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10- 23/02/82 - 2

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Gilles Deleuze - Cinéma cours du 10 du 23 FEVRIER 1982 - 2

(...) comme si acteur est le rôle des rôles. Et c’est ça que Bergman, d’après une terminologie philosophique tout à fait classique, ou psychologique tout à fait classique - appelle : « la persona ». « La persona » c’est le rôle social, ou du moins, c’est un aspect de la "persona ". Dans tous les films de "Bergson" il y a le ... ! Dans tous les films de Bergman, il y a comme prémice du film - pour une raison ou pour une autre - le rôle social s’écroule.

Deuxième écroulement, plus intéressant, plus important, mais comprenez le premier ne vaudrait rien si - c’est ça que je voudrais, alors là on commence à tenir quelque chose. Parce que si ça consistait à nous dire : " mais sous les rôles sociaux, il y a votre véritable individualité : soyez vous même" - je réponds : c’est peut être vrai tout ça, mais enfin ! c’est ni trés nouveau, ni trés passionnant ! On peut le dire ! A coup sûr vous devinez déjà que ce n’est pas ça, Bergman. Du coup, cela m’intéresse plus ! Bizarrement pour Bergman, le caractère "individuant" du visage et le caractère "socialisant" du rôle sont strictement corrélatifs. Si vous faites fondre l’un, si vous défaites l’un, vous défaites l’autre aussi. On se dit : je ne sais pas si il a raison, mais c’est en tout cas une idée beaucoup plus intéressante, philosophiquement, elle est beaucoup plus intéressante. Et ça renvoie à quel aspect de Bergman ? En même temps que les rôles sociaux tombent, qu’est-ce qui tombent ? Les individuations et vous vous retrouvez devant d’étranges visages, dédoublés ou détriplés. Là on retombe dans les clins d’oeils - quels clins d’œil ? Est-ce qu’ils se ressemblent ? Oui et non, oui, peut-être qu’ils se ressemblent les visages de Bergman. Je cite : j’avais fait une petite liste c’est pour...
-  les deux femmes de "Persona",
-  les 2 femmes de "Face à Face",
-  les 2 sœurs de "Silence",
-  les 2 soeurs et la servante de "Cris et Chuchotements".

C’est ce que je me rappelle un peu, cela fait toute une série, là.

je dis : les facteurs individuants tombent. Il y a l’image célèbre de "Persona", l’image célèbre toujours rappellée c’est et toutes les anecdotes de "Persona" où Bergman décide... est ce qu’il se moque du monde ou est-ce que c’est sérieux ? aprés tout les ressemblances... Il dit que ce qui le frappe c’est la ressemblance entre les deux actrices qui jouent le rôle, dans le film, de l’actrice qui a abandonné son rôle, son rôle social, qui a abandonné sa « persona » et l’infirmière. Il dit : les deux se ressemblent - on lui dit : "pas tellement", puis il dit : "ça dépend du point de vue", il n’y tient pas fondamentalement à l’idée qu’elles se ressemblent, car évidemment c’est un piège - il faut se méfier de la déclaration des gens. La déclaration des gens, à la fois, elles nous aident énormémént et à chaque instant il peut y avoir un piège, un petit piège. Ce n’est pas intéressant qu’elles se ressemblent. Est ce qu’elles se ressemblent ou pas ? Comme vous voudrez, ce qui est intéressant c’est qu’elles sont à un niveau où elles n’ont plus - ça peut être un signe commode qu’elles se ressemblent un peu - Pour le spectateur c’est un signe commode. Et en effet pourquoi en tant que sœurs, elles ne se ressembleraient pas puisque c’est des soeurs ? Mais ce n’est pas ça qui est intéressant. Ce qui est intéressant c’est que plus profondément et en même temps elles se ressemblent, oui ! c’est vrai ! Mais plus profondément, elles sont déjà à un niveau où elles n’ont plus ni à se ressembler, ni à ne pas se ressembler. Pourquoi ? Parce que c’est les critères d’individuation qui ont fichu le camp, qui n’existent plus, donc on est hors de la question : ressemblance ou pas ressemblance. Et ça c’est mieux ! Vous n’avez pas pu abandonné - c’est ça qui est trés beau, il me semble, chez Bergman - vous n’avez pas pu abandonné votre rôle social, sans avoir perdu votre individuation même - pas du tout que les deux soient la même chose mais les deux sont en corrélation stricte.

