Colloque
Université Rennes 1
14-16 mars 2012
Organisatrices :
Sandy Montañola, MCF, IUT Lannion, CRAPE (Université Rennes 1)
Aurélie Olivesi, ATER, Université Montpellier 3, LERASS (Université Toulouse 3)
Béatrice Damian-Gaillard, MCF, IUT Lannion, CRAPE (Université Rennes 1)
Présentation :
Le 19 août 2009, la sprinteuse sud-africaine Caster Semenya est devenue championne du monde du 800m à Berlin, réalisant la meilleure performance mondiale de l’année. Sa victoire a déclenché une polémique suscitée non seulement par ses résultats, mais également par son allure et son style de course, tous jugés très masculins. Après des tests de féminité qui révèleront l’intersexualité de l’athlète, l’IAAF (Fédération internationale d’athlétisme) authentifiera son identité féminine en autorisant son retour à la compétition le 6 juillet 2010. Le cas de cette sprinteuse est intéressant en ce qu’il met en lumière la difficulté à définir ce qu’est une femme, y compris dans sa dimension biologique. De plus, la médiatisation de cette polémique a inscrit la question de l’ambiguïté de genre au cœur de pratiques sociales et professionnelles dans lesquelles cette problématique n’est jamais soulevée.
Abordée conjointement d’un point de vue théorique et militant, la question du genre (au sens de gender, le sexe en tant qu’il est socialement construit) connaît un essor de plus en plus large, qui a entraîné les sphères légale, sportive ou sociale à renouveler ou préciser la définition de la féminité, de la masculinité, voire de leur pluralité, de leurs distinctions et de leurs rapports. Toutefois, l’étude du discours médiatique portant sur les rapports sociaux de sexe montre une résistance à remettre en cause une définition « traditionnelle » de la différence entre un homme et une femme. En effet, la polyphonie propre au discours médiatique (qui a pour locuteurs aussi bien des journalistes, des experts, des profanes, des hommes ou des femmes) révèle à la fois les réticences de certains acteurs sociaux à sortir du cadre des définitions de genre traditionnelles et la routine des pratiques médiatiques qui rendent difficile l’émergence de définitions renouvelées.
Cette difficulté est particulièrement manifeste dans la représentation des personnes contrevenant aux identités sexuelles fermement définies, ou aux rôles de genres traditionnels. Dans la mesure où la représentation médiatique des hommes et des femmes s’ancre sur des stéréotypes de genre ne correspondant ni aux pratiques sociales, ni aux définitions scientifiques et juridiques qui leur sont concomitantes, on peut parler d’une assignation de genre. C’est à travers les cas pouvant être considérés comme inhabituels, ambigus ou marginaux, que nous pourrons analyser dans quelle mesure la représentation des hommes et des femmes dans les médias relève d’une assignation de genre, qui parvient difficilement à rendre compte des situations contrevenant aux identités sexuelles fermement définies ou aux rôles de genre traditionnels, renvoyant ces cas à leur marginalité – que celle-ci soit valorisée ou, au contraire, dévaluée.
Si cette assignation de genre semble émerger de la polyphonie médiatique, il convient toutefois de s’interroger sur les décalages entre les différents médias, et entre les différents locuteurs de chaque média : le sexe et le genre sont-ils présentés de manière identique dans la presse généraliste, la presse sportive ou la presse féminine ? Tous les locuteurs des médias définissent-ils de la même manière ce qu’est un homme ou une femme ? Ces distinctions sont-elle également valides dans le cas de la représentation médiatique des personnes ne remplissant pas un rôle de genre traditionnel ou ayant une identité sexuelle indéfinie ? La même personne fait-elle le même usage de son genre en fonction du média dans lequel elle s’exprime ? Quel rôle joue le corps dans ces définitions médiatiques du genre ? Quel est le lien entre l’assignation de genre et l’expression de normes corporelles ? Quel(s) corps normé(s) trouve-t-on dans les médias ? Inversement, nous nous intéresserons à la manière dont on peut trouver un dépassement de ces assignations de genre dans les médias.
Nous ne souhaitons privilégier aucun type de média ni aucun type de programme ou de genre journalistique en particulier (information, publicité, fiction, aussi bien dans la presse écrite, qu’à la télévision, la radio ou sur Internet). De la même manière, les terrains d’observation les plus variés seront les bienvenus, qu’il s’agisse du sport, de la politique, de l’économie ou du spectacle - dans cette perspective, le comité scientifique regroupe des chercheur-e-s travaillant dans les champs disciplinaires de la biologie, des STAPS, des SIC ou encore des sciences politiques.
Notre réflexion s’articulera autour de trois axes principaux.
Axe n°1 : Médias et identités de genre indéfinies
Le premier axe s’attache aux problématiques soulevées par la représentation médiatique des personnes qui contreviennent aux identités sexuelles facilement définissables, comme les personnes intersexuées ou transgenre. Notre questionnement portera notamment sur la figure de Caster Semenya, championne du monde d’athlétisme en 2009 : en quoi la représentation médiatique de cette athlète reflète-t-elle un figement des stéréotypes de genre ? La représentation du genre indéfini est-elle différente en fonction du type de média ou du locuteur ? Comment cette représentation s’inscrit-elle dans la polyphonie du discours médiatique ? L’identité sexuelle de ces personnes est-elle normalisée ou marginalisée dans les médias ?
Axe n°2 : Le genre du corps dans les médias
Le deuxième axe de notre réflexion se donne pour objet la manière dont le genre s’appréhende de manière différente en fonction du type de média, avec pour point d’ancrage le corps. Ce dernier, notion pivot entre sexe et genre, soulève de nombreuses questions de recherche. L’assignation de genre dans les médias passe notamment par l’évocation du corps des hommes et des femmes - de l’expression de la déviance par rapport à une norme corporelle à l’investissement stratégique et symbolique du corps par les personnes représentées (hommes et femmes politiques, comiques). On s’interrogera notamment sur la différence en fonction des médias : la même personne donne-t-elle une importance et une définition différentes à son genre en fonction du média dans lequel elle s’exprime ?
Axe n°3 : Médias et rôles de genre « inhabituels »
On s’intéressera, dans un troisième axe, à la représentation médiatique des personnes (hommes et femmes) n’occupant pas leur place de genre traditionnelle : femmes dirigeantes, ou exerçant des fonctions traditionnellement masculines, hommes de ménage, princes consorts, « first gentlemen »… L’émergence de femmes dans des positions de pouvoir rend de plus en plus fréquentes les questions sur la place de leur compagnon. Inversement, les difficultés économiques amènent de plus en plus d’hommes à exercer des fonctions subalternes traditionnellement exercées par des femmes ou à se voir privés de travail, élément traditionnellement constitutif de l’identité masculine. Il s’agit d’examiner dans quelle mesure les médias parviennent ou non à rendre compte de ces positionnements inhabituels. Sont-ils soulignés ou occultés ? Valorisés ou dévalués ?
Informations pratiques :
Les propositions de communications doivent être envoyées à l’adresse mail suivante :
assignation.genre@gmail.com avant le 15 septembre 2011 (date limite).
La proposition devra comporter : Nom, prénom, coordonnées, université et laboratoire de rattachement, le titre de la communication ainsi qu’un résumé (maximum 600 mots).
La proposition doit être rédigée en Times New Roman, taille 12, interlignage double. Le document aura pour titre le nom de l’auteur. Réponse aux auteurs le 1er décembre 2011.
Elles donneront lieu à une publication après avis du comité scientifique. Une version finale de la communication sera attendue pour le 30 juin 2012.