THEMES COURS
 ANTI-OEDIPE ET AUTRES RÉFLEXIONS - MAI/JUIN 1980 - DERNIERS COURS À VINCENNES (4 HEURES)
 SPINOZA - DÉC.1980/MARS.1981 - COURS 1 À 13 - (30 HEURES)
 LA PEINTURE ET LA QUESTION DES CONCEPTS - MARS À JUIN 1981 - COURS 14 À 21 - (18 HEURES)
 CINEMA / IMAGE-MOUVEMENT - NOV.1981/JUIN 1982 - COURS 1 À 21 - (41 HEURES)
 CINEMA : UNE CLASSIFICATION DES SIGNES ET DU TEMPS NOV.1982/JUIN.1983 - COURS 22 À 44 - (56 HEURES)
 CINEMA / VÉRITÉ ET TEMPS - LA PUISSANCE DU FAUX NOV.1983/JUIN.1984 - COURS 45 À 66 - (55 HEURES)
 CINEMA / PENSÉE - OCTOBRE 1984/JUIN 1985 - COURS 67 À 89 (64 HEURES)
 - CINEMA / PENSÉE + COURS 90 À 92
 - FOUCAULT - LES FORMATIONS HISTORIQUES - OCTOBRE 1985 / DÉCEMBRE 1985 COURS 1 À 8
 - FOUCAULT - LE POUVOIR - JANVIER 1986 / JUIN 1986 - COURS 9 À 25

24- 30/11/82 - 2

image1
32 Mo MP3
 

transcription : Marie Lacire cours 24 - 30/11/82 - 2

Le seul but, c’est dire : autant moi, je fais un pas vers Einstein, c’est-à-dire, je ne songerai pas à discuter ce qu’il dit en physique, pourquoi diable Einstein croit-il possible, lui, si grand physicien, de faire une philosophie qui quand même n’est pas fameuse. Il dit : non seulement n’est pas fameuse, mais qui présente une thèse philosophique d’après laquelle, il y aurait une multiplicité irréductible de temps.

-  Ce que Bergson va essayer de montrer dans "Durée et simultanéité", c’est que l’idée des blocs espace / temps, et même d’une série infinie de blocs espace / temps, n’empêchent pas l’unicité d’un temps réel conçu comme universel devenir. Voilà la position, le livre devient extrêmement clair. Et encore une fois, on n’est pas en mesure de comprendre encore cette histoire de devenir. Mais ce qui m’intéresse c’est juste d’avoir fondé l’idée que, en effet, le plan d’immanence ou les plans d’immanence, c’est-à-dire, enfait, le plan d’immanence se confond avec sa série infinie de présentation. Eh bien tous ces plans d’immanence, sont, en effet, des coupes mobiles d’un universel devenir.

Alors ton objection, elle est très juste si l’on s’en tient à "Durée et simultanéité", mais dans "Durée et simultanéité", il ne s’agit pas du tout du plan de la matière, tel que l’entend lui, Bergson, il s’agit déjà d’un plan où, bien sûr, il y a de la matière, il y a la lumière, mais il y a aussi ce que nous n’avons pas encore là : des figures rigides, des solides, dont on va voir pour nous, au niveau de "Matière et mémoire", quoi qu’il ne le pose pas ce problème, mais ça va être à nous de remplir, il a tellement de choses à faire, il faut bien être fidèle à lui, ça va être remplir les trous qu’il a laissé ou je ne sais pas quoi, au point où nous en sommes, il va falloir prendre compte de la formation de lignes géométriques. Tu comprends, je ne peux pas encore me les donner, je n’en ai pas ! A ce niveau là, je n’ai que des lignes de lumière ! Au contraire dans "Durée et simultanéité", où, le chapitre dont tu fais allusion n’est pas un chapitre de philosophie, qui est vraiment un chapitre de physique, il se donne les deux à la fois ! il ne demande pas d’où viennent les lignes de lumière et d’où viennent les lignes géométriques, il y en a quoi, il y a d’une part des lignes géométriques, d’autre part les lignes de lumière qui sont dans un rapport énonçable, tu comprends ?

