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- 04/06/1985 - 2

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Gilles Deleuze - cinéma et pensée cours 91 du 04/06/1985 - 2 transcription : Morgane Marty

 

  Raymonde Carasco : Alors l’hypothèse qui est peut-être un peu vide, un peu générale, mais enfin qui fait que ça permet au moins, de tenir le texte de Barthes et de le faire tenir ... mon hypothèse ce serait que en fait le filmique n’a pas du tout, n’a rien à voir, avec le cinéma, qu’on définirait donc, d’abord, par l’image-mouvement comme art spécifique et comme image spécifique. Donc ça n’a rien à voir avec le cinéma, c’est pas une image-cinéma. Ce n’est pas non plus réductible purement et simplement à la photographie, puisque on parle, on peut parler par le langage - c‘est important la façon dont on nomme les choses - c‘est un photogramme, ce n’est pas une photographie. Donc il est un élément, à la fois quelconque et pas quelconque, d’une série de photographies. Alors bon, on peut pas le rabattre purement et simplement sur la photographie, puisqu’on dit photogramme et que le photogramme appartient à une série de photographies qui définit le cinéma. Mais c’est pas ça qui nous paraît important. Ce qui nous paraît important aujourd’hui et fait tenir le texte de Barthes - c’est dit aussi dans le texte de Barthes, hein - c‘est pas sur interprété, c‘est que finalement, ce dont Barthes parle, c’est du texte. Sous le terme de filmique, il parle effectivement d’un autre texte. Ça a plus à voir avec l’écriture que avec le cinéma ou la photographie. Que c’est l’élément dans le cinéma qui relève de quelque chose que lui appelle le texte, que Blanchot ou Duras appellent l’écriture, qu’on pourrait appeler la cinématographie, bon. Donc ça ce serait donc un second, une seconde réponse. Alors là où je pense - où je suis entièrement d’accord avec vous, c’est disons, disons sur l’image-temps. C’est -à- dire que je ne pense pas qu’il y est d’au-delà de l’image-temps. Ni d’en deçà ni d’au-delà. Et que finalement sous le terme de texte, il y a quelque chose peut-être à trouver - bon, je sais pas si c’est clair ?

-  (Deleuze ) - très, très clair. Enfin pour moi.

-  Raymonde - Ça c’est mon second point. Alors le troisième donc que je l’ai déjà dit, c’est que pour ma part, quand je vous aie vu commencer ce travail sur l’image-mouvement, au début souvent je me disais « non, ça va pas », hein, je résistais, il y avait des choses qui « ça va pas pour moi ». J’ajoute que je ne me suis jamais permis de juger, je ne me permettrai pas de juger, qui que ce soit ou quoi que ce soit. Mais je me suis dit, si il commence comme ça, il faut le laisser aller et j’avais l’impression que vous faisiez une espèce de fouille, d’archéologie, de travail de fouille. Et il va trouver quelque chose et de toutes façons, ça va aller quelque part. Enfin pendant deux ans, j’étais pas - même si je trouvais ça très beau de votre point de vue et dans votre logique, dans votre propos de construire une logique de l’image - j’avais des points de résistance, que j’ai exprimé, je crois, dans deux articles. C’est un moment comme ça où j’ai écrit, comme ça je me suis dit maintenant faut écrire, d’un côté c’est la façon finalement de voir où tu es par rapport à ça. Bon. Même si j’ai un propos qui est le mien, qui n’est pas le vôtre, qui est différent.

Ça c’était la première chose. La seconde : l’année dernière, en revanche, je dois dire que j’ai trouvé votre cours d’une beauté extraordinaire. Je parle de façon esthétique volontairement. J’ai eu le sentiment de la beauté l’année dernière sur tout le cours, sauf cette espèce d’assombrissement qui est arrivé au mois de mai, mais de lumière de ce cours. C’était un cours très lumineux et beau et à mon avis, c’est quelque chose comme un chef-d’œuvre au cours de l’année. Je parle dans la forme. Dans le cours, l’écoute, l’écoute d’un cours - ce qui était dit évidemment- quelque chose d’achevé, de lumineux et de beau. Bon. Et là, bon, je résistais, ça c’est encore un point de vue sur la coupure historique et je pense que ça c’est pas important. Que ça se passe après-guerre, et puis d’ailleurs vous le dites vous-même, que ça c’est une fausse question. Et cette année, cette année, cette année, j’ai eu l’impression - je vous l’ai dit je crois en début d’année - que vous re-ouvriez un chantier et il n’y avait donc pas cette espèce de splendeur de la forme, de lumière de la forme et puis il y avait l’année dernière. Et, j’ai trouvé qu’il y a des moments, par exemple quand on parlait de Metz - moi j’avais travaillé ça un moment - je me suis dit non non, je me suis dit jamais je reviendrai sur ce cas. Et donc j’ai souffert disons, je crois avec vous, en me disant : "quel courage il a", bon, de reprendre ça et puis de le tenir, de ne pas lâcher, enfin bon, de pas sauter. Et puis après, je crois d’ailleurs que je n’étais pas là, j’étais partie au Mexique, il me semble que vous avez arraché à ça, l’acte de parole et que ça c’est fondamental. Enfin bon pour revenir, enfin de mon point de vue, c’est que finalement ... finalement - bon alors ça m’a éclairci pas mal de choses, c’est à dire, je sais pourquoi l’image-mouvement ça m’allait pas tellement, c’est parce qu’en fait moi ce qui m’intéresse c’est de faire des films et que les films que je peux faire, ça n’a rien à voir avec euh... le parlant, avec le cinéma hollywoodien et qu’en plus ce cinéma-là je ne l’ai jamais bien compris. Donc c’est ma propre cécité là comme ça. Des blocs de cécité. Des choses qu’on peut pas voir parce que bon, on n’a pas le temps. On peut penser à les voir mais on n’y pense pas. Donc c’est mon, ma propre cécité .
-  Voilà pourquoi est-ce que je disais ... (inaudible)