-  D’où la fameuse image du visage de « persona » où une partie du visage de l’actrice et une autre partie du visage de l’infirmière vont composer - mais c’est autre chose qu’une image composite - vont composer en un gros plan, un visage. Un visage qui quoi ? qui n’est pas le produit de leur ressemblance, qui est le niveau de tout visage, qui est le niveau du visage quelconque lorsqu’il a perdu simultanément et sa socialisation et son individuation. C’est un visage qui n’est plus "individué". Vous allez me dire : il n’est plus individué relativement. Mais cela reste un visage de femme, un au sens de quoi ? un au sens de un - non, même pas un au sens de un - un article indéfini, oui c’est un visage et ce n’est pas une individuation de personne. C’est ça ! C’est en même temps qu’il n’y a plus d’individuation. Dans "Cris et Chuchotements" qui est un film de Bergman trés beau, là où il y a le trio : les deux sœurs et la servante . La servante qui a une espèce de visage lunaire, il n’y a pas forcément composition de deux visages, elle toute seule, elle a un visage complètement lavé, et qui a à la fois abdiqué tout rôle social et toute nature individuée.

-  Il nous reste le troisième point qui en découle : dès lors s’écroule aussi la communication puisqu’ il n’y a plus rien à communiquer. Et là aussi le moment est venu pour nous de rompre trés vite avec les platitudes, c’est des platitudes insupportables sur le drame de la communication, alors que le drame c’est celui de la communication, il n’y a pas de drame de l’incommunication. L’incommunication, c’est la fête. C’est quelque chose ! Aussi bien pour Antonioni que pour Bergman, tout ce qu’on raconte sur l’incommunication, cela fait pleurer, il ne faut même pas en tenir compte. Ce qui est évident c’est que la fonction de communication s’est écroulée puisque il Il n’y a pas rien à faire communiquer, il n’y a plus rien à communiquer et ça se montre comment ? Le visage "gros plan" est frappé de mutité, mutité de l’héroïne de "Persona" , mutité de la servante de "Cris et Chuchotements", etc... ce qu’on appelle l’incommunicabilité dans le monde Bergmanien, bien loin d’être un terme pour Bergman, est comme un préliminaire de départ, ça va trop de soi.

Si vous lancez la question « Oh visage, Oh qu’es-tu visage ? », si vous vous apercevez que les conditions même pour comprendre la question, c’est que le visage renonce à sa triple fonction. Il n’y pas à pleurer sur la non-individualité, la non-communication et la non-socialité. Au contraire, il y a de quoi s’égayer puisque vont commencer les choses sérieuses : à savoir le visage apparaît dans sa nudité, le visage apparaît dans sa nudité même. Et quand le visage apparait dans sa nudité. Alors ce serait ça le gros plan ? Faire apparaître la nudité du visage. On s’aperçoit que la nudité du visage, elle est plus grande, elle est plus intense, elle est plus forte que la nudité de tout corps possible. Ce qui a vraiment à être nu chez nous, pas au sens d’un devoir moral - ce qui peut accéder à la nudité dans une aventure dramatique, c’est le visage. Les corps : rien du tout. La nudité des corps, c’est pas grave, je veux dire les corps tous nus, ils abandonnent rien d’eux-mêmes finalement - c’est pour ça que les naturistes, c’est une aventure facile, je crois - mais les visages tout nus, eux ils abandonnent tout d’eux mêmes, ils abandonnent l’apparence. Les corps tout nus au contraire, ils sont en quête de l’apparence, les corps tout nus, ils ne cessent de crier une apparence de plus ! Mais les visages tout nus, c’est notre vraie nudité.

Si bien que là, je fais une parenthèse très rapide parce que j’en ai dejà honte ! La question de l’érotisme du gros plan, elle n’est pas difficile ! La question de l’érotisme du gros plan qui est fondée dans toute l’histoire du gros plan, par exemple dans les rapports entre le gros plan et le baiser. Comment ça s’explique ça, l’érotisme du visage ? ça s’explique comme ça ! Un gros plan de visage, pourquoi est ce que d’une certaine manière, c’est beaucoup plus érotique qu’à la limite, la scène porno la plus typique ? Quelqu’un l’a compris - qui est pourtant loin de notre domaine actuellement, parce que lui, ce qui l’intéresse, ce n’est pas les images-affections - c’est Hitchcock, les baisers Hichcock en gros plan !

Là aussi, il y aurait une réponse facile - mais très bien, cela va nous aider là, toutes ces réponses faciles que l’on peut éliminer à mesure que l’on avance un tout petit peu - une réponse facile ce serait de dire : bien oui, c’est parce que dans le gros plan, le visage "vaut" pour le corps c’est à dire le visage qui vaut pour le corps, c’est l’objet détaché, mettons c’est l’objet partiel. On nous a assez répété que le gros plan, c’était une "espèce d’objet partiel cinématographique". Nous, on a déjà les pires doutes là dessus ! Est ce que c’est un objet partiel ? Est-ce que l’érotisme du gros plan, est-ce que ça vient de ce que le visage vaut pour le corps ? rien du tout, pas du tout ! Immédiatement j’ai l’impression que c’est pas ça ! c’est que dans un gros plan, le visage devient nu, cela est vrai, il n’y a même plus besoin qu’il y est des baisers sauf pour Hitchcock. Lui, Il lui faut des baisers mais pour des raisons très simples, c’est que lui c’est un tel système d’image-perception et d’image-action que les gros plan ne peuvent intervenir que par les gros plans de baisers. Ce n’est pas quelque chose contre Hichcock. Le cinéma d’Hitchcock étant dans nos catégories, si vous les acceptez, dans notre division abstraite en trois types d’images :
-  image-perception
-  image-affection
-  image-action,

