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13- 16/03/82 - 2
transcription : Yaelle Tannau cours 13 du 16/03/82 - 2
Voilà en trois moments le tableau que je voulais faire : A mon avis il n’y a que deux types, qui, dans le cinéma, aient construit d’un bout à l’autre ce monde des pulsions et des objets, et fait voir les mondes originaires sous les états de choses déterminées : c’est evidemment Stroheim et Bunuel.
On va le voir, la question est trés juste. - Je vais essayer de montrer en quoi tout ce que j’ai dit sortait bien du cinéma de Stroheim et du cinéma de Bunuel. Mais en d’autres termes, je dirais presque, que c’est du cinéma d’avant l’action, pas du cinéma d’action. C’est pas du réalisme, c’est du naturalisme. Et c’est très très différent. C’est ce monde des pulsions et de leurs objets. Et filmer des pulsions et leurs objets, à ma connaissance, le cinéma américain quelque soit sa puissance - rappellez vous Marey, je ne dis pas que c’est mieux - n’a jamais rien compris à ce problème. Si bien que Stroheim et Bunuel ne pouvaient pas être intégrés dans le cinéma américain, même quand ils étaient à Hollywood, ou quand ils y allaient.
- Ah, Ferreri c’est un cas. Peut-être que Ferreri serait dans cette lignée. Ce serait interessant de voir Ferreri sous cet aspect. Il y a des films, je vois tout de suite à quoi vous pensez, ouais c’est même trés bien il faut que je courre au secrétariat.. ne partez pas, vous aussi ? GD ; Faut fermer la porte si vous voulez bien, ça y est ? Alors ? elle m’agace cette porte... je hais les portes... Alors je voudrais dire très vite ce que c’est que ce "naturalisme". Si vous m’avez compris, tout le monde sait que chez Bunuel par exemple, la question de son "surréalisme" est une question très difficile à poser. Je veux dire à cet égard une chose très très simple : l’équivoque du rapport Bunuel\surréalisme s’explique très facilement. C’est que ce qui est surréel pour Bunuel, c’est précisément la découverte et la construction de ces mondes originaires. Et cela avait assez peu de choses à voir, Breton ne s’y est pas trompé (quand à l’étrangeté des rapports Bunuel\Breton), il sentait bien que Bunuel n’était pas des leurs. A la lettre le premier surréalisme, c’est précisément le naturalisme, si l’on définit le naturalisme par cette construction et cette découverte des mondes originaires interieurs aux états de choses historico-géographiques. Alors... merde ! merde ! vous voulez bien la fermer c’te porte ? Je me sens tres bunuellien, il faut que ce soit fermé tout ça, c’est l’ennemi, je ne crois pas quele salut ne vienne du dehors, il ne peut arriver rien que du mauvais... - Alors, qu’est-ce que vous retrouvez de commun, entre Stroheim et Bunuel, même dans leur manière de filmer ? Vous avez un premier thème qui est fondamental qui est celui des mondes clos. Même qui, quand ils sont ouverts sur la nature, ça peut être des exterieurs. Mais, les grandes clôtures, même de paysages exterieurs, chez l’un comme chez l’autre, c’est des grands moments. Les montagnes de Stroheim, ce n’est pas rien. Les exterieurs de Bunuel, filmés de telle manière que cela constitue précisément des vases clos. Ces mondes clos qui sont précisément des mondes originaires, c’est à dire, où va se déchaîner l’histoire des pulsions et de leurs objets. - Deuxième point : Toutes les actions sont rapportées. En effet, c’est la première forme de violence au cinéma. On verra dans notre analyse de l’image-action toutes formes de violences. Mais cette première violence est la violence naturaliste. Première au sens logique où on en est dans notre analyse. C’est la violence des pulsions et de leurs objets. De ces objets arrachés et de ces pulsions qui arrachent. C’est le monde des prédateurs. J’arrache. Et les actions ne sont là que "pour quelque chose", qui est l’action originaire, c’est à dire l’acte de la pulsion. C’est pas des actions, il n’y a pas d’actions dans ce cinéma là. C’est des actes pulsionnels. Qui impliquent au besoin la plus grande ruse, la ruse, cela fait partie de la pulsion, etc. Mais ce n’est pas encore l’image-action au sens du cinéma américain.
Ce monde clos est découvert et posé comme le monde originaire, le monde des origines, c’est à dire le monde qui se définit comme symptôme par les pulsions et par les objets arrachés. - D’où, chez l’un comme chez l’autre aussi, un type tout à fait nouveau du gros plan. Cette fois et cette fois seulement, le gros plan : c’est bien l’objet partiel.