-  Oui ?

Anne Querrien - Je trouve ça complètement paradoxal !

-  Ah tu n’es pas d’accord ! Ah ça, je m’en doutais !

Anne Querrien : - Si si ! je suis même très très d’accord d’une certaine façon, mais je trouve qu’il n’a pas besoin d’afficher de plan. C’est-à-dire que Bergson, il a très très raison de dire que Durée et simultanéité n’a pas besoin de lignes pour être dans le devenir, à condition de changer de géométrie et quelque part de revenir, par rapport à ce que je t’avais raconté sur la géométrie des cathédrales, c’est-à-dire que pour les ouvriers qui ne connaissent pas la géométrie analytique et descriptive de coupe, précisément il y avait une coupe au sol à partir de laquelle on dessinait la cathédrale, et les dimensions, selon le mouvement qu’on pouvait faire de la coupe au sol étaient variables. Il n’y avait donc qu’une seule coupe, qui la dessinait en trois dimensions. C’est un autre type de géométrie justement par rapport aux lignes -coupe et les lignes de géométrie, donc, où il n’y a pas conservation des distances. Donc il n’y a qu’un seul plan qui est une coupe instantanée. Du moment qu’on pose le devenir comme existant, il s’agit, en effet d’une coupe instantanée, il n’y a pas besoin d’avoir trente-six coupes. Et ça a complètement à voir avec ce que l’on racontait avec Félix sur le plan.

-  Eh non ! Ce n’est pas que tu vas trop vite, mais... D’une part, il y a une question de fait. Bergson, lui, il en a besoin, parce que - il n’y a pas lieu de discuter ça, il en a décrit une seconde, une tierce etc...à l’infini. lui, il l’a ça. Donc il a cette pluralité de présentations puisque le plan de la matière ne cesse de se déplacer en même temps que, là on va le voir, on ne peut pas le dire encore, pourquoi ? parce que il y a sur le plan de la matière quelque chose aussi qui ne cesse de se déplacer, et dont on n’a pas encore vu la manœuvre. Donc lui, il en a besoin. D’autre part, puisque tu dis que le plan de matière est nécessairement un bloc d’espace / temps, ...

Anne Querrien - Moi je te dis que ce qui suffit, c’est une représentation. Bon, on peut choisir de représenter ça dans les dimensions de l’espace et du temps parce que ce sont celles qu’on a le plus rabâcher avec les mathématiques, mais on pourrait très bien imaginer que ce soit dans des dimensions réajustées, mais étant donner, donc on prend ces dimensions là, et on peut avoir une succession de temps comme tu dis mais il y a aussi, c’est concevable, une coupe instantanée qui serait une sorte de cristallisation. Les deux choses ne sont pas contradictoires, on peut à la fois dire que : d’une part il y a une coupe instantanée du devenir, et d’autre part, il y a des séries de blocs spatio-temporels.

-  Si tu fais cristalliser toutes les représentations du plan de matière, il y aura un ennui, il me semble, à ce moment là. Qu’est-ce qui va l’empêcher de le confondre avec le temps ?

-  C’était le risque, effectivement.

-  Là dessus alors...Progressons vite parce que...C’était dans notre première séance, ça. Je disais que c’était possible. Que c’est une représentation possible, cette série des blocs - espaces. Qu’est-ce qui peut se passer ? Qu’est-ce qui peut arriver ? Parce que on est coincés, là ! On est tellement coincés qu’on est bien incapables de comprendre ce que c’est que cette histoire de devenir qui nous renvoie à un autre élément que le plan de matière. On demande ; qu’est-ce qui peut se passer sur le plan de matière ainsi défini, c’est-à-dire ainsi défini par les trois définitions, par les trois caractéristiques précédentes. Et cette réponse, celle de Bergson laisse étonné parce que, encore une fois, ce sont des choses que l’on ne comprend pas, des choses curieuses, très difficiles. Imaginez qu’ en certains points de ce plan-matière, de notre plan d’immanence, surgissent quoi ? Encore une fois, je n’ai pas le droit de faire appel à quelque chose qui excède la mouvement, ou la lumière. Ce qui tient sa place, c’est si beau. Et si on doit le suivre le plus loin possible, on doit se demandé si c’est bien fait tout ça, la seule chose qui puisse arriver dans tous ces parcours de mouvements, d’actions, de réactions, c’est des intervalles. Des intervalles de mouvements.

