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27- 21/12/82 - 1

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Gilles Deleuze- Cinéma cours 27 du 21/12/82 - 1 transcription : Franck Baron

Gilles Deleuze : Pour la rentrée, eihn ... et comme vous allez pas vous rappeler : ça va poser des problèmes, mais il faudrait que vous vous rappeliez, hein ... Alors voilà : on en est dans cette histoire de Peirce, et ce qu’on a vu c’est, vous vous rappelez, la distinction de trois types d’images chez lui. Et ces trois types d’images chez lui, c’est la priméité qui correspond en gros on le sait d’avance à notre Image-affection, c’est la secondéité qui correspond en gros à notre Image-action, et c’est la tiercéité qui correspond à quoi ? ...pour le moment on en sait rien, on retient juste d’après notre séance précédente, que cette tiercéité a pour caractère le domaine du mental selon Peirce, ce qu’il appelle lui-même le « mental », c’est-à-dire le « pensé », le domaine du « pensé », tout ce qui est « pensé », et que Peirce l’exprime sous l’exemple tantôt de la loi, une loi, tantôt de la signification, tantôt de la relation, et nous avions vu que la meilleure manière peut-être de définir ce domaine mental de la tiercéité, c’était la relation prise dans ses deux sens ...et c’est ce que j’avais essayé de développer la dernière fois ...à savoir au sens de relation concrète ou naturelle - premier sens - ou au sens de relation abstraite - deuxième sens.

Et là j’insiste dans cette récapitulation pour que vous ayez ça bien présent à l’esprit, me paraît très important, cette distinction de deux sens du mot relation que bien d’autres philosophes que Peirce qui n’apparaît d’ailleurs pas chez Peirce, mais ça fait rien, ça n’a aucune importance, que beaucoup de philosophes ont pressenti et indiqué, et j’disais moi euh ... elle me paraîtrait correspondre à quelque chose de tout à fait concret quand on parle de relations. Encore une fois : toutes les relations sont extérieures à leurs termes, ça pas de problème, mais ...y a des relations qui consistent en ceci : comment une image donnée conduit naturellement, entendez : sans effort, à une autre image qui n’est pas donnée, qui n’était pas donnée. Exemple encore une fois : une phot me fait penser, la photo de Pierre, me fait penser à Pierre. Et comme disait Hume : « transition aisée », c’est ça qu’on appellerait une relation naturelle ou concrète. La ressemblance ici agit, la ressemblance entre la photo et le modèle, agit comme une relation concrète. Et on remarquez que y a d’autant plus de raison d’appeler ça naturel ou concrèt que ces transitions sans efforts ne vont pas loin. Elles s’éparpillent très vite, oubien elles s’interrompent. Une relation naturelle elle marche entre deux choses qui se ressemblent beaucoup. Mais comme on l’a mille fois constaté : n’importe quoi ressemble à n’importe quoi, suffit de trouver le point de vue ... et là vous avez pas une relation naturelle. La photo de Pierre me fait penser à Pierre ... Pierre me fait penser à Paul qui lui ressemble ... Mais de ressemblance en ressemblance ... la relation naturelle va vite se dégrader. Et là ça marchera plus. Y aura plus transition... y a bien « transition aisée » de A à B, de B à C, de C à D, et donc à la rigueur de A à D, mais au-delà : ça se fait plus ; ça s’épuise vite les relations naturelles. Tandis que vous vous rappelez la relation abstraite : c’est pas une « transition aisée » qui nous mène d’une image donnée à l’image de quelque chose qui n’était pas donné. La relation abstraite c’est une circonstance qui détermine une comparaison de l’esprit entre deux images qui ne sont pas reliées relativement. Si je dis par exemple : entre A et X : qu’elle ressemblance y-a-t-il ? Comme n’importe quoi ressemble à n’importe quoi, y aura toujours une circonstance par laquelle, deux choses quelconques se ressembleront ... A la limite parce que ce sont des choses. Bon ... Et la circonstance ou la raison pour laquelle je compare deux idées, deux images, qui ne sont pas en relation naturelle l’une avec l’autre, c’est ça une relation abstraite. Voyez, Y a donc bien deux sens du mot relation.

Alors j’ai donc ça,voilà nous en sommes là : priméité, secondéité, tiercéité selon Peirce. Ce sont les trois types d’images.
