actions des yeux et du visage. Les actions, des yeux et du visage, les changements de couleur, les tremblements, la langueur, la pâmoison, les ries - rire -, les larmes, les gémissements et les soupirs".

C’est une liste à peu près exhaustive mais la variété, elle viendra de la manière dont tous se combinent, c’est une très belle liste : les actions des yeux et du visage et changement de couleur, les tremblements, la langueur, la pâmoison, les ris, les larmes et les gémissements et les soupirs. Et c’est très, c’est très délicat parce que toute la suite : la pâmoison et le soupir, c’est pas du tout pareil, vous comprenez ? C’est très important pour un acteur de lire le "Traité des passions".

Voilà, je lis très vite pour vous donner le goût d’aller voir le texte.

-  l’article des soupirs : La cause des soupirs n’est pas au différente de celle des larmes. Pas confondre, ah ? La cause des soupirs à la lettre, c’est pas le même affect. "La cause des soupirs n’est pas du tout la même et fort différente de celle des larmes, encore qu’il présuppose comme elle, la tristesse. "Car au lieu qu’on n’est incité à pleurer quant les poumons sont pleins de sang". Ça, il l’a expliqué avant. "En revanche, on est incité à soupirer quand ils en sont presque vides". "Et quelques imaginations d’espérance ou de joie ouvrent l’orifice de l’artère veineuse que la tristesse avait rétrécie. Pour ce qu’alors, le peu de sang qui reste dans les poumons tombe tout à coup dans le côté gauche du coeur par l’artère veineuse, et y étant poussé par le désir de parvenir à cette joie, lequel agite en même temps tous les muscles du diaphragme et de la poitrine, l’air est poussé promptement par la bouche dans les poumons pour y remplir la place que laisse le sang et c’est cela que l’on nomme soupirer". Beau texte.

Mais enfin, il va pour comme ça dans le "traité des Passions", toute cette analyse du troisième type de mouvement pas seulement, et qu’est-ce qui apparaît, oui, il apparaît précisément que s’il est vrai que ce troisième type de mouvement se distingue des deux autres en ce sens qu’il est inséparable d’une espace d’expression à la "surface" du corps. C’est le visage qui va recueillir l’ensemble de ces expressions et qui bien plus, va posséder un art supplémentaire qui va pouvoir les feindre, les feindre dans le but de tromper.

En ce sens, Descartes va, dés lors, développé une théorie des passions à partir, comment dire ? d’un degré zéro. C’est la passion fondamentale. La passion originelle, c’est comme ce degré zéro, degré zéro de quoi ? À la limite le degré zéro des mouvements expressifs. On vient de voir cette liste de mouvements expressifs et la première affection ce sera comme le degré zéro c’est à dire celle qui mobilise, qui présente le moins de mouvements expressifs. Et cette passion trés curieuse, cette passion originelle, Descartes lui donne comme nom, l"admiration". Pourquoi ? Parce que "admiration" - il le prend en ce sens, précisément qui était celui dont nous avions besoin la dernière fois. À la fois "admiration" et quelquechose de beaucoup plus simple. Quelque chose qui fixe l’attension. L’admiration, c’est l’état d’une âme, l’admiration, c’est pas un sens plein pour Descartes. Il a défini à peu près par ; "l’état d’une âme dont l’attension est fixée par un objet". En d’autres termes, c’est l’âme en tant qu’elle est déterminée à penser à "un" quelque chose. à Un quelque chose, ça veut dire quoi ? A un quelque chose dont elle ne sait pas encore si ce quelque chose est bon ou pas bon, c’est-à-dire si ce quelque chose va lui convenir ou lui disconvenir.

Vous voyez alors pourquoi précisément l’admiration sera alors posée comme la première des passions. Puisque ce qui reste incertain dans l’admiration, c’est : "est-ce que l’objet est bon, pour moi, ou pas bon ?". Donc l’admiration, c’est uniquement le fait qu’un objet à la limite m’intrigue, se détache sur mon plan perceptif. Et c’est l’affection qui correspond à la saisie d’un tel objet dont je me dis ; "qu’est ce qui va se passer ?". "c’est bon ou c’est pas bon, ça" ? Et c’est par là que c’est la première passion. Descartes dit dans un texte très beau : C’est la passion la moins expressive. Les yeux s’aggrandissent un peu, la bouche s’ouvre un peu. Il a un long passage sur l’admiration.. Mais, c’est comme le...c’est vraiment le degré zéro du mouvement expressif.

