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13- 16/03/82 - 2

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40.5 Mo MP3
 

transcription : Yaelle Tannau cours 13 du 16/03/82 - 2

-  Vive le naturalisme. Quelle merveille. C’est comme le monde d’Empédocle quand il est mené par la discorde : des yeux sans front, des mains sans bras, tous les objets partiels qui se réunissent et qui clapotent. Qui forment une espèce de marécage.

-  Voyez à quel point ce n’est plus du tout l’expressionnisme. C’est le monde des pulsions et de leurs objets. Ce n’est plus du tout le monde des affects que là je veux pas - je ne développe pas. Bon ! Il y a donc cette pente commune qui va du monde originel dans son commencement absolu à sa fin radicale. avec quand même, c’est trop triste tout ça. A moins que...c’est comme l’entropie du monde originaire. A moins que le monde clos, le monde originaire dans sa clôture, dans sa pente, dans son entropie, ne soit quelque part ouvert sur l’Ouvert. Ou "entrouvert". A moins que ne se produise une remontée d’entropie. Une "neguentropie". Qu’est-ce qui amènerait cette remontée d’entropie ? Est-ce qu’il y a un salut ? Dieu que les naturalistes sont loin de la mystique. Mais ils n’ont pas cessé de poser le problème de la foi.

-  Est-ce qu’il y a un salut ? pas au sens général, mais une fois dit que c’est eux qui ont inventé ce problème, des mondes originaires, vases clos dans lesquels ils découvraient sous les états de choses déterminés, dès lors ils ne pouvaient pas ne pas rencontrer le problème de : est-ce qu’on va s’en sortir ? Et qui nous en sortira ? Quelle foi ? Et ils oscillaient entre plusieurs réponses, sans doute. Peut-être une foi de type religieuse, c’est à dire toute religion abdiquée. Extraire de la religion une foi, c’était une réponse possible. Ou bien alors peut-être l’amour. Mais quel amour il faudrait pour remonter cette entropie, pour ouvrir ces mondes clos ? Ou bien le socialisme révolutionnaire. Et après tout c’était déja toutes les directions de Zola. Comment sortir de ces mondes originaires : par l’amour, par le socialisme, par un équivalent de la foi. Est-ce que c’est possible ?

Voilà en trois moments le tableau que je voulais faire : A mon avis il n’y a que deux types, qui, dans le cinéma, aient construit d’un bout à l’autre ce monde des pulsions et des objets, et fait voir les mondes originaires sous les états de choses déterminées : c’est evidemment Stroheim et Bunuel.

-  Et c’est ça, le cinéma d’action de Stroheim et de Bunuel.

On va le voir, la question est trés juste. - Je vais essayer de montrer en quoi tout ce que j’ai dit sortait bien du cinéma de Stroheim et du cinéma de Bunuel. Mais en d’autres termes, je dirais presque, que c’est du cinéma d’avant l’action, pas du cinéma d’action. C’est pas du réalisme, c’est du naturalisme. Et c’est très très différent. C’est ce monde des pulsions et de leurs objets. Et filmer des pulsions et leurs objets, à ma connaissance, le cinéma américain quelque soit sa puissance - rappellez vous Marey, je ne dis pas que c’est mieux - n’a jamais rien compris à ce problème. Si bien que Stroheim et Bunuel ne pouvaient pas être intégrés dans le cinéma américain, même quand ils étaient à Hollywood, ou quand ils y allaient.

-  Or, le vrai truc du cinéma américain, en simplifiant beaucoup, ça a été le cinéma d’action. Ils ne croient pas à des idées de mondes originaires, forcément, l’idée des mondes originaires c’est une idée tellement européenne, découvrir des mondes originaires sous les états de choses déterminées, c’est pas du tout une idée d’américain, c’est une idée de vieil allemand ou d’espagnol un peu tordu, quoi. Oui c’est très curieux. Or à ma connaissance il n’y a qu’eux qui ont saisi ça.

-  Question : - Et Ferreri il est dans quoi ?

- Ah, Ferreri c’est un cas. Peut-être que Ferreri serait dans cette lignée. Ce serait interessant de voir Ferreri sous cet aspect. Il y a des films, je vois tout de suite à quoi vous pensez, ouais c’est même trés bien

il faut que je courre au secrétariat.. ne partez pas, vous aussi ?

GD ; Faut fermer la porte si vous voulez bien, ça y est ? Alors ? elle m’agace cette porte... je hais les portes...