-  Là dessus problème à mon avis qui semble très très important : comment une image devient-elle un signe ? Et ce problème, comme Peirce crée cette nouvelle discipline - sémiotique ou sémiologie - ce problème : il devrait être fondamental pour Peirce. Car enfin : tout signe est une image, mais toute image est pas signe. On appellera « signe » : certaines images spéciales. Donc voyez que « signe » nous lance dans un tout nouvel élément à découvrir, dans un tout nouveau monde. J’ai mes trois types d’image ... bon ... un, deux, trois ...mais ... alors les « signes » ... et pourquoi y a besoin de « signes » ? ... Ben je dis à ma stupeur, ou à la stupeur enfin ... Peirce ne s’intéresse pas tellement à ce problème. Il faut vraiment bien chercher les pages... et pourtant y a de pages où on peut tirer sa conception : « pourquoi des images donnent-elles lieu à des signes ? », et « quelle différence y-a-t-il entre une image et un signe ? » Et il me semble que chez lui, il y a deux réponses : il nous dit toujours ... « Eh bien voyez ... un signe c’est toujours une tiercéité » ... ah bon, ça va compliquer ... parce que si un signe c’est une tiercéité, c’est que dans un signe il y a « trois » ! Dans tout signe, il y a « trois ». Mais c’est hors de question de confondre, la tiercéité et le signe ... en ce sens que tout signe est une tiercétité, mais toute tiercéité est pas un signe. La tiercéité : c’est un type d’image. Elle n’est pas par elle-même un signe. Donc s’il est vrai que tout signe est une tiercéité, la question devient : « Quel type de tiercéité exigera, exigera d’être appelé : signe ? » Et la première réponse de Peirce, c’est que la tiercéité c’est le domaine du mental, du pensé, mais le pensé ne constitue pas par là même une connaissance. Tout ce qui est pensé ne constitue pas, ne forme pas une connaissance. Et que le Signe, c’est une tiercéité constitutive d’une connaissance. En d’autres termes, c’est une tiercéité puisque le domaine de la tiercéité c’est la relation, et bien il nous dit "le signe est une tiercéité qui constitue une relation cognitive". (blanc)

Bon ...on s’dit bien ... mais à ce moment là ...c’est un programme à remplir ... il devient un peu plus précis lorsqu’il nous dit ceci : « ben un signe, c’est une tiercéité qui rend les relations efficientes », mais il s’explique pas beaucoup. Là ça m’intéresse déjà plus, remarquez que les deux se valent, parce que peut-être que rendre les relations efficientes c’est une excellente définition, peut-être, de l’acte de connaître. Ce serait une définition originale et peut-être très satisfaisante, qui répondrait à la question : « qu’appelle-t-on connaissance ? », la connaissance c’est une opération qui rend les relations efficientes ...qu’est-ce que ça veut dire ? Ca implique que, les relations, vous vous rappelez, elles appartiennent à l’image de tiercéité, elles appartiennent à la tiercéité, mais en elles-mêmes, elles sont pas efficientes. Pourquoi ? Les relations abstraites ! Les relations concrètes qui font passer naturellement d’une image à une autre image, est-ce qu’elles sont efficientes ? pas exactement ... dans le vocabulaire de Peirce, il faudrait dire qu’elles sont mises en action, elles sont mises en action, elles agissent ... c’est pas ça l’efficience. Et les relations abstraites ... elles sont inefficientes en effet tant que je les prends comme pure image de tiercéité. Je juge bon, circonstance par laquelle je juge bon de comparer deux idées, deux images arbitrairement unies. La définition même de la relation abstraite, elles sont pas efficientes. Les relations concrètes agissent, elles font passer l’esprit d’une image à une autre, mais elles sont pas efficientes : elles agissent. Elles sont actives à se développer, elles sont agissantes. Et les relations abstraites, elles sont inefficientes. Je compare deux idées arbitrairement unies dans l’imagination. Qu’est-ce que c’est rendre les ... relations efficientes ? Je suppose, quoi qu’il ne s’explique pas beaucoup là-dessus, je suppose que ça veut dire, les rendre opératoires. Et c’est pourquoi j’attache beaucoup d’importance à ce que je suggérais la dernière fois, c’est qu’il est impossible de penser la relation, c’est le seul apport là que je voudrais vous proposer euh ... pour le moment, là dans cette perspective, impossible de penser... si la philosophie a échoué dans... ou a rencontré tant de difficulté dans un effort pour penser la relation, euh... c’est parce qu’on a pas assez vu ou pas assez dit que la relation impliquait, enveloppait strictement le changement. Euh ... parce qu’on a pas assez vu que la relation était du domaine du devenir. Je dis une platitude, mais c’est vrai, c’est comme ça. Si on voit que la relation est inséparable du devenir et du changement, là j’crois qu’il devient beaucoup plus facile de la penser. Mais ça veut dire que la relation elle-même est euh ... tributaire d’un système de rapports entre relations telles que les relations peuvent se transformer les unes dans les autres. Je dirais qu’à ce moment là les relations deviennent opératoires. Qu’est-ce que fait la science ? Qu’est-ce que font les mathématiques ? Elles rendent les relations opératoires. Pas n’importe quel signe, peut-être n’importe qu’elle relation peut-être ... relation de situation ... on pourrait même distinguer des branches de mathématiques, les relations de situations sont rendues opératoires les relations quantitatives sont rendues opératoires, les relations linéaires sont rendues opératoires ... tout ce que vous voulez. On pourrait définir les mathématiques comme le premier système qui rend les relations opératoires ou efficientes. Très bien, alors acceptons pour le moment tout ça. Et on a une définition du signe qui est : le signe est une image de tiercéité définie par ceci qu’elle rend les relations - des relations renvoyant à la tiercéité - elles rend les relations efficientes. Oh, mais ça c’est une définition comme ça ...je veux dire c’est une définition purement nominale...Alors concrètement, ça va être composé comment un signe ? Il faut qu’on y retrouve de la tiercéité. Eh bien « oui » nous dit Peirce. Quelle va être la définition réelle du signe ? Quand je dis : le signe est une tiercéité qui consiste à rendre les relations opératoires, je n’ai qu’une définition nominale. Je ne dis pas en quoi consiste le signe. Si je cherche une définition réelle qui énonce en quoi consiste le signe, très bien ... il va consister dans qu’elle tiercéité ? Peirce nous dit, et bien, un signe c’est une image : un ; deux : qui vaut pour une autre image ; trois : par l’intermédiaire d’autres images qui rapportent la première à la seconde. Ca à l’air embêtant tout ça, mais c’est il me semble là-dessus que c’est constitué une grande grande partie de la philosophie moderne. C’est pour ça que c’est important cette espèce, pour moi, cette espèce de retour à Peirce. Je m’explique : ... vous voyez que dans cette définition réelle du signe, ce qui important c’est que en effet c’est manifestement une tiercéité. C’est une image qui vaut pour une autre image par l’intermédiaire d’autres images qui renvoient la première image à la seconde. Expliquons-nous mieux avec les mots qu’emploie