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22- 02/11/82 - 2
Gilles Deleuze - Cinéma , cours 22 du 02-11-82 - 2 transcription : Anna Mrozek Voilà, Ce point, je voudrais le dire trés vite, en le prenant pour lui même. Mon souhait, c’est que vous lisiez au maximum, ma référence, c’est Bergson : premier chapitre de "Matière et Mémoire", Et c’est un Bergson qui n’a rien à voir avec le Bergson qu’on a retenu, au niveau de l’opinion, à savoir un philosophe qui nous parle de la Durée. En effet, là au contraire, il nous parle de la Matière. Et je dirai solennellement quand je passe à une nouvelle rubrique - j’espère ne pas rester longtemps là dessus. Dans ma nouvelle formule j’ai pensé à tout, j’ai acheté de la craie. parce qu’il me faut de la craie mais il n’y en avait plus de blanches. Alors j’ai de la craie de couleur. Vous préferez quoi ?
Si nous nous donnons un ensemble infini qu’on va appeler images - il faut encore le définir, de telle manière que l’on comprenne pourquoi le mot "image" est employé. "Un ensemble infini d’image"s : images parce que ce sont des choses qui ne cessent pas de varier les unes en fonction des autres, les unes par rapport aux autres, sur toutes leurs faces et dans toutes leurs parties. En effet, une image étant donnée vous pouvez la diviser, si loin que vous alliez, vous la divisez en parties, vous pouvez la retourner. Combien elle a de faces ? petit n ! Elle a petit n faces. Je ne me donne encore aucune dimension de l’espace. Je ne sais pas, je par de ça. Vous me direz : facile. Non, pas facile. Pourquoi est-ce que je pars de ça ? On ne pourra le comprendre qu’après. Je me donne un ensemble à "n" dimensions et à "n" termes, que je définis par un ensemble de choses, c’est le mot le plus vague : "un ensemble de choses qui varient perpétuellement, continuellement les unes par rapport aux autres sur toutes leurs faces et dans toutes leurs parties".
En d’autres termes ça n’arrête pas de bouger. Je les appelle" images" parce que image c’est là où coïncident l’être et l’apparaître. Je dirais aussi bien c’est le "Phénomène" ; image ou phénomène je les prends dans le même sens. C’est ce qui apparaît. Ce qui apparaît sur le plan, c’est cet ensemble d’images, bien plus c’est le plan lui-même. Si quelqu’un me dit : je ne suis pas d’accord, ça n’a pas de sens. Si quelqu’un me dit : tu as oublié quelque chose c’est bien, c’est une parole utile. Mais comme je n’ai encore rien dit...
Supposons, tiens je lui donne un nom : c’est le plan de consistance. Pourquoi ? Comme ça, on va voir qu’il se passe ensuite des choses. Qu’est ce qui peut se passer ? Je le garde mon plan
Passons à un mode lyrique. Je dirais de ce plan qu’il est l’ensemble de toutes possibilités.
Hors de lui il n’y a rien. Il est l’ensemble de toutes possibilités.
Je dirais aussi qu’il est la matière de toute réalité.
C’est en même temps qu’il est l’ensemble de toutes possibilités et la matière de toute réalité. Enfin, pour autant que la loi, et qu’on appelle loi, le rapport d’une action et d’une réaction, je dis qu’il est la forme de toute nécessité. Voilà que j’ai comme "chanté" ce plan : ensemble de toutes possibilités, matière de toutes réalité, forme de toutes nécessités. Là, alors, pure association d’idées, ça me rappelle quelque chose. Vous ça pourrait vous rappeler autre chose, moi ça me rappelle quelque chose, uniquement parce que je suis prof de philosophie. Ça me rappelle quelque chose qui à première vue, n’a rien à voir. je me rappelle : On nous dit qu’il y a un cas où un même concept désigne l’ensemble du possible, la matière du réel et la forme du nécessaire.