Alors je voudrais dire très vite ce que c’est que ce "naturalisme". Si vous m’avez compris, tout le monde sait que chez Bunuel par exemple, la question de son "surréalisme" est une question très difficile à poser. Je veux dire à cet égard une chose très très simple : l’équivoque du rapport Bunuel\surréalisme s’explique très facilement. C’est que ce qui est surréel pour Bunuel, c’est précisément la découverte et la construction de ces mondes originaires. Et cela avait assez peu de choses à voir, Breton ne s’y est pas trompé (quand à l’étrangeté des rapports Bunuel\Breton), il sentait bien que Bunuel n’était pas des leurs. A la lettre le premier surréalisme, c’est précisément le naturalisme, si l’on définit le naturalisme par cette construction et cette découverte des mondes originaires interieurs aux états de choses historico-géographiques. Alors... merde ! merde ! vous voulez bien la fermer c’te porte ? Je me sens tres bunuellien, il faut que ce soit fermé tout ça, c’est l’ennemi, je ne crois pas quele salut ne vienne du dehors, il ne peut arriver rien que du mauvais...

- Alors, qu’est-ce que vous retrouvez de commun, entre Stroheim et Bunuel, même dans leur manière de filmer ? Vous avez un premier thème qui est fondamental qui est celui des mondes clos. Même qui, quand ils sont ouverts sur la nature, ça peut être des exterieurs. Mais, les grandes clôtures, même de paysages exterieurs, chez l’un comme chez l’autre, c’est des grands moments. Les montagnes de Stroheim, ce n’est pas rien. Les exterieurs de Bunuel, filmés de telle manière que cela constitue précisément des vases clos. Ces mondes clos qui sont précisément des mondes originaires, c’est à dire, où va se déchaîner l’histoire des pulsions et de leurs objets.

- Deuxième point : Toutes les actions sont rapportées. En effet, c’est la première forme de violence au cinéma. On verra dans notre analyse de l’image-action toutes formes de violences. Mais cette première violence est la violence naturaliste. Première au sens logique où on en est dans notre analyse. C’est la violence des pulsions et de leurs objets. De ces objets arrachés et de ces pulsions qui arrachent. C’est le monde des prédateurs. J’arrache. Et les actions ne sont là que "pour quelque chose", qui est l’action originaire, c’est à dire l’acte de la pulsion. C’est pas des actions, il n’y a pas d’actions dans ce cinéma là. C’est des actes pulsionnels. Qui impliquent au besoin la plus grande ruse, la ruse, cela fait partie de la pulsion, etc. Mais ce n’est pas encore l’image-action au sens du cinéma américain.

-  Ensuite la double pente de la dégradation, où la pulsion et l’objet se précipitent vers quoi ? vers la fin du monde. Fin du monde qui chez les deux, par exemple réunis dans la même image, l’image célèbre de "Folies de Femme" : le cadavre jeté dans le dépôt d’ordures, c’est à dire la finalité commune de la pulsion et de l’objet. Et l’image non moins célèbre à la fin de Los Olvidados : le cadavre du gosse jeté par le dépôt d’ordures. Et, chez l’un comme chez l’autre, l’affirmation que toujours il s’agit d’un monde originaire, ça pourra être chez Stroheim une principauté d’opérette. Ca pourra être une opérette du type "La Veuve Joyeuse". Ca pourra être n’importe quoi. Ca pourra être le casino, dans "Folies de Femme", etc.

Ce monde clos est découvert et posé comme le monde originaire, le monde des origines, c’est à dire le monde qui se définit comme symptôme par les pulsions et par les objets arrachés.

- D’où, chez l’un comme chez l’autre aussi, un type tout à fait nouveau du gros plan. Cette fois et cette fois seulement, le gros plan : c’est bien l’objet partiel. Chez l’un comme chez l’autre, les chaussures comme objets de la pulsion sexuelle. Ou la jambe qui manque. L’infirmité. Mais, voyez, je ne reviens pas sur ce que j’ai dit quand je disais à propos de l’image-affection :" mais jamais le gros plan ne constitue quelque chose en objet partiel". Son opération est tout à fait différente. Là je trouve en effet un autre type de gros plan, mais je n’ai pas à me corriger, car ce n’est pas le gros plan qui constitue la chose en objet partiel, c’est parce que la chose est en elle même objet partiel en tant qu’elle est objet de la pulsion, que dès lors elle devient l’affaire d’un gros plan. D’où gros plan de chaussures, d’où gros plan de jambes qui manquent, d’où gros plan d’infirmité, etc.
-  La pente commune, c’est finalement la manière dont la pulsion prend un monde originaire, vous avez beau l’extraire d’un milieu, il traverse plusieurs milieux, c’est même une de ces différences avec ce qu’on verra tout à l’heure sur le milieu. Il comprend différents milieux, il est orienté comment ? Il a deux coordonnées.
-  Un monde originaire il est déja orienté dans sa distribution des pulsions en riches\pauvres par les classes qui sont une notion dérivée. Mais la brutalité du riche et du pauvre et le bon et le mauvais. Riches\pauvres, bons et mauvais vont quadriller le monde des pulsions et de leurs objets.