Évidemment cette année je suis ,enfin bon je trouve que c’est absolument indubitable je veux dire que il y a une sorte, il y a des vérités quand même en philosophie. A savoir que la question de la coupure irrationnelle et de la coupure rationnelle, un deux modes de montage disons. Et aussi bien à l’intérieur même de l’image visuelle ou du rapport image-son et image euh... bon ça je crois que c’est quelque chose que vous avez trouvé, que vous avez construit comme concept. Et pour ma part, ça c’est quelque chose de tout-à- fait... bon, c’est quelque chose qui fait partie de la pensée du, c’est la pensée du cinéma, et c’est un concept qu’est pas, enfin, qui n’est pas entamable.

Gilles Deleuze : c’est important là ce que vous dites, parce que pour moi, c’est l’essentiel de ce qu’on a fait cette année. C’était la pointe en fonction de laquelle tout se distribue. Si vous avez le sentiment que ça, ça marche, c’est pour moi très important. Parce que, tout finalement, je vous dirai, c’était le centre de notre travail cette année.

R C - Moi à partir de ça, je suis obligé de, de vous suivre si vous voulez, à partir des ouvrages uniquement.

G Deleuze- je suis un peu obsédé par-là, je me raccroche à ce que vous venez de me dire, par des textes de Syberberg qui - je vous dirais après ce que je vous propose. Mais Syberberg, il n’y va pas de main morte, hein ! Tout le monde sait, bon c’est son affaire hein, .. qu’il a avec Hitler, les rapports euh extrêmement malgré tout, extrêmement ambigus. Comme le remarquait, comme le remarquait Biette dans un article très bon article sur Syberberg , ce qui est quand même gênant à chaque fois que Syberberg parle de Hitler, ce qu’il condamne formellement dans Hitler c’est la manière dont il a traité les morts. Mais c’est pas la manière dont il a traité les vivants. Alors ce qui choque Syberberg, c’est par exemple qu’il ait fait subir, que Hitler ait fait subir à Wagner tel, un tel traitement. Ou bien qu’il ait brûlé les œuvres de tel grand auteur mort. Mais que Schoenberg soit condamné par Hitler. On croirait que euh... donc c’est ambigu. Mais si vous voulez, si je prends la succession des trois grands livres sur le cinéma - je crois ne pas me tromper sur les dates :

-  1933 : Kracauer. Kracauer est un tenant de l’Ecole de Francfort ( il épelle) k-r-a-c-k-a-u-e-r, et fait - je crois bien en 33 - un livre célèbre de "Caligari à Hitler", où il montre que le cinéma expressionniste allemand est un long pressentiment, il invoque l’âme allemande et comment l’âme allemande se réfléchit dans le cinéma expressionniste sous la forme d’un pressentiment, d’une montée d’un quelque chose comme l’hitlérisme. Mais il en reste à un point de vue que je dirais... c’est un livre très, très intéressant. Il a paru, la traduction a paru dans "L’Age d’Homme" et ça a été la première étape de, je crois, d’une analyse très importante, mais je dirais que l’analyse de Kracauer reste encore extrinsèque. Je veux dire, il s’agit de montrer comment le cinéma "reflète" d’une certaine manière, l’aventure de l’âme allemande. Aventure qui devait aller jusqu’à la prise de pouvoir d’Hitler.