Voilà. Vous voyez ce plan. Pourquoi est ce que j’ai fait cette addition ? Pour vous faire sentir, par delà les mots, pour vous faire sentir que ce plan n’était pas une petite chose, mais était une chose grandiose. Que ce plan, constitué d’images-mouvement, agissant et variant les unes en fonction des autres, sur toutes leurs faces et dans toutes leurs parties, ce plan était à la lettre "..", c’est à dire il était Dieu. Alors vous comprenez, si on me dit : est ce que tu crois en Dieu ? je réponds Oui ! Je crois qu’il y a un ensemble infini d’images variant les unes en fonction des autres, sur toutes leurs faces et dans toutes leurs parties, et à cet égard je me dis : "tiens je suis un pur spinoziste". Tout ça est déjà très fatiguant. Alors je me dis : qu’est-ce qui peut se passer sur ce plan ? Du coup je ne l’appelle plus plan de consistance. Je barre consistance. Je m’étais trompé. Il faut l’appeler plan d’immanence. Il n’y a rien en dehors de ce plan, ce plan est partout, tout est sur ce plan. Vous, moi, la salle, le monde ! Il n’y a rien qui n’agisse sur rien, ou plutôt il n’y à rien qui n’agisse ou inter-agisse avec les autres points. On l’a dit tout le temps, les physiciens l’ont dit, chaque point de l’univers est en interaction. Bon les molécules, trés bien, ça m’est égal. C’était vous, sur le plan tout à l’heure, mais c’est aussi bien les molécules. Il n’y a qu’a vous transformer en molécules, en atomes. Je ne fais aucune différence d’échelle. J’en suis dans l’Être originaire. C’est une merveille ! On est en train de nager dans un plan d’immanence où les images que vous considérez, ce ne seront, de toutes manières des images. Vous me direz qu’une image ça se réfère à quelque chose. Pas au point où on en est. Ce n’est pas une image pour quelqu’un. Comment ce serait une image pour quelqu’un, vous "êtes" une image ! J’ai défini l’image par le plan, je ne l’ai pas défini par rapport à quelqu’un. Vous êtes une image, et si vous êtes composé d’atomes, les atomes, c’est des images. Bon, si je prends le système entier des atomes, je n’ai strictement rien à changer, c’est le même plan d’immanence. Un atome agit sur un autre atome. C’est deux images qui varient l’une en fonction de l’autre, en toutes leurs parties et sur toute leurs faces. Et qu’est-ce qu’on appelle un phénomène d’ondulation ?
Question : inaudible J’ai fait une imprudence, j’ai été trop vite Consistance, je m’étais trompé, où ça sera pour plus tard. Je m’étais trompé. C’est immanence, vous allez voir. Immanence il n’y a pas de contraire, il n’y aura jamais de transcendance, ou si peut-être . Ha si il va y en avoir. Mais ce sera hors du plan. C’est qu’il n’y a pas qu’un plan, vous comprenez. Il va y en avoir pour l’année. Donc vous rayer consistance. C’est uniquement plan d’immanence, c’est Dieu, et nous reconnaissons ce Dieu là, et vous en faites partie, et même vos atomes. Vos atomes sont des dieux. Pourquoi est-ce que j’appelle ça Dieu ? je l’ai dit puisque c’est l’unité du possible du réel et du nécessaire, et que, là, si vous avez fait de la philosophie, tout le monde, n’importe qui, tout philosophe a toujours appelé Dieu :"l’unité du possible, du réel et du nécessaire", c’est à dire l’être tel que son existence, que sa réalité découle nécessairement de sa possibilité.