Chez Bunuel comme chez Stroheim alors, la manière dont la pulsion alimentaire, la faim, est fondamentalement filmée, surtout Bunuel, cela va de soi. Les correspondances entre les deux m’apparaissent si grandes, dans un commun naturalisme. Mais chacun sait en même temps que ces deux auteurs sont extraordinairement différents. Ce qu’ils ont en commun, je peux le dire aussi : vous savez que Stroheim, d’une manière pathétique, dès qu’il n’a plus pu faire de films, il mourait tellement de ne pas pouvoir faire de films, qu’il faisait des pseudo-romans.

Et ces romans sont des scénarios de ce qu’il aurait voulu faire. Ces romans sont des romans lamentables, si on veut poser la différence entre romans, c’est très mauvais, mais comme scénarios c’est sublime. Il a écrit beaucoup à cet égard, ce sont de purs scénarios, admirables. Il y en a un, "Poto Poto", qui est très insolite. On a une idée de comment aurait tourné l’oeuvre de Stroheim. "Poto Poto", c’est son grand film africain. Or vous savez peut-être que un des films de Stroheim, "Queen Kelly", qui a été interrompu, comportait un épisode africain. L’héroine Kelly allait en Afrique, et il devait se passer des choses abominables. Et "Poto Poto", c’est la suite, c’est le grand film africain. Où la jeune femme se vend, elle vend son corps, mais d’une manière très curieuse : à la roulette. C’est le monde des riches, ça. Elle vend son corps à la roulette, c’est à dire qu’il y a des hommes qui mettent des mises, et celui qui met la plus grosse mise a le droit de jouer à la roulette avec elle. C’est une scène tyique Stroheim, ça. On imagine ce qu’il en fait au cinéma. Alors bon, il y a une espèce de brute alcoolique, un colonial de l’endroit, qui met une grosse mise, donc il gagne le droit de jouer à la roulette avec elle, et c’est : ou bien elle gagne et elle prend l’argent de la mise, ou bien elle perd et elle se donne à lui. Evidemment elle perd. Et il va l’emmener dans un marais putride où il a installé son système d’exploitation et d’asservissement. C’est un tyran.

Et voila que, et là c’est de plus en plus du pur Stroheim, voila qu’à peine arrivée, elle est lancée dans le marécage de "Poto Poto", et qu’il lance le cri : "Maintenant vous avez reçu le baptême, vous voila nommée citoyen d’honneur de Poto Poto, le cloaque du monde, sur l’équateur. Quel est donc celui qui a dit : "un degré de latitude ou de longitude en plus ou en moins change entièrement le code de la morale et des lois." C’est une espèce de Montaigne ou de Pascal qui a du dire cela. Ca, je dirais en terme de cinéma, c’est le cinéma des milieux-actions. Mais dans le cinéma des pulsions-objets c’est pas ça. C’est pas ça la Loi. "Eh bien ici, il n’en est pas comme ça. C’est pas un degré de latitude ou de longitude en plus ou en moins qui change, parce que, eh bien ici, la latitude est zéro." C’est le monde originaire. "La latitude est zéro ! Nous, de Poto Poto, nous n’avons pas de lois, pas de morale, pas d’étiquette mondaine. Ici, pas de traditions, pas de précédent. Ici chacun agit selon l’impulsion du moment et fait ce que Poto Poto le pousse à faire. Poto Poto est notre seule loi, notre chef tout puissant, roi empereur, mogul, juge suprême. Il est sans merci, il n’accepte aucune circonstance atténuante." Eh bien c’est la latitude zéro, c’est le monde originaire. Voila.

-  Mais vous sentez que malgré tout ces rapprochements, c’est un rapprochement très formel, c’est que on va tout à l’heure revenir au cas en effet que quelqu’un vient de citer parce que cela me paraît passionnant, ça. Est ce que cela ne serait pas quelque chose de l’entreprise en effet très insolite dans le cinéma actuel de Ferreri ? est que ce ne serait pas lui qui aurait compris quelque chose de ce cinéma très curieux, très violent. c’est la première grande violence cinématographique ça. C’est le premier monde de la violence.