-  Deuxième grand texte, 1936, Walter [Bènyamine] ou Benjamin, comme vous voulez, sur "les arts de reproduction" où là d’une manière où, si on avait à parler de tout ça j’en parlerai plus longtemps mais - où il définit une tendance de l’art moderne, comme l’art de reproduction en masse. Un tableau nous dit-il n’est pas reproduit en masse, la musique n’est pas reproduite en masse. Avec l’époque moderne voilà que l’art, où ce qui se présente comme art, devient objet d’une reproduction en masse. Donc il ne définira pas le cinéma par l’image-mouvement, il le définira par - comme la photo, comme le disque - il le définira par l’art de reproduction. Là il y aurait beaucoup à dire, c’est-à-dire là, je me sens profondément en désaccord avec cette définition. Mais peu importe, c’est la seconde étape, car ce que Benjamin montre, d’une manière très forte là, c’est que l’art de reproduction en masse trouve son objet suprême dans la reproduction "des" ""masses. Et là, il passe d’un sens à l’autre du mot masse, la reproduction "en" masse trouve son objet dans une reproduction "des" masses : grandes manifestations, meetings, grandes manifestations sportives, meetings politiques, grands défilés, fêtes ou pseudo-fêtes populaires et enfin, l’art des masses par excellence : la guerre. Et il lance sa grande formule qui est une formule de provocation : c’est évidemment Hitler qui a poussé le plus loin cette identité de l’art de la reproduction "en" masse et l’art de la reproduction "des" masses. Si bien qu’il va pouvoir définir le nazisme ou le fascisme en général, sous la forme suivante : c’est la politique devenue art, c’est la politique devenue art. Et on voit très bien ce qu’il veut dire. On ne peut pas prêter à Benjamin les équivoques de Syberberg.. euh... l’anti-hitlérisme de Benjamin n’est pas... il veut dire, il cite toutes sortes de thèmes des futuristes italiens, la politique comme art moderne. Et il dit : bien oui l’art moderne, il se réalise dans les grandes réunions de Nuremberg. La politique est devenue art. Et, il termine son très bel article par la formule « quand la politique est devenue art, Il n’y a plus qu’une chose à lui opposer, que l’art à son tour, devienne politique. ». Bon c’est à dire... il n’y a plus qu’à opposer Brecht quoi. Bien. En un sens il a un progrès par rapport à Kracauer, il y a un progrès très net puisque Benjamin se place du point de vue de l’intérieur du cinéma. Il nous dit finalement, quand l’art est devenu art de reproduction, son véritable objet c’est la reproduction des masses elles-mêmes, c’est à dire, les grandes manipulations d’État. Dont Hitler a donné le signal. C’est donc cette fois-ci un point de vue intrinsèque.

Troisième stade, la reflexion de Syberberg qui m’intéresse beaucoup. Elle est très bien repris par Daney dans son livre "La Rampe". Hitler comme cinéaste, Hitler comme cinéaste. Et qu’est-ce que ça veut dire Hitler comme cinéaste ? Le film de Syberberg : Hitler - sous-titre - "Un film en Allemagne" alors ça veut dire quoi ? Ça veut dire que Hitler va être attaqué mais va être attaqué en tant qu’homme. On l’attaque dans un documentaire comme on l’a attaqué dans, à travers des documents d’archive. On va l’attaquer sur le terrain même du cinéma. D’où l’ambiguïté de Syberberg . C’est comme cinéaste, disposant - alors il va jusqu’à dire, cinéaste disposant de moyens inouïs, et pourtant mauvais cinéaste. C’est comme à la fois grand et mauvais cinéaste, que Syberberg va s’en prendre à Hitler et ça va être l’objet du film "Hitler" où un des objets du film de Syberberg, "Hitler". Et qu’est ce qu’il veut dire ? c’est, vous savez, le vrai aboutissement d’Hitler, ou bien, la vraie expression d’Hitler, c’est Leni Riefenstahl, vous savez qui était Leni Riefenstahl ? C’était la cinématographe attitrée d’Hitler. Elle fit de nombreux films. Et là on peut pas dire, contrairement au cinéma nazi, que, contrairement au cinéma hitlérien en général, on peut pas dire que c’était médiocre. Elle disposait d’abord de moyens fantastiques. Quand elle filmait les jeux olympiques ou quand elle filmait Nuremberg. A croire que, comme dit Syberberg, que Hitler ne faisait Nuremberg que pour que Leni Riefenstahl le filme. L’art de reproduction en masse devenu l’art de reproduction des masses.