Ça veut dire quoi ? rien d’autre que le mouvement, entre certains points de mouvement d’immanence, il va y avoir un intervalle entre le mouvement reçu et le mouvement exécuté. De bizarres atomes. Comment ça a pu se former ces choses là ? On va voir.

-  C’est des images-mouvements. Des images-mouvements spéciales. Imaginez des images-mouvement spéciales traversées d’un intervalle. Intervalle entre le mouvement que cette image reçoit et le mouvement qu’elle transmet. Rien que des intervalles, ou comme il dit, des écarts. Il est très fort pour dire : « les gens ne veulent rien voir d’autre que du mouvement. Qu’est-ce qu’il me faut ? dans cette image-mouvement, je ne vois rien d’autre que des mouvements. Il y a certaines images-mouvements qui présentent un écart entre le mouvement et le mouvement exécuté. Un intervalle de mouvements. Je ne demande, pour définir le plan de la matière que des mouvements et des intervalles de mouvements.

C’est pour ça que l’année dernière quand je m’occupais plus de cinéma, je disais qu’il y avait quand même quelqu’un qui a fait des manifestes sur..., pour faire le cinéma de l’avenir, je ne demande que des mouvements et des intervalles de mouvements, et qui ajoutait, les intervalles de mouvements sont encore plus important que le mouvement. Mais donnez-moi des mouvements et des intervalles de mouvements et je ferai le monde comme ciné-œil. C’est-à-dire toutes les théorie de Vertov ? qui consistent et reposent sur les deux notions de mouvements et intervalles de mouvements. Et qu’est-ce que Dziga Vertov estimait faire ? Il estimait faire le cinéma matérialiste digne de la société communiste de l’avenir. Et ce cinéma matérialiste ne demandait que des mouvements et des intervalles de mouvements.

Encore une fois ça ne m’étonne pas parce que le premier chapitre de "Matière et mémoire", dans le premier chapitre me paraît être le texte le plus matérialiste du monde. Alors, Bergson a tant de choses à dire que, il va tout de suite plus loin. Il dit : qu’est-ce que c’est cet intervalle de mouvements ? Je ne me donne rien que de la matière. Des images qui, au lieu de transmettre immédiatement le mouvement reçu, sentant-elles qu’il y a un intervalle entre le mouvement qu’elles reçoivent et le mouvement qu’elles rendent ? Elles sont quoi ? Donnons-leur un nom parce que ce sera quoi ? Ce sont des images vivantes. N’oublions pas notre identité qui fonde. Image = matière = mouvement etc...ce seront des matières vivantes.

-  Et , en effet, comment est-ce qu’on définit un vivant, par opposition à un non vivant ? par l’existence d’un intervalle égal entre le mouvement qu’il reçoit et le mouvement qu’il donne, c’est-à-dire, le mouvement qu’il exécute. C’est ça un vivant. Mais qu’est-ce qui est encore plus vivant que le vivant ? Et Bergson va y aller tout droit puisqu’il se réserve pour plus tard l’étude du vivant. Il se réserve pour un autre livre. Ce qui l’intéresse lui, dans Matière et mémoire, c’est d’arriver le plus vite à une matière vivante qui est l’expression la plus poussée, la plus complexe de l’écart ou de l’intervalle, à savoir, le cerveau. Il s’adresse tout de suite au degré le plus complexe d’élaboration de la matière vivante. Qu’est-ce que c’est qu’un cerveau ? C’est de la matière, c’est pour ça qu’il y a des images, le cerveau, c’est une image parmi les autres. C’est une image - mouvement. C’est comme tout, simplement, c’est une image - mouvement très spéciale.