Et à partir de ce degré zéro du mouvement expressif, qu’est-ce qui se passe ? les mouvements expressifs vont se développer en deux séries suivant que la réponse donnée à la question lancée par l’admiration ; l’objet est il bon ou mauvais L’objet, ils vont reculer mauvais, ils vont reculer mauvais. Suivant que cette question trouvera une réponse, vous aurez la série de l’amour et la série de la haine. Série de l’amour, si l’objet est bon, série de la haine si l’objet et du mauvais.

Vous voyez donc, que l’ordre de passion,
-  ça sera admiration, degré zéro du mouvement expressif.
-  Deuxième, le désir attraction pour la cause bonne, répulsion pour la cause mauvaise. Donc le désir est comme la base d’une différenciation et d’une part
-  série de l’amour,
-  série de la haine.

Bon, qu’est-ce qu’on a gagné ? Qu’est-ce qu’on a gagné à tout ça ? Une seconde confirmation sur l’affinité fondamentale de l’affect du visage. C’est la première chose qu’on ait gagné, il a fallu se débrouiller comme ça, c’est une confirmation.

-  Deuxième chose qu’on a gagné : confirmation des deux pôles du visage.

Pourquoi ? Parce que Descartes présente comme le point départ, "l’admiration", d’une série. La série du désir, la double série du désir, amour et haine. Nous, nous avons tout intérêt et toute raison, et la on force pas la texte de Descartes, puisque lui-même indiquait que l’admiration était comme le degré zéro du mouvement expressif. Nous, on a tendance à faire deux pôles.
-  Le pôle désir avec sa série intensive,
-  le pôle admiration qui renvoie à l’autre aspect du visage, c’est-à-dire le "visage communauté réfléchissante".

Si vous préférez pour rejoindre le point où on avait fini la dernière fois : le pôle du visage c’est le visage en tant qu’il ressent. Et "ressentir", ça veut dire quoi au point où on en est ? Ressentir, ça veut dire passer par le degré d’une série intensive qui immobilise les traits de visagéité. Et l’autre pôle du visage, non plus le visage qui ressent, mais le visage qui pense "à" quelque chose. Et j’insistais la dernière fois sur l’ambiguïté du mot anglais "wonder". Et voyez que le français avait la même chose au 17eme L’ambiguïté du mot "admiration", chez Descartes qui ne désigne pas seulement l’admiration au sens étroit, mais qui désigne le fait de penser à quelque chose. Le visage qui pense à quelque chose.

Donc, on retrouve nos deux pôles au point que, si j’essaie maintenant de - ce qu’on a gagné encore une fois c’est cette confirmation de la consubstantialité, affect/ visage - Et si j’essaie maintenant de regrouper les deux pôles du "visage affect". C’est important parce que je ne veux pas aller trop vite, parce que mais quoi ? Pour l’image-perception, c’était tout à fait différent. Là, je veux dire pour l’image-affection, tout un progrès cela va consister à perpétuellement arriver à conquérir des choses qui d’une certaine manière, vont de soi. Parce que je veux dire il y a une chose qui va de soi ?... j’avance là, bon.

-  Qu’est-ce qui va de soi concernant le visage ? que le visage déborde évidemment, des fonctions qu’on lui donne. À savoir, on lui donne deux grandes fonctions :
-  l’individuation,
-  et la socialisation.

Les caractères individuels et les rôles sociaux il est censé se débrouiller avec tout ça, mais là je ne fais que dire des choses qu’on a à dire. Le gros plan est commence à partir du mouvement ou quoi ? Le visage abandonne - je ne veux pas dire perd - abandonne son pouvoir d’individualisation et renonce a son rôle social. Il y a un homme de cinéma qui l’a vu, l’a dit qui l’a montré, qui a fait tout son oeuvre là-dessus. C’est Bergman. Quand le visage perd sa fonction d’individualisation et abandonne son rôle social, alors commence le visage, alors commence l’aventure du visage. Mais cette aventure du visage, c’est celle du gros plan. Voilà ce qu’il veut dire, Bergman. Pour arriver à trouver ce que ça veut dire de simple, il nous faut nous, à notre manière, peut être de longs détours. Donc que j’ai été trop vite

Pour le moment j’en reste avec mes deux pôles du visage affect. Et, en effet, ça veut dire quoi, ça ? Ça veut dire uniquement, il faut que le visage abandonne son apparence individualisante et son apparence sociale pour qu’il surgisse en ce qu’il est, à savoir, pour que surgisse le visage affect. Si le visage est l’affect pur, faudra peut être en arriver jusque là. On n’en est pas encore là. Si le visage est l’affect pur, Il est évident qu’il n’a rien a voir avec l’individuation de quelqu’un, ni avec le rôle social de quelqu’un.