-  Je voudrais juste marquer les différences. Qu’est-ce qui fait que, dans cette communauté de styles, dans ce naturalisme commun, le naturalisme Stroheim n’est pas le même que celui de Bunuel ? Ce n’est pas la même chose. Ce n’est pas le même monde. Moi je disais, j’insistais sur ceci. Je commençais avec Zola. Et Je disais : "Ben oui, vous comprenez, chez Zola c’est bien du naturalisme. Mais l’histoire du mouvement naturaliste, si je pousse un peu ma comparaison, elle m’apparaît très interèssante. Parce que, un disciple de Zola s’appelait Huysmans. Et avec Huysmans, il s’est passé quelque chose. Il a fait une espèce de manifeste. En disant : "Eh bien Zola y’en a marre parce que c’est trop restreint, c’est trop réduit. Finalement on nous parle de quoi dans le naturalisme à la Zola ? Eh ben oui on épuise, comme je viens de le dire on épuise chaque chose a un livre pour mais pourquoi ? Pour les pulsions les plus matérielles, les plus animales. Alors oui, un livre ou un film sur la sexualité, un film sur l’avarice, un film sur la faim ou sur l’aliment, il dit : "mais cela ne va pas loin tout ça". Il dit ce qu’il faudrait découvrir, et c’est à ce moment là que Huysmans forme un projet très bizarre, il dit :"Mais il faut comprendre qu’il y a un naturalisme de l’âme. Il n’y a pas seulement un naturalisme du corps, il y a un naturalisme de l’âme. Bien plus, il y a un naturalisme du plus artificiel. Il faut aller encore plus loin, ajoute-t-il, il y a un naturalisme du spirituel, et pour comprendre cela, dit-il, il faudrait avoir la foi et moi je ne l’ai pas encore". Heureusement il l’aura bientôt. Oui, il est aussi las. Il dit : "Mais y’en a marre, y’a pas que des document sociaux, ou des documents psychologiques, il y a des documents d’âmes". Et il prétend renouveler le naturalisme par cet espèce de truc : faire un naturalisme de l’âme. Soit sous la forme des vies artificielles, il dit : "oui finalement le héros naturaliste, c’est pas fameux parce que cela se réduit ou bien à la bête brute, à l’homme dominé par ses pulsions les plus matérielles, ou bien à l’homme quelconque, et ca glisse dans le réalisme". La bête humaine ou bien l’individu quelconque.

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Et alors il raconte comment deux des Esseintes, qui souffrent de toutes les maladies, névrosées jusqu’au bout, organisent une vie de pur artifice. Et, dans le courant du livre, ça glisse tout le temps comme thème : finalement, l’artifice est encore décevant, car ce qui est encore plus beau que l’artifice, c’est le surnaturel. Et le surnaturel, il n’y a que la foi qui puisse nous le donner.

Vous voyez ce glissement de l’homme de la perversion à l’homme de la foi. Qui va constituer un très étrange nouveau naturalisme. Ou on le dirait presque a un point ou le naturalisme et le surnaturalisme ne se distinguent plus. Je dirais presque, là je simplifie beaucoup trop, mais entre Stroheim et Bunuel, il y a quelque chose de semblable à cette différence entre Zola et Huysmans.

-  Car qu’est-ce que c’est finalement la grande différence ? C’est que Bunuel - vous corrigez de vous mêmes - ne cesse pas d’interroger la possibilité qu’existent des pulsions du bien. Ou des pulsions de la foi. La foi comme pulsion. A partir de la, le problème est double. La foi ou le bien comme pulsion. La première réponse de Bunuel, mais c’est pas un retour au naturalisme Zola, c’est bien un autre élément. L’élément a changé. La première réponse de Bunuel, c’est : "Eh bien oui, il y a des pulsions de la foi, et bien plus il y a des pulsions vers le Bien. Seulement elles ne valent pas mieux que les autres". Elles sont aussi dégoûtantes que les autres.

Tout cela c’est le thême des rapports de Bunuel avec le catholicisme, c’est très curieux. Mais je crois qu’au moins on est un peu armés en ce moment pour essayer de comprendre. Mais oui il y a des saints. Mais oui, la sainteté existe, mais vous savez cela ne vaut pas cher, tout ça. Aussi bestiale que la Bête. Aussi pulsion objet partiel. Dans "Mazarin", rappelez-vous ce qui est dit au prêtre : "Toi et moi - et c’est evidemment la voix du démon - toi et moi nous sommes pareils. La seule différence c’est que toi tu est du côté du Bien et moi du côté du Mal, et c’est justement pour ça que tous les deux nous sommes inutiles".

Ca aussi c’est une espèce de phrase clé. "Tous les deux nous sommes inutiles." Si vous vous rappelez "Viridiana", l’homme du Bien ou l’homme de la foi comme radicalement inutiles.

-  C’est un univers clos non moins qu’un autre, bien plus. Ca fait partie du monde originaire clos. Vous aurez les hommes du Bien, vous aurez les hommes du Mal, vous aurez les pauvres, vous aurez les riches, les deux ne se correspondant pas. Vous aurez ces quatre catégories, mais l’inutilité radicale de tout cela, le Bien comme le Mal... mais c’est des parasites. Ce monde originaire n’a comme habitants que des parasites. Pauvres, riches, hommes du mal, hommes du bien, c’est des parasites, c’est des prédateurs.