Peirce. Le signe est une image, en lui-même il est une image, c’est sont aspect, je dirais : c’est la priméité du signe. C’est le signe en lui-même. Il l’appelle : « representamen ». (bruit de craie sur un tableau). C’est le signe en lui-même, la priméité du signe. Le signe considéré comme une image. Il vaut pour une autre image ... cette autre image pour laquelle il prétend valoir, (autre bruit de craie sur un tableau), là il l’appelle ... curieux cette alternance de mots bizarres et de mots tout ordinaires ... il joue là-dessus ...il faudra se demander pourquoi aussi ... Il l’appelle : « l’objet ». Comprenez que l’objet d’un signe n’a nul besoin d’être réel. Un signe est une image et son objet est une autre image. Il arrive que l’objet soit un objet réel, il arrive que l’objet soit pas un objet réel. Le dessin d’un Centaure est un signe qui vaut pour un objet, lequel objet n’est pas réel. Bien ... Ca je dirais donc, l’objet, c’est-à-dire l’image pour laquelle le signe prétend valoir, c’est la secondéité du signe. Troisièmement, par l’intermédiaire d’autres images, qui rapportent la première, le « representamen », à la seconde l’objet (bruits de craie sur le tableau), et ça il va l’appeler, et c’est ça qui ...pose tellement problème quand, lorsque on a commencé à connaître Peirce, ses textes, il appelle ça l’ « interprétant ». C’est l’interprétant du signe. Les images qui rapportent la première image à la seconde. Quoi ??? Un étudiant : En général, les gens qui lisent Peirce comprennent jamais comme ça ... ils s’arragent toujours pour comprendre autre chose que ça ... Gilles Deleuze : Ouai, ouai ...vous voyez quel contresens ce serait de croire que l’interprétant c’est un interprète. Peirce a toujours, et certains de ses disciples en Amérique, ont tout de suite foncer dans cette direction ... dans quel but ? ... pour faire une psychologie du signe. Mais Peirce est un logicien qui à ce titre n’aime pas du tout la psychologie et prétend récuser toute psychologie. L’interprétant n’a rien avoir avec un interprète. L’interprétant c’est l’ensemble des images tierces qui rapportent une image première à une image seconde pour laquelle l’image première prétend valoir mais telle que elle ne pourrait pas avoir cette prétention sans les interprétants. C’est ce système qui rend les relations efficientes. Alors évidement, ouf ... un exemple : euh ... euh ...prenons un exemple ... voyez déjà l’importance de ce système triadique. Parce que si vous comparez avec, en gros un contemporain de Peirce qui lui est bien connu en France : Saussure ... il est pas français, mais il est bien connu en France ...(rires de tout le monde) ... et bien il est bien connu que toute la théorie du signe de Peirce, a pour fondement une espèce de distinction duelle : signifiant - signifié ... Un étudiant : pour Saussure !

Gilles Deleuze : pour Saussure pardon ...j’ai dit euh ... et oui ...voyez que il est relativement important déjà pour nous ... que Peirce ne peut absolument pas s’inscrire dans cette, dans une pareille lignée. D’où l’importance de son idée de tiercéité. Y a pas de place pour du signifié, du signifiant tout ça ...c’est, c’est une toute autre atmosphère ... bon ... Mais ouf ... des exemples quoi je veux dire ...on réclame des exemples. Le présentateur du France et du lied dont je vous ai dit à quel point il était excellent en donne un, mais un qui est évidement inquiétant puisque il va prendre un exemple linguistique. Et moi je tiens beaucoup aussi, je vous rappelle, à l’idée que pour Peirce, il n’y a pas de différence de nature entre des signes qui seraient naturels et des signes qui seraient conventionnels. Donc il nous faudra au moins deux exemples ... à nous d’en trouver un autre. D’après l’exemple du commentateur, de Deledalle... Il prend un mot et il dit : prenons le mot : « grenade ». Voilà : c’est un signe. En quel sens ? ... Le representamen c’est le mot considéré en lui-même, ce que les linguistes appelleraient : "l’image verbale", quoi. Le mot prétend valoir pour quelque chose, ce quelque chose étant une autre image. Ah oui mais quoi ? Quoi ?... Je veux dire l’objet ... eh ben c’est une ville. Dans d’autres cas je peux dire, l’objet c’est un fruit ...Dans d’autres cas encore, je peux dire l’objet c’est une arme.

Qu’est-ce qui me fait choisir ? Ce qui me fait sélectionner : c’est les interprétants ! A savoir, par exemple, tout un contexte verbal où il est question de l’Espagne, des villes espagnoles, de ce qu’il y a dans les villes espagnoles. Je me repère avec cette suite d’interprétants, je me repère et je dis, quand j’entends le mot : « grenade », l’objet c’est : la ville ! ... sur un ton tout bas et ironique : J’espère que c’est en Espagne ... (rires de tout le monde), je me méfie, je me méfie de tout ... Bon ... si j’entends en revanche ...si j’ai une série d’interprétants du type : manifestation, policiers, etc... euh Je me dis : c’est l’arme, c’est l’arme ... Alors si j’entends « une grenade à grenade » j’ai un cours-circuitage de deux séries d’interprétants ... bon, et caetera. Voyez ce que Peirce veut dire lorsqu’il dit : le "un" du signe ne se rapporte au "deux" que par l’intermédiaire des interprétants, que par l’intermédiaire de trois ... on peut dire une chose toute simple ... en effet, si j’en reste à un - deux, l’objet sera forcement incomplet pour le moins. Ou bien il restera indéterminé c’est-à-dire disjonctif - c’est ou bien une ville, ou bien un fruit, ou bien une arme - ou bien il restera incomplet.
-  C’est donc seulement le trois, c’est-à-dire les interprétants qui rapportent complètement un à deux et par là rend la relation efficiente, opératoire. Donc il est en train de tenir son pari. Je dis ... moi j’ai besoin d’un exemple de signes naturels parce que je tiens beaucoup à ... parce que y a pas de différence entre les signes naturels et les signes conventionnels ... c’est très bien si vous comprenez ça, ça supprime un certain nombre de problèmes linguistiques ...y des différences, mais elles surviennent à de tout à fait d’autres, des niveaux très bas, quoi ... très ... Euh ...voilà, voilà je marche, je marche dans la forêt euh ...euh ... et je vois une trace, une trace c’est un signe. Je dis la trace en elle-même, la trace en elle-même c’est pas un representamen dans le langage de Peirce. C’est un signe, l’objet. Je dis : cette trace a été laissée par une bête ... une bête est passée par là ...bon ... L’image de bête est l’objet du representamen trace. D’accord, ouai ...Et puis une bête ... c’est l’objet mais l’objet incomplet ... Qu’est-ce qu’il me faudra ? ... Eh bien par exemple, il faudra une chaîne d’interprétants, pas mammifères : oiseaux ... J’exclus, voyez toute une série qui me conduirait à mammifère. Non, c’est un oiseau que j’enchaîne avec d’autres interprétants. La trace me renvoie à ... si je suis très, très fin ... elle a été faite la nuit ... c’est pas une trace de jour ... j’ai déjà une chaîne d’interprétants : oiseau - nocturne... bon ça peut continuer... rapace - mangeur d’homme ...et caetera, et caetera, et caetera ... Voyez que là aussi mon objet reste incomplet si il n’y a pas l’interprétant, et la chaîne des interprétants qui ramène un à deux.