Il ne s’intéresse pas intensément aux images-affection. Le jeu d’acteur qu’il veut c’est une espèce de neutralisation de l’image-affection, et cela va être un prodigieux cinéma à la fois d’images-perception et d’images-action et d’autres types d’images. Donc les rares images-affection qu’il se permette c’est les fameux gros plans de baisers qui en effet représentent une érotisation du visage. Il s’en donne ! Quelqu’un comme Bergman, il n’a pas besoin de passer par le baiser, d’abord ils ne s’embrassent pas tellement les personnages de Bergman, le baiser c’est encore une communication ! c’est pas ça, c’est le visage dans sa nudité. Ce n’est pas un visage qui vaut pour l’ensemble du corps, evidemment non, car la manière dont le visage est nu,c c’est à dire à déposer sa triple apparence, n’a rien à voir avec un corps qui est nu. Qu’est-ce qui surgit ? Qu’est ce que c’est que cette nudité ? Le visage comme étant la figure de tout le corps la moins humaine du corps, du monde. Le gros plan c’est le visage dans sa nudité, le visage arraché à son humanité, le visage devenu inhumain. Si c’est ça ! On comprend toutes sortes de choses ! On est déjà un peu en avance sur ce thème qui pourtant est important, tout un thème qui a parcouru tout le cinéma, ce dernier, finalement il traite le visage comme un paysage. Oui et non... On aurait pu le considérer avant ce problème du rapport.. Il y a une très belle page de Bazin sur la passion de Jeanne d’arc, où il dit Dreyer : il atteint à une espèce d’inhumanité du visage et c’est par là que c’est du cinéma et il ajoute, il a une page belle, les visages sont traités comme des paysages. Dommage on aurait du y penser avant ! Dans notre ordre à nous, pas en soi, on est déjà un peu plus loin. le visage-paysage peut être mais ce n’est pas n’importe quel paysage parce que ça ne vaut que pour les paysages qui ont perdu leur individuation, leur sociabilité, leur socialité et leur communication donc finalement ce qui fonde l’identité du visage et du paysage au cinéma est quelque chose de plus profond que le visage et le paysage. A savoir c’est cette nudité du visage inhumain ou du paysage non-humain. Pourquoi ça ne serait pas pareil ? Alors qu’est ce que c’est ?

En d’autres termes, le visage "gros plan" exprime bien quelque chose mais ce n’est certainement pas ni un rôle social ni un état d’âme. Et c’est sûr que l’acteur au cinéma n’exprime pas d’états d’âmes. Ni état d’âme soumis à une loi de l’individuation, ni rôle social soumis à une loi de socialisation, non.

(coupure)

Ça n’empêche pas que ces visages gros plan sont parfaitement signés. On ne confond pas un gros plan de Marlène Dietrich et un gros plan de Greta Garbo. Je dis juste cela n’a plus rien à voir avec l’individuation, ce qui revient à dire : ce visage dans sa nudité, il y a encore des distinctions, d’où notre problème :

Qu’est-ce que c’est ce visage qui a fait fondre sa triple apparence ? On a une réponse simple cela nous permet d’avancer. Elle est tellement simple que vous allez être déçus tout de suite.
-  Ce visage qui a défait sa triple apparence, c’est un visage qui ne peut être défini dans sa nudité ou son inhumanité même, que sous la forme suivante : il exprime un affect ou des affects et s’il se distingue - ce n’est pas au nom d’une distinction des individus - mais au nom d’une distinction d’un tout autre type, qui est la distinction des affects. Et si les affects se distinguent, ce n’est pas du tout comme des personnes. Voilà, que le visage en lui-même ou du moins tel que le gros plan le présente, peut être défini comme ceci : c’est l’expression d’un affect. Vous me direz du coup : on croyait avoir avancé mais on a pas du tout avancé. Si ! Parce que ce qui s’impose à nous et cela doit nous donner juste déjà un tout léger vertige : c’est la masse de choses qui ne pourront plus nous servir à définir ce qu’est un affect puisqu’il faudra que nous arrivions si j’ai défini le visage-gros plan comme expression d’un affect « pur », je ne peux plus définir l’affect, ni par des états d’âmes individués, ni par des signes et rôles sociaux. Je dirais à la limite qu’un affect, c’est toujours singulier mais c’est jamais individué, c’est ni du général ni de l’individuel.