Mais, pour le moment, donc, nous regroupons notre double série, puisqu’il y a deux pôles. C’est deux pôles du visage on peut les exprimer de multiples manières, mais ces multiples manières maintenant nous savons qu’elles reviennent au même. Je peux dire le visage : il est d’une part :
-  fourmillement, ensemble de micro-mouvements. D’autre part :
-  surface d’inscription réfléchissante ou surface d’inscription pour ces micro-mouvements.

Deuxième manière d’énoncé, mais je considére juste ce qu’on a fait la dernière suffit à fonder les équivalences entre ces manières. Deuxième manière, je dirais
-  le visage est un ensemble désordonné de traits de visagéité, traits matériel de visagéité. Et d’autre part, je dirais le visage,
-  c’est un contour formel visagéifiant.

Troisième manière, je dirais
-  le visage est intensité ou série intensive dans laquelle peuvent toujours entrer les traits de visagéité. Et d’autre part, en même temps,
-  il est unité qualitative, qualité pure. Là ici, je m’avance trop, mais, tout ça, on verra si ça se justifie.

Quatrième manière de dire, je dirais d’une part
-  le visage est désir, c’est dire affect passionnel. Et d’autre part (coupure)
-  le visage est admiration, affect intellectuel.

Cinquième manière, je dirais d’un côté,
-  le visage est le visage qui ressent, de l’autre coté,
-  le visage est le visage qui pense à....

Bon, immédiatement, on va changer. Tout ceci concernait notre tentative de fixer le rapport "visage/ affect". Maintenant on change. Ça bascule. Ce qu’on va tenter, c’est essayer de fixer ou d’évaluer des rapports entre ce "visage-affect", puisqu’on a gagné un certain ensemble : le "visage affect". On va voir quel rapport il peut y avoir entre ce visage-affect d’une part, et d’autre part, le gros-plan.

Si on trouve en effet des rapports très profonds, on sera en mesure de dire, oui, il est bien probable que le gros plan, c’est l’image affective, c’est le type même de l’image affective. Et là, il faut passer par des analyses, tout comme on parle d’auteurs philosophiques ...de cinéma. Et concernant le gros plan il y a un certain nombre de noms, de noms qui reviennent constamment. On a bien voulu maintenant me passer deux numéros d’une...de la revue "Cinématographe", laquelle revue avait consacré...date, deux numéros, justement au problème du gros plan, en février ’77 et mars ’77. Les monographies, c’est toujours les grands exemples, je crois là, ils ont très bien choisi. Les monographies concernent Griffith, Eisenstein, Bergmann et Steinberg. Bon, mais, on peut toujours dire qu’évidemment il en manque, mais... nous, dans quelle mesure on en aura besoin de se servir de ces thèses qui sont souvent très bons, là de cette revue dans quelle mesure par...on le verra en avançant. Moi, ma première question, c’est en effet il y a un thème courant, il y a un terme courant depuis Eisenstein, c’est que le gros plan Eisenstein et le gros plan Griffith compris comme gros plan de visage, représentent deux compréhensions comme "polaires" du visage.

Est-ce que c’est ça que Eisenstein dit tout à fait, c’est pas tout à fait ça qu’il dit. On le verra. Mais qu’il y ait là comme - c’est très tentant pour nous. Je veux dire qu’il y ait dans les histoires du cinéma, un certain thème tout à fait fréquent sur deux pôles du gros plan, dont l’un s’erait effectué par Griffith et l’autre par Eisenstein. On se dit quelle chance pour nous ! ça vient bien puisque à l’issue d’une tout autre analyse, on a dégagé deux plans du visage, deux pôles du visage.

Alors on n’a trop pas envie de se dire...bon...voyez un peu du côté de Griffith et de Eisenstein.