-  Voilà donc ce que c’est que un signe pour Peirce. Donc je dis bien : pour Peirce, un signe, on a quand même beaucoup avancé là, c’est une image spéciale, en ce sens que nominalement, elle rend ... c’est toujours une tiercéité, nominalement elle rend les relations qui appartiennent à la tiercéité opératoires ou efficientes, réellement elles consistent en une organisation particulière. C’est une tiercéité qui consiste en ceci et uniquement en ceci ... et c’est seulement dans ce cas que l’on parlera de Signe : « une image qui vaut pour une autre image par l’intermédiaire d’autres images. » D’accord ? ... c’est compris ça parce que ...va en surgir, va en surgir évidement ... (Gilles Deleuze est distrait par quelque chose et parle tout bas...) non il marche pas ... ? (reprenant le ton professoral ), quoi ? ... je veux un autre exemple ? ...euh ... s’il est très court pardon parce que je voudrais passer vraiment à ... ( s’adressant à un étudiant ) Oui donne en un si tu veux ... Une étudiante prend la parole : Le drapeau français est comme vous savez bleu, blanc, rouge ... Gilles Deleuze : Non, savais pas ... (rires de tout le monde) L’étudiante : le bleu, le bleu ça représente tout à la fois, la liberté et la noblesse ou la bourgeoisie devenue noble, le bleu ou aujourd’hui la droite. Le rouge, cela représente à la fois l’égalité et le peuple. Et le blanc, ça représente le roi. C’est la manière dont a été constitué le drapeau sous la révolution française. C’est-à-dire que le drapeau a été constitué de telle manière que le roi ou maintenant l’état maintienne en permanence l’équilibre entre les riches et les pauvres, ou bien les artistocrates plus les bourgeois d’un côté et le peuple, ça se démerde pour que ça bouge pas, et que l’état soit un stabilisateur de la société... Et si le drapeau était réellement : liberté - égalité - fraternité comme on le dit en France il devrait être bleu - jaune - rouge, et à ce moment là on s’apercevrait que les trois couleurs se composent dans le blanc et que le peuple entier devient Roi. Rires généralisés ... Gilles Deleuze : Pourquoi pas ... Mais à mon avis c’est une tiercéité, c’est pas un signe ça ! Le drapeau est bien un signe ... mais dans ton histoire, d’un tout autre point de vue, mais dans ton histoire bleu - blanc - rouge, tu peux pas fixer un représentamen, un objet et des interprétants ... L’étudiante : comment mais si, mais si c’est évident : le représentamen, c’est le drapeau eihn... l’objet c’est l’équilibre politique qui est choisi de maintenir ... bon dans la société ... et l’interprétant c’est avec quoi tout ça a été constitué ...comme on sait par exemple que les couleurs dans la franc-maçonnerie ... étaient le bleu et le jaune, c’est-à-dire : libérté plus fraternité Gilles Deleuze : ... Ouai ... Ben oui ... il complique ton exemple ... Ben d’accord, si ... d’accord ...d’accord ... Mais il est compliqué ... Un autre étudiant : Mais finalement quand même c’est important cet exemple ... parce qu’il y a des exemples qu’on passe par les concepts alors c’est pratique ... mais quand on est, quand on est face à un code analogique, à une expression analogique c’est toujours fragmentaire quoi ...ou alors il faut que l’expression soit très formalisée ... Gilles Deleuze : Ouai, ouai, ouai... Le même étudiant : sinon la série la série interprétante ... Gilles Deleuze : Oui mais alors quitte à faire de la formalisation, il faudrait la faire symboliquement ... c’est ce qu’il fait d’ailleurs Peirce ...Alors du coup vous comprenez sa liste de signes... Vous allez voir dans quel... Comprenez tout de suite dans quel euh ... truc il se trouve ...Il se trouve devant ... Je vais écrire là ... C’est pour ça que c’est très important là ... Je demande à ceux qui suivent vraiment de prendre ce tableau en note parce qu’on en aura tellement besoin quand j’en viendrai à ... à ce que je voudrais faire là et que euh ... (bruits de craie au tableau) On en est là ... j’ai d’un côté priméité, secondéité, tiercéité. Je peux dire ce sont les trois cas de l’Image-Mouvement. Mais enfin puisqu’on en est dans Peirce, y a dans son vocabulaire, lui il appelle ça, je l’avais dit dès le début ... non pas phénomène, il éprouve le besoin de prendre un autre mot pour pas être confondu avec la phénoménologie, il appelle ça : "phanérone, les phanérones". Bon, on l’a vu, le mot phanérone m’intéressait puisque finalement ça me paraissait être traductible par : « Image-Lumière », et puis on avait vu que les Image-Lumières et les Image-Mouvements, pour nous c’était pareil. Donc de toute façon c’est en gros le monde des phénomènes ou des images, l’image : c’est le phénomène, c’est le phanérone, c’est tout ce que vous voulez. Eh bien donc l’image ... hein selon Peirce, trois types : priméité, secondéité, tiercéité... Si je fais maitenant, ce type d’image très spéciale dans l’autre sens ... signe ... c’est donc plus les images, c’est les signes. Je vois que, ils ont une priméité spéciale : le représentamen ; une secondéité spéciale : l’objet ; une tiercéité spéciale : l’interprétant. Le signe est lui-même une tiercéité puisque, on l’a vu, sa priméité et sa secondéité supposent la tiercéité. Ce qui est le propre de toute tiercéité. Bien ... pour avoir le tableau des signes, enfin le tableau le plus simple ...parce que ça se compliquera mais il faut ... nous on s’en occupera plus ... parce que ... et encore ... il suffit ... Et on peut prévoir combien on va avoir de grandes classes de signes. En d’autres termes, je suis en droit de m’attendre à neuf classes de signes ... Alors commençons par ... qu’est-ce que je vais dire ? .... Ma question ... J’envisage donc le signe en lui-même. En d’autres termes, je pose la question ...pour