-  C’est une image - mouvement qui présente un maximum d’écart entre le mouvement conçu et le mouvement exécuté. Et qu’est-ce que ça permet un cerveau ? En d’autres termes, le cerveau, c’est rien ! c’est un écart. C’est un intervalle. Seulement c’est un intervalle qui compte parce que qu’est-ce qui se passe quand il y a un intervalle entre le mouvement conçu et le mouvement exécuté ? Il se passe deux choses : je dirais qu’à ce moment, l’image est à la lettre, écartelée. Une image qui présente un intervalle entre le mouvement conçu et le mouvement exécuté ce qui implique deux choses qui sont fantastiques : l’action subie est fixée et isolée. Isolée du reste des images. Vous me direz, toujours plusieurs agissent sur une image-mouvement ; oui, mais lorsque je me trouve devant l’image privilégiée à intervalles, elle va être en mesure d’isoler l’action principale.

Alors, pourquoi ?
-  En d’autres termes elle arrive à isoler l’action qu’elle subit, ce qui était impossible pour les autres images d’immanence, et même à devancer l’action qu’elle subit.
-  Et de l’autre coté, il y a écart, la réaction qu’elle produit, c’est quoi ? Il va y avoir écart, retard, la réaction va anticiper sur elle et dans l’autre face, il y a retard. L’écart, c’est une action retardée. L’intervalle me donne un peu de temps . Pourquoi ? Au lieu que ma réaction soit la reproduction de l’action subie ou la propagation de l’action subie tout se passe comme si les images vivantes étaient capables de produire des actions retardées, c’est-à-dire, des actions nouvelles par rapport aux actions subies. Des actions qui ne découlent pas directement des actions subies.

D’un coté, actions subies et anticipées, d’un autre côté, actions retardées, donc nouvelles, par rapport à l’action subie. A cela vous reconnaissez des vivants, et de préférence, des vivants cérébraux doués de cerveaux. Ça va alors. Il nous suffisait juste l’intervalle. Vertov et Bergson font un même combat. Alors, il nous suffisait l’intervalle. Eh oui ! Mais nous, on a besoin d’un petit peu plus. C’est-à-dire que là, ça devient tellement facile, prolongeons un peu. On se dit oui, mais enfin quand même il exagère de monter tout de suite au cerveau. Alors nous on va essayer de savoir ce qui se passe avant. On va imaginer une histoire, qui est l’histoire de la terre ; on prend un livre sur les origines de la vie. Et on se dit que sur le plan d ‘immanence qui était tout traversé par...Ah non, il faut rajouter quelque chose.

Ça ne vous a pas échappé que ce que je viens de dire dans mon apparition d’intervalles, avec ses deux aspects, dès que des images apparaissent sur le plan d’immanence, dès que des images mouvements apparaissent qui écartèlent le mouvement reçu et le mouvement exécuté, c’est-à-dire, isole l’action subie et retarde l’action exécutée, dès lors produisent du nouveau. Et ça, dès que ça apparaît, je peux dire que ces images spéciales, du point de vue d’immanence, du point de vue du premier caractère d’immanence, à savoir,ensemble infini d’image - mouvement. J’ai dit, le plan d’immanence défini comme étant des mouvements réagissant les uns sur les autres, apparaît sur ce plan certaines images très spéciales qu’on appellera des images vivantes, ou des matières vivantes, et qui présentent un intervalle de mouvement.