Bon. Alors tous ces thèmes ils étaient aussi chez Stroheim. Mais je veux dire, chez Bunuel, cela va devenir le thème fondamental.
-  Et, deuxième niveau : et pourtant. Et pourtant, est-ce qu’il n’y a pas un salut ? Ce que j’appelle la remontée de l’entropie. Il y a des déclarations très curieuses de Stroheim, ou il fait semblant d’être un pur chrétien. Mais il aimait tellement faire des déclarations pour étonner, evidemment : il dit "Oh mais c’est très important le christiannisme, moi le christiannisme traverse toute mon oeuvre." Cela ne me paraît pas évident. Mais chez Bunuel c’est évident. Et en effet c’est très lié à : est-ce qu’il y a un salut ? A partir de ces mondes originaires clos, est-ce qu’on peut remonter la pente de la pulsion et de son objet ? Chez Stoheim, je laisse complêtement la question ouverte, parce que là, encore une fois, cette oeuvre a été trop vite interrompue. Je signale juste que, dans les projets de scénarios, quand il a dû interrompre, d’une part on lui a coupé toutes ses fins, le plus souvent, puisque Queen Kelly, du moins reprise par le scénario Poto Poto, est une histoire d’amour pur. Où à la fin les deux héros sortent mais dans quel état du marécage où ils étaient attachés l’un à l’autre pendant que les eaux montaient et que les crocodiles arrivaient, ça aurait fait de ces images, le marécage suivant Stroheim n’aurait pas du tout été un marecage expressioniste, cela aurait été un marécage naturaliste très très curieux, comme le type "dépôt d’ordures", c’est ça qui le fascine : le dépôt. Le dépôt et le cadavre. Mais, justement, les deux amants qui sont attachés l’un contre l’autre pendant que le crocodile arrive et que les eaux montent, formidable ! ils sont sauvés à temps, et c’est l’amour qui les a sauvé. Bon. Il y a la fameuse scène dans Stroheim de le remontée de l’entropie, la scène des pommiers en fleurs et de l’amour pur dans... "Symphonie Nuptiale".

Mais laissons ouvert. On ne sait pas, on ne sait pas ce qu’aurait fait Stroheim. Ce que je dis, c’est que, dans le cas Bunuel, il ya bien un ordre. Cette indication que, par un moyen quelconque, pourquoi ? Par un moyen quelconque peut-être, peut-être... Alors chez lui c’est bien toujours tourné autour de deux Pôles. La révolution ou l’amour. Transformer le monde, changer la vie, enfin tous ces trucs fameux, je n’ai pas besoin de développer cela. Il me semble que ce que j’ai besoin de développer, c’est la nouveauté. La formule "Stroheim", elle est finalement connue. Pas sa manière de filmer, mais dégradation, avec un grand X, est-ce qu’on peut remonter la dégradation ? c’est connu. Ce qui est prodigieux c’est la manière dont il sait filmer une d’égradation.

Quand on dit c’est un cinéaste du temps, je dis c’est vrai et c’est faux. C’est vrai comme on dit dans toutes les histoires du cinéma qu’il est le premier à avoir introduit vraiment la "durée" dans le cinéma, mais on dit toujours cela à propos des "Rapaces". Moi je dis que c’est bien un cinéaste du temps, mais où le problème du temps ne peut pas intervenir comme tel. Donc c’est pas tout à fait vrai, ce n’est pas un cinéaste du temps à proprement parler. Un cinéaste du temps, y’en a pas tellement, c’est un drôle de problème, mais il y a une raison très simple pour laquelle le problème du temps ne peut pas être l’objet vraiment du cinéma de Stroheim, c’est que précisément le temps est subordonné à la pente des pulsions et de leurs objets. Et le temps ne peut intervenir que "en fonction" de ce thème majeur du cinéma de Stroheim. Il ne peut pas passer à l’avant plan, il ne peut pas être traité directement comme tel. Il ne peut être traité que en fonction des pulsions. Tandis que, prenez un autre type, qui a raté, lui, la fonction des pulsions. Il aurait bien voulu mais il était trop élégant, trop aristocrate. Et lui c’est juste l’inverse. C’est parce que lui son problème c’est le temps, qu’il n’a jamais pu arriver au problème des pulsions. Si fort qu’il ait essayé. C’est Visconti. Il était beaucoup trop aristocratique pour arriver à ce monde de violence. Mais enfin peu importe.

Chez Bunuel, il y une formule absolument nouvelle. Qui est que : on se trouve plus devant dégradation, remontée éventuelle de la pente - qui seraient un peu les termes de Stroheim. Parce qu’il a trouvé quelque chose de cinématographiquement signé Bunuel : c’est que pour lui : voila : la dégradation c’est quoi ? Il tourne autour d’un truc : la dégradation c’est la répétition. C’est le premier sans doute à avoir fait de la répétition une puissance cinématographique. C’est la répétition, pourquoi ? Parce que tout se dégrade par le répétition. La répétition c’est la vie, et c’est la dégradation de la vie. Toujours se lever, toujours se coucher, chaque jour se nourrir, comment voulez-vous que cela tourne bien, tout ça ? Comme disait Comtesse tout à l’heure ou plutôt comme disait Lacan, si il n’y avait pas la mort, comment pourriez-vous vivre ? Vous ne supporteriez pas la vie. Or si il fallait que ça dure comme cela, la répétition, c’est la dégradation même. Ce qui va se produire dans l’univers clos de Bunuel, c’est le processus de répétition. C’est ça se qui se passe dans le monde originaire. Le monde originaire est livré à un processus d’auto-répétition qui ne fait qu’un avec sa dégradation même.