toute cette rubrique, toute cette tranche ...Je pose la question, dans le signe : Qu’est-ce qui « fait signe » ? Qu’est-ce qui « fait signe » ? Ma réponse c’est ... premier cas : ce qui fait signe ce peut-être une qualité, une qualité. Si c’est le cas, je l’appellerai un « qualisigne ». Lorsqu’un signe en lui-même est tel que ce qui fait signe c’est une qualité, nous nous trouvons en présence d’un « qualisigne ». Vous me direz : y a pas de qualisigne pur, d’avance ...peut-être, peut-être pas ...s’il n’y a pas de qualisigne pur, ça ne fait rien ...on appellera qualisigne ceux où cet aspect domine. Il est même probable que ... ça c’est des signes purs qui ne sont jamais effectués. Ce qui est effectué : c’est des combinaisons de signes. Or ce qui est très important, c’est que, ces telles combinaisons ne sont pas effectuables. Bon ... Ce qui fait signe, c’est une qualité ... dans ce cas là je parlerai d’un qualisigne. Supposons que ce qui fasse signe, c’est un état de chose. Non pas une qualité pure, mais un état de chose qui comporte plusieurs qualités, des qualités euh...actuelles, actualisées. On va tout de suite prendre, tout à l’heure on va prendre un exemple ... mais je suis forcé de commencer par l’abstrait, ... je dirais suivant Peirce : que là ... lorsque ce qui fait signe c’est une qualité, mais une qualité effectuée, actualisée dans un état de chose, actualisée dans une chose, c’est un ... chose individuelle forcement...un état de chose individué ou une chose individuelle, c’est un « sinsigne », S, I, N, signe. Pourquoi le préfixe « sin » ici ? ... Peirce l’explique ... est le même que pour singulier. Un état de chose individué ou individuel. Troisième réponse possible : ce qui fait signe c’est une loi. C’est une loi ... (Gilles Deleuze se lève pour écrire au tableau) ...alors pardon ... quelle erreur je faisais ... c’est un « légisigne », c’est un « légisigne ». Prenons un exemple : je peux dire le vert est signe d’espérance, le vert est signe d’espérance ... que ce soit vrai ou faux peu importe eihn ... le vert est un signe d’espérance est une proposition où le vert est un qualisigne. Je considère en effet le signe vert comme signe d’espérance et je considère le vert comme qualité pure, qu’elle soit effectuée, qu’elle soit pas effectuée. Quand je dis ... autre proposition ... « la vache reconnaît ce qui est bon à manger par le vert », c’est-à-dire : elle mange de l’herbe, je considère cette fois-ci le vert comme effectué dans un état de chose : prairie, le vert de la prairie. La vache ne confond pas le vert de la prairie avec, en tant qu’il est effectué, avec du vert couleur, pure qualité. Donc ce qui fait signe à la vache lorsqu’on la lâche dans la prairie et qu’elle paisse à tête puissante, obésissant par là ... et montrant qu’elle a saisi un signe ...et qu’elle se met à mâcher ...(Blanc de la cassette audio) ... et la transformer en préfixe, parce que je pense toujours à ça, quant à ce problème annexe dans quel cas est-il nécessaire pour un philosophe de créer de nouveaux termes. Dans quels cas est-ce qu’il peut se contenter de termes déjà connus ... Passons au deuxième aspect du signe ...cette fois ci je considère le signe non plus en lui-même, non plus la question qu’est-ce qui fait signe, mais je le considère par rapport à son objet, sous la question : de quel type est le rapport du signe avec son objet supposé ? Du point de vue de la priméité ...Je dirais qu’il y a certains signes qui renvoient à leurs objets, à leur objet, par des qualités qui leurs sont intrinsèques. Par des qualités qui leur sont intrinsèques. Vous comprenez tout à fait que dans ce cas là, le rapport du signe à son objet est saisi sous l’espèce de la priméité. C’est par des qualités intrinsèques que le signe renvoie à son objet. Exemple ... un tel signe ... oui je l’appellerais selon Peirce : une « icône ». Une « icône » ... et selon lui, un signe qui renvoie à son objet ... enfin ça il faut que vous vous ... en tous cas ceux qui ... il faut à tout prix que vous vous rappeliez de tout ça parce que ... comme nous on va donné ensuite un sens très différent à toutes ces notions, il faut que euh ... euh ... ben oui ... euh ...j’veux dire, c’est du niveau d’uneespèce d’axiomatique, on a le droit euh...on a le droit ...Or une icône vous voyez, c’est... en effet ça paraît coller sa définition de l’icône, parce que ... bien exemple en effet d’un signe qui renvoie à son objet par des qualités qui lui sont intrinsèques à lui : signe, ben une photo. Une photo ... c’est par ses qualités intrinsèques, qu’elle renvoie au modèle. Mais je, je dirais plus : une figure géométrique. Est-ce que c’est pas une icône aussi ? ... Une figure géométrique sous quelle forme ? ... faut faire attention ...Le triangle que je trace au tableau ...Un triangle que je trace au tableau ... est un signe qui renvoie à son objet. L’image du triangle, par des qualités qui lui sont intrinsèques. Il faudra pas s’étonner que ... là je veux pas du tout développer les théories de Peirce à ce point là ...que Peirce dise par exemple que quelque chose comme les diagrammes sont des cas d’icônes. En tous cas vous voyez : l’icône et bien ...du point de vue du rapport du signe à son objet est bien le signe de priméité. Non plus du point de vue de la question de ce qui fait signe, mais du point de vue de l’autre question, de la seconde question : quel rapport y a-t-il entre le signe et l’objet ? Du point de vue de la secondéité : le rapport du signe à l’objet peut-être tel que le signe n’existerait pas, n’existerait pas en tant que signe, sans son objet. C’est-à-dire sans l’existence de son objet. Donc le signe cette fois-ci se rapporte à son objet, en vertu de l’existence supposée de