D’accord, bon. La rigueur exige que je dise ce qui se passe bien que tous ces points liés du point de vue du second caractère de ce plan d’immanence qui était : diffusion de la lumière et propagation de lignes et figures de lumière pure. Qu’est-ce qui se passe là ? Il faut que je trouve quelque chose de correspondant, vous comprenez ? Que je puisse dire aussi, voilà l’équivalent de l’intervalle. L’intervalle, c’était en termes de mouvements. Intervalle de mouvements. Mais l’intervalle de mouvement, c’était le premier caractère du plan, le second caractère du plan c’est la propagation de lumière et ses diffusions.

C’est ce qui se passe de ce point de vue là. Qu’est-ce que c’est que les images vivantes ? Eh ben voilà ! C’est images lumineuses de tout à l’heure, avant d’y faire intervenir des images spéciales, écartelées par des intervalles à petits et grands écarts, eh bien Qu’est-ce qui se passait pour mes lignes de lumière ? Diffusion, propagation en tous sens, toutes directions. Chaque image était lumineuse en elle-même. Elle ne recevait pas la lumière d’ailleurs. il n’y avait pas une conscience qui venait les éclairer d’ailleurs elles n’en avaient pas besoin.

-  Les choses étaient lumineuses en elles-mêmes puisque c’était des images de lumière. Simplement cette lumière, encore une fois n’était pas révélée parce qu’elle n’avait pas de quoi être révélée. Pourquoi est-ce qu’elle aurait été révélée ? A qui ? Il y a pleins de références à d’autres trucs et moi je suis sûr que Bergson a des règlements de compte avec Einstein et il a aussi un règlement de compte avec l’ancien testament. Ah si ! Bergson était juif, son histoire est très compliquée, il s’est converti au catholicisme avec la femme de sa vie mais il a voulu le tenir absolument secret parce que c’était le moment d’Hitler donc il voulait continué à passer pour juif, il le restait très profondément donc c’est une très curieuse histoire. Donc le rapport entre Bergson et l’ancien testament est très fondamental. L’histoire du bergsonisme est lié à pleins de choses : à l’art mais aussi à toutes sortes de thèmes religieux. Enfin, qu’est-ce qui peut se passer ? je dis que cette lumière n’avait pas à se révéler, parce qu’on entend souvent au catéchisme les enfants qui disent : « Qu’il y a-t-il avant la lumière ? » Mais pour Bergson il y avait la lumière avant la lumière. Il ne faut pas parler d’avant la lumière, il faut parler de l’avant que la lumière ne soit révélée.

C’est pas du tout pareil ! Mais la diffusion de la lumière, la diffusion universelle de la lumière, c’est le plan d’immanence. De tout temps, il n’y a eu de tel plan. Bien plus, on a vu, de tout temps bien avant qu’il y ai la moindre cellule vivante, c’est bien tout ça, avant, ... Qu’est-ce qui se passe ? Elle n’a pas à se révéler, bon. Mais voilà que cette fois ci des images lumineuses spéciales apparaissent, que j’appelle images vivantes.

-  En tant qu’images lumineuses, qu’ont-elles de spéciales ? je veux dire ce que l’intervalle de mouvement est au mouvement, qu’est-ce qui va l’être à la lumière ? Et là, elles ont une propriété très spéciale : ce sont des images écartelées. Elles vont arrêter la lumière. Elles ne vont avoir qu’un pouvoir : elles vont réfléchir la lumière. Des images vivantes vont réfléchir la lumière. A plus forte raison lorsque ces images vivantes auront un cerveau, ou lorsqu’elles auront des yeux. Ce seront des phénomènes de plus en plus complexes de réflexion de la lumière. C’est ça ce que l’intervalle de mouvement est au mouvement, la réflexion de la lumière va l’être à la lumière. C’est-à-dire qu’elles vont recevoir un rayon - voyez, c’est la même chose - elles font arriver à isoler une ligne de lumière et vont réfléchir la lumière.