Et en effet, je dis, à première vue tout ça, il faut toujours relativiser, nuancer, vous apporter vous-même les nuances, c’est pas possible que ce soit aussi simple. Mais, à première revue, c’est vrai. C’est vrai que le gros plan Griffith est celui d’un visage contour, d’un visage qui s’étonne ou admire ou qui pense à quelque chose et qui présente une forte unité qualitative. Même le procédé de Griffith dans beaucoup de gros-plans que je citais, qui est très bien analysé dans la revue Cinématographe.

Le procédé de cadrer un gros plan de visage avec un cache et bien plus, le procédé dit d’iris, assure précisément cet espèce de "contour du visage qui pense à quelque chose". Et on a vu l’emploi du visage qui pense avec même la possibilité de renversement, puisque nous ne perdons pas de vue notre problème secondaire qui a cessé même d’être une objection pour nous. Comment ça se fait qu’il y est parfois et si souvent des objets en gros plan et pas seulement des visages ? Ça, on a déjà répondu et, sans doute pour nous plus tard cela ne fera aucune difficulté, ce ne sera même pas un problème.

Mais, en effet, on peut déjà indiquer juste, quoi que ce soit pas notre réponse à cette question, pourquoi des objets en gros plan ? C’est pas ça, notre réponse, mais, un élément de la réponse ce sera peut-être que quand on nous présente un visage en gros plan, et puis après, ce à quoi il pense l’image célèbre) de Griffith lorsqu’il présente un visage de femme, et puis après, de présente à quoi il pense à savoir son mari. Et, l’inversion est possible, on nous présente quelque chose en gros plan, et puis ensuite, le visage qui pense à ce quelque qui va penser à partir de cet objet. Gros plan du couteau, le visage un peu exhorbité qui pense à quoi, à servir du contenu pour tuer, pour tuer(). (), ça fait un ensemble, visage-contour, le gros Griffith, ce serait dans ce visage-contour qui pense à quelque chose, et qui présente une unité qualitative forte. Unité qualitative forte, qu’est-ce que dans cette lignée, c’est cohérent, tout ça. Visage-contour qui pense à quelque chose ou qui (s’éteint) nous admire, et qui présente une unité qualitative. En somme c’est lié c’est pas clair. Comment je peux passer de l’idée que le visage pense à quelque chose à cette autre idée, en apparence, qui est fondamentalement unité qualitative et que, bien plus qu’il exprime une qualité pure.

Ça va faire problème pour nous. C’est bien alors, du coup nous v oilà relancer, ça va faire problème. Mais encore faudrait-il reconnaître() un fait qu’en effet c’est comme ça que un visage qui pense à quelque chose, exprime une qualité pure. C’est pas évident. Pourquoi ? De quel droit ? Pourquoi dire ça ? Moi, je n’en sais rien pourquoi. Mais, c’est un fait. Je veux dire, j’en suis encore rien pourquoi. Mais, c’est un fait.C’est un fait du gros plan Griffith. Et sans doute est-ce le fait de son art souvent que c’est visage d’une femme, par exemple qui pense à quelque chose, c’est visage réflexif, ne contente pas de penser à quelque chose, mais en même temps qu’il pense à quelque chose, ’il s’exprime) une qualité pure.

Mais cette qualité pure, comment est-ce qu’on l’a nommerait très souvent () Griffith, c’est très variable, mais très souvent on la nommerait je dis mes impressions comme ça, le blanc. Alors, oui, tout de suite, on peut avoir une reaction déçue, oui, le blanc, c’est virginal, le blanc, d’accord, mais enfin, c’était pas au niveau du symbolisme qu’il faut juger de la qualité. Elles sont pas blanches ces visages, ils sont bien plus subtils. Qu’est-ce que ça veut dire qu’il exprime quelque chose qui est de l’ordre du blanc. Ça poursuit Griffith comme une obsession : Le visage de femme et la neige et le givre et la glace. Femme qui court sur un glacier. Voilà que le visage de Griffith, je veux dire, le visage à la Griffith, le visage-contour ne pense pas à quelque chose, le gros plan ne presente pas un visage qui pense à quelquechose, sans presenter aussi une qualité qui souvent est de l’ordre du blanc, du givre, de la neige ou même de la banquise. Exemple fameux : gros plan de Liliane Dish, puisque, en effet, il faut bien citer les actrices à propos des gros plans. Gros plan de Liliane Dish au style givré. Bien, je retiens là juste comme faisant problème pour nous, mais nous permettant d’avancer un peu : On reconnaît comme un fait, encore inexpliqué pour nous, ce lien bizarre entre ce visage-contour, visage admiratif qui pense à quelque chose, et l’expression d’une qualité pure, ici, le blanc.