Donc ajoutons pour le moment que le visage dans sa nudité, dans son inhumanité, c’est l’expression d’un affect « pur », - je n’ai encore rien justifié - c’est-à-dire d’une essence singulière, essence singulière n’ayant rien à voir avec un individu ou une personne. Bon ! Est ce qu’on avance ? Ce visage qui exprime un affect, c’est quoi ? Reprenons, finissons en avec cette histoire d’objet partiel. Quand on nous dit :"un gros plan, c’est un objet partiel" Et le cinéma, là, il a toutes les possibilités pour nous faire valoir des objets partiels, c’est à dire pour séparer des parties du Tout. En effet cela m’intéresse d’autant plus que tout un point de départ sur la confrontation linguistique /cinéma est parti de là. Je me rappelle le texte de Jakobson qui commence par : « Parce pro toto : la partie pour le Tout, métonymie=métonymie=cinéma. »

C’est intéressant pour nous, si on est amené à dire : non ! il me semble que cela n’est pas du tout comme ça il n’y a jamais de partie prise pour le Tout ! notamment dans le cas le meilleur, dans le cas du visage, c’est pas du tout une partie prise pour la personne car celle-ci a fondu dans le gros plan. Alors généralement, il y a beaucoup de critiques qui tiennent à l’idée du gros plan comme une métonymie, c’est-à-dire comme un objet partiel, une partie prise pour le Tout. Simplement il me semble qu’il y a deux manières de le faire : les uns disent :"oui le gros plan c’est un objet partiel" et dés lors, le problème c’est d’injecter cet objet partiel dans la continuité filmique. En tant qu’objet partiel, il introduit une rupture, on ira même jusqu’à parler d’une espèce de castration, il introduit une coupure. Et la question c’est : comment le concilier avec la continuité filmique ?

Les autres diront : rien du tout : Le gros plan est bien objet partiel, il témoigne pour ce qui est le plus profond dans le cinéma, à savoir une espèce de discontinuité filmique. Mais si fort, qu’ils s’opposent les uns et les autres et ils sont d’accord sur le thème : gros plan - objet partiel. Mais nous avons une autre point de départ pour le moment, je ne dis pas du tout que ce soit plus vrai ! on verra où il nous mène ! ça n’est pas un objet partiel, le gros plan. C’est quoi donc alors un gros plan ? cherchons un mot ! C’est l’expression d’une essence singulière, l’expression d’un affect pur », donc disons tout de suite, c’est une entité. Qu’est-ce que c’est une entité ? C’est quelque chose qui - à la lettre n’existe pas. Quelque chose qui n’existe pas, alors on retombe dans l’Idée : Le visage c’est un néant ? mais on peut modérer. Mais comment je peux parler d’une chose qui n’existe pas ? Je peux dire aussi bien : un fantôme. C’est une entité, c’est un fantôme C’est quelque chose qui n’existe pas, oui, c’est à dire une entité, c’est quelquechose qui n’existe pas en dehors de ce qu’il exprime.

-  Une entité c’est un exprimé qui n’existe pas hors de son expression.
-  L’exprimé c’est l’affect « pur », l’expression c’est le visage. L’affect « pur » c’est une entité, mais dés lors l’expression aussi en est puisqu’elle n’existe pas Ou encore on peut dire que c’est l’ensemble « exprimé-expression » qui est une entité c’est à dire un fantôme. Le gros plan présente le visage et l’affect « pur » indissolublement comme les deux parties d’une entité simple si j’ose m’exprimer ainsi, ou les deux éléments d’un fantôme. Ah bon si c’est ça ! cela ne va pas nous arranger tout ça ! Fantôme ! commençons par.. On se repose là dessus, on n’a pas gagné grand chose en apparence ! On se repose ! En quoi c’est concret tout se ce que je raconte ! Qu’est ce que c’est ? Je m’en prends toujours à la conception du gros plan "objet partiel".

L’effet du gros plan ce n’est absolument pas de séparer un objet du Tout, de séparer une partie du Tout, ni d’opérer une coupure, ce n’est pas ça du tout, l’effet du gros plan. Il faut avoir une théorie déjà derrière la tête.. Quant on est naïf comme nous sommes là ! Qu’est-ce que c’est alors l’effet d’un gros plan de visage sur vous, immédiatement ? ce qui vous est presenté, l’image, cette image spéciale, gros plan est arrachée pas à un Tout dont elle serait une partie, elle est arrachée à toutes coordonnées spatio-temporelles. C’est par là qu’elle exprime une essence. Sentez que tout ça, ça se lie. L’ effet du gros-plan c’est quoi ? Ce qui vous est montré n’est plus ni dans l’espace, ni dans le temps. Est ce que ça veut dire que c’est dans l’éternité ? non plus, ce n’est pas dans l’éternité non plus pour autant. Peut-être qu’entre l’espace et le temps et l’éternité il y a tellement d’autres choses. L’image gros plan, c’est une image qui s’est séparée de toutes coordonnées, qui est extraite de toutes coordonnées spatio-temporelles. Un point c’est tout ! C’est le seul moyen d’obtenir de telles images, de faire des gros plans. Vous ne pouvez pas dire que dans un gros plan vous êtes tout prés, sauf grossièrement. Vous êtes ni prés, ni loin. C’est-ce qui vous est présenté qui ne se réfère plus à des coordonnées spatio-temporelles. C’est en ce sens que je disais : c’est une pure présentation d’affects, pourquoi ? parce peut-être que l’affect c’est pareil : l’affect « pur » c’est ce qui ne se rapporte plus à aucune coordonnée spatio-temporelle mais qui n’est pas éternel pour ça. C’est, ce qui est hors de l’espace et du temps.