-  En d’autres termes, elles vont fournir la photo, si photo il y a, étirée dans les choses de tout temps. Seulement la photo était translucide selon Bergson, il faudrait même dire transparente. La photo était transparente. La photo était dans les choses, mais elle était transparente. Qu’est-ce qui manquait ? Bergson se lance et le style de Bergson est grandiose. Ce qui manquait était derrière la plaque. Et la plaque, ce n’était rien d’autre que le mouvement. Derrière la plaque, ce qui manquait c’était l’écran noir nécessaire pour que la lumière soit révélée. Qu’est-ce que les images vivantes, cette fois-ce du point de vue de la lumière ? ce qu’apporte l’écran noir qui manquait.

-  En d’autres termes, qu’est-ce que la conscience ? Confirmation de ce qu’on voyait la dernière fois. La conscience, c’est le contraire d’une lumière. Toute la philosophie a vécu sur l’idée de la conscience qui était une lumière. Eh bien, non ! ce qui est lumière, c’est la matière. La conscience, c’est ce qui révèle la lumière. Pourquoi ? parce que la conscience, c’est l’écran noir. La conscience, c’est l’opacité qui en tant que telle va révéler la lumière et la faire se réfléchir. Donc, renversement complet. C’est pas la conscience qui éclaircie les choses. C’est les choses qui s’éclairent elles-mêmes et qui s’éclairent tellement bien que la lumière n’est pas révélée, la photo dans les choses est transparente. Il faut l’image vivante pour fournir l’écran noir, ce que la lumière va réfléchir. Et nous ne sommes rien d’autre que ça. Tout à l’heure nous étions intervalles de mouvements et rien d’autre. Nous n’étions que des petits intervalles. Dans la mesure où nous avions un cerveau, nous étions de grands intervalles. Finalement, c’est formidable comme règlement de compte avec l’homme, nous n’êtes que des écrans noirs. Vous n’êtes que des opacités dans le monde de la lumière.

-  Qu’est-ce que ça veut dire ensuite quand on reproche à Bergson de ne pas avoir reconnu la conscience et d’avoir ignoré l’inconscient. La manière dont il a défini la conscience, c’est l’opacité pure, brute. Il n’a vraiment pas besoin d’inconscient. je ne vois pas bien ce qu’il en ferait. Il a déjà mis tout ce qu’il fallait dans la conscience.

-  Bien. Ça, c’est le deuxième caractère de ces images vivantes cérébrales. Et vous voyez que les deux se font échos ! C’est rudement bien fait ! Action retardée qui dès lors était nouvelle, et puis là, ligne de lumière isolée et lignes de lumière réfléchie, ça se vaut ! L’écran noir du point de vue de la lumière et l’intervalle du point de vue du mouvement, se correspondent tout à fait.

-  Et je poserais enfin une troisième question. Elle est toute simple. Puisque mon plan d’immanence a un troisième caractère, qui est d’être une coupe mobile de l’universel devenir. De ce troisième point de vue, que vont apporter ces images spéciales ? Comme on n’a même pas vu les histoires d’universel mobile, on ne peut répondre qu’une chose. C’est quoi ? nous sommes en droit de supposer que ces images vivantes sont avec l’universel devenir, dont le plan de matière est une coupe mobile, ces universelles d’image et ce plan d’immanence sont dans un rapport privilégié.

Mais je ne peux pas en dire plus ! Elles ne seront pas comme le plein qui poutant les contient, elles ne seront pas de simples coupes mobiles de l’universel devenir. Elles auront un rapport plus intime avec cet universel mobile. Mais lequel ?

Alors allons-y, on laisse de côté ça parce qu’on n’a pas les moyens et puis on n’est pas pressés. Alors comblons quand même - parce qu’on se dit qu’il exagère quand il donne tout de suite le cerveau. Il se le donne merveilleusement parce qu’il l’analyse comme matière. Il explique comment le cerveau est une matière capable d’arrêter l’ action subie en faisant une brève analyse mais très belle. Le rapport entre le cerveau et la moelle épinière très beau. On a longtemps parler de choses qui se touchent avec le cerveau qui se mettait en contact, mais ce n’est plus du tout la tendance. Il parle de trucs qui sautent,de d’actions qui font des sauts.