Chez l’un comme chez l’autre, les chaussures comme objets de la pulsion sexuelle. Ou la jambe qui manque. L’infirmité.
Mais, voyez, je ne reviens pas sur ce que j’ai dit quand je disais à propos de l’image-affection :" mais jamais le gros plan ne constitue quelque chose en objet partiel".
Son opération est tout à fait différente.
Là je trouve en effet un autre type de gros plan, mais je n’ai pas à me corriger, car ce n’est pas le gros plan qui constitue la chose en objet partiel, c’est parce que la chose est en elle même objet partiel en tant qu’elle est objet de la pulsion, que dès lors elle devient l’affaire d’un gros plan.
D’où gros plan de chaussures, d’où gros plan de jambes qui manquent, d’où gros plan d’infirmité, etc.
Chez Bunuel comme chez Stroheim alors, la manière dont la pulsion alimentaire, la faim, est fondamentalement filmée, surtout Bunuel, cela va de soi. Les correspondances entre les deux m’apparaissent si grandes, dans un commun naturalisme. Mais chacun sait en même temps que ces deux auteurs sont extraordinairement différents. Ce qu’ils ont en commun, je peux le dire aussi : vous savez que Stroheim, d’une manière pathétique, dès qu’il n’a plus pu faire de films, il mourait tellement de ne pas pouvoir faire de films, qu’il faisait des pseudo-romans. Et ces romans sont des scénarios de ce qu’il aurait voulu faire. Ces romans sont des romans lamentables, si on veut poser la différence entre romans, c’est très mauvais, mais comme scénarios c’est sublime. Il a écrit beaucoup à cet égard, ce sont de purs scénarios, admirables. Il y en a un, "Poto Poto", qui est très insolite. On a une idée de comment aurait tourné l’oeuvre de Stroheim. "Poto Poto", c’est son grand film africain. Or vous savez peut-être que un des films de Stroheim, "Queen Kelly", qui a été interrompu, comportait un épisode africain. L’héroine Kelly allait en Afrique, et il devait se passer des choses abominables. Et "Poto Poto", c’est la suite, c’est le grand film africain. Où la jeune femme se vend, elle vend son corps, mais d’une manière très curieuse : à la roulette. C’est le monde des riches, ça. Elle vend son corps à la roulette, c’est à dire qu’il y a des hommes qui mettent des mises, et celui qui met la plus grosse mise a le droit de jouer à la roulette avec elle. C’est une scène tyique Stroheim, ça. On imagine ce qu’il en fait au cinéma. Alors bon, il y a une espèce de brute alcoolique, un colonial de l’endroit, qui met une grosse mise, donc il gagne le droit de jouer à la roulette avec elle, et c’est : ou bien elle gagne et elle prend l’argent de la mise, ou bien elle perd et elle se donne à lui. Evidemment elle perd. Et il va l’emmener dans un marais putride où il a installé son système d’exploitation et d’asservissement. C’est un tyran. Et voila que, et là c’est de plus en plus du pur Stroheim, voila qu’à peine arrivée, elle est lancée dans le marécage de "Poto Poto", et qu’il lance le cri : "Maintenant vous avez reçu le baptême, vous voila nommée citoyen d’honneur de Poto Poto, le cloaque du monde, sur l’équateur. Quel est donc celui qui a dit : "un degré de latitude ou de longitude en plus ou en moins change entièrement le code de la morale et des lois." C’est une espèce de Montaigne ou de Pascal qui a du dire cela. Ca, je dirais en terme de cinéma, c’est le cinéma des milieux-actions. Mais dans le cinéma des pulsions-objets c’est pas ça. C’est pas ça la Loi. "Eh bien ici, il n’en est pas comme ça. C’est pas un degré de latitude ou de longitude en plus ou en moins qui change, parce que, eh bien ici, la latitude est zéro." C’est le monde originaire. "La latitude est zéro ! Nous, de Poto Poto, nous n’avons pas de lois, pas de morale, pas d’étiquette mondaine. Ici, pas de traditions, pas de précédent. Ici chacun agit selon l’impulsion du moment et fait ce que Poto Poto le pousse à faire. Poto Poto est notre seule loi, notre chef tout puissant, roi empereur, mogul, juge suprême. Il est sans merci, il n’accepte aucune circonstance atténuante." Eh bien c’est la latitude zéro, c’est le monde originaire. Voila.
coupure Et alors il raconte comment deux des Esseintes, qui souffrent de toutes les maladies, névrosées jusqu’au bout, organisent une vie de pur artifice. Et, dans le courant du livre, ça glisse tout le temps comme thème : finalement, l’artifice est encore décevant, car ce qui est encore plus beau que l’artifice, c’est le surnaturel. Et le surnaturel, il n’y a que la foi qui puisse nous le donner. Vous voyez ce glissement de l’homme de la perversion à l’homme de la foi. Qui va constituer un très étrange nouveau naturalisme. Ou on le dirait presque a un point ou le naturalisme et le surnaturalisme ne se distinguent plus. Je dirais presque, là je simplifie beaucoup trop, mais entre Stroheim et Bunuel, il y a quelque chose de semblable à cette différence entre Zola et Huysmans.