Avançons un tout petit peu : c’est comme si le fait de penser à quelque chose renvoyait à une qualité commune - extraction d’une qualité commune - ce serait ça, la qualité pure, qualité commune à quoi et à quoi ? Supposons : qualité commune au visage lui-même en tant qu’il pense à quelque chose - ce serait le plus simple, ça. Qualité commune au visage en tant qu’il pense à quelque chose, et au quelque chose à quoi il pense.

Le gros plan, à ce moment-là, serait le visage en tant que : il extrait une qualité pure - j’appelle qualité pure la qualité commune dés lors qu’il déborde et le visage et la chose à quoi il pense - au déla du visage il y aurait la qualité pure exprimée par le visage. Pourquoi ce serait au-delà du visage, ce serait pas au-delà, c’est ce qu’aussi bien dedans ? Parce que ce serait la qualité commune, au visage et à ce à quoi il pense. Tiens, on sent que ça va pas. Est-ce que Liliane Dish, là dans son gros plan 0E au style givré, pense au givre, à la neige ?

Peut-être, mais de quelle manière ? c’est pas à "ça" qu’elle pense, à quoi ça va nous entraîner ? Je dis juste que : nous commençons à tenir à titre vraiment problématique, le lien - on a avancé, si vous voulez, on a avancé on lance notre fil, là.

J’ai d’un côté, visage-contour qui s’enchaîne avec visage-admiration ou "qui pense à", toujours du même côté, visage qui exprime une qualité - cette qualité, d’une certaine manière qui le déborde - il exprime une qualité qui le déborde, peut-être, parce que cette qualité, est la qualité commune lui, visage et ce à quoi il pense.

Dans cette lumière, je fait tout de suite à l’usage(findans les ) très très conçu, il faudrait que je le revoie. Mais, je me souviens, en revanche, du texte qui a (de Roman) à la base de suivant. C’est le film de ()même pas sous quel titre, c’est à partir du (Roman).

C’est " femme amoureuse ". C’était quoi ? C’était " love" " ? Peut-être " love ". Ou là, j’ai souvenir, j’ai vaguement souvenir de gros plan du visage tout à fait, on a Griffith exaspéré.

Je veux dire dans les deux femmes du (Roman) et les deux femmes (), () (j’admire sur ). Le visage de ()etla glace, c’est du très grand Laurence).

Ou il suggère, il suggère, c’est très très, c’est très fin, c’est, il suggère que cette femme soufre d’une frigidité fondamentale. C’est tellement bien fait, tellement bien fait. Alors, bien. Il y a ça, il y a ce terme. Puis il y a toute une aventure dans les glaciers ou l’amoureux de cette jeune femme la périr. () il meurt. Et, dans les films de Ken russell que j’avais trouvé, vrai, j’ai un souvenir, je ne sais pas, je ne sais plus, mais j’ai un souvenir que c’était que vous en avez sembler encore pour moi() parce que même par rapport aux () comme beaucoup ça, pour une fois que (), ce n’était pas trahir par le (sur une image) et puis traiter d’une manière (au Dieu) c’était pauvre.

Or, dans mon souvenir, même les couleurs, c’était un film en couleur. Les couleurs du film avait des espèces de blanc de, blanc de vert très intéressants et apparaissait de toute évidence, la qualité commune entre le visage de cette héroïne et le paysage de glace. C’était très fin, c’était pas du tout parce que le visage glacé, pas du tout, pas du tout, c’était () lumière etc. Il faisait que, sur son visage supposé vraiment la lumière et la () de lumière que la lumière prend qu’on () sur un glacier. La lumière très très spéciale sur un glacier, tout ça.

Je dirais à peu près ce que, ça, c’était le film () seul me parait () tout à fait () premier. Voilà donc ce premier aspect. Voyez, mais, dans notre analyse, elle a parlé, j’insiste, parce que nous sommes ( en avant si bien, ). Ce jour, ça va pas, ça peut pas durer. J’insiste sur ce point.