Il y a quelqu’un qui l’a vu ça, je trouve vraiment les pages belles si bien que je vous les signale tout de suite. C’est un critique dont je vous ai déjà parlé, et qui est important, qui est Balazs. Dans deux livres, Balazs(mais apparemment qui seraient deux versions d’un même livre) : « Le Cinéma » paru chez Fayot, P.57 : « L’expression d’un visage isolé est un Tout intelligible par lui-même. Nous n’avons rien à y ajouter par la pensée ni pour ce qui est de l’espace et du temps. Lorsqu’un visage, que nous venons de voir au milieu d’une foule est détaché de son environnement, mis en relief, c’est comme si nous étions soudain face à face avec lui ou encore si nous l’avons vu précedemment dans un grande pièce, nous ne penserons plus à celle-ci lorsque nous scruterons ce visage en gros plan. Car l’expression d’un visage et la signification de cette expression ( Dans mon vocabulaire Je dirais : le visage comme expression et l’exprimé du visage c’est à dire l’affect ) - n’ont aucun rapport ou liaison avec l’espace. Face à un visage isolé nous ne percevons pas l’espace. Notre sensation de l’espace est abolie. Une dimension d’un autre ordre s’ouvre à nous, celle de la physionomie. - cela devient mauvais pour moi, c’est son affaire, il s’est juste trompé, il voulait dire une dimension d’un autre ordre s’ouvre à nous celle de l’affect « pur). »

Dans « Esprits du cinéma », P.130 : « Si un visage isolé et agrandi nous fait face, nous ne pensons plus à quelque lieu que se soit ni à aucun environnement, même si nous venons de le voir au milieu d’une foule nous sommes à présent brusquement seul avec lui, en tête à tête. Nous savons peut-être que ce visage est dans un lieu déterminé mais ce lieu nous ne l’ajoutons pas par la pensée car ce visage devient expression et signification, même sans y ajouter par la pensée une relation spatiale. Le précipice au-dessus duquel quelqu’un se penche, "explique" peut-être son expression de frayeur mais ne la "crée" pas car l’expression existe même sans justification. (Là, il s’agit bien de l’affect.) Evidemment cela tourne mal aprés car il recommence. Face au visage nous ne nous trouvons pas dans l’espace. »

Donc je dirais, la fonction du gros plan ça n’est pas d’agrandir unepartie mais pas non plus inversement diminuer l’espace, rétrécir l’espace et c’est absolument pas faire valoir un objet partiel. C’est extraire la chose, c’est-à-dire l’image de toute coordonnée spatio-temporelle. Qu’est-ce qu’un gros plan raté ? Il faut encore le faire, facile à dire mais pas si facile à faire. Un gros plan raté, c’est lorsqu’il y a les amarres qui tiennent, les coordonnées spatio-temporelles subsistent. Vous avez beau faire. Je pense à un petit texte très amusant, qui m’a mis dans la joie, un texte d’Eisenstein qui a été publié dans « les cahiers du cinéma » où il dit :« Il y a un gros plan dans "Intolérance" de Griffith. Un gros plan obsessionnel de berceau, qui est censé être quoi ? Et puis il dit dans un film de Dovchenko, il y a aussi un gros plan de femme nue, et les deux, c’est raté. Pourquoi selon lui, c’est raté ? Car dans les deux, cela ne fonctionne pas, le berceau par exemple, reste vraiment lié au fait qu’il y a un bébé qui est né. Alors que toute l’intention de Griffith c’était d’en faire l’expression de l’origine du temps, le berceau du temps.

-  Et l’autre cas c’est Dovchenko, non plus ne marche pas, on l’a vu précédemment nue dans la cuisine entourée de tous ces ustensiles. Ce sont des gros plans ratés, ce sont des images qui même en gros plan, n’ont pas réussi à rompre leurs amarres. » Cela n’a donc pas marché. Alors on en revient toujours là, mais on progresse sur place, c’est bizarre !