Mais dans mon souci de rajouter quelque chose, qu’est-ce qui pourrait se passer ? Moi ce qui me plait, c’est le détail. Tout ça ce n’était pas possible quand le plan d’immanence était très chaud, c’est-à-dire, les lignes de lumière, tout ça était très chaud. Le plan d’immanence était avant tout chaud, très très chaud, tout à fait chaud. Je dis ça parce que ça n’a l’air de rien là aussi, il faut bien parler simple, mais si vous reportez à n’importe quel livre bien fait sur l’origine de la vie, vous apprendrez que la vie ne pourrait pas apparaître sans certaines conditions de chaleur extrême. Bien plus que les matières qui préparaient la vie ne pouvaient pas apparaître dans de telles conditions, si simples qu’elles soient, pourtant elles n’étaient pas simples.

Bon, il a fallu quelque chose comme : une perte de chaleur. Alors ça, d’où c’est venu ? ça me dépasse, mais enfin je ne dois pas être le seul. Il faut supposer que sur mon plan d’immanence, un refroidissement s’est produit. Et ça, évidemment, c’est embêtant parce que je peux tenir compte de sa chaleur, qu’il soit chaud et bouillant avec ses corps de lumière, ses lignes de lumière, ça on s’en rend compte, ça, ça va. Mais voilà que ça se refroidit. D’ici l’année prochaine, il faudrait trouver, enfin si quelqu’un a une réponse...Enfin moi, ce qui m’embête, c’est que je ne trouve pas une réponse qui invoque un extérieur du plan d’immanence. Alors il faudrait, la seule issue, c’est de montrer par hasard, qu’il y a un plan d’immanence qui a coupé étant une coupe mobile de l’universel devenir, et qui montre qu’il y a eu, que l’effet est un refroidissement du plan d’immanence. Et c’est pas de la tarte à montrer ça. Et puis ça n’a aucune importance, ça ne changerait rien. Supposons qu’on ait montré que ça s’est refroidit.

Alors je disais que l’universel mouvement, l’universelle variation de l’image - mouvement, l’universel clapotement des images - mouvement, avec le refroidissement, ont commencé à se former des images-mouvements qui étaient très loin du vivant mais qui étaient déjà un peu bizarres. Mais leur bizarrerie où tout le monde est unanime, enfin tous les savants sont unanimes pour dire, qu’elles ne pouvaient pas apparaître tant que la terre était très chaude. Car vous avez déjà compris que mon plan d’immanence , c’est la terre et pas seulement la terre, c’est l’univers. Cela ne pouvait pas apparaître quand la terre était très chaude. C’est quoi donc ? Ce sont ces matières, je parle toujours en termes d’imagerie - matière, ce sont ces images et ces matières très spéciales qui ne sont pas du tout encore vivantes, et qui ont la propriété de tourner, quoi ? Le plan de polarisation de la lumière vers ce qu’on appellera une droite ou une gauche. Et ce sont les substances ou matières dites « dextrogyres », ou « lévogyres ». les matières dextrogyres font tourner le plan de polarisation de la lumière vers la droite quand leur nom l’indique, et les lévogyres les font tourner vers la gauche.

Cela ne pouvait pas apparaître quand la terre était très chaude. Avec de pareilles matières j’ai déjà constitution de « droite », « gauche ». Droite et gauche ne peuvent pas se définir sans référence à un haut et un bas. En d’autres termes, dès que de telles substances apparaissent, j’ai déjà des axes, des orientations.