Alors bon. Mais, il va plus loin. Il dit tout ça, c’est la faute de l’image-mouvement. C’est la faute de l’image-mouvement. Tout ça c’est l’aboutissement de l’image-mouvement, bon. C’est pour ça qu’il me parait aller plus loin que Benjamin. C’est pas parce que c’est l’art de reproduction. C’est parce que c’est l’art de l’image-mouvement. Leni Riefenstahl touche jusqu’au bout le mouvement dans l’image, la mobilité de la caméra, et le montage. C’est à dire, je crois - historiquement ce serait vrai - elle touche jusqu’au bout, le cinéma de l’image-mouvement. C’est à dire elle fait concurrence avec Hollywood et on l’a vu cette année quand on parlait d’un livre de Virilio, qui est très, il me semble, qui sur ce point s’inspire beaucoup et de Benjamin et de Syberberg, lorsque Virilio dit : bien oui, il y a toujours eu un point très curieux, c’est que jusqu’à la fin du nazisme, Goebbels voulait rivaliser avec Hollywood. C’était une espèce d’obsession du ministre de la culture et de la propagande, c’était : battre Hollywood sur son propre terrain. Alors, qu’est-ce que ça nous donne ? L’image-mouvement se serait développée à travers tout un âge qui serait l’avant-guerre et aurait donné les grandes mises en scène d’Hollywood et aurait donné parallèlement le frère inquiétant d’Hollywood - pour ne pas les comparer - mais le double inquiétant d’Hollywood, les grandes manipulations d’état, la grande mise en scène hitlérienne. Est-ce que c’est ça ? est-ce que c’est pas ça ? En tous cas c’est la guerre qui d’une certaine manière a sonné le glas de ce cinéma. Et le thème de Syberberg est exactement celui-ci. Quand le cinéma est reparti après la guerre, ça ne pouvait plus être sur la base. Là si vous voulez, il me donne raison par un tout autre raisonnement que ceux nous avons suivi ici, on arrive à un résultat semblable c’est pour ça que je vous raconte ça à la suite de ce que vient de dire Raymonde (Carasco) quand elle disait d’une certaine manière, il faut commencer par l’image-mouvement pour comprendre le cinéma. Mais enfin je crois que la notion d’image-mouvement est beaucoup plus riche que la notion d’image reproductible. Que l’idée de la reproduction chez Benjamin, elle n’est pas, elle n’est pas une très bonne idée, mais celle de l’image-mouvement qui a comme aboutissement, il a un point commun, l’art de reproduction pour Benjamin a pour aboutissement la reproduction des masses, c’est-à-dire le nazisme. Syberberg nous dit le cinéma de l’image-mouvement a pour aboutissement Leni Riefenstahl et son maitre derrière elle, c’est-à-dire Hitler. Bon.

Alors, quand le cinéma va reprendre, là toutes les raisons extrinsèques et intrinsèques. Extrinsèque : la guerre qui s’est passé ; intrinsèque : la nécessité d’inventer un nouveau cinéma. Mais va précisément se passer sous quelle forme ? C’est là que c’est assez intéressant ce que dit Syberberg. Il dit exactement ceci, il dit : mais il y avait des puissances que le cinéma de l’image-mouvement, que le cinéma de l’image-mouvement n’avait pas eu le temps, dans sa course au tombeau - c’est comme si le cinéma de l’image- mouvement, ce tombeau serait le tombeau d’Hitler. Une idée bizarre, complétement biscornue, tout ça, mais il y a quelque chose à en tirer, euh ! c’est de la métaphysique allemande. Alors il dit, mais dès le début, il y a avait des puissances du cinéma qui ont été complètement écrasées par l’image-mouvement. Et qu’est-ce que c’est que ces puissances ? Il les site : la projection et la transparence. Si je comprends bien il ne le cite pas mais c’est un clin d’œil à Méliès... la projection et la transparence. Or, il veut dire la projection - vous me direz, qu’est-ce que ça veut dire la projection a été sacrifiée ? - il veut dire, au sens très précis où il l’emploie, ce qu’on appelle la " projection frontale". Et qui a été obtenue par euh... on verra, là j’ai pas envie d’expliquer pour le moment, on verra ce que j’ai à vous proposer tout à l’heure. Mettons que la "projection frontale" soit un mode de projection particulier. Qui en effet a servi à Hollywood à un certain moment et puis a été abandonnée complètement, et que Syberberg a perfectionné et ressuscité. Il procède par projection frontale. Et il explique avec diapositive, avec transparence. Et il explique, (.), l’art de la projection frontale implique une subordination du mouvement à quelque chose d’autre.