Maintenant si vous voulez que je fasse une parenthèse et que je vous raconte la preuve ontologique de l’existence de Dieu, qui est imparable, qui vous fera croire à un autre Dieu, mais ça va me nuire. Non je ne peux pas le dire parce que si je vous apprend la vraie preuve de l’existence de Dieu, qui ne peut pas convenir au plan d’immanence, vous allez croire à l’autre Dieu. Or il ne faut pas ! Qu’est-ce qui peut arriver sur ce plan d’immanence ? il n’est rien d’autre que l’ensemble des images-mouvement en interaction. Plan d’immanence ou écran. Comme disait quelqu’un spirituellement , c’est l’écran total ! ça ne vous fait pas rire. Les filles savent ce que c’est l’écran total, mais les garçons...Qu’est-ce qui peut se passer. Là je retombe sur Bergson, mais d’une certaine manière ça y était déjà dans Bergson, chapitre un de "Matière et Mémoire". Bergson n’emploie pas ce terme de plan d’immanence, il n’emploie pas le mot, mais peu importe. "Sur ce plan d’immanence, on doit bien constater qu’il y a certaines images particulières". Attention, quand on fait de la philosophie on n’a pas le droit de changer les conditions d’un problème. Il nous dit : d’accord, sur ce plan d’immanence, il y a certaines images particulières. Bon. Il y a une chose dont il n’a pas le droit, à supposer qu’il y ait des images particulières, il n’aura pas le droit de les définir par d’autres termes que ceux qu’impliquent le plan d’immanence.
Bergson les définit d’une manière étonnante. Il nous dit : "ce sont des images qui présentent, uniquement entre les actions qu’elles subissent - de la part des autres images" -moi, image, je reçois des actions, des autres images, et j’ai des réactions sur les autres images. Action réaction. Image mouvement. Image-mouvement ça veut dire ensembles d’actions et de réactions . Et bien il y a des images très bizarres parce que, entre l’action qu’elles subissent, qu’elles reçoivent, et la réaction qu’elles exécutent, il y a quoi ? Justement il n’y a rien ! C’est à dire qu’il y a un intervallel. Il y a un intervalle ! Dans le cas des autres images vous avez, au contraire, voilà mon image - elle reçoit une action venue d’une autre image, et elle réagit. Une feuille d’arbre, le vent, le vent est une image. Le vent, la feuille d’arbre, la feuille d’arbre tombe, arrachée par le vent. Ou bien si elle tient, c’est en fonction d’une autre image, son pédoncule et elle bouge. La réaction s’enchaîne avec l’action. Là il y a des images très spéciales. Supposez qu’il y ait des images très spéciales. Elles reçoivent des actions et la réaction est à retardement. Vous voyez que je n’introduis rien de nouveau. J’introduis uniquement - et mon plan d’immanence me le permet - je me dis c’est curieux, il y a des intervalleles. J’introduis un intervalle, c’est à dire, à la lettre rien, entre une action et une réaction.
Mais je pense à ceux qui sont philosophes.J’ouvre trés rapidement une parenthèse On a toujours dit que Sartre, et Sartre lui-même n’a pas cessé d’attaquer trés violemment Bergson. Mais ce qui me frappe, c’est que ce n’est jamais comme les gens disent, parce que si vous prenez le début de "l’Etre et le Néant", à mon avis c’est exactement la même chose que le premier chapitre de "Matière et Mémoire". A un point très étonnant. car sartre qu’est ce qu’il nous dit ? Sauf que je préfère la présentation bergsonienne à la présentation sartrienne. Qu’est-ce qu’il nous dit, Sartre, au début de "l’Etre et le Néant", il nous dit au début de ce beau livre, il y a le monde et ce monde je l’appelle l’en-soi. Là aussi on ne va pas discuter. Avant de savoir si c’est une bonne idée, il faut attendre, on va voir ce qu’il va en tirer. "Il y a l’en soi". Et il dit : "et dans ce monde "en soi "qui ne m’a pas attendu pour exister, et qui a attendu personne pour exister dans ce monde "en soi", il y a des sujets qui naissent. Et là Sartre fait surgir tout son appareil métaphorique à lui, là les concepts sont toujours en rapport avec des métaphores, des petites bulles montent à la surface. Les petites bulles vous avez dejà senti, c’est nous, c’est vous, c’est moi, les petites bulles qui montent dans