Tout cela c’est le thême des rapports de Bunuel avec le catholicisme, c’est très curieux. Mais je crois qu’au moins on est un peu armés en ce moment pour essayer de comprendre. Mais oui il y a des saints. Mais oui, la sainteté existe, mais vous savez cela ne vaut pas cher, tout ça. Aussi bestiale que la Bête. Aussi pulsion objet partiel. Dans "Mazarin", rappelez-vous ce qui est dit au prêtre : "Toi et moi - et c’est evidemment la voix du démon - toi et moi nous sommes pareils. La seule différence c’est que toi tu est du côté du Bien et moi du côté du Mal, et c’est justement pour ça que tous les deux nous sommes inutiles". Ca aussi c’est une espèce de phrase clé. "Tous les deux nous sommes inutiles." Si vous vous rappelez "Viridiana", l’homme du Bien ou l’homme de la foi comme radicalement inutiles.
Bon. Alors tous ces thèmes ils étaient aussi chez Stroheim. Mais je veux dire, chez Bunuel, cela va devenir le thème fondamental.
Mais laissons ouvert. On ne sait pas, on ne sait pas ce qu’aurait fait Stroheim. Ce que je dis, c’est que, dans le cas Bunuel, il ya bien un ordre. Cette indication que, par un moyen quelconque, pourquoi ? Par un moyen quelconque peut-être, peut-être... Alors chez lui c’est bien toujours tourné autour de deux Pôles. La révolution ou l’amour. Transformer le monde, changer la vie, enfin tous ces trucs fameux, je n’ai pas besoin de développer cela. Il me semble que ce que j’ai besoin de développer, c’est la nouveauté. La formule "Stroheim", elle est finalement connue. Pas sa manière de filmer, mais dégradation, avec un grand X, est-ce qu’on peut remonter la dégradation ? c’est connu. Ce qui est prodigieux c’est la manière dont il sait filmer une d’égradation. Quand on dit c’est un cinéaste du temps, je dis c’est vrai et c’est faux. C’est vrai comme on dit dans toutes les histoires du cinéma qu’il est le premier à avoir introduit vraiment la "durée" dans le cinéma, mais on dit toujours cela à propos des "Rapaces". Moi je dis que c’est bien un cinéaste du temps, mais où le problème du temps ne peut pas intervenir comme tel. Donc c’est pas tout à fait vrai, ce n’est pas un cinéaste du temps à proprement parler. Un cinéaste du temps, y’en a pas tellement, c’est un drôle de problème, mais il y a une raison très simple pour laquelle le problème du temps ne peut pas être l’objet vraiment du cinéma de Stroheim, c’est que précisément le temps est subordonné à la pente des pulsions et de leurs objets. Et le temps ne peut intervenir que "en fonction" de ce thème majeur du cinéma de Stroheim. Il ne peut pas passer à l’avant plan, il ne peut pas être traité directement comme tel. Il ne peut être traité que en fonction des pulsions. Tandis que, prenez un autre type, qui a raté, lui, la fonction des pulsions. Il aurait bien voulu mais il était trop élégant, trop aristocrate. Et lui c’est juste l’inverse. C’est parce que lui son problème c’est le temps, qu’il n’a jamais pu arriver au problème des pulsions. Si fort qu’il ait essayé. C’est Visconti. Il était beaucoup trop aristocratique pour arriver à ce monde de violence. Mais enfin peu importe. Chez Bunuel, il y une formule absolument nouvelle. Qui est que : on se trouve plus devant dégradation, remontée éventuelle de la pente - qui seraient un peu les termes de Stroheim. Parce qu’il a trouvé quelque chose de cinématographiquement signé Bunuel : c’est que pour lui : voila : la dégradation c’est quoi ? Il tourne autour d’un truc : la dégradation c’est la répétition. C’est le premier sans doute à avoir fait de la répétition une puissance cinématographique. C’est la répétition, pourquoi ? Parce que tout se dégrade par le répétition. La répétition c’est la vie, et c’est la dégradation de la vie. Toujours se lever, toujours se coucher, chaque jour se nourrir, comment voulez-vous que cela tourne bien, tout ça ? Comme disait Comtesse tout à l’heure ou plutôt comme disait Lacan, si il n’y avait pas la mort, comment pourriez-vous vivre ? Vous ne supporteriez pas la vie. Or si il fallait que ça dure comme cela, la répétition, c’est la dégradation même. Ce qui va se produire dans l’univers clos de Bunuel, c’est le processus de répétition. C’est ça se qui se passe dans le monde originaire. Le monde originaire est livré à un processus d’auto-répétition qui ne fait qu’un avec sa dégradation même.