Et donc, on a fait un petit point, en passant de visage qui pense à quelque chose, à visage exprimé une qualité encore une fois, on ne comprend pas pourquoi, mais on (rencontre ) comme un fait. Alors quand en philosophie vous rencontrez quelque chose comme un fait conceptuel, deux concepts s’unissent. Et vous savez même pas encore pourquoi, ça, c’est un bon moment.Vous pouvez le dire, j’ai raison. Vous pouvez vous dire, j’ai raison, alors il va falloir trouver une raison, lais c’est le même que, un concept vous a amené à l’autre. C’est pas de l’association d’idée. En philosophie, c’est vraiment des types d’association par concepts qui sont...c’est très particulier, ça.

Bon mais alors, passons façon à l’autre (). Un gros plan Eisenstein, c’est quoi ? On a envie de dire, parce que ça, c’est bien simplifions, qui ( temps à ) corriger tout à l’heure, simplifiant. On a envie de dire, bah, oui, évidemment, c’est l’autre pôle du visage. C’est le visage-trait de visagéité. C’est le visage, série intensive. C’est le visage-désir. Bon, et en effet, il a peut-être pas étais le premier d’ailleurs, c’est pas la question (avec) le premier, mais s’il y a quelqu’un qui a sut utiliser la matière dans un trait de visagéité file, échappe à l’organisation qualitative générale du visage. On pense immédiatement à Eisenstein. On passerait dans tout ’autre contexte qu’on pense aussi à (sur travail), mais enfin peu importe. On va voir pourquoi peut-être Eisenstein a pensé cette conception du visage jusqu’à un degré qui en tout cas avant lui, était inconnu.

C’est quoi, ça ? Un trait de visagéité, voyez, c’est l’autre pôle du visage. Dans la ligne générale, il y a un exemple célèbre qui, souvent, a été cité et raconté). C’est le visage da’un Pope). C’est le pope est (beau).

On le voit mille plans. On le voit s’approcher, oui, c’est un exemple de la ligne générale et gros plan du visage. Et on voit que un œil, le visage est noble beau, très très beau, très très, formidable. Et un œil est d’une fourberie On n’a jamais vu ça, un oeil sournois. C’est ça, vous le avez tout le temps. C’est ça qu’on appelle petite défaut de visage, vous le savez ? Quelqu’un regard quelqu’un de loin, dit il est bien et il est joli. C’est vrai ça, elle est jolie, et puis on s’approche et c’est comme s’il y avait un trait du visagéité qu’on pourrait pas voir de loin, qui fout le camp visage( se décèle). On dit oh la la, sur là, ça arrive très souvent quand les gens vous donnent une impression d’une bonté, voyez ? Voyez l’impression d’une bonté, alors on s’approche, enfin un bon homme, enfin quelqu’un de bon ! regardons le, on en voit pas si souvent, et puis, on s’approche et puis il y a une quelque chose dans la bouche, quelque chose qui révèle une franche crapulerie.

Ça, Eisenstein, c’est le roi, pour ça. C’est tout un savoir, comprenez ? Ça vaut la peinture, elle a ses problèmes, cinéma aussi. c’est pas rien faire valoir) un trait du visagéité en tant qu’il échappe et ça sera une des fonctions fondamentales du gros plan chez Eisenstein. Le trait du visagéité en train d’échapper a l’organisation dominante du visage radieux , c’est-à-dire du visage-contour. Le trait matériel dynamique qui dérappe.

Bon, mais alors, si c’était que ça. Si c’était que ça, je dis ça, vous trouvez ça, chez Stroheim. Chez Stroheim aussi avec génie. Mais chez Stroheim c’est jamais, non, on ne peut pas dire, c’est déjà propre chez Eisenstein. Parce que c’est trop facile, si c’est des visages déjà dégoûtants de loin. Cela devient beaucoup plus complexe, c’est quand le visage même, un plan moyen n’est pas mal. Tout est en s’approchant, tout d’un coup on découvre le trait d’oiseau, le trait qui s’en va là, le trait qui décolle.

Mais là où Eisenstein a signé, a laissé son nom d’une manière manifeste, c’est quoi ? Ça nous convient. C’est que je citais un exemple de gros plan unique, mais c’était quand il constitue cette échappée des traits de visagéité, en série intensive et c’est ça qu’il a fait ; faire série intensive des traits de visagéité qui s’échappent , cela lui permet quoi ? Une succession du gros plan. Bon, succession du gros plans, succession du gros plans, chaque fois d’un visage différent.