l’"en soi". Et ces petites bulles ça va être des sujets. Vous, moi, ou des consciences. Mais il ne se donne pas la conscience, Sartre. Il se donne des petites bulles. Alors cet "en soi" ça va être une espèce de marais à la Sartre, ce n’est pas un beau plan comme le mien, un plan bien sec, c’est une espèce de marais où il y a des bulles qui montent. Qu’est-ce que c’est, ces bulles ? Si il dit : c’est l’homme, tout est fichu. L’homme qu’est-ce que ça veut dire, l’homme quoi ? Il s’agit d’engendrer l’homme conceptuellement. Il emploie une expression parfaite, il dit que ce sont de petits lacs de non-êtres, de petits lacs de non-être qui viennent s’installer là, sur le plan. C’est absolument, sous autre appareil métaphorique, c’est absolument l’histoire de Bergson. Son plan d’immanence avec des images variables qui agissent et réagissent sur toutes leurs faces et dans toutes leurs parties, et puis certaines images privilégiées qui se définissent uniquement par intervalle entre l’action subie et l’a reaction exécutée. Cet intervalle, cet écart, c’est l’équivalent des petits lacs de non-être. A la lettre, c’est du rien. Il se trouve que ce "rien", il va faire quelque chose. Qu’est-ce qu’il va faire ? Il va faire trois choses. Je reprends. Là je mets toutes mes petites images, cette infinités d’images. Et puis, les images particulières, pour simplifier, j’en mets deux. bien J’ai le droit, encore une fois, de les avoir mis sur mon plan d’immanence puisque rien, je n’introduis que un écart entre une action et une réaction. Si on me dit d’où il vient cet écart ? je ne sais pas moi, je n’en sais rien, ne pensons pas à ça pour le moment. Accordez moi cet écart puisque je ne me donne rien que de l’action et de la réaction. Je n’ai rien introduit en douce. Très important, la loi de la philosophie et des concepts c’est de s’éviter toute opération de prestidigitation où on file en-dessous quelque chose qu’on aurait pas le droit de se donner. Je les ai là, je n’ai introduit qu’un écart, seulement encore une fois, qu’est ce que cet écart introduit de nouveau ? Selon Bergson il introduit trois choses nouvelles.
Mais en même temps, le plan d’immanence, il va lui arriver des choses. En même temps ça ne supprime rien de ce que je viens de dire, le plan d’immanence, il continue pareil, mais en plus s’y joint quelque chose. La première chose qui va s’y joindre, c’est que toutes les autres images continuent à varier les unes pour les autres, les unes en fonction des autres, mais aussi, en même temps, elles s’organisent de manière à varier toutes, ou du moins une partie d’entre elles - quitte à préciser ce que veut dire " une partie d’entre elles "-, une partie d’entre elles vont se mettre à varier en fonction de l’image privilégiée.
Au lieu d’avoir action-réaction, vous avez les actions reçues qui sont saisies par des parties de l’image qui ont acquis une immobilité relative, les réactions exécutées sont exécutées par des parties de l’image qui ont acquis des degrés de liberté ou de puissance particuliers. C’est compris dans l’intervalle, c’est l’effet immédiat de l’intervalle.
Si vous vous donnez intervalle entre action et réaction, vous n’avez plus enchaînement direct de l’action subie et de la réaction exécutée, c’est à dire que l’action subie va être recueillie sur certaines faces de l’image privilégiée, lesquelles faces sont condamnées à une immobilité relative pour recevoir l’action, pour recevoir l’excitation, et la réaction exécutée qui se fait attendre, la réaction retardée, va être assurée par d’autres parties de l’image, qui elles, du coup, disposent de degrés de liberté supérieurs.
Qu’est-ce que j’ai, donc ? Si je me donne ces images privilégiées définies par écart entre action et réaction j’ai déjà deux effets :
Ça implique quoi ? Encore une fois le centre d’indétermination est constitué de telle sorte que certaines de ses parties ont pris une immobilité relative, ce qu’on appellera dans notre langage : organe des sens. Et c’est par ces parties immobilisées relativement, que l’image privilégiée va percevoir les excitations... . |
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