On retrouvera pleinement, j’ajoute, chez Syberberg, notre question de la dissociation de l’image-visuelle et de l’image-sonore. On la retrouvera de mille façons. Enfin de plusieurs façons. On la retrouvera de plusieurs façons, notamment la théorie de Quentin qui consiste en une projection euh... de transparence. Toute sa théorie des pantins ou des marionnettes, est très proche de ça. C’est pour ça que je parle déjà d’un clin d’œil à Méliès. Donc il s’agit de ressusciter ces puissances qui ont été écrasées par l’image-mouvement. Or, dit-il ces puissances impliquent que le mouvement, ou bien disparaisse, au niveau d’une certaine immobilité de la caméra. Le plus souvent- je dis le plus souvent, pas toujours - le plus souvent exigé par la projection frontale, soit au niveau de l’image même, une raréfaction du mouvement, que le mouvement soit lent et toujours contrôlable. C’est donc nettement le mouvement, le thème de Syberberg, le mouvement, la projection et la transparence comme moyens qui ont été sacrifiés par l’image-mouvement assurent au contraire, le renversement de la subordination, c’est à dire le mouvement doit être subordonné et ne doit en subsister que ce que laissera le nouveau type d’image. Et le nouveau type d’image, bien sûr c’est cette dissociation image-sonore /image-visuelle mais, plus profondément c’est quoi ? Plus profondément c’est au service de quoi, cette dissociation est, à savoir, le cycle. Le cycle irrationnel. Le cycle irrationnel est un terme que Syberberg emploie tout le temps, toute sa pensée consiste à dire ce que l’Allemagne met au monde, c’est l’irrationnel. Mais voilà que Hitler a capturé l’irrationnel allemand pour en faire l’abjection même - mais il ne cesse de dire : ce qu’il faut opposer à Hitler, c’est pas la raison, c’est l’irrationnel que Hitler a capturé. Ce qui revient un peu, ce qui prend parfois la forme d’une platitude, à savoir ce qu’il faut opposer à Hitler c’est, non pas les statistiques, mais c’est Wagner et Mozart. La question qu’il trouble le lecteur : c’est evidament est-ce que ça suffit ? C’est pas le problème. Reconquérir l’irrationnel. Et ça se fait comment ? Je dis : le circuit irrationnel de l’image-sonore et de l’image-visuelle. Là aussi ça sera quoi ? Chez Syberberg, ça va culminer avec une phrase qui est une phrase authentique de Parsifal, du livret de Parsifal.. ou chez Wagner. Lorsque le vieux chevalier mène Parsifal, Parsifal le niais, le jeune homme niais, mène Parsifal le fou, Parsifal le niais, à travers les paysages qui sortent de la tête, de l’immense tête de Wagner. Qu’est-ce que le vieux chevalier dira, qu’est-ce que le vieux chevalier dira ? Ici, ici l’espace nait du temps : ici l’espace nait du temps, formule splendide de Wagner qui équivaut exactement à la formule de Shakespeare : « le temps sort de ses gonds » car le temps sort de ses gonds, ça veut dire, le temps ne sera plus subordonné à l’espace et ne sera plus un moyen de mesurer l’espace. Tout comme ici, l’espace naît du temps, sort du temps. Ça signifie, on renverse le rapport. De l’image-mouvement et de l’image-temps, voici venir l’image-temps. Trop tard, trop tard... Il y a qu’un thème commun entre Syberberg et Visconti, c’est le "trop tard". C’est un trop tard tellement intense et tellement poétique. "Trop tard" parce que le monde est fini. L’âme allemande n’est pas optimiste, l’irrationnel allemand ne nous apporte pas les consolations de la vie. Trop tard parce que le monde est fini, trop tard et en même temps ce trop tard, c’est la rédemption. Je dis c’est la seule ressemblance avec Visconti, parce qu’une autre année, j’avais fait une analyse de Visconti où j’avais essayé d’insister sur le caractère lancinant du "trop tard" à travers tous les films de Visconti. Comme une espèce de formation qui est au sommet de l’œuvre de Visconti. Trop tard. La découverte du beau se fait trop tard. Trop tard, trop tard. Ce qui est pas, ce qui est pas toujours une chose triste. Trop tard. La révélation du beau. trop tard pour le musicien de "Mort à Venise", trop tard pour le collectionneur de "Violences et passions". Trop tard partout. Chez Visconti. C’est le temps, vous comprenez pourquoi c’est pas triste ? C’est pas parce que le temps vient trop tard, c’est parce que le trop tard, c’est la prise de conscience du temps. Alors, peut être que le trop tard est rédempteur ! Trop tard, trop tard ! chantent les Dieux mais ils chantent trop tard en m’accueillant. Alors on ne sait jamais. Et chez Syberberg c’est pareil : trop tard. Trop tard après Hitler, trop tard. Mais si vous voulez, ce qui m’intéresse dans cette pensée de Syberberg, c’est que, il invoque parfois lui même "Caligari" - ça va de soit qu’il connaît le texte de Benjamin et le texte de Kracauer - c’était de Caligari, le premier ou l’un des premiers films expressionniste, à Hitler, comme personnage, et tout se passe comme si Syberberg voulait ajouter l’autre volet. De Hitler, Kracauer c’était : d’un film expressionniste à Hitler. L’autre volet ça sera de Hitler à un nouveau film. D’où le sous-titre Hitler, un film en Allemagne. D’Hitler à un nouveau film, qu’est ce qui autorise ce passage d’Hitler à un nouveau film ? C’est que Hitler doit être jugé par le cinéma, comme cinéaste. Or, à partir d’Hitler, le cinéma ne peut que le battre sur son propre terrain. C’est-à-dire, en retournant l’image-mouvement. En retournant l’image-mouvement, de telle manière qu’on voit surgir une autre image capable de rompre avec Hitler. Avec le fascisme du mouvement. Ça sera l’image-temps, ce sera la dissociation du sonore et du visuel. Dissociation du sonore et du visuel qui culmine Hitler par exemple, dans une scène et les scènes sont multiples. Dans la chancellerie déserte et détruite, tout d’un coup, donc, espace vide, la chancellerie déserte et détruite, ça c’est de l’espace vide, dans un coin, qu’on ne voit pas d’abord, s’élève la voix d’Hitler, et c’est des petits gosses qui se servent d’un vieux phono pour mettre un disque d’Hitler, qu’ils espèrent vendre aux touristes. Vous voyez la dissociation de l’image-visuelle devenue vide et de l’image-sonore, devenue acte de parole. Comment retourner l’acte de parole contre Hitler en même temps que les couches de l’image-visuelle, diapositives sur diapositives, s’enfoncent, s’enfoncent, s’enfoncent, et se recouvrent de décombres. Trop tard, ça veut dire : il y a trop de décombres. Et Hitler a trop capturé l’acte de parole. Mais, que le trop tard peut aussi être celui de la rédemption c’est : n’y a-t-il pas moyen de retourner contre Hitler l’acte de parole dont il s’est fait le tenant ? Il n’y a-t-il pas moyen, au-delà des décombres, de refaire surgir, non pas un monde, mais le corps visible, le corps visible d’un couple primordial, capable peut-être de créer un nouveau monde, si il est capable de "recevoir" l’acte de parole. D’où la grande découverte, la grande audace de Syberberg dans "Parsifal" à la fin, avoir fait deux Parsifal coexistant, un Parsifal mâle, un Parsifal garçon et un Parsifal fille qui sortent des décombres. Et qui sont aptes à recevoir - puisque c’est du play-back et encore du play-back où c’est pas le couple qui chante - mais c’est un play-back fantastique puisque les acteurs, les deux Parsifals sont dans tout leurs corps visibles. Vous voyez il n’y a pas réconciliation de l’image visuelle et de l’image sonore, mais dans leurs corps visibles, les deux Parsifals deviennent capables de recevoir, de recevoir. Et c’est ça l’opération du play-back, dans le cas spécial de Syberberg. C’est une utilisation qui est extrêmement originale. Ils ne miment évidemment pas, ils miment évidemment pas le chant. Pourquoi ? Parce qu’il y a une voix d’homme et un Parsifal fille, c’est pas ça. Ce qui est important c’est que dans leurs corps visibles et dans la totalité de leurs corps visibles ils deviennent capables de recevoir l’acte de chant. Et c’est cette réception qui va constituer le circuit, le circuit toujours irrationnel. Bon.