Je vois un premier auteur qui l’a dit sur le mode "burlesque", ou je ne sais pas, burlesque est un mauvais mot, un auteur que les surréalistes connaissaient très bien, et cela ne me paraît pas exclu que Bunuel l’ait connu bien que, à ma connaissance il ne fasse pas de référence à cet auteur - c’est .. croyez pas que je fasse semblant de trainer mais j’ai un trou - l’auteur d’Impressions d’Afrique ? c’est Roussel. Que les surréalistes aimaient beaucoup. Et Roussel racontait souvent d’étranges histoires comme celle-ci, et si vous écoutez bien l’histoire, vous allez voir tout de suite que c’est du Bunuel : Quelques cadavres, chacun enfermé dans une vitrine, sont condamnés à répéter un évênement fondamental de leur vie. Et un grand savant, cadavre dans sa vitrine, ne cesse de répéter l’évênement fondamental de sa vie, à savoir la mort de sa fille par assassinat. L’enfer répétition, c’est un thème très connu, Strindberg, aussi...mais vous allez voir où Bunuel décolle. Et puis ce grand savant, cadavre qui ne cesse de répéter l’assassinat de sa fille dans une espèce de somnambulisme absolu, la mauvaise répétition, invente un instrument incroyable pour l’époque. Maintenant, Roussel toujours en avance aurait inventé autre chose. Il invente un synthétiseur, où il emprunte la voix d’une cantatrice. Il trafique tellement cette voix que, il reconstitue la voix la plus naturelle, la plus authentique de sa fille.
Et c’est quand il a retrouvé, par le synthétiseur magique, la voix pure, de sa fille, qu’il est délivré de la mauvaise répétition. Et d’une certaine manière, sa fille lui est rendue. Il est guéri. Il revient des morts. Belle histoire. Le même Roussel abonde de ces trucs qui consistent à opposer deux répétitions.
Un autre auteur, que je ne sait pas si Bunuel connaissait peut-être, et qui a eu une grande importance pour la philosophie, s’appelait Kierkegaard. Et le grand Kierkegaard écrivit un livre intitulé "La répétition". et dans ce livre il développe l’idée suivante. Il y a une mauvaise répétition, un répétiton démoniaque et qui tue.
Vous voyez cette recherche à travers le temps. Ressuciter le passé. Et puis et puis, ils ont beau faire l’artiste, c’est la répétition bourgeoise. Mais dans ce monde bourgeois surgissent d’étranges hommes que vous ne reconnaissez d’abord à rien. Ils ont l’air comme tout le monde. Seulement voilà, leur vrai nom c’est Job. Ou Salomon. ou Kierkegaard lui même. Qui pleurait une fiancée perdue, qui ne cessait pas de pleurer des fiancées perdues. Et qui se trouvait devant ce problème : comment échapper à la répétition ? Et il découvrait ceci : quelle est l’opération de la foi ? Elle consiste en ceci, et ça c’est une foi dénuée de religion, qu’est-ce que c’est la pointe de la foi quand elle ne dépend plus, quand elle crève le plafond religieux ? que je renonce à tout - non pas pour que - et dans la même opération qui est celle que Kierkegaard appelle un saut : tout me sera rendu.
Là on comprend mieux. La symbolique c’était : répétition inexacte, imparfaite, répétition parfaite et exacte, mais plus profondément, c’est répétition esthétique, répétition de la foi. Par la foi. Or c’est ça, chez Bunuel, ce qui fonctionne cinématographiquement. Pour ce qui est de saisir le mouvement de la dégradation, et des petites remontées d’entropie, ça c’est Stroheim qui sait le faire. Il est vraiment du côté de Zola je crois, c’est un espéce d’immense Zola cinématographique. Mais ce au service de quoi, Bunuel met la caméra, c’est le processus de la répétiton et l’éventualité d’une répétition qui sauve - c’est à dire qui ouvre le monde originaire clos. Et comment cela se voit ça ?