Voilà que le visage-entité est bien l’expression d’un « pur » affect ou d’une essence singulière ou encore l’ensemble de deux éléments. Mais ce n’est pas une distinction réelle je ne peux pas distinguer puisque l’exprimé n’existe pas hors de l’expression. Mais je ne les confonds pas. Je ne confonds pas la frayeur-affect « pur » et le visage effrayé et pourtant la distinction n’est pas réelle. La cause de la frayeur est bien distincte du visage effrayé mais la frayeur elle-même n’est pas réellement distincte du visage effrayé. Et pourtant il y a une distinction. A savoir que la frayeur, c’est l’exprimé et que le visage effrayé c’est l’expression : c’est ça que j’appelle le fantôme ou l’entité. C’est justifié puisque, maintenant, je pourrais dire :
-  On appelle fantôme ou entité, toute chose ou être - je dis pas existence puisque ça n’existe pas hors de son expression - j’appelle fantôme ou entité en tant qu’abstraite de toute coordonnée spatio-temporelle, c’est cela un fantôme. On vit dans les fantômes. Alors pourquoi avoir attaché tellement d’importance à l’image-affection au cinéma ? Les fantômes c’est des visages, il n’y en a pas d’autres fantômes que les visages. Qu’est-ce que ça veut dire « on vit dans les fantômes » ? Ce n’est pas du tout des choses archaïques, les fantômes. Le temps de se reposer. Il y a un texte de Kafka qui m’a frappé : Les lettres à Milena, où il parle pour son compte, le monde tel qu’il le voit et on sent tellement que ça lui tient à cœur.

C’est donc plus une anecdote qu’une idée car il vivait comme ça. Cela me fascine, les anecdotes de vie et leurs résonances sur des formes d’art quand il s’agit d’un trés grand artiste. C’est-ce que Nietzsche appelait les anecdotes dans la vie d’un penseur, ... Empédocle et son Volcan, Empédocle se jette dans le volcan. C’est un fait divers de la pensée. Pourtant il se jette vraiment ! Le fait divers de la pensée, c’est quelque chose de formidable, Kant faisait cela durant ses promenades. C’est curieux ce phénomène, le fait divers Kafka. Il vivait comme si le monde était double et le monde moderne. Il disait : « il y a deux sortes de choses au monde : il y a tout ce qui nous aide dans l’espace et dans le temps. Il y a, à la fois l’espace et le temps comme obstacles - il faut bien vous rappeler ça pour l’avenir, on en aura besoin - et tout ce qui constitue cette première lignée, ceux-ci comme obstacles et le moyen de les surmonter. Il disait c’est quoi ça ? et bien c’est toute une série animée par les moyens de locomotion - alors il citait les moyens de locomotion modernes : la voiture, le train, le paquebot ou encore l’avion. » Voilà vous avez votre série.

Mais il disait aussi « Faites attention, il y a une autre série ! Notre monde moderne aurait gagné son entreprise de dominer la nature si , il n’y avait pas : non moins moderne, non moins technologique, il y a une autre lignée : les PTT, le téléphone, la photo...il aurait ajouté après le cinéma, la télé, etc... Il disait ::"c’est comme si la lignée technologique de l’espace et du temps ne pouvait pas progresser sans susciter son opposé. Et en quoi sont-ils opposés ? Ce sont comme les moyens qui vous épargnent toute confrontation avec l’espace et le temps, on prend en charge le mouvement, quelque chose d’autre prend en charge le mouvement. Qu’et ce que c’est que ça ? C’est la lignée qui nourrit et fait naître les fantômes, et notre technologie n’avance pas sans susciter, sans produire autant de fantômes qu’elle produit de perfectionnement technique. Pourquoi qu’une lettre, qu’un coup de téléphone serait un fantôme ? Comme il dit à Milena : « Même avant que la lettre soit partie, les fantômes ont bu le baiser que je t’envoyais. » J’espère qu’il ne le dit pas encore mieux car c’est d’une beauté.

Hors dans son esprit pervers, qu’est-ce qu’il faisait Kafka ? Un humour tellement diabolique, il avait lui, déjà fait son choix et il savait que son choix ferait son malheur et qu’il irait jusqu’à la mort. Son état de santé de santé extrêmement fragile l’empêchait d’affronter les chemins de fer, les voitures et les avions. Il avait choisi la ligne technologique des fantômes. Il se rachetait, bougeait pour voir sa fiancée, non rien du tout. Mais en revanche il lui envoyait lettre sur lettre, la précédente décommandant la précédente, non... la suivante, bref tout cela dans un mélange. Et bien sûr dans son raisonnement, il n’avait pas écrit une lettre que les fantômes l’avaient déjà bue, il fallait en faire une autre. Et son rêve, il disait il avait une fiancée qui était spécialiste des « parlaphones, papophones, parlophones »... je ne sais plus.. C’est la production technologique des fantômes