Est-ce que, serait pas ça, la nouveauté ? parce que et chaque fois un trait de visagéité qui file et d’un gros plan à l’autre, se constitue la série intensive des traits matériels de visagéité dont chacun quitte le visage d’appartenance, dont chacun quitte le visage d’appartenance pour former par eux-même une série intensive autonome.
-  Et c’est ce que lui-même dans ses commentaires, Eisenstein, appelle la ligne montante : constituer une ligne montante intensive, constituée par ces traits de visagéité - gros plans. Et Eisenstein, parle de la ligne montante du chagrin dans "Potemkine". Mais Il faudrait aussi parler de la ligne montante des bourgeoises dans "Octobre" ou de la ligne montante des koulacks dans la ligne générale. Des lignes montantes avec des traits de visagéité ou de corporéité, pris en gros plan, c’est constant, c’est constant.

Mais en quoi c’est important alors ? parce que je me dis, c’est bien évident si on revient à la distinction : gros plan Griffith, gros plan Eisenstein. C’est bien évident que, en effet, on trouvera les deux pôles, c’est chacun des deux, à un niveau plus complexe de l’analyse, on partait de l’idée, oui,
-  le gros plan Griffith, c’est un pôle du visage,
-  le gros plan Eisenstein, c’est l’autre pôle du visage.

Immédiatement, l’objection que vous m’avez épargné, parce que, mais, il faut bien le rappeler, c’est que, on trouve les deux pôles du visage. C’est des deux. Par exemple des montées intensives chez Griffith, vous en trouvez constamment. Sous quelle forme ? généralement : jeune femme qui vient d’apprendre la mort de sa mère ou de son enfant. Mais, c’est très très fréquent avec une série intensive du visage qui ressent des degrés de plus en plus forts. Là aussi, on pourrait dire : ligne montante du chagrin.

Inversement, donc, chez Griffith, vous avez le visage intensif aussi bien que le visage réflexif. Inversement, chez Eisenstein, c’est bien connu que, ’il a fait en gros plan parmi les plus beaux visages réflexifs sur le mode : contour et visage qui pense à quelque chose, et qui pense à quelque chose de sublime ou de grandiose, ou qui pense à la mort. Dans "Ivan le terrible" il y a les gros plans d’Anastasia qui sont célèbres où la jeune femme est absolument prise en visage-contour pensant à quelque chose de profond. Ou Alexandre Niewsky le héros même, c’est le héros méditatif, le héros pensif. Il pense à quelque chose, il ne cesse pas de penser à quelque chose.

Et les gros plans d’Alexandre Niewsky répond tout à fait à l’aspect du visage, visage-contour, réflexif, admiratif, et qui pense à quelque chose de sublime.

-  Donc des gros plans intensifs, vous le trouvez chez Griffith,
-  les gros plans réflexifs, qualitatifs, vous les trouver chez Eisenstein.

Alors la différence, elle serait où ? ça empêche pas, ça empêche pas que l’on peut maintenir que l’un des pôles renvoie à Griffith et l’autre pôle à Eisenstein. J’essaie d’expliquer.

Et là, dans l’article sur Eisenstein de la revue "Cinématographe", il y a, à la fin, quelque chose qui m’a beaucoup intéressé. C’est, non dans l’article Griffith, l’article Eisenstein aussi. Oui. C’est dans l’article sur Griffith, pas sur Eisenstein, et l’auteur développe l’idée que, dans le cinéma sur Griffith, il y aurait d’une manière une structure binaire, comme il dit. Une structure binaire qui serait à l’oeuvre dans beaucoup d’images de cinéma, et que cette structure binaire s’actualise entre autres, pas seulement, dans une espèce de binarité de couple, l’épique et le lyrique, ou encore plus simplement, le collectif et l’individuel. Et il prend des exemples tirés de "Naissance d’une nation", où l’on voit bien cette alternance ou cette binarité du collectif et de l’individuel et de l’épique et du lyrique. À savoir : plan d’ensemble de la bataille, ou plan d’ensemble des soldats, qui vont sortir de leur tranchées. Ça, si vous voulez, c’est le plan épique mettons, et puis pôle lyrique, gros plan du visage. Et plusieurs gros plans de visages différents qui se succèdent. Bon, seulement voilà - vous avez donc un bon cas-là, de gros plans intensifs chez Griffith : la succession des gros plans de visages des soldats qui sortent de leurs tranchées dans "Naissance d’une nation".