Vous comprenez que ça va être essentiel pour expliquer l’opération d’isolement que j’avais invoquer un peu en l’air tout à l’heure. Si maintenant des directions se distinguent, grâce à ces substances, qui supposent un refroidissement du plan, à ces substances qui définissent une droite, une gauche, un haut, un bas, il n’y a encore rien de vivant. Mais il y a quelque chose qui est en train de se tramer, c’est tout ce qu’on appelle, c’est ce terme qui est si beau chez les biologistes qui étudient les origines de la vie, c’est ce qu’ils appellent la soupe pré-biotique. Alors voilà que mon plan d’immanence a de vastes zones de soupes pré-biotiques. C’est une formule tout à fait satisfaisante. Disons qu’il faut concevoir déjà des micro-intervalles dans la soupe pré-biotique. Cette formule doit rendre tout très clair. Déjà dans des micro-intervalles, c’est très très curieux dans ces substances. Mais quand vont apparaître les substances les plus simples, les plus rudimentaires, ces micro-intervalles vont se confirmer. Et puis toute l’évolution de la vie, et ça Bergson ne le développera pas de ce point de vue, il aura d’autres choses à faire, mais il faudra la concevoir comme la montée des micro-intervalles des substances dextrogyres ou lévogyres qui vont la monter vers des macro-intervalles assignables en temps. Et pourquoi on avait besoin de mettre le temps ? Vous le comprenez, dans le plan d’immanence, dans notre plan de matière, vous donner un quelconque écart spatial et il faudra bien qu’il soit un intervalle temporel. ..........

Là-dessus j’essaie d’aller plus vite, parce que le reste, on l’a vu.

Donc vous voyez que l’évolution pourrait être conçue comme l’affirmation évolutive et progressive de ce que je peux aussi bien appeler les intervalles de mouvements, les écrans noirs ou réflexion de lumière, ou les rapports privilégiés de l’universel de vie. Mais alors, qu’est-ce qui se passe ? maintenant on les tient ces images spéciales. Nous allons les appeler comment ? pour bien montrer qu’on a rienintroduit d’autre pour le moment que de l’image-mouvement, que du mouvement ou de la lumière, on introduit, en effet, que de l’intervalle de mouvement, que de l’écran noir. C’est-à-dire, à la lettre, du rien. On va les appeler « zones ».

 22- 02/11/82 - 1


 22- 02/11/82 - 2


 22- 02/11/82 - 3


 23- 23/11/82 - 2


  23- 23/11/82 - 1


 24- 30/11/82 - 2


 24- 30/11/82 - 1


 24- 30/11/82 - 3


 25- 07/12/82 - 1


 25- 07/12/82 - 2


 25- 07/12/82 - 3


 26- 14/12/82 - 1


 26- 14/12/82 - 2


 26- 14/12/82 - 3


 27- 21/12/82 - 3


 27- 21/12/82 - 1


 27- 21/12/82 - 2


 28- 11/01/83 - 2


 28- 11/01/83 - 1


 29- 18/01/83 - 1


 29- 18/01/83 - 2


 30- 25/01/83 - 1


 30- 25/01/83 - 2


 31- 01/02/83 - 1


 31- 01/02/83 - 2


 32- 22/02/83 - 1


 32- 22/02/83 - 2


 32- 22/02/83 - 3


 33- 01/03/83 - 1


 33- 01/03/83 - 2


 33- 01/03/83 - 3


 34- 08/03/83 - 1


 34- 08/03/83 - 2


 34- 08/03/83 - 3


 35- 15/03/83 - 1


 35- 15/03/83 - 2


 35- 15/03/83 - 3


 36- 22/03/83 - 1


 36- 22/03/83 - 2


 37- 12/04/83 - 1


 37- 12/04/83 - 2


 38- 19/04/83 - 1


 38- 19/04/83 - 2


 38- 19/04/83 - 3


 39- 26/04/83 - 1


 39- 26/04/83 - 2


 40- 03/05/83 - 1


 40- O3/05/83 - 2


 41- 17/05/83 - 1


 41- 17/05/83 - 2


 41- 17/05/83 - 3


 42- 24/05/83 - 1


 42- 24/05/83 - 2


 42- 24/05/83 - 3


 43- 31/05/83 - 2


 43-31/05/83 - 1


 44- 07/06/83 - 2


 44- 07/06/83 - 1


La voix de Gilles Deleuze en ligne
L’association Siècle Deleuzien