Vous voyez ces deux lignées... Voilà, le texte, voilà, « Lettres à Milena », aux Editions Gallimard, P.260 : « Je n’ai pour ainsi dire jamais été trompé par des hommes, par des lettres, toujours. Et cette fois, ce n’est pas par celles des autres mais par les miennes. Il y a là, en ce qui me concerne, un désagrément personnel sur lequel je ne veux pas m’étendre. Mais c’est aussi un malheur général. La grande facilité d’écrire des lettres doit avoir introduit dans le monde du point de vue purement théorique, une terrible dislocation des âmes, c’est-à-dire une double perte, de la fonction individuante et de la fonction sociale. C’est un commerce avec des fantômes, non seulement du destinataire mais encore avec le sien propre. Le fantôme croit sous la main qui écrit, dans la lettre qu’elle rédige, à plus forte raison dans une suite de lettres où l’une corrobore l’autre et peut l’appeler à témoin. Comment a pu naître l’idée que des lettres donneraient aux hommes le moyen de communiquer ? On peut penser à un être lointain, on peut saisir un être proche - c’est la série de l’espace-temps.

Là, on est dans l’espace et le temps. Écrire des lettres, en revanche, c’est se mettre nu devant les fantômes (c’est l’essence du gros-plan), ils attendent ce geste avidement. Les baisers écrits ne parviennent pas à destination, les fantômes les boivent en route. C’est grâce à cette copieuse nourriture qu’ils se multiplient si fabuleusement. L’humanité le sent et lutte contre le péril, elle a cherché à éliminer le plus qu’elle pouvait, le fantomatique entre les hommes à obtenir entre eux des relations naturelles, à restaurer la paix des âmes en inventant le chemin de fer, l’auto, l’aéroplane, mais ça ne sert plus de rien. Ces inventions étaient faites une fois la chute déclenchée. L’adversaire, c’est à dire les fantômes est tellement plus calme et tellement plus fort : après la poste, il a inventé la télégraphie, la téléphone sans fil, les esprits ne mourront pas de faim mais nous, nous périrons. » Une drôle de situation !

Je voudrais en finir avec deux remarques. J’ai dit, il y a un cinéaste qui a très bien compris cela : si vous vivez, vous pouvez très bien ne pas vivre comme ça, on a toujours le choix. Votre découpage de concepts, cela peut être tout à fait autre chose que ces deux lignes Lui dans la technologie la plus moderne, il distinguera : la ligne des cordonnées spatio-temporelles l’espace-temps (avion, train...) et la ligne des fantômes (ligne également technologique). Il est le premier à dire cela, que l’un va avec l’autre. Mais il y a une tension entre les deux. La première ligne est la conquête de l’espace-temps et des conquêtes de l‘espace-temps, la deuxième est celle des affects « purs », des entités, la ligne des fantômes.

Wenders est kafkaïen - le texte est issu d’une belle rencontre, mais son cinéma n’est pas une atmosphère Kafka, non, c’est tout à fait autre chose. Tout le cinéma de Wenders est basé sur la coexistence et les interférences entre deux lignes. D’une part, la ligne des moyens de locomotion et leur conversion ... C’est présent dans tous ses films sans exception. En corrélation - et tout le problème c’est comment l’un reagit sur l’autre - la ligne des petites machines à fantômes et les voyages dans l’espace et le temps, vont emprunter tous les moyens de locomotion et c’est par là qu’il une idée de cinéma tout à fait formidable. Tout comme Bergman disait « mon problème à moi ce sont les gros plans de visage, lui son problème ça me paraît être ça, l’histoire de ces deux lignées et leurs rapports.

Dans "Au fil du temps", c’est évident, le voyage auto, camion ... des deux types, l’étrange visite aux machines à imprimer, au cinéma ambulant, etc...se confrontent avec l’autre ligne, les fantômes, il faut traverser ces fantômes en même temps qu’on traverse l’espace et le temps. Il l’a fait une fois mais pas deux de cette manière de traiter ce sujet mais cependant, comme d’une certaine façon obsessionnelle, il le garde toujours,