Alors je disais ça parce que je pense, plus que ça n’apparait, ça s’accroche un peu à ce que dit, moi je me dis en effet - regardez ce qui se passe pour un jeune ou jeune cinéaste aujourd’hui ? C’est bien évident que à moins de, et encore, même si ils veulent faire du commercial, c’est vrai que il n’a plus la même allure que...c’est plus la même manière de jouer. Même le cinéma très mauvais a subi ça. Euh... sinon, si il a encore du cinéma de l’image-mouvement, on peut pas dire, mais les jeunes cinéastes de l’image-mouvement, ils arrivent dans une situation où tous se retrouvent déjà devant cet acquis. Cet acquis qui n’a aucun lieu de ressusciter le cinéma de l’image-mouvement, que ça ne passe plus par là. Que ça passe par des choses tout à fait différentes qui sont des rapports visuel-sonore. Bon. Le rapport de deux images. Et que de toutes manières, à travers le cycle irrationnel des choses, des images sonores et des images visuelles, ce qui est présenté, c’est une image-temps. C’est-à-dire, elle était bête dès le début, la phrase la plus bête qu’on ait dite sur le cinéma, et qu’on n’a pas cessé de dire sur le cinéma c’est que l’image cinématographique était au présent. Et encore une fois je le disais pour récapituler ce qu’on a fait cette année, c’est une idiotie qui a compromis il me semble toute compréhension du temps dans le cinéma.. Et qui a détruit la moindre réflexion et je veux dire, c’est tellement faux, c’est bête à pleurer. Car, encore une fois, je ne connais que Robbe-Grillet - tout le monde l’a dit, mais parmi les gens importants, il y a que Robbe-Grillet qui l’a dit : Oui oui oui, ça c’est vrai. L’image cinématographique, elle est au présent. Seulement quoi ? On oublie que Robbe-Grillet rit. Et je dois dire que Robbe-Grillet ne rit que lorsqu’il a intérêt à rire. 
Or, évidement Robbe-Grillet estime qu’il a un intérêt à rire parce que lui Robbe-Grillet est le seul auteur de cinéma à faire du cinéma au présent. Alors quand on lui amène - il était quand même pas complètement stupide- quand on lui amène une formule du type « l’image cinématographique est au présent » Robbe-Grillet dit je vous le fais pas dire, il sous-entend, lui, je suis le seul à faire du cinéma. Euh... il exprimera en même temps que la forme de l’image est au présent, puisque il lui faut des efforts insensés, pour constituer des images au présent, qu’il faut tout une technique spéciale et tout un cinéma spécial, à quoi vous reconnaissez que c’est signé Robbe-Grillet, que vous n’aimiez ou que vous n’aimiez pas. Précisément pour obtenir des images au présent. Si elle était au présent l’image cinématographique, il n’aurait aucune raison de se donner tellement de peine. Et ses films, qu’on les aime ou qu’on les aime pas ont une tournure très insolite.