Et "L’Ange Exterminateur", si je le résume très vite, avant d’en finir, c’est : des gens, des bourgeois - toujours le thème de la répétition liée à la bourgeoisie - se trouvent réunis dans une pièce, là ou ils sont réunis normalement, mondainement. Et les mêmes scènes - dés le début - sont filmées plusieurs fois avec des variantes. Robbe Grillet a repris ce procédé mais lui je crois, dans un tout autre contexte que ce problème des pulsions et de leurs objets ? Faut eviter les rapprochements purement formels parce que les problèmes de Robbe Grillet sont tellement autres Lui c’est plutôt des problèmes de temps, c’est pas des problèmes de pulsions et d’objets, c’est des problèmesde fantasme, c’est très différent. Au début de ce film, L’Ange Exterminateur, deux personnes sont présentées l’une à l’autre. Une fois c’est filmé de telle manière qu’ils se détournent immédiatement, c’est comme si ils ne se connaissaient pas, comme si ils étaient plutot antipathiques l’un à l’autre, et la seconde fois ils sont filmés comme étant de vieux amis qui se retrouvent. Et dans mon souvenir il y a même un troisième fois où ils sont encore filmés. De même le maître de maison une fois porte un toast dans l’indifférence générale avec brouhaha, avec tout le monde qui parle, une seconde fois porte un toast dans l’attention générale. Et tout le temps c’est comme ça. Vous avez cet espèce de répétition qui répéte par inexactitudes. Et puis vous savez ce qui se passe - ils vont se trouver sans comprendre pourquoi dans l’impossibilité de sortir de la pièce. Ils vont être condamnés à une espèce de répétition. C’est le monde originaire clos. Pourtant il n’y a pas de barrières, personne ne les force, il y a une pulsion. Pulsion qui est leur enracinement dans ce monde originaire. Il a suffit de dégager le monde originaire correspondant à l’état de choses pour que dès lors ils ne puissent pas en sortir, qu’il y ait une pulsion d’enracinement. Ils vont jouer leur histoire avec chaque fois La main du mort dans celle de l’ange exterminateur, cette espèce de répétition obsédante, etc. et puis il y a une étrange jeune femme, la Walkyrie. Qui a un rôle trés curieux, Qui semble être la fille de Dieu. C’est elle qui a déterminé la première claustration c’est à dire la répétition mauvaise, au moment où elle jetait un briquet dans la vitre. Qui était comme le départ du monde originaire. C’était le signal du départ du développement du monde originaire. Et puis elle se donne ou elle ne se donne pas au maître de maison qui semble bien être Dieu le père et elle même être la fille de Dieu, entre autres. Enfin on ne sait pas très bien parce qu’il semble en même temps que ce Dieu- le-père soit impuissant, enfin c’est la moindre des choses, puisque, c’est des pulsions. Et ils sont libérés. Le monde clos s’est ouvert. Il s’est ouvert par une répétition de type spécial qui était le rapport de la Walkyrie et du maître de maison. Et vous avez absolument le thème Kierkegaardien ou le thème de Roussel, celui de la répétition qui sauve. Sauf que, elle sauve et elle sauve pas ? Là dessus tous contents ils se retrouvent tous dans une cathédrale, avec beaucoup plus de monde, pour chanter un Tdeum en faveur de la répétition qui sauve. Pas de chance. Ils ont confondus la foi et la religion. Ce Tedeum est une catastrophe puisqu’ils se retrouvent tous plus nombreux que la première fois dans la cathédrale, et ils ne peuvent pas en sortir. Ca va recommencer. C’est à dire, que la répétition mauvaise s’est introduite dans la cathédrale, pendant qu’il y a la rumeur des troubles sociaux et de la révolution à l’exterieur. Donc la répétition qui sauve a raté, mais il y a l’autre posibilité que le monde s’ouvre par la révolution tout ça.
Alors vous voyez ce qu’il se passe enfin, je voudrais que la prochaine fois - en effet votre remarque m’intéresse de plus en plus - possibilité que si vous me suivez dans cette description du premier niveau de l’image-action à savoir : mondes originaires comme forme de secondeïté renvoyant à la secondeïté pulsion/objet et toute cette aventure. En effet quand je dis c’est arrivé deux fois et puis c’est tout dans le cinéma, votre remarque : "c’est peut être ça en effet le problème de Ferreri" notamment dans un film du début de Ferreri ou il y a deux types qui ne cessent pas de souffler sur un ballon, ça se serait très curieux comment il s’appelle ce film ? Epatant - on verra je demande que la prochaine fois surtout ceux qui connaissent Ferreri, on parle de Ferreri... |
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