Si je prends "Alice dans les villes", c’est à l’état le plus pur, les changements de moyens de transports, leur conversion l’un dans l’autre. Bien plus encore, pour faire dormir la petite fille, il lui raconte une histoire - souvent c’est important le dialogue, il dépasse la situation d’où toute son importance : " Un petit garçon joue avec sa maman mais il se perd et il commence par rencontrer une grenouille, il la suit ". Premier moyen de locomotion. Puis il arrive à une rivière et il y a un poisson, il décide de le suivre (changement de transport), il arrive à un pont où il y a un cheval : immobile, il se met en mouvement donc il suit le cheval. Il a changé de moyen de transport encore. Puis il arrive sur une route il voit un camion, il monte dans le camion. Il dit à la petite fille que c’est rudement bien là où il est, car il peut tripoter, il y a la radio, etc...et le camion arrive à la mer et on ne saura plus. Et pendant tout ce temps lui, qu’est-ce qu’il a fait, le petit d‘Alice ? Pendant toute la durée du film, il a pris des polaroïds, en même temps qu’il changeait de moyen de transport. Avion, bateau, métro aerien, tout y passe Ce sont les grandes conversions de mouvement propres à Wenders. Il prenait donc tout le temps des polaroïds ce qui agaçait quelque peu la petite fille. Et tout le film est composé avec de extinctions d’images jusqu’à un certain moment, exactement sur le thème ; le négatif de polaroïd, de même que sur le polaroïd en couleur vous voyez l’image se former. Tout le début d’Alice est prodigieux car on a l’impression d’un caractère très insolite des images, mais là c’est au contraire, des images qui s’éteignent comme pour marquer que c’est comme des polaroïds. Et quand, ils arrivent avec Alice, à Amsterdam, elle se tourne vers lui et lui dit : « Tu ne fais plus de polaroïds », et là le style du film a changé.

-  Ce qui a de Kafkaïen chez Wenders, non une atmosphère générale, c’est cette manière de vivre les deux lignées. Et la confrontation des deux lignées, alors même dans "L’ami américain", là aussi dans toute la conversion des moyens de transports, comment se fait le rapport étrange des deux ? Là aussi il y a abandon et des individuations et du rôle social. La communication, elle passe par quoi ? L’échange de petits objets optiques, des petits cadeaux qui se font, tout l’art des fantômes.

(Intervention : « Dans « Le rendez-vous d’Anna », elle traverse la capitale, passe d’hôtel à un autre. Puis rentre chez elle et écoute ses messages. » Deleuze : Oui, en effet, dans « Le rendez-vous d’Anna » d’Akermann.

Ce que dit Kafka, c’est que finalement la ligne technologique pure, moyen de locomotion qui permet de vaincre l’espace et le temps, est vaincue d’avance par la ligne des fantômes. Elle sera noyée pour les fantômes, on périra, on n’aura plus aucun contact avec le réel. Fini tout ça, c’est déjà fait. Il n’y aura plus comme chez Wenders, ce sens étonnant de (l‘espace ?...), ces interférences entre les deux lignées (machine fantomatique et espace-temps), il n’y aura plus ni interférence ni concurrence, tout sera rabattu sur une seule et même lignée, entre machine fantomatique et machine espace-temps : les machines à fantômes, les lettres. Le caractère fantomatique des lettres apparaîtra de manière très... Je cite, l’importance des lettres précisemment dans le cinéma de Bergman, dans le livre de Denis Marion sur Bergman, il cite deux cas, non, P.37, voilà : « Dans "les communiants" c’est un pasteur qui reçoit de sa maîtresse, une lettre traçant le bilan de leurs rapports. Il y aurait, dit Marion, l’auteur, deux manières de filmer cette séquence
-  1) on voit la femme écrire la lettre, Ou alors :
-  2) on voit l’homme en train de lire cette lettre. Bergman invente lui, une troisième méthode :
-  3) pendant que le pasteur lit la lettre, la femme en premier plan, en dit les phrases sans les écrire. trés interessant Dans "Sonate d’automne", le texte d’une lettre est présentée de manière encore plus artificielle, il est réparti entre celle qui l’écrit, son mari qui en prend connaissance et la destinataire qui ne l’a pas encore reçue. On voit bien là, il n’y a plus de lutte, interférence entre les deux lignées technologiques, les fantômes ont déjà gagné, la ligne des fantômes a déjà gagné

et il dira : « Je ne peux faire que des gros plans, les rares trains que je mettrai, les rares moyens de communication que jemettrai, seront rendus suffisamment indéterminés pour qu’ils soient soumis à des affects « purs », ce sera un monde où n’existera plus ni perception ni action, car de tels fantômes habitant un tel monde ne pourront percevoir et agir que par leurs affects". Les affects feront/seront les actions et les perceptions de ces fantômes qui peuplent un tel monde." Je ne veux pas dire que le cinéma de Bergman va plus loin que celui de Wenders mais que Bergman a complètement décalé le problème.

Alors voilà, pour le moment nous en sommes à ce rapport fantomatique entre le visage et l’affect mais, sans avoir fait encore l’analyse des affects « purs », de cette ligne des fantômes. Oui, une seconde, oui.

(Intervention ...)

A mon avis, je dirais écoutes, il ne faut pas, j’essaierai d’en parler un petit peu la prochaine fois, tu me le rappelles, hein ? Le masque n’a aucun privilège, car le masque c’est une notion ambiguë, je veux dire qu’un visage démasqué peut être beaucoup plus masque lui même qu’un visage avec un masque, alors ce que je dirais, alors ça, tu y penses la prochaine fois.

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