l’objet même. Je dis par exemple : la fumée est signe du feu. Un tel signe se rapporte à son objet par et dans la supposition de l’existence de l’objet, je l’appelle, ou plutôt Peirce l’appelle : un « indice », et il nous dit : la fumée est l’indice du feu. En d’autres termes, le signe est là signe de quelque chose de posé comme existant. Vous voyez bien qu’c’est bien de la secondéité, puisque la secondéité son état naturel c’était vous vous rappelez : le duel. L’indice est un cas de duel ou de relation dyade ou dyade. Le signe renvoie à, et caetera ... Troisièmement, le rapport du signe à l’objet est réglé par une loi. Loi naturelle ou conventionnelle. C’est ce que Peirce appellera un « Symbole ». Et du point de vue des interprétants ... Et bien, les interprétants c’est donc, vous vous rappelez, ceux par l’intermédiaire de quoi ... c’est la tiercéité du signe ... ceux par l’intermédiaire de quoi ... le tiers par quoi ...le representamen rend opératoire, rend efficiente la relation qu’il a avec l’objet. Et en effet ... il y a trois interprétants ...Non seulement l’interprétant c’est la tiercéité du signe ... mais il y a trois interprétants. Il y a un interprétant ... et là alors euh ...comme je voudrais quand même aller vite ... je précise que Peirce lui-même dans ses textes successifs dit : « à là c’est terrible ... c’est très difficile ... c’est pas au point ». Il a pas cessé de varier ... il a pas cessé de varier parce que ...et puis ça l’intéressait beaucoup et puis il a fini par trouver plein d’interprétants, de types d’interprétants, dont je dis bien moi que je m’en tiens moi à des choses très, très élémentaires ... mais c’est déjà, c’est déjà assez varié comme ça. Y a un interprétant que l’on pourrait appeler l’ « interprétant immédiate du signe ». Il l’appelle : l’interprétant immédiate du signe. Et l’interprétant immédiate du signe c’est : la signification. Signification, ça veut dire quoi ? ... Pourquoi est-ce que c’est la signification ? ... Parce que c’est hypothétique, ça n’est ni vrai, ni faux. C’est le domaine de ce qui est ni vrai, ni faux. Le mot « grenade », son interprétant immédiate c’est : ville, arme ou fruit, point d’interrogation. Vous voyez que c’est l’ensemble des significations du mot, c’est hypothétique puisque je ne sais pas, j’ai aucune raison de choisir, et ça n’est ni vrai ni faux. Dans le langage on dirait que l’interprétant immédiate c’est le mot. Un mot n’est ni vrai ni faux, il témoigne d’une possibilité, c’est comme on dirait : une fonction propositionnelle. C’est hypothétique, c’est tout ce que vous voulez ...Et bien, l’interprétant immédiate il l’appelle très mystérieusement, il l’appelle : un « rhème ». Pourquoi il appelle ça un « rhème » ? ... A ma connaissance, parce que j’ai bien regardé les textes anglais, les textes américains ... euh ... je vois pas de justification du mot, parce que le mot, en gros, dérive du grec, et implique un devenir, un écoulement, et lui il emploie rhème pour, comme l’équivalent du mot ou l’interprétant immédiate, de la signification en tant qu’elle n’est ni vraie ni fausse. J’vois pas très bien. J’sais pas. Quoi ... ? Une étudiante pose une question inaudible sur l’enregistrement ... Il connaît pas ! L’objet en devenir, il connaît pas, il connaît pas l’objet en devenir... à d’accord, oui non, non mais notre discussion portait sur ce qu’il a dans la tête lui. Lui il connaît qu’une chose : c’est le possible. En effet, puisque la priméité ... vous vous rappelez ... euh ... oui ... ça c’était, c’est du domaine du possible ... la secondéité c’est du domaine du réel ou de l’existant ... la tiercéité c’est du domaine du nécessaire. Lui il ne connaît que le possible. Alors le rhème c’est bien une figure du possible. Alors pourquoi il a choisi ce mot ? ... enfin ça m’échappe complètement ... puis c’est pas très, très important. Pour le reste ça va mieux parce que, qu’est-ce qu’il y a d’autre que l’interprétant immédiate ? ... Il y a ce qu’il appelle l’interprétant dynamique. Et là alors l’interprétant dynamique ... on s’y retrouve davantage parce que je me demande ... là j’ai un doute ... est-ce que je force pas ... est-ce que je suis bien fidèle ? ...Pour moi il me semble que ça correspondrait tout à fait à ce que nous avons appelé : relation naturelle. C’est la relation naturelle. L’interprétant dynamique c’est : l’ensemble des images auxquelles la première image s’associe naturellement. Question inaudible ... Non, elles ne sont pas données avec elle... mais la relation naturelle fait que l’esprit passe de l’image qui est donnée à ces images qui n’étaient pas données. Et comment il va faire ? Eh ben, en formant une proposition. C’est la proposition en effet. Dans l’interprétant immédiate nous avions un équivalent d’un mot, dans l’interprétant dynamique nous avons l’équivalent d’une proposition. C’est la proposition qui va déterminer l’ensemble des images par l’intermédiaire desquelles, l’image un renvoie à son objet. « Grenade est une ville espagnole », proposition ... Vous voyez que « ville », « Espagne », sont les interprétants dynamiques par lesquels le mot : « grenade » renvoie à l’objet : la ville située en Espagne. J’ai donc une série d’interprétants dynamiques, c’est-à-dire de relations naturelles : « grenade » me fait penser à « ville », me fait penser à « Espagne », etc... j’ai une série d’interprétants dynamiques qui est rapportée ... Donc je peux dire que pour moi c’est des relations naturelles, l’interprétant dynamique, et c’est très normal que elles deviennent opératoires dans la proposition. Qui elle, contrairement au vrai ... euh au mot, la proposition est la possibilité de quelque chose de vrai ou de faux. Ce qui sera vrai ou faux, c’est le