-  Mais est-ce que c’est vrai ? Et qu’est-ce qui pourrait nous sauver de la répétition ? La réponse est simple, et après tout elle a été donnée, tiens, et cela va nous permettre de retrouver des philosophes. Qu’est-ce qui peut nous sauver de la répétition : rien, sauf la répétition ? Ah donc, il y deux répétitions. Sûrement il y en a mille, entre autres il y en a deux. Et il y aurait la répétition qui sauve, et il y a la répétition qui tue. Il y a la répétition qui sauve de la dégradation, et il y a la répétition qui ne fait qu’un avec la dégradation et qui remonte la pente de la dégradation. Et qui a dit ça ?

Je vois un premier auteur qui l’a dit sur le mode "burlesque", ou je ne sais pas, burlesque est un mauvais mot, un auteur que les surréalistes connaissaient très bien, et cela ne me paraît pas exclu que Bunuel l’ait connu bien que, à ma connaissance il ne fasse pas de référence à cet auteur - c’est .. croyez pas que je fasse semblant de trainer mais j’ai un trou - l’auteur d’Impressions d’Afrique ?

c’est Roussel. Que les surréalistes aimaient beaucoup. Et Roussel racontait souvent d’étranges histoires comme celle-ci, et si vous écoutez bien l’histoire, vous allez voir tout de suite que c’est du Bunuel : Quelques cadavres, chacun enfermé dans une vitrine, sont condamnés à répéter un évênement fondamental de leur vie. Et un grand savant, cadavre dans sa vitrine, ne cesse de répéter l’évênement fondamental de sa vie, à savoir la mort de sa fille par assassinat. L’enfer répétition, c’est un thème très connu, Strindberg, aussi...mais vous allez voir où Bunuel décolle.

Et puis ce grand savant, cadavre qui ne cesse de répéter l’assassinat de sa fille dans une espèce de somnambulisme absolu, la mauvaise répétition, invente un instrument incroyable pour l’époque. Maintenant, Roussel toujours en avance aurait inventé autre chose. Il invente un synthétiseur, où il emprunte la voix d’une cantatrice. Il trafique tellement cette voix que, il reconstitue la voix la plus naturelle, la plus authentique de sa fille. Et c’est quand il a retrouvé, par le synthétiseur magique, la voix pure, de sa fille, qu’il est délivré de la mauvaise répétition. Et d’une certaine manière, sa fille lui est rendue. Il est guéri. Il revient des morts. Belle histoire. Le même Roussel abonde de ces trucs qui consistent à opposer deux répétitions.
-  La répétition qui enchaîne et la répétition qui libère. Qui sauve. Et il les distribue. Mais vous sentez bien que ce n’est pas de cela qu’il s’agit en fait, il les distribue, l’artiste a tous les droits, pour s’y reconnaître, il y a la répétition imparfaite, et la répétition absolument parfaite. On sent qu’il s’agit d’autre chose. C’est pas la perfection de la répétition en tant que répétition qui est salvateur. Mais c’est une manière symbolique d’exprimer les deux répétitions que de dire que l’une comprend de petites inexactitudes, et l’autre est parfaite et absolument exacte. Tout le monde sent encore une fois qu’il s’agit d’autre chose, dans ces deux répétitions.

Un autre auteur, que je ne sait pas si Bunuel connaissait peut-être, et qui a eu une grande importance pour la philosophie, s’appelait Kierkegaard. Et le grand Kierkegaard écrivit un livre intitulé "La répétition". et dans ce livre il développe l’idée suivante. Il y a une mauvaise répétition, un répétiton démoniaque et qui tue.
-  Et il l’appelle la répétition esthétique. et c’est une répétition qui nous enchaîne. Cela peut être la répétition de l’habitude, ou c’est pire encore : c’est la répétition de Dom Juan. C’est la répétition esthétique de celui qui cherche à revivre le passé. C’est la répétition tournée vers le passé. "Je veux reconstituer l’instant ou je fus heureux". "Je veux que ma fiancée me soit rendue". Mais qui peut me la rendre ? N’a-t-elle pas vieillie et moi aussi.

Vous voyez cette recherche à travers le temps. Ressuciter le passé. Et puis et puis, ils ont beau faire l’artiste, c’est la répétition bourgeoise. Mais dans ce monde bourgeois surgissent d’étranges hommes que vous ne reconnaissez d’abord à rien. Ils ont l’air comme tout le monde. Seulement voilà, leur vrai nom c’est Job. Ou Salomon. ou Kierkegaard lui même. Qui pleurait une fiancée perdue, qui ne cessait pas de pleurer des fiancées perdues.