Alors voilà ce que je voulais ajouter, ce que je vouais ajouter à ce que venait de nous dire ( ?) Parce que, voilà.. ouais. Voilà ce que je vous propose. Euh, donc, théoriquement c’était notre dernière séance. Mardi prochain je ne peux pas être là. L’autre mardi, je dois revenir tôt, donc je passerai ici. Pour ceux que ça intéresse, mais c’est pas du tout pour vous pousser à venir, hein ? Je passerai ici vers dix heures, dix heures et demie et euh si il y en a quelques-uns parmi vous, on verra un peu l’histoire de Syberberg, puisque j’avais laissé tomber Syberberg ou on continuerait si certains d’entre vous heu...Donc ça nous mettrait en 15, hein ? Pas la semaine prochaine, l’autre semaine..

Alors toi ? j’aimerais bien, toi ? T’avais quelque chose à dire, ou beaucoup de choses à dire ?

(Passage incompréhensible, la personne est trop loin de l’enregistreur)

-  Euh en fait, est-ce que vous pourriez m’expliquer, par rapport à ce que vous venez de dire, ??? ce qui a été dit par rapport à ??? 84-85 ?? je m’attacherai à deux références ??? et le ??? page 85-86 ??? entre pensée et cinéma. Et vous défendez ...

-  ouais, ouais.

-   ( ?) je laisse de côté l’image-mouvement, je passe à l’image-temps. D’un côté, pour la pensée, il était question d’un ( ?) Cette année, on a été au niveau de la pensée ( ?). Si je retiens ( ?) il a été aussi question, de la pensée ( ?) A côté il y aurait, l’art audiovisuel malgré la tentative d’élaborer le cadrage sonore. ( ?) disons, la question de l’image comme ( ?) en association avec l’acte de parole et le déploiement à la base de l’ordre et la ( ?) Je tiens à préciser que la circulation de la parole serait la nouvelle ( ?) du temps et ( ?) Le problème, c’est la filiation entre ( ?) Tu as évoqué pendant ton développement ( ?) et cybernétique. Malheureusement ( ?) qu’on ne serait pas toujours dans un rapport de ( ?) par rapport au temps. ( ?) Mais euh... sinon, est-ce que c’est l’image du temps qui ( ?) On est amené à re- commenter la philosophie parce que le temps a été commenté ( ?) est-ce qu’il y a quelque chose d’autre à prendre en compte ( ?) image-mouvement. ( ?) du côté de la pensée, il y a surement ( ?) l’a établi ( ?) concept de pensée ( ?) et la pensée elle-même serait en rapport avec son dehors. Je m’interroge seulement sur la question de la ( ?)

(coupure)

( ?)

G.D. : Hum... C’est très intéressant ce que tu dis mais ça met tout en jeu. Alors moi j’y répondrai, n’y vois absolument pas une critique, c’est très curieux mais j’ai le sentiment que tu as compris chaque chose, mais que tu n’as pas compris les rapports entre les choses. C’est-à-dire qu’en effet, tu comprends très bien chaque chose et que t’as pas compris l’ensemble. Mais il y a peut-être des raisons, c’est peut-être pas parce que t’as pas compris, c’est peut-être que mon ensemble était mal fait. Si bien que je ne te réponds pas en prétendant te donner une leçon. C’est comme si tu comprenais chaque partie et comme si tu mélangeais tout. C’est l’impression que m’a fait ton intervention. Alors je me dis presque, c’est peut-être ta formule. J’essaye de dire hein ? J’essaye de dire parce que tu as posé une série de questions. Je commence par l’automate. Il y a deux axes de référence sur cette notion d’automate et surtout faut pas les confondre. Automate, est considéré sous deux aspects garantis par la philosophie et la psychologie.

-  Tantôt c’est l’automate spirituel,
-  tantôt c’est l’automate psychique. Voilà. Ça, c’est une distinction. Comment fonder cette distinction ?

-  L’automate spirituel, très vieille expression, qui se trouve déjà dans la philosophie du XVIIe siècle, désigne, l’autonomie de la pensée. La pensée qui déroule l’ordre de ses propres idées. C’est ça l’automate spirituel. Donc, en un sens, c’est la pensée saisie dans l’autonomie de sa maitrise.

L’automate psychologique, c’est quoi ? Si vous voulez, l’automate, l’automate spirituel son modèle, ce serait la machine pensante. Dès le XVIIe il y a des textes de Leibniz sur ce point. L’automate psychologique c’est quoi ? C’est très différent.
-  L’automate psychologique, c’est une créature dépossédée, sans pouvoir de penser. C’est-à-dire, qui ne peut plus évaluer les données du monde extérieur parce qu’il obéit à une empreinte intérieure. Ce sera l’hypnotisé, le suggestionné, le magnétisé, le somnambule, tout ce que vous voulez. Bon.