jugement qui affirme ou nie la proposition. Euh ....... Proposition, et oui c’est le dicisigne... parce que j’ai pas encore donné le nom du signe. Je dis c’est l’équivalent, et caetera...Ce signe correspondant à l’interprétant... à ... je commence à m’embrouiller ...correspondant donc aux relations naturelles présentes dans une proposition, il l’appelle le : dicisigne, D, I, C, I, signe, c’est le dicisigne. Et enfin il y a ce qu’il appelle l’interprétant final. Voyez : interprétant immédiate, interprétant dynamique, euh... interprétant final. L’interprétant final et ben euh ... c’est ce qui évidement sur un autre plan, mais qui doit bien d’une certaine manière clore la série, parce que sinon la série des interprétants dynamiques, elle va à l’infini. Et comme dit Peirce : " toute pensée renvoie à une autre pensée qui renvoie à une autre pensée, et caetera ... à l’infini." Mais à un autre niveau il y a bien une clôture. Moi j’aurais envie de dire, parce que ça serait trop beau pour nous, mais euh ... y pas de raison que ce soit bien pour nous ... euh ... que ça pour moi : j’arrive pas à comprendre. J’arrive pas à comprendre ce qu’il veut dire Peirce, c’est pas fait ...euh ... Parce que je dis au point où nous en sommes, il n’y a qu’une manière ... là ... ça ne peut être que du domaine des relations abstraites. Et en effet, il semble dire puisque le signe va être nommé : « Argument », « Argument », et de même que le rhème correspondait vaguement au mot en linguistique, et que le dicisigne correspondait vaguement à la proposition en linguistique, voilà que l’argument correspond en effet au raisonnement, au syllogisme. Donc là je peux dire, et il me sentir plus fort pour dire, ah ben oui ... c’est le domaine de ce que l’on avait analysé la dernière fois sous le nom des relations abstraites. Malheur ... il maintient dans toutes sortes de textes, mais en lisant c’est d’une difficulté, que l’interprétant final c’est dit-il, l’habitude. L’habitude, l’habitus, l’habitude. Les textes deviennent très difficiles parce que ... Moi il me paraissait évident que l’habitude c’est précisément ce qui ne fait passer d’un terme à l’autre dans la série des interprétants dynamiques. Pour lui : non. Quelle conception il se fait de l’habitude ? Là ça devient atroce ... On, on retrouve en effet là tout un aspect de la philosophie en effet anglaise et américaine très important ... ça m’est égal ... ça m’est égal ... ça j’y arrive pas, je m’y débrouille plus ... Euh ... Me suffit que au moins par un aspect ... c’est peut-être l’habitude ... peut-être l’habitude, ... une conception radicalement nouvelle de l’habitude ... euh mais, c’était aussi le tissu des relations abstraites présentées dans l’argument. Eh bien vous voyez, vous voyez ...c’est ce tableau qu’il faut prendre ... Nous avons sept, ... neuf ! Voyez que si on continuait ... mais là je vais m’arrêter parce qu’il faut passer à autre chose. Là j’ai mes signes purs ou ce que je pourrais appeler : des grands signes. Tout signe est une combinaison. Déjà vous pouvez penser à combien de combinaisons sont possibles ... Mais parmi les combinaisons possibles ...y en a d’ineffectuables. Pourquoi ... parce que par exemple tout le domaine de la priméité peut pas se combiner avec n’importe quoi. Je prends un exemple, il nous dira ...est très possible un qualisigne, iconique, rhématique. Hein ... A partir de là on est en pleine gaité parce que là ... Alors Peirce ... Vous comprenez tout ce que je vous raconte, c’est que le début de Peirce. Alors bon euh ...là il donne pas de nom ...Parfois il donne un nom ... hein ... et pour le qualisigne, iconique, rhématique, c’est un des plus beaux ... en tous cas c’est le premier ... Ca c’est possible ! Mais y a des cas complètement impossibles ...Bon ... Et puis à la fin de sa vie, plus il avançait ... moins ça le satisfaisait tout ça. Alors il a bien publié les rubriques là parce que les trois interprétants... Il s’est aperçu que le signe avait, peu importe pourquoi, deux objets et trois interprétants, qu’on a mis là nous, mais lui il s’est mis à les mettre là ! (Gilles Deleuze montre le tableau) Alors il avait deux objets ...et trois interprétants. Du coup il a obtenu beaucoup plus de signes. Ca finissait fantastique, manifestement son rêve c’était de faire une classification à quatre mille, cinq mille euh ...signes ...Euh ... Alors bon, c’est ce que l’on appelle l’œuvre d’une vie. Mais en même temps il faisait de la logique formelle, il mettait tout ça, il formalisait tout ça, c’est une œuvre très extraordinaire, bon ... Rideau, parce que nous voilà alors devant le problème et là ... Euh nous, je veux dire c’est pas que euh ... On peut pas rivaliser avec un philosophe comme ça, il ne s’agit pas, il s’agit pas du tout de ça. Mais nous ... et c’est pas des objections ... euh ... Quand j’essaye de vous le dire tout le temps ... Quand vous lisez quelqu’chose, n’importe quoi ... par exemple ... Il y a des choses qui vous servent et puis ... vous dîtes ça c’est pour moi et puis y des choses qui ne sont pas pour moi, bon. Quand vous écoutez, quand vous écoutez un cours, y des trucs pour vous et des trucs pas pour vous. Euh ... ça fait partie des mystères ça. Pourquoi qu’c’est pour nous, pourquoi qu’c’est pas nous ...Euh ... personne ne le saura ...Bon, euh ...si, peut-être ... mais il faudrait bien chercher ... c’est, c’est vraiment là le problème de l’affinité des concepts. Eh ben euh ... donc moi je ne me permet aucune objection ...quoi c’est apprendre à se taire pour aller plus vite ... Je me dis juste qu’est-ce qui, qu’est-ce qui me va, qu’est qui me va pas là dedans. Je l’ai déjà dit la dernière fois, c’est qu’euh ... je précise juste déjà qu’est-ce qui peut