Et qui se trouvait devant ce problème : comment échapper à la répétition ? Et il découvrait ceci : quelle est l’opération de la foi ? Elle consiste en ceci, et ça c’est une foi dénuée de religion, qu’est-ce que c’est la pointe de la foi quand elle ne dépend plus, quand elle crève le plafond religieux ? que je renonce à tout - non pas pour que - et dans la même opération qui est celle que Kierkegaard appelle un saut : tout me sera rendu.
-  Que je renonce à tout et tout me sera rendu. Bien plus, au décuple. Il faut que je renonce à ma fiancée pour que ma fiancée me soit rendue sous quelle espèce ? Sous l’espèce de lafidélitéabsolue.Oh bien sûr elle ne me sera pas rendu corps et chair. Comment serait-ce possible ? D’ailleurs elle a épousé quelqu’un, c’était le cas de Kierkegaard. Elle me sera rendue "mieux" que "corps et chair". Elle me sera rendue dans la fidélité absolue que j’aurais pour elle. C’est en même temps que je renonce à elle et que j’obtiens la vraie répétition, la répétition qui sauve.

Là on comprend mieux. La symbolique c’était : répétition inexacte, imparfaite, répétition parfaite et exacte, mais plus profondément, c’est répétition esthétique, répétition de la foi. Par la foi. Or c’est ça, chez Bunuel, ce qui fonctionne cinématographiquement. Pour ce qui est de saisir le mouvement de la dégradation, et des petites remontées d’entropie, ça c’est Stroheim qui sait le faire. Il est vraiment du côté de Zola je crois, c’est un espéce d’immense Zola cinématographique.

Mais ce au service de quoi, Bunuel met la caméra, c’est le processus de la répétiton et l’éventualité d’une répétition qui sauve - c’est à dire qui ouvre le monde originaire clos. Et comment cela se voit ça ?

-  Deux cas fondamentaux. Le "Charme Discret de la Bourgeoisie", c’est le type-même de la répétition qui enchaîne. Et en effet dans celle-ci il faut répéter, pourquoi ? Quelle est la loi de la répétition qui enchaîne ? Roussel la donnait déjà finalement. C’est pour cela qu’on ne peut pas exclure une influence à travers les genres, Roussel sur Bunuel. A savoir c’est que l’évênement se défait tout seul avant même de se produire. On n’y arrive pas. Et "Le Charme Discret de la Bourgeoisie", c’est le récit de huit déjeuners ratés qui n’arrivent pas à se faire. C’est à dire qui se défont avant de se faire. C’est la répétition qui enchaîne. Et chaque fois avec une raison différente, une motivation différente. Mais c’est cette série répétitive a huit termes qui va constituer la structure du "Le Charme Discret dela Bourgeoisie". Mais le film encore plus connu à cet égard, c’est "L’Ange Exterminateur".

Et "L’Ange Exterminateur", si je le résume très vite, avant d’en finir, c’est : des gens, des bourgeois - toujours le thème de la répétition liée à la bourgeoisie - se trouvent réunis dans une pièce, là ou ils sont réunis normalement, mondainement. Et les mêmes scènes - dés le début - sont filmées plusieurs fois avec des variantes. Robbe Grillet a repris ce procédé mais lui je crois, dans un tout autre contexte que ce problème des pulsions et de leurs objets ? Faut eviter les rapprochements purement formels parce que les problèmes de Robbe Grillet sont tellement autres Lui c’est plutôt des problèmes de temps, c’est pas des problèmes de pulsions et d’objets, c’est des problèmesde fantasme, c’est très différent.

Au début de ce film, L’Ange Exterminateur, deux personnes sont présentées l’une à l’autre. Une fois c’est filmé de telle manière qu’ils se détournent immédiatement, c’est comme si ils ne se connaissaient pas, comme si ils étaient plutot antipathiques l’un à l’autre, et la seconde fois ils sont filmés comme étant de vieux amis qui se retrouvent. Et dans mon souvenir il y a même un troisième fois où ils sont encore filmés. De même le maître de maison une fois porte un toast dans l’indifférence générale avec brouhaha, avec tout le monde qui parle, une seconde fois porte un toast dans l’attention générale. Et tout le temps c’est comme ça. Vous avez cet espèce de répétition qui répéte par inexactitudes. Et puis vous savez ce qui se passe - ils vont se trouver sans comprendre pourquoi dans l’impossibilité de sortir de la pièce. Ils vont être condamnés à une espèce de répétition. C’est le monde originaire clos. Pourtant il n’y a pas de barrières, personne ne les force, il y a une pulsion. Pulsion qui est leur enracinement dans ce monde originaire. Il a suffit de dégager le monde originaire correspondant à l’état de choses pour que dès lors ils ne puissent pas en sortir, qu’il y ait une pulsion d’enracinement.