Qu’est-ce qu’il y a de commun entre les deux automates ? Vous voyez bien qu’il y a une certaine indépendance par rapport au monde extérieur. L’automate spirituel est indépendant c’est pour ça, d’où le même mot automate.
-  L’automate spirituel est indépendant du monde extérieur puisque c’est la pensée qui accompli son autonomie et l’ordre rigoureux de ses démonstrations.
-  Et l’automate psychologique est lui-même indépendant du monde extérieur puisqu’il en est coupé, réduit à suivre une empreinte qu’un maitre a glissée en lui.

Je dis ce sont les deux figures de l’automate : l’automate psychologique et l’automate spirituel. IL y a toutes les transitions entre les deux. Tout autre axe de distinction. Il y a trois types d’automates, classiquement.
-  L’automate d’horlogerie,
-  l’automate moteur des grandes machines, des grandes machines motrices et, troisièmement,
-  l’automate informatique et cybernétique de notre époque. Revenons au cinéma, pour répondre à la première question.

Je dis le cinéma, plutôt que par l’art de reproduction, je le définirai par le mouvement automatique sous la première forme de l’image-mouvement. Et en effet, il est dominé par, ce que ne pouvait pas faire le théâtre, à savoir de vastes mouvements d’horlogerie et de vastes machines sensori-motrices. Soit sous forme de machines explicites, pensez à aux trains de l’école française, ou le train dans "La Roue de Gans" , ou le train dans " Bête humaine"de Renoir, ou bien encore les mécanismes d’horlogerie chers à l’Ecole française. Je dirai que c’est des automates de mouvement.

Après la guerre, nous nous trouvons face à deux possibilités, on est passé dans une ère du troisième automate : cybernétique ou informatique. Cela sous deux formes différentes : une forme extrinsèque qui nous intéresse pas beaucoup mais qui peut intéresser beaucoup de gens puisque elle met en jeu les effets spéciaux, à savoir, prenez comme exemple Kubrick, " L’Odyssée de l’espace", l’ordinateur géant, voilà. Mais même quand il n’y a pas ce recours à des machineries extrinsèques, le personnage de l’automate a changé. Pourquoi ? Parce-que l’automate ne se définit plus comme un cinéma d’avant-guerre par la motricité ou par rapport à la motricité, pensez à tous les automates du cinéma expressionniste, tous les automates psychologiques du cinéma expressionniste, c’est la motricité : le somnambule du docteur Caligari va se charger d’aller étrangler ou assassiner. C’est la motricité. Le robot de "Métropolis", tout ça. C’est du cinéma de motricité, c’est-à-dire de l’automatisme : et ça renvoie bien à une image-mouvement.

Dans les nouveaux automates, même quand ce ne sont pas des ordinateurs, mais quand ce sont des automates psychologiques tout, qui nous font un effet bizarre, mais il invoque rien de la technologie. Bresson, Resnais.  Je vous disais Resnais, les personnages de Resnais, c’est de véritables zombis. Mais quelle différence entre les zombis de Resnais et les zombis de l’Ecole expressionniste ? Les zombis se sont des morts-vivants. Euh. Quelle différence ? C’est que, vous n’oubliez pas que Bresson, il ne s’occupe pas de la technologie, il n’écrit pas sur les ordinateurs, il s’en fout. Mais en revanche, il réfléchit énormément sur l’automatisme. Et encore une fois, ce qu’il appelle le modèle, notion clé chez lui, est toujours, sans exception, rapportée à l’automate et à l’automatisme. Vous voyez "Notes sur le cinématographe".

Mais quelle révolution il fait subir, en quoi c’est moderne, bien qu’il ne fasse aucun appel aux machines modernes ? Ça reste moderne, ça reste complètement moderne parce que l’automate n’est plus du tout désigné par ce qu’il fait mais parce qu’il dit. Il est défini par rapport à l’acte de parole et pas par rapport à la motricité. Et c’est le traitement de la voix chez Bresson. A tort ou à raison, je ne pourrai m’expliquer que plus tard là-dessus. A tort ou à raison, je dis : vous avez une première période de l’automatisme spirituel et psychologique des deux, qui doit se comprendre en rapport avec l’image-mouvement. C’est les automates d’horlogerie, les automates moteurs, auxquels correspond un automate spirituel particulier. A savoir, le grand cercle de l’image-mouvement. Le cercle autonome de l’image-mouvement comme totem. Mais dans l’autre cinéma, dans le cinéma d’après-guerre - je dis, faites attention, là aussi vous retrouverez les deux sortes d’automates : l’automate spirituel et l’automate psychologique. Par exemple dans "Parsifal" de Syberberg, l’automate spirituel, c’est l’immense tête de Wagner d’où tout sort. L’automate psychologique, c’est le couple : Parsifal fille et Parsifal garçon.

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