Seulement voilà voilà, il y a quelque chose qui est frappant, en vertu même de la structure binaire, c’est qu’il y a alternance. Vous avez un plan d’ensemble, et puis un gros plan de visage, visage A, nouvelle image d’ensemble ou moyenne et un autre visage, etc. Vous avez alternance selon cette structure de binarité, entre le collectif et l’individuel. Je dirais que c’est encore une structure qui force le gros plan de visage à s’en tenir à certain régime d’individuation puisqu’il se distingue du plan d’ensemble qui lui, s’est chargé du collectif. Si bien que vous en restez à une espèce de binarité : la foule, l’individu. La foule renvoyant au plan d’ensemble ou au plan moyen, et l’individu extrait de la foule, renvoyant au gros plan. Bon, qu’est-ce que fait Eisenstein ? Là où, il me semble, il y a vraiment invention chez lui. Qu’est-ce qu’il va faire ? Par exemple , il fait sa succession de gros plans. Chaque fois un visage différent, mais c’est pas ça qui compte. Ce qui compte, c’est que dans chacun des visages est présenté s’impose avec évidence, un trait de visagéité, qui prend son autonomie par rapport au visage. Et qui, dès lors, prenant son autonomie par rapport au visage, (son chaîne) immédiatement avec le trait de visagéité du plan suivant. Qu’est-ce qu’il a trouvé, Eisenstein là ? Il a trouvé une conception absolument nouvelle des foules, c’est-à-dire ce qu’il a su complètement dépasser, c’est la dualité : foule-individu. Il a découvert une nouvelle entité. Il a complètement débordé la structure binaire : foule - collectivité/ individu - extrait de la foule. Les gros plans d’individus, précisément parce que c’est des gros plans qui montrent le trait de visagéité échappant à l’organisation du visage, dès lors formant une échelle intensive, entrant dans une échelle intensive autonome.

Par là, il a complètement débordé la dualité collectif-individuel. En d’autres termes - et si je dis : la foule c’est un ensemble divisible
-  et si je dis : l’individu, c’est un indivisible, Eisenstein, il a trouvé quelque chose qu’il a imposé dans le cinéma, c’est quelque chose qui n’est ni indivisible, ni divisible, pour lequel il faut trouver un nom nouveau - comme on retrouvera ce problème plus tard, c’est pas grave - Et qui, est de l’ordre des ensembles intensifs, ni ensemble extensif du type la foule, ni individu.

Si bien que, vous comprenez que, lorsque je disais chez Griffith, vous avez aussi des série intensives, d’accord, mais c’est soit.. soit. Peut être qu’on trouverait des exemples contre, mais en gros, le plan souvent, c’est, ou bien, une série intensive affectante un seul et même visage, série intensive montante du chagrin du désespoir de la.............(1:12:40)

 1- 10/11/81 - 1


 1- 10/11/81 - 2


 2- 17/11/81 - 1


 2- 17/11/81 - 2


 3- 24/11/81 - 1


 3- 24/11/81 - 2


 4- 01/12/81 - 1


 4- 01/12/81 - 2


 5- 05/01/82 - 2


 5- 05/01/82 - 1


 6- 12/01/82 - 1


 6- 12/01/82 - 2


 7- 19/01/82 - 2


 7- 19/01/82 - 1


 8- 26/01/82 - 1


 8- 26/01/82 - 2


 9- 02/02/82 - 2


 9- 02/02/82 - 1


 10- 23/02/82 - 2


 10- 23/02/82 - 1


 11- 02/03/82 - 1


 11- 02/03/82 - 2


 12- 09/03/82 - 2


 12- 09/03/82 - 1


 13- 16 /03/82 - 1


 13- 16/03/82 - 2


 14- 23/03/82 - 2


 14- 23/03/82 - 1


 15- 20/04/82 - 1


 15- 20/04/82 - 2


 16- 27/04/82 - 1


 17- 04/05/82 - 2


 17- 04/05/82 - 1


 18- 11/05/82 - 2


 18- 11/05/82 - 1


 19- 18/05/82 - 1


 19- 18/05/82 - 2


 20- 25/05/82 -1


 20- 25/05/82 - 2


 21- 01/06/82- 1


La voix de Gilles Deleuze en ligne
L’association Siècle Deleuzien