m’aller, qu’est-ce qui me va pas... Je remarque, et je me dis : et mon Image-perception, et mon Image-perception, y a pas de place pour elle là dedans... Ce qui me paraît évident, c’est que pour moi ... encore une fois si vous consentez à ce que ce soit pas une objection, il en dit trop et il en dit pas assez. D’un côté il en dit trop parce que pour le moment, moi j’aurais rien à faire de la tiercéité. Evidement c’est gènant parce qu’il se dit : « ceux qui ne comprennent pas la tiercéité, ils comprennent rien ... » mais moi j’en aurais à faire pour autre chose de la tiercéité. Mais en revanche, j’aurais rudement besoin d’un ... de quelque chose. Car en effet c’est effarant quand même ... Là j’peux dire il exagère Peirce ... Parce qu’il se donne, lui, ces trois images, là-haut, priméité, secondéité, tiercéité, il nous dit : « le phanénone ... » c’est-à-dire l’apparaître « est organisé comme ça, et allez vous faire voir ! » Mais c’est pas bien du tout ça ! D’où elles viennent ? ... Qu’est-ce qui va rendre compte de cette triple racine du phanénone ... de cette différenciation du phanérone ? Il ne nous le dit pas ... C’est comme ça parce que c’est comme ça ... Mais moi j’veux pas ! Je voudrais que soit clairement indiqué, et vous voyez pourquoi ...Y aura aucune analyse chez lui du phanérone ... Mais nous ... Alors il a le droit ...Mais nous on est forcé parce que nous on n’est pas parti du phanérone comme ça ... on est parti d’une longue description de l’Image-Moument ou de l’Image-Lumière. C’est-à-dire notre phanérone à nous, on en a fait une très longue description. Donc notre Image-Mouvement, notre Image-Lumière à nous, elle avait déjà une parfaite consistance. Bien plus : elle s’étalait sur tout un plan d’immanence ! Vous vous rappelez. D’où nécessité pour nous de rendre compte de la différenciation des images de priméité, de secondéité et même de tiercéité. En d’autres termes, il nous faut quelque chose qui rende compte de cette différenciation. En d’autres termes, une racine de la différenciation. Un, deux, trois. Il nous faut quelque chose qui ne soit déjà plus l’Image-Mouvement, et qui ne soit pas encore ni de la priméité, ni de la secondéité, ni de la tiercéité. Quel autre mot voulez-vous lui donner que « zéroité » ? Donc il faut là une zéroité, qui elle-même aura des signes. Mais alors si on fait ça ... bien plus ...Puis si pour d’autres raisons on est amené à repousser provisoirement la tiercéité ... qu’est-ce que ce sera un signe alors ...pour nous ... ? Il faudra évidement que ce soit tout à fait autre chose. Je veux dire ceci, et c’est ma première remarque : il me semble que il n’en dit pas assez ... il n’en dit pas assez ... si je résume ... c’est parce que : il n’y a pas chez lui d’engendrement, des variétés d’images. Nous il nous faut un degré zéro qui explique comment et pourquoi l’Image-Mouvement donne lieu a de la priméité et de la secondéité. En d’autres termes, il nous faut une zone qui rende compte de la naissance des images spéciales au sein et dans l’univers de l’Image-Mouvement ou de l’Image-Lumière. Or on a vu ... si vous vous rapportez à ce que l’on a fait au tout début de l’année ... on l’a vu ça ... Qu’est-ce qui assure le passage ... de l’Image-Mouvement aux images spéciales ? Et qui donc est à la fois une image spéciale déjà et encore participe au plan de l’Image-Mouvement. C’était précisement l’Image-Perception. Et pourquoi l’Image-Perception avait-elle ce privilège ?

Là il faut le rappeler sinon ça n’a aucun sens ... L’Image-Perception avait ce privilège parce qu’elle participait à un double système ... elle était inséparable d’un double système. Elle participait premièrement : au système des Image-Mouvements qui varient toutes les unes par rapport aux autres sur toutes leurs faces et dans toutes leurs parties et en ce sens toutes les images quelles qu’elles fussent étaient des perceptions en soi.

-  Et l’atome était une perception en ce sens qu’il était la perception de toutes les actions qu’il subissait et de toutes les actions qu’il opérait sur ce plan d’immanence des Images-Mouvement. Donc je dis que l’Image-Perception par un de ses pôles, renvoyait au monde des Images-Mouvements et de leurs variations universelles. Et d’un autre côté en même temps, l’Image-Mouvement ... l’Image-Perception, la perception, exprimait par son autre pôle le mouvement ... non, le processus par lequel le système des Images-Mouvements allait s’organiser autour d’un centre d’indétermination, c’est-à-dire : où toutes les images allaient varier pour une seule et par rapport à une seule. Et par rapport à ce second système, je ne disais plus toutes les choses sont des perceptions, je disais : « quelqu’un perçoit quelque chose. » Quelqu’un ... un centre d’indétermination, perçoit quelque chose. Les images cessaient d’être en soi, les images devenaient ..., le phanérone cessait d’être en soi ... Il devenait pour quelqu’un, et par rapport à quelqu’un, par rapport à quelqu’un qui le percevait, un sujet percevant.

Mais l’Image-Perception ... ne cessait pas d’osciller d’un de ses pôles à l’autre. Exemple évident que l’année dernière on avait beaucoup analysé à propos du cinéma ... Il suffit que le sujet percevant ... J’ai donc mes deux systèmes ... Premier système : toutes les images varient les unes pour les autres ; deuxième système : les images varient par rapport à une image privilégiée... C’est les deux pôles de l’Image-Perception ... d’accord ? Mais si le sujet privilégié, si le centre privilégié, si l’image privilégiée se met à bouger elle-même, plus elle sera mise en mouvement plus elle tendra à reconstituer l’universelle variation.

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L’association Siècle Deleuzien