Ils vont jouer leur histoire avec chaque fois La main du mort dans celle de l’ange exterminateur, cette espèce de répétition obsédante, etc. et puis il y a une étrange jeune femme, la Walkyrie. Qui a un rôle trés curieux, Qui semble être la fille de Dieu. C’est elle qui a déterminé la première claustration c’est à dire la répétition mauvaise, au moment où elle jetait un briquet dans la vitre. Qui était comme le départ du monde originaire. C’était le signal du départ du développement du monde originaire. Et puis elle se donne ou elle ne se donne pas au maître de maison qui semble bien être Dieu le père et elle même être la fille de Dieu, entre autres. Enfin on ne sait pas très bien parce qu’il semble en même temps que ce Dieu- le-père soit impuissant, enfin c’est la moindre des choses, puisque, c’est des pulsions.

Et ils sont libérés. Le monde clos s’est ouvert. Il s’est ouvert par une répétition de type spécial qui était le rapport de la Walkyrie et du maître de maison. Et vous avez absolument le thème Kierkegaardien ou le thème de Roussel, celui de la répétition qui sauve. Sauf que, elle sauve et elle sauve pas ? Là dessus tous contents ils se retrouvent tous dans une cathédrale, avec beaucoup plus de monde, pour chanter un Tdeum en faveur de la répétition qui sauve. Pas de chance. Ils ont confondus la foi et la religion. Ce Tedeum est une catastrophe puisqu’ils se retrouvent tous plus nombreux que la première fois dans la cathédrale, et ils ne peuvent pas en sortir. Ca va recommencer. C’est à dire, que la répétition mauvaise s’est introduite dans la cathédrale, pendant qu’il y a la rumeur des troubles sociaux et de la révolution à l’exterieur. Donc la répétition qui sauve a raté, mais il y a l’autre posibilité que le monde s’ouvre par la révolution tout ça.

-  Enfin dans un grand grand Bunuel : "La Voie Lactée". Là vous retrouvez tout son thème. Mais bien sûr il y a des pulsions de la foi, il y a tout ce que vous voulez. Seulement encore une fois,
-  premièrement les pulsions de la foi, c’est aussi dégoutant que les pulsions de la pure matière, de la pure bestialité.
-  Et d’autre part, même dans la mesure ou cela n’est pas, tout ça, ça ne fait que des inutiles et des parasites.
-  Et d’autre part, le personnage du christ, lui, est-ce que ce n’est pas la répétition qui sauve ? Et là les commentateurs de "La Voie Lactée", (livre de Maurice Drouzy : Luis Bunuel, Architecte du Rêve), montrent très bien comment techniquement, chaque fois qu’il y a la répétition mauvaise, c’est vraiment la caméra, que ce soit dans les interieurs, ou dans des exterieurs, qui contitue le monde comme un vase clos. Même à l’exterieur, opèrent des prisons, avec des colonnes, avec des jeux très très savants de décors, ou des jeux très savants de caméras.

-  Et au contraire, dans les passages du christ, où on ne voit jamais le ciel, notamment, même dans les exterieurs, et là c’est le monde ouvert. Possibilité d’une répétition qui sauve sous quelle forme ? c’est un christ qui est aussi bien la foi sans religion que la révolution sans quoi ? C’est ça le surréel pour lui. C’est pas quelque chose qui s’oppose au réel, c’est quelque chose qui se passe dans le monde originaire correspondant au monde réel. C’est en passant par le monde originaire que l’on saura si l’on est condamnés, ou si le monde fermé peut être ouvert. Seulement voila, à la fin, doute de Bunuel, Comme Drouzy le montre très bien, à la fin, et c’est la seule fois, sur les images finales, le christ lui même est filmé en vase clos. Comme si il nous avait ouvert la possibilité de la répétition qui sauve, mais il nous rappelait que tout cela - il ne faut pas aller si vite - et pan ! voilà le christ qui réintègre son monde originaire où il est comme les autres, un parasite.

Alors vous voyez ce qu’il se passe enfin, je voudrais que la prochaine fois - en effet votre remarque m’intéresse de plus en plus - possibilité que si vous me suivez dans cette description du premier niveau de l’image-action à savoir : mondes originaires comme forme de secondeïté renvoyant à la secondeïté pulsion/objet et toute cette aventure. En effet quand je dis c’est arrivé deux fois et puis c’est tout dans le cinéma, votre remarque : "c’est peut être ça en effet le problème de Ferreri" notamment dans un film du début de Ferreri ou il y a deux types qui ne cessent pas de souffler sur un ballon, ça se serait très curieux comment il s’appelle ce film ? Epatant - on verra je demande que la prochaine fois surtout ceux qui connaissent Ferreri, on parle de Ferreri...

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